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11/05/2023 | FRANCE | N°20/03356

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 11 mai 2023, 20/03356


N° RG 20/03356 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NAOO









Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 04 juin 2020



RG : 2018j00140











Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES



C/



S.A.R.L. MAC 4 PRO

S.A. CREDIT MUTUEL ARKEA

Société RCI BANQUE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 11 Mai 2023

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APPELANTE :



BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES représentée par son dirigeant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 7]



Représentée et plaidant par Me Bertrand DE BELVAL de la SELARL DE BELVAL, avocat au ba...

N° RG 20/03356 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NAOO

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 04 juin 2020

RG : 2018j00140

Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES

C/

S.A.R.L. MAC 4 PRO

S.A. CREDIT MUTUEL ARKEA

Société RCI BANQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Mai 2023

APPELANTE :

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES représentée par son dirigeant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée et plaidant par Me Bertrand DE BELVAL de la SELARL DE BELVAL, avocat au barreau de LYON, toque : 654

INTIMEES :

S.A.R.L. MAC 4 PRO représentée par son dirigeant en exercice domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Armelle DEBUCHY de la SELARL PERSEA, avocat au barreau de LYON, toque : 2157, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Emeric BOUSSAID, avocat au barreau de CHAMBERY

S.A. CREDIT MUTUEL ARKEA (CMA) prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Julie LEONI de la SELARL ZADIG AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1688, postulant et par Me Sébastien SCHAPIRA et Me Dimitri GREMONT du cabinet SCHAPIRA ASSOCIES AARPI, avocats au barreau de PARIS, plaidant par Me GREGOIRE, avocat au barreau de PARIS

La société RCI BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité de droit audit siège

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie-Josèphe LAURENT de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768 substituée et plaidant par Me SORO, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 30 Juin 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Mars 2023

Date de mise à disposition : 11 Mai 2023

Audience présidée par Raphaële FAIVRE, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 26 septembre 2016, la SARL Mac 4 Pro, cliente de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes (la BPARA) a émis un chèque de 23.462,21 euros TTC en règlement d'une facture de son fournisseur, la société Ge Capital Équipement Finance. Le 25 novembre 2016, ce chèque a été encaissé, mais le fournisseur a indiqué ne pas avoir reçu le paiement.

La société Mac 4 Pro s'est alors rapprochée de la BPARA et ayant obtenu une copie du recto du chèque, elle a constaté qu'il avait été falsifié, le nom de l'émetteur et du bénéficiaire ayant été remplacés par celui de Mme [V], (chèque à soi-même) titulaire d'un compte livret Épargne ouvert dans les livres de la société RCI Banque, laquelle a, selon contrat du 20 décembre 2011, confié à la société Arkea Banking Services les prestations liées à la commercialisation et la gestion de ce compte sur livret, les prestations ainsi confiées ayant elles-mêmes été sous traitées à la société Crédit Mutuel Arkea par un contrat cadre en date du 4 décembre 2014.

Par courrier du 22 juin 2017, la BPARA a indiqué à la société Mac 4 Pro qu'elle n'était pas responsable et que l'entière responsabilité pesait sur la banque qui avait procédé à l'encaissement du chèque.

Par courrier du 29 août 2017, la société Mac 4 Pro a indiqué à la BPARA que sa responsabilité était pleinement engagée et qu'elle attendait le remboursement des sommes décaissées sans son autorisation. Par courrier du 25 septembre 2017, la BPARA a maintenu sa position.

Par acte extrajudiciaire du 16 janvier 2018, la société Mac 4 Pro a assigné la BPARA devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir notamment paiement de la somme de 23.462,21 euros TTC.

Par jugement avant dire droit du 26 novembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la communication par la BPARA du verso du chèque falsifié.

Par acte extrajudiciaire du 16 janvier 2019, la société Mac 4 Pro a assigné la société Crédit mutuel Arkea devant le tribunal de commerce de Lyon. Par jugement du 28 février 2019, le tribunal de commerce de Lyon a ordonné la jonction des affaires.

Par acte extrajudiciaire du 15 avril 2019, la société Crédit Mutuel Arkea a appelé dans la cause la société RCI Banque, établissement teneur du compte sur lequel les fonds ont été encaissés en qualité de prestataire de service. Par jugement du 2 mai 2019, le tribunal de commerce de Lyon a ordonné la jonction des affaires.

La société RCI Banque a fait restituer à la société Mac 4 Pro la somme de 218,73 euros correspondant au solde du compte sur lequel le chèque a été encaissé.

Par jugement contradictoire du 4 juin 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- déclaré recevable l'action en responsabilité engagée par la société Mac 4 Pro à l'encontre des sociétés BPARA et RCI Banque,

- mis hors de cause le Crédit Mutuel Arkea,

- débouté la société Mac 4 Pro de ses demandes à l'encontre de la société RCI Banque,

- condamné la société BPARA au paiement de la somme de 23.243,48 euros au profit de la société Mac 4 Pro en réparation du préjudice subi,

- condamné la société BPARA au paiement de la somme de 2.000 euros au profit de la société Mac 4 Pro au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BPARA au paiement de la somme de 1.000 euros au profit du Crédit Mutuel Arkea au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société BPARA au paiement de la somme de 1.000 euros au profit de la société RCI Banque au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,

- prononcé l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné la société BPARA aux dépens de l'instance.

La BPARA a interjeté appel par acte du 30 juin 2020 sauf en ce qu'il a débouté la société Mac 4 Pro de ses demandes à l'encontre de la société RCI Banque.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 janvier 2021, la BPARA demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel,

statuant à nouveau,

- prendre acte qu'elle n'est pas la banque présentatrice,

- juger qu'aucune faute n'est caractérisée à son égard,

- juger que les conditions de sa responsabilité ne sont pas caractérisées,

- débouter la société Mac 4 Pro ainsi que le Crédit mutuel Arkea et la société RCI Banque,

- la condamner à lui payer, ou qui mieux le devra, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ainsi que les entiers dépens d'instance.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 novembre 2020 fondées sur les articles 1231-1 et suivants, 1915 et suivants et 1240 et suivants du code civil et les articles 367, 368 et 766 du code de procédure civile, la société Mac 4 Pro demande à la cour de :

- juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la BPARA à l'encontre du juge déféré,

- juger recevable et bien fondé son appel incident à l'encontre du jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause le Crédit Mutuel Arkea en sa qualité de banque présentatrice,

à titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

à titre incident,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause le Crédit Mutuel Arkea en sa qualité de banque présentatrice,

statuant à nouveau,

- juger que la responsabilité du Crédit Mutuel Arkea doit être relevée en sa qualité de banque présentatrice,

- constater que le Crédit Mutuel Arkea et la BPARA n'ont pas satisfait à leurs obligations légales en ne procédant pas à une vérification des anomalies apparentes du chèque,

- juger que le chèque n°0002646 en date du 26 septembre 2016 d'un montant de 23.462,21 euros TTC a été falsifié,

- juger que le Crédit Mutuel Arkea sera condamné in solidum avec la BPARA à lui payer la somme de 23.462,21 euros TTC déduction faite de la somme de 218,73 euros d'ores et déjà remboursée,

y ajoutant,

- condamné in solidum le Crédit Mutuel Arkea et la BPARA à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- outre les entiers dépens de l'instance en ce compris les éventuels frais d'exécution à venir.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 30 novembre 2020 fondées sur l'article 1240 du code civil et les articles L. 131-2 et L. 131-70 du code monétaire et financier, le Crédit Mutuel Arkea demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a mis hors de cause,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la falsification des noms de l'émetteur et du bénéficiaire et le fait qu'ils soient identiques ne constituent pas des anomalies apparentes,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que la discordance entre le nom de l'émetteur et le numéro de compte figurant sur le chèque litigieux constitue une falsification apparente,

- condamner la BPARA à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 30 novembre 2020, la société RCI Banque demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner la BPARA ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et de toutes ses suites, en vertu de l'article 696 du même code.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 mai 2021, les débats étant fixés au 8 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève qu'il n'est pas interjeté ni appel principal ni appel incident de la disposition du jugement déboutant la société Mac 4 Pro de ses demandes à l'encontre de la société RCI Banque, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette disposition du jugement.

Sur la demande en paiement de la société Mac 4 Pro à l'encontre de la société Crédit Mutuel Arkea et de la société BPARA

La société Mac 4 Pro soutient que :

- la banque présentatrice et la banque tirée sont tenues toutes deux à un contrôle de conformité du titre présenté et doivent procéder aux vérifications d'usage et sont tenues de relever les anomalies apparentes d'un chèque et d'assumer les conséquences du risque qu'elles prennent en s'en abstenant,

- le banquier tiré ne peut s'exonérer en se prévalant du caractère informatisé du traitement des chèques,

- l'obligation de vérification du banquier s'apprécie in concreto en fonction des éléments de l'espèce,

- il est de jurisprudence constante que l'obligation de vérification qui pèse sur le banquier tireur ne dispense pas le tiré des diligences qui lui incombent,

- c'est à juste titre que le tribunal a retenu que les conventions interbancaires dont se prévaut la société BPARA ne sont pas opposables aux clients,

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la responsabilité de la société Crédit Mutuel Arkea est également engagée alors qu'en tant que banque présentatrice, elle a commis une faute en s'abstenant de toute vérification sérieuse du chèque et à tout le moins en n'alertant pas le titulaire du compte débité des anomalies affectant le chèque et de l'étrangeté de l'opération, alors que le nom du bénéficiaire et de l'émetteur ont été falsifiés et sont les mêmes et que par ailleurs le numéro du compte et le numéro du chèque ne correspondent pas au compte ouvert au nom de l'émetteur,

- la banque présentatrice aurait nécessairement due être alertée de la provenance et du montant de ce chèque fait à soi-même,

- la société Crédit Mutuel Arkea à commis une faute en s'abstenant de toute vérification sérieuse du chèque et, à tout le moins, en ne l'alertant pas des anomalies affectant le chèque et de l'étrangeté de l'opération,

- la banque tirée aurait du se rendre compte de ce que le numéro de compte ne correspondait pas au titulaire du compte inscrit sur le chèque et du caractère illogique d'un chèque de 23.000 euros fait à un particulier sans raison par une société informatique,

- si l'original du chèque n'est pas produit au motif avancé par les banques qu'il a été détruit en tout état de cause la copie montre des traces de discontinuité correspondant à un effacement et des traces de surcharge de sorte qu'il est évident que ces falsifications devaient être décelables sur l'original du chèque,

- la signature figurant au dos du chèque est une grossière imitation de la signature du dirigeant de la société Mac 4 Pro figurant au recto, alors que le chèque étant fait par Mme [V] à elle-même, les deux signatures auraient dues être identiques, ce qui aurait dû alerter les banques.

La BPARA estime pour sa part que :

- les vérifications sont faites par la banque présentatrice et seulement par elle, de sorte que la banque tirée répercute les instructions qui lui sont données via la chambre de compensation ou s'effectue le règlement des chèques,

- au moment ou elle reçoit l'ordre d'inscription, elle ne dispose pas du chèque en cause,

- une banque tirée ne peut passer au crible tous les chèques a postériori des opérations déjà enregistrées du fait du décalage entre le moment où le chèque est traité par la banque présentatrice et son inscription en compte effectuée et le moment où le chèque est réceptionné par la banque du tireur,

- la jurisprudence invoquée retenant la responsabilité du banquier tiré est isolée et concerne un chèque de banque et une irrégularité formelle, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,

- elle n'a été à aucun moment directement concernée par un contrôle sur pièce du chèque qui a été fait par le tireur sans qu'elle ne soit informée, qui a ensuite été remis à l'encaissement auprès de la banque présentatrice et dénoué au crédit et au débit selon les instructions données à partir des opérations de la chambre de compensation, avant d'être réceptionnée par la banque du tireur, donneur d'ordre,

- elle précise qu'il eut fallu pour déceler l'anomalie, tenir le chèque matériellement mais aucune banque n'épluche chaque jour les milliers de chèques qui arrivent,

- il n'y avait aucune anomalie car le numéro de compte inscrit correspondait bien à un compte identifié,

- les chèques ne font pas l'objet d'un traitement manuel et il s'agit d'un mode de paiement gratuit qui comporte des risques.

La société RCI Banque soutient que :

- sa responsabilité en qualité de banque présentatrice ne peut être engagée si les anomalies n'étaient pas normalement et aisément décelables, ce qui est le cas en l'espèce, alors que le chèque ne présente aucune altération grossière, s'agissant de sa date, du lieu d'émission, du montant ou du nom du bénéficiaire et il ne comporte aucune rature, effacement ou surcharge et il est régulièrement signé,

- le simple fait de se faire un chèque à soi-même ne saurait consister en une anomalie apparente alors que l'article L.131-6 du code monétaire et financier rappelle que le chèque peut être à l'ordre du tireur lui-même,

- cette pratique est en outre courante comme mode d'approvisionnement d'un compte épargne, ce qu'est le compte ouvert par Mme [V] dans les livres de la société RCI Banque,

- l'anomalie, à la supposer apparente, ne pouvait être décelée qu'en comparant le nom de l'émetteur et le numéro de compte porté audit chèque, ce qu'elle ne pouvait pas vérifier n'ayant pas accès aux livres de la BPARA, et alors que s'agissant d'un chèque de plus de 5.000 euros, il est acheminé physiquement avant tout encaissement, de la banque présentatrice vers la banque tirée de sorte qu'il appartenait à la BPARA de constater cette incohérence.

La société Crédit Mutuel Arkea expose que :

- elle intervient dans les opérations d'encaissement de chèques des clients dont les comptes sont tenus par la société RCI Banque en qualité de simple prestataire de service et non d'établissement bancaire,

- elle est sous traitante de la société RCI Banque s'agissant de l'encaissement des chèques,

- elle n'est donc pas tenue à l'obligation de vigilance qui pèse sur les banquiers et ne peut donc être condamnée sur ce fondement,

- la société Mac 4 Pro lui attribue la qualité de banque présentatrice sans apporter la moindre explication, et l'a appelé en la cause en tant que sous traitante des opérations bancaires, ce qui manifeste une incompréhension totale de la procédure qu'elle a initiée et des relations entre les parties,

- le contrat de sous traitance stipule que le prestataire n'est pas responsable de la fraude sur les chèques, des traitements de détection sont effectués par le prestataire mais sans obligation de résultat,

- contrairement à ce que soutient la société Mac 4 Pro elle ne lui a pas restitué de manière anonyme le solde du compte bancaire ouvert dans les livres de la société RCI Banque, alors que c'est cette dernière qui est à l'initiative de ce remboursement,

- la société Mac 4 Pro ne démontre aucune anomalie apparente affectant le chèque litigieux dont le nom et les informations relatives au bénéficiaire ont été modifiées au moyen d'un procédé informatique relevant le professionnalisme avec lequel cette falsification a été opérée,

- le simple fait de se faire un chèque à soi-même ne saurait consister en une anomalie apparente alors que l'article L.131-6 du code monétaire et financier rappelle que le chèque peut être à l'ordre du tireur lui-même,

- cette pratique est en outre courante comme mode d'approvisionnement d'un compte épargne, ce qu'est le compte ouvert par Mme [V] dans les livres de la société RCI Banque,

- la distorsion entre le nom de l'émetteur et le numéro de compte figurant sur le chèque ne pouvait être constaté qu'après un examen approfondi, notamment par des vérifications dans le système de la banque présentatrice, ce qui n'est possible qu'en cas d'anomalie apparente, sauf à contrevenir à son obligation de non-ingérence,

- la BPARA, banquier tiré ne peut se décharger sur elle de sa responsabilité, alors que la jurisprudence décide que la banque tirée est tenue de vérifier la régularité formelle du titre et qu'en s'en abstenant elle prend un risque dont elle doit assumer les conséquences, et la faute éventuellement commise par la banque présentatrice ne peut qu'ouvrir une action récursoire de la banque tirée, cette jurisprudence n'étant pas isolée,

- aucune faute à son encontre n'est démontrée alors qu'il n'est pas même allégué que la signature figurant sur le chèque ne correspond pas au specimen remis à la banque RCI lors de l'ouverture du compte,

- la BPARA se devait, en cas d'anomalie apparente de vérifier que le numéro de compte figurant sur le chèque correspondait au nom de l'émetteur, ce qu'elle reconnaît ne pas avoir fait, alors qu'elle affirme à plusieurs reprises dans ses écritures qu'elle n'a effectuée aucun contrôle, et alors qu'elle pouvait effectuer un contrôle sur pièce puisqu'elle a disposée d'une copie image du chèque

Sur ce :

En application du premier alinéa de l'article L.131-38 du code monétaire et financier, celui qui paie un chèque sans opposition est présumé valablement libéré. Le tiré qui paie un chèque endossable est obligé de vérifier la régularité de la suite des endossements, mais non la signature des endosseurs.

Si cette présomption ne s'applique pas lorsque le chèque est faux dès l'origine, elle s'applique en revanche pleinement si la signature du tireur est authentique, mais que le chèque a cependant fait l'objet de falsifications postérieures à son émission.

La présomption pourra toutefois être renversée s'il est établi que le banquier a commis une faute, en particulier en omettant de déceler une anomalie apparente.

En effet, le banquier est tenu à un devoir général de vigilance qui consiste à prêter attention à certaines opérations réalisées par ses clients et qui transitent par leur compte bancaire, dès lors qu'elles présentent un caractère anormal.

En application de ce devoir de vigilance, le banquier doit relever les anomalies apparentes d'un chèque qui lui est présenté. L'anomalie apparente est celle qui ne doit pas échapper au banquier diligent.

Cette obligation de vigilance, s'agissant des chèques, s'impose tant à la banque tirée qu'à la banque présentatrice, qui ont l'une et l'autre l'obligation de contrôler la régularité formelle des chèques, la responsabilité de chacune d'elles étant engagée si une irrégularité apparente n'a pas été décelée par un employé normalement diligent.

Il résulte également de la combinaison des articles 9 du code de procédure civile et 1315, alinéa 2, devenu 1353, alinéa 2, du code civil que s'il incombe à l'émetteur d'un chèque d'établir que celui-ci a été falsifié, il revient à la banque tirée, dont la responsabilité est recherchée pour avoir manqué à son obligation de vigilance et qui ne peut représenter l'original de ce chèque, de prouver que celui-ci n'était pas affecté d'une anomalie apparente, à moins que le chèque n'ait été restitué au tireur (Cass.co ; 9 nov 2022 ; n°20-20.031).

Enfin, le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il lui cause un dommage ; dès lors, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Cass; ass.plén;13 janvier 2020 n°17-19.963).

En l'espèce, il est constant que le 26 septembre 2016, la SARL Mac 4 Pro, cliente de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a émis un chèque de 23.462,21 euros TTC au bénéfice de la société Ge Capital Équipement Finance en règlement d'une facture de fourniture et que ce chèque a été falsifié, le nom de « [L] [V] » ayant été substitué par grattage à celui du bénéficiaire initial et à celui du titulaire du compte et encaissé sur un compte sur livret ouvert dans les livres de la société RCI Banque.

Or, contrairement à ce que soutient la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, l'obligation de contrôler la régularité formelle du chèque ne pèse pas uniquement sur la banque présentatrice, de sorte que ce moyen n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité, alors qu'en sa qualité de banque tirée, elle est tenue d'une obligation de vigilance lui imposant de procéder aux diligences de nature à déceler une irrégularité apparente, sans qu'elle puisse davantage se retrancher derrière les conventions inter-bancaires qui ne sont pas opposables à la société Mac 4 Pro.

Par ailleurs, s'il n'est produit aux débats que la photocopie, en noir et blanc dudit chèque, il est également constant que le chèque a été remis matériellement en dernier lieu à la BPARA, en sa qualité de banque tiré afin de procéder au débit du compte du tireur, comme en atteste le schéma du processus de traitement d'un chèque, dont elle se prévaut dans ses écritures et que l'original du chèque litigieux a été détruit, de sorte qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, la BPARA, qui indique au demeurant qu'aucun contrôle matériel des chèques n'est réalisé, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que le chèque n'était pas affecté d'une anomalie apparente et, par suite, qu'elle a satisfait à son obligation de vigilance.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à payer à la société Mac 4 Pro la somme de 23.243,48 euros en réparation du préjudice subi déduction faite de la somme de 218,73 euros restituée par la société Crédit Mutuel Arkea.

La cour observe que la société Mac 4 Pro se prévaut également de la faute commise par la société Crédit Mutuel Arkea et fonde son action en responsabilité dirigée contre elle à la fois sur l'article 1231-1 et sur l'article1240 du code civil. Or, la société Crédit Mutuel Arkea, qui ne revêt pas la qualité de banque présentatrice n'était pas tenue au devoir de vigilance imposé à la société RCI Banque en cette qualité. En outre, la société Mac 4 Pro n'entretient aucun lien contractuel avec la société Crédit Mutuel Arkea de sorte qu'elle n'est recevable à rechercher sa responsabilité que sur le fondement de la faute délictuelle et quasi-délictuelle de l'article 1240 précité.

Il ressort des éléments de la procédure que selon contrat du 20 décembre 2011, la société RCI Banque, ès qualité de banque présentatrice du chèque falsifié à confié à la société Arkea Banking Services les prestations liées à la commercialisation et la gestion de ses comptes Livrets Épargne, laquelle a elle-même sous-traité à la société Crédit Mutuel Arkea par un contrat cadre en date du 4 décembre 2014 les prestations ainsi confiées.

Selon les conditions générales du contrat du 20 décembre 2011, qui sont versées aux débats, les prestations confiées à la société Arkea Banking Services, puis sous traitées à la société Crédit Mutuel Arkea, comportent la vérification de la validité des chèques et notamment le renvoi des chèques non conformes, l'enclenchement « du processus LAB en cas de chèque falsifié, avec transmission de l'image à la cellule fraude de la RCI », l'application du dispositif de détection de fraude ainsi que l'encaissement des chèques.

La convention de service du 4 décembre 2014 régularisée entre les sociétés Arkea Banking et Crédit Mutuel Arkea stipule que le prestataire n'est pas responsable de la fraude sur les chèques, des détections étant effectuées par celui-ci mais sans obligation de résultat. Il se déduit de ces dispositions contractuelles, que la responsabilité de la société Crédit Mutuel Arkea en cas de fraude commise sur les chèques nécessite de démontrer l'existence d'une faute de sa part.

Or, s'agissant d'un chèque à soi-même, si un chèque peut effectivement être à l'ordre du tireur lui-même, notamment s'agissant de l'alimentation d'un compte Épargne, la cour observe qu'un simple examen des signatures figurant au recto et au verso du chèque suffit à constater que celle figurant sur l'endos constitue une imitation grossière de la signature du tiré, de sorte qu'elle caractérise une anomalie pouvant être décelée par un employé normalement diligent. Il s'ensuit que la société Crédit Mutuel Arkea qui n'a pas procédé à cette simple vérification a manqué à son obligation contractuelle de détection de la fraude affectant les chèques dont elle assurait le traitement, étant au surplus relevé qu'une simple vérification aurait également permis de constater que le numéro du compte figurant au recto du chèque ne correspondait pas au titulaire du compte qui y était inscrit.

La société Mac 4 Pro est ainsi bien fondée à soutenir que la société Crédit Mutuel Arkea, qui n'a pas procédé à la vérification du chèque, a commis une faute à l'origine de son préjudice résultant du débit opéré frauduleusement sur son compte bancaire à hauteur de 23.462,21 euros. Elle est en conséquence également fondée à rechercher la responsabilité délictuelle de la société Crédit Mutuel Arkea sans avoir à démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement contractuel de cette dernière dans l'exécution de ses prestations de sous-traitance de la vérification des chèques de la banque présentatrice.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause la société Crédit Mutuel Arkea et de condamner cette dernière in solidum avec la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à payer à la société Mac 4 Pro la somme de 23.243,48 euros en réparation du préjudice subi.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La cour relève que la société Mac 4 Pro, qui sollicite la condamnation in solidum des sociétés Crédit Mutuel Arkea et Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance, ne demande pas cette condamnation in solidum au titre de la première instance, dès lors qu'à défaut de précision, l'instance visée ne peut s'entendre que de celle d'appel.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société BPARA au paiement de la somme de 2.000 euros au profit de la société Mac 4 Pro au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

La société Crédit Mutuel Arkea et la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes qui succombent doivent supporter in solidum les dépens d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à la société Mac 4 Pro une indemnité de procédure ce qui conduit aux décisions précisées dans le dispositif. Il convient également de débouter la société Crédit Mutuel Arkea et la société RCI Banque de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de sorte que le jugement déféré doit être infirmé sur ce point. Il convient enfin de débouter la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, contrairement à la demande de la société Mac 4 Pro, les dépens d'appel ne peuvent comprendre les éventuels frais d'exécution à venir, laquelle prétention est purement hypothétique.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Crédit Mutuel Arkea et en ce qu'il a condamné la société BPARA à payer à la société RCI Banque et à la société Crédit Mutuel Arkea chacune la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Crédit Mutuel Arkea in solidum avec la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à payer à la société Mac 4 Pro la somme de 23.243,48 euros en réparation du préjudice subi,

Condamne in solidum la société Crédit Mutuel Arkea et la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à verser à la société Mac 4 Pro une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Déboute la société Crédit Mutuel Arkea, la société RCI Banque et la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel,

Condamne in solidum la société Crédit Mutuel Arkea et la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes aux dépens d'appel, en ce non compris les éventuels frais d'exécution à venir.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/03356
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;20.03356 ?
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