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19/05/2023 | FRANCE | N°21/01837

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 19 mai 2023, 21/01837


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 21/01837 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOSB





[U]



C/



S.A.S.U. CONTINENTALE DE CROISIERES







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 17 Février 2021

RG : 18/00524



COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 19 MAI 2023







APPELANT :



REMI [U]

né le 26 Mai 1972 à [Localité 7

]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représenté par Me Jean-yves DIMIER de la SELARL JEAN-YVES DIMIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE







INTIMÉE :



Société CONTINENTALE DE CROISIERES

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Elodie BAROU...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01837 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOSB

[U]

C/

S.A.S.U. CONTINENTALE DE CROISIERES

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT ETIENNE

du 17 Février 2021

RG : 18/00524

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 19 MAI 2023

APPELANT :

REMI [U]

né le 26 Mai 1972 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Jean-yves DIMIER de la SELARL JEAN-YVES DIMIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Société CONTINENTALE DE CROISIERES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Elodie BAROU de la SCP DESBOS BAROU & ASSOCIES, avocat postulant du barreau de LYON, et Me Blandine DUTILLOY de la SELARL SHUBERT COLLIN ASSOCIES, avocat plaideant du barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Février 2023

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Vincent CASTELLI, conseiller

- Thierry GAUTHIER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 19 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Fernand CHAPPRON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société CONTINENTALE DE CROISIÈRES (ci-après la société) est une société qui a pour activité l'achat, la location et l'exploitation de tous bateaux à usage d'habitation et de tourisme et l'organisation du transport, de l'hébergement et de la sustentation des voyageurs sur les voies d'eau françaises.

En France, elle organise plus précisément des croisières fluviales sur [Localité 4], [Localité 6] et [Localité 5] et propose des formules d'accueil, logement, restauration à bord des bateaux et des excursions extérieures. La société est plus précisément en charge de l'organisation des croisières sur [Localité 6] et [Localité 5].

Monsieur [Z] [U] (ci-après Monsieur [U] a été engagé par la société, selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 novembre 2015, en qualité de Surintendant Nautique / Technique pour l'ensemble de la flotte France, statut Cadre, coefficient VI de la convention collective de la navigation intérieure.

Par avenant au contrat de travail en date du 12 septembre 2016, les parties ont convenu de ce que ce salarié "depuis le 15 avril 2016 est amené à apporter un soutien opérationnel en naviguant régulièrement en tant que 1er capitaine sur les bateaux de la flotte", cela en cumul avec ses fonctions de Surintendant Nautique / Technique.

Le 30 mai 2017, le dit salarié a été convoqué à un entretien préalable à licenciement, fixé au 9 juin 2017 ; il était mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 16 juin 2017, la société a notifié à celui-ci son licenciement pour faute grave.

Par requête en date du 5 novembre 2018, Monsieur [Z] [U] a fait convoquer son ancien employeur à comparaître devant le conseil de prud'hommes de Saint Etienne, afin de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de voir condamner la société en conséquence à lui verser des dommages-intérêts, une indemnité de préavis outre congés payés afférents, une indemnité légale de licenciement, des salaires afférents à la période de mise à pied conservatoire, outre congés payés afférents et une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ainsi, qu'un rappel de salaires et congés payés afférents.

Il a sollicité également la condamnation de la société à lui remettre des documents sociaux conformes au jugement à venir.

La société a déposé une plainte pénale, le 26 juin 2017, contre Monsieur [U], plainte à laquelle s'est associée le 7 juillet 2017, la société GCCL (France) Fleet Management, notamment pour des faits relatifs à des prestations fictives non réalisées et qui lui ont pourtant été facturées.

Après une enquête préliminaire réalisée sur ordre du Procureur de la République, Monsieur [U] a été cité à comparaître devant le Tribunal Correctionnel de Saint-Etienne par le dit procureur, du chef d'escroqueries.

Par décision en date du 2 avril 2019, le Tribunal correctionnel de Saint-Etienne a renvoyé Monsieur [U] et la société Atelier des 3 Mondes des fins de la poursuite et a débouté les parties civiles de leurs demandes, du fait des relaxes prononcées.

Les parties civiles ont interjeté appel du dispositif civil de ce jugement le 10 avril 2019 et la 7ème chambre correctionnelle de la cour d'appel de Lyon, dans son arrêt du 16 décembre 2021, a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles, rejetant l'ensemble des demandes des parties civiles.

Par jugement du 17 février 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne a, quant à lui :

"- dit que le licenciement notifié au salarié le 16 juin 2017 est fondé et repose sur une faute grave';

- débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes';

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires';

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire';

- condamné le salarié au paiement des dépens.

Monsieur [U] a relevé appel du jugement le 11 mars 2021.

Parallèlement, la société a déposé une plainte pénale contre ce dernier le salarié le 26 juin 2017, plainte à laquelle s'est associée la société GCCL France Fleet Management qui a porté plainte contre X, pour des faits relatifs à des prestations fictives non réalisées et facturées.

Le salarié a été cité devant le tribunal correctionnel de Saint-Étienne pour le chef d'accusation d'escroquerie. La société a ensuite délivré une citation directe à la société Atelier des 3 mondes.

Par jugement en date du 2 avril 2019 le tribunal a prononcé la relaxe du salarié pour les délits reprochés ainsi que la relaxe de la société Atelier des 3 mondes et a rejeté l'ensemble des demandes formulées par les parties civiles.

Les parties civiles ont interjeté appel du dispositif civil de ce jugement le 10 avril 2019 et la 7ème chambre correctionnelle de la cour d'appel de Lyon, dans son arrêt du 16 décembre 2021, a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles, rejetant l'ensemble des demandes des parties civiles.

Dans ses conclusions notifiées le 30 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, Monsieur [U] demande à la cour de':

- infirmer le jugement du 17 février 2021 du conseil de prud'hommes de Saint-Étienne en ce qu'il a :

' dit le licenciement notifié au salarié le 16 juin 2017 fondé et reposant sur une faute grave,

' débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes,

' condamné le salarié au paiement des dépens,

Et statuant à nouveau,

- juger le licenciement du salarié dépourvu de toute faute grave et de toute cause réelle et sérieuse.

- condamner en conséquence la société à payer au salarié les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter du jugement à intervenir pour les créances indemnitaires :

' 33 305,04 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de toute faute grave de toute cause réelle et sérieuse,

' 16 652,52 euros bruts au titre de l'indemnité de préavis,

' 1 665,25 euros bruts au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis,

' 1 757,77 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

' 3 171,41 euros bruts au titre du paiement de la mise à pied conservatoire,

' 317,14 euros bruts au titre des congés payés afférents à la mise à pied à titre conservatoire,

' 33 305,04 euros nets au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

' 35 597,50 euros bruts au titre de rappel de salaire pour la période du 15 avril 2016 au 30 mai 2017,

' 3 559,75 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaire pour la période du 15 avril 2016 au 30 mai 2017,

' 13 502,50 euros bruts au titre de rappel de salaire pour la période du 4 novembre 2015 au 15 avril 2016,

' 1 350,25 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaire pour la période du 4 novembre 2015 15 avril 2016

- enjoindre à la société à remettre au salarié l'attestation destinée à Pôle emploi, le certificat de travail, le bulletin de salaire du mois de juin 2017 conformes à l'arrêt à intervenir,

- condamner la société à payer au salarié la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Il fait valoir que':

- les faits visés dans les infractions ayant fait l'objet d'un jugement de relaxe sont ceux visés dans la lettre de licenciement'; que la 7ème chambre de la cour d'appel de Lyon statuant sur intérêts civils a confirmé ce jugement et rejeté les demandes présentées notamment par la société jugeant qu'aucune faute civile n'avait été commise;

- la société n'apporte pas la preuve des faits reprochés; que les travaux facturés ont été réalisés et étaient validés par ses supérieurs hiérarchiques et la société disposait des moyens de contrôle pour ses factures'; que malgré l'enquête policière ayant précédé le jugement correctionnel, aucun élément n'a permis de démontrer qu'il aurait détourné de l'argent ou aurait encaissé de l'argent, même de manière indirecte, appartenant à la société'; que le jugement correctionnel a ajouté des dates et cité des éléments qui ne figuraient pas dans la lettre de licenciement,

- s'agissant du troisième motif visé dans la lettre de licenciement, la transmission des documents ne pouvait pas être faite avant puisqu'il naviguait et la société a attendu 10 ans pour demander les certificats en urgence,

- son licenciement datant du 16 juin 2017, les dispositions prévoyant un barème d'indemnisation n'étaient pas entrées en vigueur et ce sont les dispositions antérieures prévoyant une indemnisation minimale de 6 mois de salaire qui s'appliquent'; qu'il avait une ancienneté de 1 an et 7 mois à la date de son licenciement,

- il a subi un préjudice moral du fait de ces accusations infondées,

- la société n'a pas respecté le contrat de travail dans la mesure où il a exercé deux fonctions celle de surintendant technique et nautique, pour laquelle il a été initialement embauché, et celle de 1er capitaine sur le bateau « Provence » dès son embauche, cumulant ainsi deux emplois, mais n'a pas été payé pour ses fonctions de 1er capitaine'; qu'elle lui a ensuite fait signer un avenant rétroactif au 15 avril 2016 mais contraire aux dispositions de la convention collective applicable'; que les fonctions de surintendant visées dans son contrat n'étaient pas subordonnées à un nombre de bateaux';

- la société était informée de cette situation de cumul d'emplois et l'a reconnue mais ne l'a pas rémunéré pour sa fonction de 1er capitaine de manière intentionnelle,

- la société a multiplié les recours pour essayer de justifier son licenciement pour faute grave.

Dans ses conclusions notifiées le 5 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de':

- recevoir la société en ses écritures et l'y déclarer bien-fondée ;

- confirmer en son entier le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne le 17 février 2021 ;

A titre principal,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié ;

En conséquence,

débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

À titre subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse ;

À titre très subsidiaire,

- dire et juger que le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse doit être limité à 2 mois de salaire';

En tout état de cause,

- le condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- le condamner aux dépens de l'instance.

La société fait valoir que':

- la décision de relaxe rendue dans le cadre du contentieux pénal est sans incidence sur la validité du licenciement pour faute du salarié puisque les faits intégrés dans la prévention ne sont pas identiques aux motifs visés dans la lettre de licenciement et qu'il existe un ensemble de faits non-concernés par cette décision'; qu'aucune qualification pénale n'est retenue dans cette lettre et son licenciement n'a pas été uniquement motivé par les détournements découverts, mais également par ses man'uvres pour dissimuler ses agissements et la désinvolture dont il a fait preuve dans l'exercice de ses missions,

- par ses fonctions, il bénéficiait d'une grande liberté dans le choix des fournisseurs et des réparations à effectuer et a profité de celles-ci pour détourner les fonds de la société au profit de prestataires notamment en facturant à la société une prestation fictive onéreuse ou pour son profit personnel en mettant en place un système de refacturation au bénéfice de son entreprise personnelle et en tentant de facturer à la société pour des travaux sur des biens personnels ; que sa hiérarchie n'était pas informée de ces agissements'; que lors de l'entretien préalable, il a reconnu les faits qui lui étaient reprochés et cet aveu a été ensuite confirmé dans le cadre de l'enquête pénale préliminaire,

- l'enquête préliminaire a permis d'établir la matérialité d'autres agissements fautifs de la part du salarié'; que le fait pour le salarié d'établir ou faire établir des fausses factures au nom de ses prestataires, en surfacturant des prestations et/ou en facturant de fausses prestations est constitutif de faux, d'usage de faux et d'abus de confiance susceptibles d'établir une faute civile justifiant son licenciement pour faute grave,

- elle a le droit d'invoquer devant le juge toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier le motif énoncé dans la lettre de licenciement,

- le salarié a fait preuve de mauvaise volonté à plusieurs reprises en retardant de manière volontaire des documents et des informations demandés en urgence par sa hiérarchie dans le cadre de ses fonctions de surintendant technique / nautique alors qu'il était le seul à les détenir'; qu'il était contractuellement responsable de leur mise à jour,

- s'agissant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ne démontre pas la réalité et le quantum du préjudice moral qu'il invoque et a reconnu avoir trouvé un nouvel emploi'; que le quantum qu'il demande est supérieur au montant prévu par le code du travail à l'époque des faits à l'article R1235-22-1 et en application duquel, il pourrait prétendre à 2 mois de salaire, compte tenu de ses 18 mois d'ancienneté à l'époque de son licenciement,

- il n'a pas pris le poste de 1er capitaine du Provence dès son embauche mais à compter du 15 avril 2016 compte tenu que l'activité des bateaux de croisière s'arrête chaque année entre mi-novembre et mi-mars'; que le fait que le salarié ait exercé les fonctions de 1er capitaine ne s'analyse pas comme un double emploi justifiant une rémunération complémentaire puisque ce sont des tâches supplémentaires qui lui ont été attribuées, initialement de manière temporaire mais, suite à sa demande, se sont pérennisées'; que ces fonctions supplémentaires sont justifiées par la réduction au cours de l'année 2016 de son périmètre d'intervention entraînant la réduction de ces fonctions de surintendant,

- son niveau de salaire perçu a été supérieur au cumul des minima conventionnels de ces deux postes et en réalité, ses fonctions de 1er capitaine ont pris une place prépondérante par rapport à ses fonctions initiales de surintendant, mais il a continué à percevoir sa rémunération de surintendant, de niveau supérieur à celle de 1er capitaine,

- concernant le travail dissimulé, il ne démontre pas la réalité du préjudice qu'il prétend avoir subi du fait du cumul des emplois et ne démontre pas le caractère intentionnel du défaut de paiement par son employeur d'un complément de salaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.

MOTIFS

Sur le bien fondé du licenciement

Le licenciement fondé sur une faute grave a une nature exclusivement disciplinaire.

La faute grave est "celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits. imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis." (Soc 26 février 1991, 88-44908).

La charge de la preuve de la faute grave, privative des indemnités de préavis et de licenciement, incombe à la l'employeur (Soc 21 novembre 1984, 82-43380).

La lettre de licenciement a été motivée en l'espèce comme il suit :

« Vous exercez depuis le 4 novembre 2015 les fonctions de surintendant nautique/technique pour l'ensemble de la flotte France.

Le 28 février 2017, Monsieur [T] [E], président Europe, Madame [L] [Y], manager monde de ressources humaines, et Madame [G] [R], superviseure ressource humaines France ont appris que vous aviez demandé, en tant que surintendant nautique/technique France au premier capitaine du MS Bizet de dire que « si quelqu'un de la compagnie (m') interrogeait, des plongeurs étaient bien intervenus pour réparer le tank (du bateau MS Bizet) par l'extérieur. »

Monsieur [T] [E], très surpris de cette informations alors missionnées Monsieur [I] [O], consultant navigation intérieure France pour la flotte GCCL, pour vérifier cette information auprès de vous et ce dès le 9 mars 2017. Monsieur [I] [O] a indiqué que vous lui avez bien confirmé que les plongeurs étaient intervenus.

Ceci dit, Monsieur [I] [O] a tout de même émis un doute sur le prix de cette intervention de plongeurs, qui lui semblait très élevé par rapport à la réalité du marché, qu'en qualité de surintendant nautique/techniques vous êtes à même de connaître.

La facture, émise par la société Ateliers des 3 mondes et que vous avez validée, a d'ailleurs fait l'objet d'une note de crédit de 7200 €, le gérant de cette société reconnaissant par e-mail en date du 16 mars 2017 que le coût de la prestation des plongeurs, facturér initialement 14 400 €, était effectivement trop élevé.

À ce stade, le doute de vos supérieurs hiérarchiques sur la réalité de l'intervention des plongeurs était donc écarté, et la question de son coût très peu compétitif soldée par cette note de crédit, votre hiérarchie ayant toute confiance dans votre bonne foi.

Cependant, d'autres problématiques ayant surgi dans l'intervalle, concernant notamment la qualité des prestations que vous aviez commandées à l'atelier des 3 mondes, une visite de la direction à bord des bateaux français des bateaux française a été organisée.

Le 28 mai 2017, veille de cette visite d'abord, vous avez rappelé le premier capitaine du MS Bizet, en lui demandant « de confirmer que des plongeurs (étaient) bien intervenus à plusieurs reprises en février ». Le premier capitaine n'a pas tenu compte de cette demande et a fait part de votre appel à la direction dès son arrivée à bord le 29 mai 2017. À la demande de la direction, le premier capitaine et le premier capitaine Relève ont alors fait appel à une société extérieure sans lien aucun avec le groupe Grand Circle pour une contre-expertise. Il a alors été établi qu'aucune trace de travail subaquatique n'était visible sous la coque du bateau MS Bizet.

Cette nouvelle information a conduit la direction à étudier de nouveau la facture établie par l'atelier des 3 mondes et que vous aviez validée. Il est ainsi apparu que l'atelier des 3 mondes fait apparaître sur la même facture 4030 € de coûts liés au nettoyage du bac à graisses, alors que la même prestation avait été effectuée le 26 janvier 2017 par une autre société, Bachelet Bonnefond.

Cette société produit d'ailleurs un bon de suivi des déchets traités, contrairement à l'atelier des 3 mondes.

Faire effectuer de nouveau la même prestation par un autre prestataire ne se justifiait donc absolument pas, d'autant plus que l'absence de bon de suivi des déchets traités ne permet pas d'attester que l'atelier des 3 mondes a véritablement effectué cette intervention.

Vous avez donc fait pression sur le premier capitaine du MS Bizet, dont vous êtes le supérieur hiérarchique direct, pour qu'il reprenne votre version des faits et fait facturer la même prestation par deux prestataires différents.

À ce stade de notre enquête, nous étions encore fondés à penser que vous étiez peut-être trompé par un prestataire indélicat, qui aurait abusé de votre confiance.

Cependant, cette facture n'est pas un cas isolé. Nous avons ainsi découvert, avec consternation, que vous avez établi un véritable système de détournement de l'argent de Continentales de Croisières, via un système de refacturation occulte de prestations au bénéfice de votre entreprise individuelle.

Ainsi, nous avons trouvé deux factures qui prouvent qu'à deux reprises, PF industries a facturé des prestations à Continentale de Croisières, facture que vous avez validée pour paiement par Continentale de Croisières, sachant que vous avez refacturé à PF industries une partie de la même prestation, mais au bénéfice de votre entreprise individuelle.

Vous êtes même allé jusqu'à tenter de faire payer la porte de votre garage personnel par Continentale de croisières. Vous avez en effet fait effectuer un devis pour une porte de garage à une société nommée Acti +, société basée à [Localité 9], dans [Localité 3], proche de [Localité 8] où se trouve votre domicile. Vous avez payé 1200 € de cette porte par chèque, puis vous avez demandé à Acti + de facturer cette prestation à l'atelier des 3 mondes, en précisant que cette même prestation devait être imputée à des travaux sur le MS Provence, alors qu'elle n'était de toute évidence pas destinée à la flotte GCCL, mais à votre domicile et à votre profit personnel.

Enfin, vous avez fait preuve de désinvolture et d'un manque de professionnalisme dans l'exercice de vos missions et responsabilités de surintendant nautique/techniques, notamment à l'occasion de la transmission de documents et d'informations, en manifestant une réticence persistante à fournir des documents officiels concernant deux de nos bateaux à nos conseils et en ignorant les demandes répétées en ce sens de la direction.

Il est évident que, compte tenu de votre poste de surintendant nautique/techniques et de votre statut de cadre, votre comportement se doit d'être exemplaire et nous ne saurions tolérer de tels agissements, qui sont inacceptables. Notre société travaille en bonne intelligence et en toute confiance avec les salariés qu'elle emploie. Nous ne pouvons accepter de voir le niveau d'entretien de la flotte GCCL fluctuer au gré de vos man'uvres d'enrichissement personnel et l'entente entre

les membres de nos équipages menacée par vos agissements au détriment de Continentales de Croisières et de la division GCCL du groupe Grand Circle.

C'est dans ce contexte que nous avons été contraints d'engager une procédure de licenciement pour faute grave à votre encontre, avec mise à pied conservatoire.

Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu avoir délibérément fait facturer valider 2 fois une même prestation. Vous avez aussi reconnu que les plongeurs ne sont en réalité jamais intervenue,

Contrairement à ce que reflète la facture que vous aviez validée, en sachant pourtant qu'elle était fausse ; contrairement aussi à ce que vous avez indiqué à Monsieur [I] [O], missionné par Monsieur [T] [E].

Vous avez de plus indiqué avoir procédé de même avec deux autres factures, en 2016 et 2017, concernant le bateau MS Provence.

Vous avez aussi admis avoir fait pression sur le premier capitaine du MS Bizet pour tenter d'écarter tout soupçon éventuel.

Vous n'avez démenti ni le système de refacturation établi entre votre entreprise individuelle et la société PF industries dans le cadre de prestations fournies par PF industries à Continentale de Croisières, ni votre tentative de refacturation à Continentale de Croisières de votre porte de garage par l'intermédiaire des sociétés ACTI + et l'atelier des 3 mondes.

Vous n'avez pas non plus apporté d'explication sur votre manque de professionnalisme et votre désinvolture.

L'entretien préalable ne nous a donc pas permis de modifier notre analyse.

Vos agissements frauduleux sont particulièrement graves et ne nous permettent plus de continuer à vous accorder notre confiance.

Ces faits inadmissibles rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail, même pendant la durée limitée de votre préavis et nous conduisent à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave. La période correspondant à votre mise à pied ne vous sera pas rémunérée."

A ce stade, il sera relevé que le jugement de relaxe de l'appelant rendu par le tribunal correctionnel de Saint-Etienne est aujourd'hui définitif et ayant l'autorité de la chose jugée s'impose à la présente juridiction pour autant, cependant, que les faits dont était saisie la dite juridiction pénale sont identiques à ceux ayant donné lieu au licenciement disciplinaire

Il est reproché, en premier lieu, à Monsieur [U] d'avoir demandé au premier capitaine du bateau MS BIZET de dire que des plongeurs étaient bien intervenus pour réparer le tank de ce bateau et d'avoir validé la facture afférente à une telle opération.

Le tribunal correctionnel, s'agissant de la facturation des travaux réalisés sur ce bateau MS BIZET a retenu que

"S'agissant des travaux de réparation de la voie d'eau sur le bateau MS BIZET, , la facture de 27'975 € correspondant au coût de ces travaux a été établi conformément à un devis accepté par la société et mentionnant les prestations des plongeurs. Aucun élément ne permet d'affirmer que cette prestation aurait été incluse sciemment dans le devis par la société et Monsieur [U], alors qu'il savait que cette prestation ne serait pas nécessaire, dans le but d'escroquer cette société, professionnelle du secteur. Le fait que lors de l'exécution de travaux le recours à des plongeurs ne se soit pas avéré nécessaire mais que la facture ait été établie conformément au devis, s'il peut justifier l'existence l'existence dun litige civil sur le prix de la prestation réalisée, ne peut suffire à caractériser les man'uvres frauduleuses du délit d'escroquerie."

Il apparaît donc que cette juridiction pénale n'a pas statué sur la faute disciplinaire imputée à Monsieur [U] ayant trait à ce qu'il aurait " fait pression sur le premier capitaine du MS Bizet,, pour qu'il reprenne (sa) version des faits."

Il revient bien à cette juridiction de statuer sur la réalité et, le cas échéant, la gravité de ce fait imputé à faute.

Or, la partie intimée dépose à la procédure une attestation établie au nom de Monsieur [D], capitaine du MS BIZET, rédigée en ces termes :

"L'entreprise a été missionnées afin de nettoyer à la haute pression l'intérieur du tank récupérateur des eaux grises. Cette opération a créé une voie d'eau (...) Mon responsable Monsieur [U] a été mis au courant et a missionné l'entreprise L3ATELIER DES DEUX MONDES pour effectuer une réparation plus adéquate le 12 février 2017. L'entreprise a procédé à une réparation de l'intérieur en coulant de la résine sur l'étai déjà mis en place par nos soins, ce qui m'a surpris car cette réparation était une réparation de fortune. En effet, il aurait fallu faire intervenir des plongeurs afin de colmater le trou de l'extérieur de la coque. Quelques jours après l' intervention, mon responsable m'a contacté pour me demander de dire, si quelqu'un de la compagnie m'interrogeait, que des plongeurs étaient bien intervenus pour réparer le tank à l'extérieur. Il m'a expliqué que le fait de facturer une prestation fictive, en l'occurrence la plongée subaquatique, lui permettait de disposer d'une somme pour réaliser d'autres travaux sur le bateau. Cette révélation ma mis très mal à l'aise.

Le 28 février 2017, je me suis confié au président de GCCL, Monsieur [E], parce que je ne voulais pas être impliqué dans cette affaire.

Le 28 mai 2017, mon responsable m'a appelé pour me demander de me rendre à [F] le lendemain. En effet une réunion avait été organisée pour faire le point sur l'état des lieux des travaux d'hivernage. Monsieur [U] m'a donné comme consigne de ne pas le charger auprès du président Monsieur [E] et de confirmer que les plongeurs sont bien intervenus à plusieurs reprises en février pour réparer le tank, ce qui est faux(...)"

Certes cette attestation n'est pas établie de façon manuscrite, mais elle est accompagnée d'une pièce d'identité permettant d'authentifier la signature figurant à ce témoignage.

Dans ces conditions, cette pièce rapportant un témoignage précis et détaillé sera déclarée probante.

À défaut de production aux débats d'un quelconque élément contraire, elle démontre bien que Monsieur [U] a fait pression à deux reprisres sur ce capitaine, lequel était placé sous son autorité, afin qu'il fasse des déclarations mensongères dans le cadre de vérificatiosn de la réalité de prestations techniques facturées à l'entreprise..

Ce grief est donc bien établi en sa réalité.

À ce stade il sera rappelé que Monsieur [U] occupait dans cette entreprise un poste de cadre à haute responsabilité, étant en charge, notamment, de la coordination de la flotte fluviale circulant en France et qu'il avait ainsi une délégation de pouvoir d'engager des travaux de maintenance des bateaux.

Le fait qu'il ait abusé de son autorité auprès d'un de ses subordonnés dans le cadre d'une vérification de la sincérité de factures de réparations qu'il avait engagées, l'engageant à mentir à sa direction, a été de nature à entraîner une perte de la confiance nécessaire à la poursuite de sa délégation de pouvoir et ainsi à l'exercice de fonctions de direction de la maintenance lui étant confiée; ce fait a également interdit toute poursuite de fonctions d'autorité notamment vis-à vis notamment de ce capitaine, placé sous sa direction.

Dans ces conditions, la poursuite du contrat de travail était bien impossible et cela, y compris durant le délai d'exécution d'un préavis.

Son besoin de s'attacher aux autres griefs articulés dans la lettre de licenciement et sans plus besoin de s'intéresser aux autres arguments développés par les parties à l'instance, il sera jugé que l'existence d'une faute grave fondant le licenciement querellé est suffisamment démontrée.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef et Monsieur [U] sera débouté de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif, d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de licenciement et enfin de salaires afférents à la période de mise à pied conservatoire, outre congés payés,

Sur le rappel de salaires afférents à ses fonctions de capitanat et le travail dissimulé

La demande formée de ce chef a trait au paiemnt de fonctions supplémentaires revendiquées du fait de l'activité additionnelle de capitanat exercée par l'appelant.

Monsieur [U] dépose à la procédure des témoignages attestant de ce qu'il a exercé les dites fonctions de capitanat sur le bateau PROVENCE, avant le 15 avril 2016, date de prise d'effet de l'avenant signé le 12 septembre 2016.

Il revendique le salairte minimal conventionnel afférant à l'emploi de capitaine et cela en sus de sa rémunération de superviseur.

Cependant , ce seuil salarial minimal est celui ayant trait à un salarié occupant cette seule fonction de capitaine et il ne peut être appliqué en tant que tel à celui exerçant une telle fonction en cumul ave un autre emploi, rémunéré par ailleurs à un niveau bien supérieur. La demande en ce qu'elle se fonde sur l'application de ce minimum à un salarié occupant un autre emplion, à titre principal, ne peut être accueillie.

Par ailleurs,l'appelant ne mentionne aucune disposition conventionnelle interdisant un tel cumul de fonctions.

L'avenant précité en ce qu'il convenait que l'exercice d'un capitanat ne donnerait lieu à aucun salaire supplémenaire ne viole aucune disposition conventionnelle et il ne peut être considéré comme non écrite cette stipulation.

Par ailleurs, l'appelant ne fait pas état de dépassements d'horaires, d'heures supplémentaires, consécuitives à ce cumul, restées impayées et s'il fait état d'un défaut des respect d'un droit à congés, il ne formule aucune demande indemnitaire en réparation de cette faute de son ancien employeur.

Sa demande en rappels de salaires sera rejetée, le jugement étant en cela confirmé.

Il en découle que cette décision doit égalemnt être confirmée en ce qu'ell a rejeté la prétention en paiement d' une indemnité pour travail dissimulé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'appelant succombant supportera les dépens et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Le jugement sera enfin confirmé en ce qu'il a, en équité, débouté l'employeur de sa demande formée au titre de cette disposition légale.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort par sa mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Étienne le 17 février 2021 en toutes ses dispositions.

Condamne Monsieur [U] [Z] aux entiers dépens.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 21/01837
Date de la décision : 19/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-19;21.01837 ?
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