La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2023 | FRANCE | N°23/03981

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 17 mai 2023, 23/03981


COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 17 MAI 2023

statuant en matière de soins psychiatriques





N° RG 23/03981 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O7EH



Appel contre une décision rendue le 15 mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LYON.



APPELANT :



PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE BOURG-EN-BRESSE



[Adresse 2]

[Localité 1]



non comparant, représenté par le parquet général en la personne de Madame Laurence CHRISTOPHL

E, substitut général près de la cour d'appel de LYON



INTIMES :



[J] [L]

né le 20 Mars 1987 à [Localité 5]

Actuellement hospitalisé au [4] de [Localité 1]



Comparant...

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 17 MAI 2023

statuant en matière de soins psychiatriques

N° RG 23/03981 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O7EH

Appel contre une décision rendue le 15 mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LYON.

APPELANT :

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE BOURG-EN-BRESSE

[Adresse 2]

[Localité 1]

non comparant, représenté par le parquet général en la personne de Madame Laurence CHRISTOPHLE, substitut général près de la cour d'appel de LYON

INTIMES :

[J] [L]

né le 20 Mars 1987 à [Localité 5]

Actuellement hospitalisé au [4] de [Localité 1]

Comparant, assisté de Maître Mathilde CENA, avocat au barreau de LYON, commis d'office

[4] DE [Localité 1]

Non comparant, régulièrement avisé, non représenté

AUTRE PARTIE :

[K] [L] en qualité de tiers demandeur à la mesure a été régulièrement avisé. A l'audience, il est non comparant, non représenté.

Le dossier a été préalablement communiqué au Ministère Public qui a fait valoir ses observations écrites.

*********

Nous, Véronique MASSON-BESSOU, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, désignée par ordonnance de madame la première présidente de la cour d'appel de Lyon du 2 janvier 2023 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L.3211-12 et suivants du code de la santé publique, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Assistée de Jihan TAHIRI, Greffière placée, pendant les débats tenus en audience publique,

Ordonnance prononcée le 17 Mai 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Véronique MASSON-BESSOU, Conseiller, et par Jihan TAHIRI, Greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********************

En date du 4 mai 2023, [J] [L] a fait l'objet d'une demande d'hospitalisation en soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers, selon la procédure d'urgence prévue à l'article L 3212-3 du Code de la santé publique

Un certificat initial a été établi par le Docteur [V], Psychiatre au [4] le 4 mai 2023, concluant à la nécessité d'une hospitalisation complète pour des soins immédiats assortis d'une surveillance constante, à l'impossibilité de [J] [L] de consentir à son hospitalisation du fait des troubles qu'il présente et à risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade.

Par décision du 4 mai 2023, le directeur du [4] a prononcé l'admission de [J] [L] en soins psychiatriques contraints sous le régime de l'hospitalisation complète en vertu de l'article L 3212-3 du Code de la santé publique pour une période d'observation de 72 heures.

Un certificat des 24 heures a été établi par le Docteur [Z], Psychiatre de l'établissement hospitalier, le 5 mai 2023.

Un certificat des 72 heures a été établi par le Docteur [R], Psychiatre de l'établissement hospitalier, le 7 mai 2023.

A l'issue de la période d'observation et par décision du 7 mai 2023, le directeur du [4] a prolongé la poursuite des soins psychiatriques sans consentement sous le régime de l'hospitalisation complète pour une durée d'un mois.

Dans la perspective de l'audience devant le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bourg en Bresse, un certificat de situation avant audience a été établi le 11 mai 2023 par le Docteur [V], Psychiatre de l'établissement hospitalier conformément à l'article L 3211-12-1 du Code de la santé publique .

Par ordonnance du 15 mai 2023, le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Bourg en Bresse a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète en soins psychiatriques contraints de [J] [L] avec un effet différé de 24 heures afin de permettre, le cas échéant, la mise en place d'un programme de soins.

Dans les motivations de sa décision, le magistrat retient en substance :

-que conformément à la jurisprudence, la qualité pour agir du tiers demandeur ne peut résulter de son seul lien de parenté avec la personne malade ;

-qu'en l'espèce, le patient, très cohérent et calme à l'audience, a indiqué ne plus avoir de relation avec son père depuis plus d'un an et être en conflit avec lui ;

-que de ce fait, la décision administrative est irrégulière, irrégularité qui fait grief au patient puisqu'il demande la mainlevée de la mesure, assure reprendre ses soins au CMP et être prêt à rester en hospitalisation libre.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 15 mai 2023 à 15H45 , le Procureur de la République du Tribunal judiciaire de Bourg en Bresse a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le même jour à 13H40, assortissant cet appel d'une demande d'effet suspensif, faisant valoir à l'appui de son appel :

-que les propos du patient relatifs à l'absence de lien actuel avec son père sont repris tels quels par le juge des libertés et de la détention, alors qu'il s'agit d'une simple affirmation qui n'est corroborée par aucun élément et qu'au contraire, le fait que le père du patient se soit immédiatement manifesté pour effectuer la demande d'admission tend à démontrer que le père persiste à maintenir des liens avec son fils et à s'intéresser à son devenir, quand bien même il existerait un conflit ;

-qu'en exigeant qu'il soit caractérisé entre le membre de la famille et le malade l'existence de relations lui donnant qualité pour agir, le juge des libertés et de la détention ajoute une condition aux dispositions de l'article L 3212-1 du Code de la santé publique et que par ailleurs l'arrêt de la Cour d'appel auquel il est fait référence ne constitue nullement une source de droit primant sur la lettre des dispositions sus-visées ;

-qu'enfin, les éléments médicaux produits révèlent que [J] [L] présente des antécédents de psychose schizophrénique avec comportements addictifs, qu'il est en rechute psychotique du fait d'une rupture de traitement;

-que les médecins relèvent également des troubles du comportements à type de violence verbale, voire physique, une anosognosie , précisant que l'environnement hospitalier contient le patient mais qu'il existe malgré cela un risque potentiel de mise en danger d'autrui, un risque grave à l'intégrité d'autrui étant caractérisé.

Il a sollicité en conséquence la réformation de la décision déférée et la poursuite de l'hopsitalisation querellée sous sa forme actuelle.

Par ordonnance du 15 mai 2023, le conseiller délégué par le Premier Président de la Cour a fait droit à la demande du Procureur de la République et déclaré suspensif l'appel du ministère public.

L'affaire a été évoquée à l'audience du Mercredi 17 mai 2023.

A cette audience, [J] [L] a comparu et a sollicité que la décision déférée soit confirmée, faisant valoir principalement qu'il ne fréquente plus son père depuis des années, qu'il n'existe pas de raisons sérieuses pour l'hospitaliser en soins psychiatriques contraints, et qu'il est est d'accord pour se soigner mais en hospitalisation libre, en suivant ses rendez-vous au CMP et en respectant son traitement.

Le ministère public a requis l'infirmation de la décision déférée et la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète en soins psychiatriques contraints, développant les termes de l'appel et relevant en substance que la procédure est selon lui régulière et fondée.

Le conseil de [J] [L] a sollicité la confirmation de la décision déférée, maintenant que la procédure était irrégulière, alors que le père de [J] [L] n'avait pas qualité pour solliciter la mesure querellée, puisque n'ayant plus de contact avec son fils depuis plus d'un an et où, au sens du texte, il était nécessaire que le tiers requérant justifie de liens réels avec le patient.

SUR CE

- Sur la recevabilité de l'appel:

L'appel du ministère public, interjeté dans le délais requis par l'article R 3211-18 du code de la santé publique, est recevable en la forme;

Sur la régularité de la procédure:

Aux termes de l'article L 3216-1 du code de la santé publique, la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire.

Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1 du Code de la santé publique.

Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.

En l'espèce, l'irrégularité relevée par la décision déférée est afférente à l'application des dispositions de l'article L3212-1, II 1° du Code de la santé publique, lequel dispose :

'II.-Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission :

1° Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'elle remplit les conditions prévues au présent alinéa, la personne chargée, à l'égard d'un majeur protégé, d'une mesure de protection juridique à la personne peut faire une demande de soins pour celui-ci.' ...

Il ressort de dispositions claires de ce texte que l'admission en soins psychiatriques contraints peut être prononcée sur saisie par le directeur de l'établissement hospitalier d'une demande présentée par un membre de la famille du malade, sans autre condition.

Or, il n'est pas contesté que la demande d'hospitalisation du 4 mai 2023 a été effectuée par le père de [J] [L] dont l'identité complète est indiquée dans la demande d'admission, demande, à laquelle la décision d'admission du directeur du [4] fait expressément référence.

Il en résulte que [K] [L], père de l'interessé, avait qualité pour présenter cette demande, et qu'une telle qualité ne pouvait lui être contestée aux motifs que depuis plus d'une année, il n'avait plus de relations avec son fils, étant observé :

-que cela ne résultait que des seules déclarations de [J] [L] , lequel paradoxalement avait indiqué à l'audience qu'il 'avait eu son père au téléphone pour avoir un paquet de tabac il y a 4 / 5 jours' et que celui-ci 'ne lui avait pas dit qu'il était à l'origine de la procédure', ce qui autorise à accorder une crédibilité toute relative aux déclarations de l'intéressé ;

-que par ailleurs, les décisions de jurisprudence, comme l'a relevé à raison le ministère public dans sa déclaration d'appel, ne constituent nullement une source de droit primant sur les dispositions d'un texte législatif clair et non susceptible d'interprétation.

Il en résulte que la procédure administrative menée à l'égard de [J] [L] est régulière et que la décision déférée doit être infirmée de ce chef.

- Sur le fond :

Il appartient au juge judiciaire, en application de l'article L 3211-3 du Code de la santé publique, de s'assurer que les restrictions à I'exercice des libertés individuelles du patient sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis ;

En l'espèce , il ressort des différents certificats médicaux produits aux débats :

-que [J] [L] présente depuis de nombreuses années des troubles schizophréniques avec comportements addictifs, pour lequels il est suivi au CMP d'[Localité 3] et traité par injection retard ;

-qu'il a été hospitalisé pour trouble du comportement à type de violence verbale et physique envers des personnes de son entourage dans un contexte de rechute psychotique consécutive à une rupture de traitement ;

-que par la suite, après réintroduction du traitement médicamenteux retard en complément d'un traitement oral, il s'est révélé plus calme, sans idées délirantes, mais que pour autant, si l'environnement hospitalier contient le patient, celui ci est dans le déni des troubles qu'il présente, ne remet pas en cause son comportement agressif et qu'il existe un risque potentiel de mise en danger d'autrui, dans un contexte où le patient peut se montrer rapidement tendu et imprévisible en cas de frustration.

Le certificat de situation le plus récent, en date du 16 mai 2023 (Docteur [Z]) fait état d'un patient calme, mais n'adhérant aux soins que de façon passive, banalisant son comportement et n'ayant pas conscience de sa maladie. Il note la persistance d'un fond délirant de thématique persécutoire et de mécanisme interprétatif.

Le Psychiatre considère que la prise en charge actuelle sous la forme d'une hospitalisation complète doit encore être maintenue pour mettre en place un projet de soins adapté à l'état de santé du patient avec suivi ambulatoire ultérieur et la nécessité d'un suivi rigoureux au CMP.

Il s'ensuit qu'il est démontré que le maintien du patient dans le dispositif d'hospitalisation psychiatrique complète sans consentement est nécessaire et justifié, afin qu'il puisse recevoir les soins adaptés à son état, l'hospitalisation sous cette forme s'avérant en outre proportionnée à l'état mental du patient , au sens de l'article L 3211-3 du Code de la santé publique ;

En conséquence, il convient d'autoriser la poursuite de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques contraints de [J] [L] .

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable et fondé l'appel du ministère public,

Déclarons la procédure régulière,

Infirmons la décision déférée dans son intégralité et,

Statuant à nouveau :

Autorisons la poursuite de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques contraints de [J] [L],

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Le Greffier, Le Conseiller délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/03981
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;23.03981 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award