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11/05/2023 | FRANCE | N°22/00617

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 11 mai 2023, 22/00617


N° RG 22/00617 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OCKY









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 13 janvier 2022



RG : 2020f2755

ch n°





S.E.L.A.R.L. [K] [H]



C/



Société ENERGINEO

Société INITIATIVE ENERGIE

Société ADAR





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 11 Mai 2023







APPELANTE :



S.E.L

.A.R.L. [K] [H] prise en la personne de maître [K] [H], venant aux droits de la SELARL ALLIANCE MJ, par effet du jugement du 3 août 2021, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ENERGINEO, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de...

N° RG 22/00617 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OCKY

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 13 janvier 2022

RG : 2020f2755

ch n°

S.E.L.A.R.L. [K] [H]

C/

Société ENERGINEO

Société INITIATIVE ENERGIE

Société ADAR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Mai 2023

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. [K] [H] prise en la personne de maître [K] [H], venant aux droits de la SELARL ALLIANCE MJ, par effet du jugement du 3 août 2021, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ENERGINEO, désignée à ces fonctions par jugement du tribunal de commerce de LYON en date du 5 mai 2020

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470

INTIMEES :

Société ENERGINEO placée en liquidation judiciaire suivant jugement rendu par le Tribunal de Commerce de LYON le 5 mai 2020, représentée par son Président, la société INITIATIVE ENERGIE, placée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de LYON le 5 mai 2020, représentée par son Président, la société ADAR, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Société INITIATIVE ENERGIE placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de LYON le 5 mai 2020, ès-qualité de représentant légal de la société ENERGINEO et représentée elle-même par son président, la société ADAR,représentée par son représentant légal en exercice domicilié, en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Société ADAR prise en sa qualité de représentant légal de la société INITIATIVE ENERGIE, représentée par son représentant légal en exercice domicilié, en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Christophe MANIEZ de la société THE CAB AVOCATS, avocat au barreau de LYON

En la présence du Ministère Public prise en la personne de Romain DUCROCQ, substitut général

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Mars 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Mars 2023

Date de mise à disposition : 11 Mai 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Energineo, spécialisée dans la fourniture d'équipements électriques à destination des professionnels et grandes surfaces est dirigée par la SAS Initiative Energie, elle-même dirigée par les sociétés Adar et La Tomer.

Par acte du 29 avril 2020, la société Energineo a régularisé une déclaration de cessation des paiements aux fins de voir prononcer une liquidation judiciaire.

Par jugement du 5 mai 2020, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Energineo, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 31 mars 2020 et a désigné la Selarl Alliance MJ en qualité de liquidateur judiciaire (le liquidateur judiciaire).

Par acte extrajudiciaire du 13 octobre 2020, la Selarl Alliance MJ, ès-qualités a saisi le tribunal de commerce de Lyon afin de faire remonter la date de cessation des paiements du 31 mars 2020 au 15 novembre 2019.

Par jugement du 3 août 2021, le mandat exercé par Me [H] au sein de la Selarl Alliance MJ a été transféré à la Selarl [K] [H].

Par jugement contradictoire du 13 janvier 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :

- constaté que par jugement en date du 3 août 2021, le tribunal a désigné la Selarl [K] [H], représentée par Me [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Energineo en remplacement de la Selarl Alliance MJ, précédemment désignée,

- dit que la société Energineo n'était pas en état de cessation des paiements le 15 novembre 2019,

- dit que la société Energineo n'était pas en état de cessation des paiements le 30 novembre 2019,

- débouté la Selarl [K] [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Energineo, de toutes ses demandes,

- fixé définitivement la date de cessation des paiements de la société Energineo au 31 mars 2020,

- condamné la Selarl [K] [H] à verser la somme de 1.000 à la société Adar au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Selarl [K] [H] aux entiers dépens de l'instance.

La Selarl [K] [H], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Energineo, a interjeté appel par acte du 19 janvier 2022.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 mars 2023 fondées sur les articles L.631-1, L.631-8, L.641-1 IV et R.641-9 du code de commerce, la Selarl [K] [H], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Energineo, demande à la cour de, rejetant toutes demandes, fins, moyens et conclusions contraires,

- reformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

et statuant à nouveau,

- prononcer, à titre principal, le report de la date de cessation des paiements de la société Energineo fixée provisoirement par le tribunal de commerce de Lyon dans son jugement d'ouverture du 5 mai 2020 au 31 mars 2020 et fixer définitivement la date de cessation des paiements au 15 novembre 2019,

- prononcer, à titre subsidiaire, le report de la date de cessation des paiements de la société Energineo fixée provisoirement par le tribunal de commerce de Lyon dans son jugement d'ouverture du 5 mai 2020 au 31 mars 2020 et fixer définitivement la date de cessation des paiements au 30 novembre 2019,

en tout état de cause,

- ordonner que la décision à intervenir modifiant la date de cessation des paiements soit publiée et mentionnée au registre, conformément aux articles R. 621-8 et R. 641-9 du code de commerce et communiquée aux personnes mentionnées à l'article R. 621-7 conformément à l'article R. 641-9 du code de commerce,

- débouter les défenderesses de l'intégralité de leurs moyens et prétentions,

- condamner chacune des défenderesses à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner que les dépens soient inscrits en frais privilégiés de la procédure.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 9 mars 2023 fondées sur les articles L. 631-8, L. 641-1 IV et R. 641-9 du code de commerce, les sociétés Energineo, Initiative Energie et Adar demandent à la cour de :

- les juger recevables et bien fondées en leurs demandes, fins et conclusions,

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner la Selarl [K] [H], ès-qualités, à payer à la société Adar la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- juger que la société Energineo n'était pas état de cessation des paiements au 15 novembre 2019 ni au 30 novembre 2019,

en conséquence,

- débouter la Selarl [K] [H], ès-qualités, de sa demande de report de la date de cessation des paiements, à titre principal, au 15 novembre 2019 et, à titre subsidiaire, au 30 novembre 2019,

- fixer définitivement la date de cessation des paiements de la société Energineo au 31 mars 2020,

- dire n'y avoir lieu à ordonner que la décision à intervenir soit publiée et mentionnée au registre, conformément aux articles R. 621-8 et R. 641-9 du code de commerce, et communiquée aux personnes mentionnées à l'article R. 621-7 conformément à l'article R. 641-9 du code de commerce,

en toutes hypothèses,

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires,

- tirer les dépens en frais privilégiés,

- condamner la Selarl [K] [H], ès-qualités, à payer à la société Adar la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le ministère public, par avis du 3 novembre 2020 communiqué contradictoirement aux parties le 4 novembre 2022, s'est dit favorable au report de la date de cessation des paiements et s'en est rapporté aux conclusions du mandataire liquidateur judiciaire.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 mars 2023, les débats étant fixés au 16 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de report de la date de cessation des paiements au 15 novembre 2019

S'agissant du passif exigible au 15 novembre 2019, le liquidateur judiciaire fait valoir que :

-le passif cumulé exigible à cette date était de 122.317 euros,

-la créance de la société Loxam était de 59.228,37 euros au 22 novembre 2019 dès lors que le protocole d'accord transactionnel daté du 13 mars 2020 précise que la dette était de ce montant au 22 novembre 2019 et qu'il n'a pas été signé par la société Energineo,

-la société Energineo fait état d'un accord transactionnel avec la société Kiloutou en produisant un courriel du 11 mars 2020 soit postérieur à la date de demande de report de la date de cessation des paiements formulée par le liquidateur et ce protocole n'est pas signé par l'intimée qui n'a pas retourné à la société Kiloutou les traites qui conditionnaient l'abandon de l'exigibilité de sa dette,

-la société Energineo fait état d'un accord transactionnel avec la société Spececlair en produisant un mail du 12 février 2020 soit 3 mois après la date à laquelle le liquidateur demande le report de la date de cessation des paiements et ce mail est une preuve à sois-même,

-en tout état de cause, ces moratoires ne seraient intervenus qu'au 11 et 13 mars 2020, de sorte que ces dettes étaient exigibles et impayées au 15 novembre 2019 à hauteur de 52.118 euros pour la société Loxam et au 31 décembre 2019 à hauteur de 41.677 euros pour la société Kiloutou

-ces moratoires n'ont aucun effet rétroactif et ont, tout au plus, suspendu l'exigibilité des factures impayées à compter de leur régularisation en mars 2020,

-ces moratoires n'ont pas été respectés par la société Energineo,

Les intimées soutiennent pour leur part que :

-le juge doit également constater que les créances sont bien certaines, liquides et exigibles, et prendre en compte les créances à recouvrer dont le principe est certain et dont l'encaissement est possible dans des conditions compatibles avec la notion d'actif disponible,

-elle a bien obtenu un moratoire de la part de la société Loxam et il importe peu que ce protocole ne soit pas signé par elle-même, dès lors que le fait d'accorder un échéancier est un acte unilatéral de volonté,

- la société Loxam a ainsi renoncé, rétroactivement à l'exigibilité de sa créance via la conclusion de ce protocole,

-les créances déclarées au passif de la liquidation judiciaire par la société Kiloutou n'étaient pas arrivées à échéance le 15 novembre 2019, car les sommes dont la date d'échéance est antérieure au 31 décembre 2019 sont des avoirs,

-l'échelonnement accordé marque l'accord du créancier pour renoncer rétroactivement à l'exigibilité des sommes dues, en dehors de tout protocole d'accord,

-l'absence de règlement de la première traite convenue entre les parties a uniquement pour conséquence que l'ensemble des sommes dues est redevenu exigible à la date du 23 mars 2020, soit dans le délai de 45 jours précédant le dépôt de la déclaration de cessation des paiements,

-le courriel adressé à la société Specilux a uniquement vocation à reprendre l'accord intervenu, oralement et le même jour, entre les parties, de sorte qu'il fait bien preuve du moratoire accordé,

-le passif s'élevait, en raison des accords intervenus avec ses créanciers à la somme de 21.776 euros au 15 novembre 2019, ainsi qu'à la somme de 23.788 euros au 30 novembre 2019,

S'agissant de l'actif disponible au 15 novembre 2019, le liquidateur judiciaire expose que :

-l'intégralité des grands livres produit ne constitue pas une pièce tronquée et fait apparaître un actif disponible de 29.090 euros au 15 novembre 2019,

-la société ne peut ajouter à son actif disponible au 15 novembre 2019 un découvert autorisé par la BNP de 80.000 euros alors qu'au 15 novembre 2019, le solde du compte bancaire détenu dans les livres de la BNP PARIBAS s'élevait à -128.000 euros, le découvert autorisé était donc entièrement utilisé et ne constituait donc pas un actif disponible mais un passif exigible à hauteur de ce dépassement, soit 48.423 euros (128.000 euros - 80.000 euros),

- la société ne peut ajouter à son actif disponible au 15 novembre 2019 un découvert autorisé par la société Crédit Agricole de 100.000 euros, alors qu'aucun document produit ne permet d'affirmer qu'elle disposait au 15 novembre 2019 d'un découvert autorisé de 100.000 euros, la seule pièce produite justifiant de l'existence de cette ligne de crédit est un courrier de dénonciation du 6 avril 2020, lequel ne prouve pas que cette ligne existait au 15 novembre 2019 et le délai de 60 jours laissé par la banque avant la suppression de cette ligne de crédit, ne signifie toujours pas qu'elle existait au 15novembre 2019,

-l'intimée tente d'inverser la charge de la preuve en soutenant qu'il lui incombe de prouver que cette réserve de crédit n'avait pas été accordée au 15 novembre 2019 et le tribunal de commerce de Lyon ne pouvait donc pas juger, sans inverser la charge de la preuve, et en ne procédant que par déduction, que cette ligne de crédit existait au 15 avril 2019,

-la société prétend pouvoir prendre en considération dans l'actif disponible, des plafonds ou soldes mobilisables au titre de contrats d'affacturage, lignes d'escompte et cession Dailly mais elle ne justifie pas que les contrats dont elle se prévaut étaient encore en cours au 15 novembre 2019 ou au 30 novembre 2019 et surtout, elle ne démontre pas que les contrats d'affacturage, de cessions de créances Dailly ou d'escomptes constituaient une véritable réserve de crédit, c'est-à-dire qu'en exécution de ces contrats, elle bénéficiait d'une trésorerie disponible, alors que selon la jurisprudence, pour qu'un contrat de mobilisation de créances puisse être considéré comme une réserve de crédit pris en compte dans l'actif disponible, encore faut-il que ce contrat permette d'obtenir une trésorerie immédiatement disponible, c'est-à-dire que la société dispose sur ce compte d'affacturage, d'escompte, ou de cession de créances Dailly, de disponibilités, ou justifie de cessions de créances intervenues, ce qui n'est pas démontré alors que l'intimée se contente de soutenir qu'elle bénéficiait de plafonds d'utilisation au titre de ces différents contrats, sans justifier d'une trésorerie disponible ou de mobilisation de créances, sans verser aucun relevé de compte factor, compte Dailly ou compte escompte qui permettraient de justifier d'une trésorerie disponible, et sans non plus justifier de la mobilisation de créances clients,

-la diminution de son poste clients ne démontre pas sa faculté de mobilisation de ses créances, alors que si l'encours clients a diminué entre le 15 novembre et le 31 décembre 2019, c'est que la société Energineo a procédé à des encaissements du compte client, lesquels figurent donc dans son actif disponible, c'est-à-dire sa trésorerie, et non sur ses comptes d'affacturage, d'escompte ou de Dailly et qu'elle bénéficiait d'un contrat « full factoring » qui permet de mobiliser auprès de la société d'affacturage la totalité des créances clients, de sorte que si les créances clients étaient mobilisables, il est certain qu'elles auraient été mobilisées dans le cadre de son contrat d'affacturage, et Energineo en rapporterait la preuve,

-en réalité ses créances étaient difficilement mobilisables comme l'a confirmé le commissaire aux comptes,

-au 15 novembre 2019, la société a été dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible de 122.317 euros avec son actif disponible 29.090 euros, donc en état de cessation des paiements,

-la jurisprudence relative à l'appréciation de l'état de cessation des paiements de façon « dynamique » et celle selon laquelle cette cessation des paiements pourrait n'être que ponctuel ne sont pas transposables au cas d'espèce alors que l'état de cessation des paiements de la société est caractérisé dès le 15 novembre 2019, qu'il a duré plus de 45 jours, la société étant toujours en état de cessation des paiements au 31 décembre 2019 et à aucun moment, elle ne démontre sérieusement avoir été en mesure de régler l'intégralité de son passif exigible avec son actif disponible ou avoir engagé le recouvrement de son poste client.

Les intimées exposent que :

-l'actif disponible comporte l'actif réalisable immédiatement auquel on assimile l'actif réalisable à court terme, c'est à dire les liquidités, les réserves de crédit prouvées et les marchandises permettant un apport de trésorerie,

-le liquidateur judiciaire ne tient pas compte des différentes lignes de crédit dont son administrée bénéficiait avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et dont il avait été parfaitement informé, dès l'ouverture de la procédure à savoir :

*un découvert autorisé d'un montant de 80.000 euros et qui lui avait été accordé par la BNP Paribas et dont il était fait état dans la déclaration de cessation des paiements. A ce titre, le liquidateur ne rapporte pas la preuve de ses affirmations selon lesquelles, il conviendrait d'ajouter au 15 novembre 2019, au passif exigible d'un montant de 73.894 euros la somme de 48.423 euros correspondant au dépassement du découvert autorisé par la BNP, soit un passif total de 122.317 euros,

*un contrat d'affacturage n°00794700 dit « Full Factoring » conclu avec la BNP Paribas Factor et pour un encours global autorisé de 500.000 euros HT,

*une convention cadre de cession de créances professionnelles conclu avec la BNP Paribas et dont le montant de l'encours était de 80.000 euros,

*une ligne de crédit n°00004249279 (découvert autorisé) accordée par le Crédit Agricole pour un montant de 100.000 euros, qui existait au 6 avril 2020, date du courrier de la banque la dénonçant et dont il appartient donc au liquidateur judiciaire de rapporter la preuve qu'elle n'existait pas au 15 novembre 2019, sauf à renverser la charge de la preuve, alors que ce dernier a accès aux archives de la société et peut interroger la banque,

-une ligne d'escompte Dailly n°00004349094 accordée par le Crédit Agricole pour un montant de 100.000 euros.

S'agissant des contrats d'affacturage et des lignes d'escomptes, elle soutient que le liquidateur judiciaire, qui n'a même pas pris le soin d'interroger les différents établissements aux fins de connaître l'état des créances mobilisées au 15 novembre 2019, ne peut se contenter de soutenir qu'elle ne rapporte pas la preuve des encours mobilisés, alors même qu'il est de jurisprudence constante que sont compris dans l'actif disponible les réserves de crédit, à condition que leur existence soit prouvée par le débiteur, ce qui est le cas en l'espèce puisqu'elle disposait bien, au 15 novembre 2019, de réserves de crédit au titre des contrats d'affacturage et ligne d'escompte pour un montant total de 680.000 euros, comme cela résulte :

-du courrier du Cabinet Map expert Conseil, expert-comptable de la société Energineo qui atteste qu'elle disposait d'encours clients de 653.064 euros au 15 novembre 2019 et de 485.268 euros au 30 novembre 2019 et donc d'encours mobilisables résiduels dans le cadre du seul contrat d'affacturage conclu avec la BNP Paribas de 155.301 euros au 15 novembre 2019 et de 223.130 euros au 30 novembre 2019,

-de ce que la variation de l'encours clients entre les 15 novembre 2019 et le 30 novembre 2019 démontre qu'elle a procédé à bon nombre d'encaissements entre ces deux dates, attestant ainsi la réalité de son encours mobilisable puisqu'elle a procédé à l'encaissement de créances clients non cédées au factor pour un montant global de 167.796 euros sur cette seule période de 15 jours entre le 15 novembre 2019 et le 30 novembre 2019, ce qui démontre qu'il s'agissait bien de créances clients mobilisables à court terme et donc d'un actif disponible au sens de la jurisprudence constante de la Cour de cassation,

-de la variation du solde de l'encours mobilisable résiduel, qui doit être prise en compte, ce dernier étant un actif disponible en ce qu'il s'agit d'une réserve de crédit dont elle pouvait librement disposer,

-Elle ajoute qu'une insuffisance de chiffre d'affaires pour obtenir la rentabilité souhaitée ne signifie pas qu'elle ne disposait d'aucune créance pouvant être cédée, alors que le chiffre d'affaire était de 4.656.075 euros au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2019 et que les pièces versées aux débats et notamment la pièce n°10 démontrent qu'elle a mobilisé, en cours de vie sociale et notamment aux 15 et 30 novembre 2019, son encours dans le cadre du contrat d'affacturage conclu avec la BNP Paribas, preuve qu'elle disposait de créances clients pouvant être cédées en exécution dudit contrat.

En réponse au liquidateur judiciaire, elle indique que ce dernier ne peut lui reprocher de ne justifier d'aucun relevé de compte factor, compte Dailly ou compte escompte qui permettraient de justifier d'une trésorerie disponible ni de justifier de la mobilisation de créances clients par la production de bordereau de cession, alors que :

-le liquidateur judiciaire inverse ainsi la charge de la preuve puisqu'il lui appartient et à lui seul de prouver la date de cessation des paiements qu'il estime devoir être fixée par la cour,

-il est radicalement impossible près de 3 ans après l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de réunir ces documents dans un court délai et alors même que le liquidateur, avait, ès-qualités, de longue date les moyens de s'assurer de la réunion des éléments nécessaires à l'éventuel succès de ses prétentions,

-l'attestation du commissaire aux comptes n'est pas probante alors qu'elle a été établie dans le cadre d'une procédure d'alerte initiée le 22 avril 2020 sur la base des comptes annuels établis au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2019, soit bien postérieurement à la période considérée par le liquidateur judiciaire comme suspecte, que par ailleurs, elle fait état de difficultés de recouvrement des créances clients au jour du lancement de la procédure d'alerte, soit au 22 avril 2020 de sorte que le Cabinet [U] [R] ne s'est nullement prononcé contrairement à ce que soutient le liquidateur judiciaire sur l'existence de telles difficultés liées au recouvrement du compte clients au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2019

Sur ce :

Conformément aux articles L.631-1 et L.631-8 du code de commerce, la date de cessation des paiements ne pouvant être reportée qu'au jour où le débiteur était déjà dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, il y a lieu pour le juge saisi d'une demande de report, de se placer, pour apprécier cette situation, non pas au jour où il statue, mais à celui auquel est envisagé le report de la date de cessation des paiements.

L'état de cessation des paiements est caractérisé par l'impossibilité pour le débiteur de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

L'actif disponible correspond aux fonds ou valeurs immédiatement mobilisables dont le débiteur peut disposer immédiatement pour s'acquitter de son passif exigible. Il s'entend des éléments d'actifs figurant au bilan et d'une liquidité telle qu'ils permettent de faire face aux dettes exigibles, c'est à dire immédiatement réalisables et notamment la trésorerie disponible en caisse, les soldes bancaires créditeurs, les effets de commerce échus ou escomptables, ainsi que les valeurs cotées en bourse et les ouvertures de crédits non utilisées.

Le passif exigible s'entend de l'ensemble des dettes échues au jour où l'appréciation est portée et non assorties d'un moratoire. Les dettes doivent être certaines, liquides et exigibles, ce qui exclut les dettes litigieuses. Une dette incertaine, comme faisant l'objet d'un recours, ne peut pas être incluse dans le passif exigible lequel correspond au passif échu, non assorti d'un moratoire.

En l'espèce, il résulte des éléments produits par le liquidateur judiciaire, l'existence d'un actif de la société Energineo au 15 novembre 2019 d'un montant de 29.090 euros.

Les intimées ne sauraient utilement se prévaloir de ce que cet actif est augmenté d'un découvert autorisé de 80.000 euros accordé par la société BNP Paribas alors qu'il résulte des grands livres des comptes généraux de la société Energineo versés aux débats dont il n'est pas démontré qu'ils sont affectés d'irrégularités, que ce compte était débiteur à hauteur de 128.422,72 euros au 15 novembre 2019.

De même, le courrier de dénonciation de l'ouverture de crédit n°00004249279 d'un montant de 100.000 euros et de la ligne d'escompte Dailly n°000043499094 de 100.000 euros adressé par la société Crédit Agricole Centre-Est Entreprises à la société Energineo le 6 avril 2020 ne permet pas de démontrer que ces ouvertures de crédit existaient à la date du 15 novembre 2019, cette correspondance ne comportant aucune mention relative à la date à laquelle cette facilité de caisse et cette réserve de crédit ont été accordées à l'intimée. A ce titre, s'il appartient effectivement au liquidateur judiciaire de démontrer l'existence d'un état de cessation des paiements à la date du report sollicité, il incombe en revanche à la société Energineo, qui soutient que des réserves de crédit dont elle bénéficie lui permettent de faire face au passif exigible, d'apporter la preuve de leur existence. En conséquence, les premiers juges ne pouvaient retenir, sans inverser la charge de la preuve, que le liquidateur judiciaire n'apporte pas la preuve de ce que la ligne d'ouverture de crédit n°00004249279 discutée n'existait pas au 15 novembre 2019.

Enfin, la société Energineo ne démontre pas que le contrat d'affacturage n°00794700 dit « Full Factoring » conclu avec la société BNP Paribas Factor pour un encours global de 500.000 euros et la convention cadre de cession de créance professionnelles conclue avec la même société pour un montant de 80.000 euros et dont elle se prévaut, constituent des réserves de crédit lui permettant de faire face au passif exigible.

En effet, outre que, comme l'atteste M. [S], gérant de la société Map Expertise Conseil, les comptes annuels dont sont issus le solde de l'encours client de 653.064 euros au 15 novembre 2019 n'ont jamais été arrêtés et approuvés par la société Initiative Energie, ès-qualité d'associé unique et présidente de la société Energineo, la cour observe également que les intimées ne produisent aucun relevé de compte factor ni aucun bordereau de cession de créance de nature à établir l'existence d'une trésorerie immédiatement disponible par la mobilisation de la totalité de ses créances clients comme le permet le contrat « full factoring ».

Par ailleurs, selon les propres déclarations des intimées, la diminution des encours entre le 15 novembre et le 30 novembre 2019 résulte d'encaissement de créances non cédées au factor, de sorte qu'elle n'est pas de nature à démontrer une faculté de mobilisation des créances dans le cadre du contrat d'affacturage alors au surplus que les conclusions du commissaire aux comptes s'agissant de l'existence de difficultés de recouvrement des créances clients, qui concernent bien l'exercice 2019, se trouvent corroborées par les propres affirmations de la société Energineo à l'occasion de sa déclaration de cessation des paiements et faisant état d'un actif correspondant à des créances clients difficilement recouvrables.

S'agissant du passif, le liquidateur judiciaire justifie de l'existence d'un passif exigible d'un montant cumulé de 122.317 euros au 15 novembre 2019 correspondant aux créances suivantes :

-une créance de 27 euros de la société Wurth, exigible au 30 septembre 2019,

-une créance de 7.800 euros de la société Beamtek exigible au 30 septembre 2019,

-une créance de la société Paprec de 1.844 euros exigible au 31 octobre 2019,

-une créance de la société Beamtek de 7.800 euros exigible au 31 octobre 2019,

-une créance de la société Loxam de 41.432 euros exigible au 31 octobre 2019,

-une créance de la société Seguine de 252 euros exigible au 31 octobre 2019,

-une créance de la société Recycleur de 150 euros exigible au 31 octobre 2019,

-une créance de la société Prolians de 1.887 euros exigible au 31 octobre 2019,

-une créance de la société BDS de 2.016 euros exigible au 31 octobre 2019,

-une créance de la société Loxam de 10.686 euros exigible au 15 novembre 2019.

S'il n'est pas contestable que la créance de la société Kiloutou d'un montant de 41.677 euros n'était exigible qu'au 31 décembre 2019, la cour relève que cette somme n'est pas comptabilisée par le liquidateur judiciaire au titre du passif exigible au 15 novembre 2019, de sorte que ce moyen est inopérant.

Le moyen tiré de l'existence d'un échéancier accordé par la société Specilux est également inopérant alors que cette créance d'un montant de 81.184 euros ne fait pas davantage partie du passif pris en compte par le liquidateur judiciaire au 15 novembre 2019.

Enfin, si la société Energineo justifie de l'existence d'un protocole d'accord transactionnel par lequel la société Loxam lui a accordé des délais de paiement de ses créances sous la forme de règlements échelonnés entre le mois de mars 2020 et le mois de février 2021, cet accord a été signé par la créancière le 13 janvier 2020, de sorte qu'à la date du 15 novembre 2019, à laquelle la cour doit se placer pour apprécier la demande de report de la date de cessation des paiements, ces deux créances de 41.432 euros et de 10.686 euros étaient parfaitement exigibles.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à la date du 15 novembre 2019, la société Energineo se trouvait dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible d'un montant de 122.317 euros avec son actif disponible de 29.090 euros. En conséquence la Selarl [K] [H], ès-qualités est bien fondée à solliciter le report de la date de cessation des paiements de la société Energineo et sa fixation définitive à la date du 15 novembre 2019. Le jugement déféré doit ainsi être infirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Initiative Energie et la société Adar doivent supporter la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à l'appelante une indemnité de procédure ce qui conduit à l'infirmation des condamnations prononcées à ce titre par le tribunal de commerce et aux décisions précisées dans le dispositif. Par ailleurs, les dépens seront pris en frais privilégiés de la procédure collective et le jugement déféré sera également infirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Fixe la date définitive de cessation des paiements de la société Energineo à la date du 15 novembre 2019,

Dit que le présent arrêt sera publié au BODACC,

Condamne in solidum la société Initiative Energie et la société Adar à verser à la Selarl [K] [H], ès-qualité de liquidateur de la société Energineo la somme totale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et en cause d'appel,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront passés en frais privilégiés de procédure collective.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 22/00617
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;22.00617 ?
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