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11/05/2023 | FRANCE | N°19/08628

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 11 mai 2023, 19/08628


N° RG 19/08628 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYAL









Décision du Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE SUR SAONE du 07 novembre 2019



RG : 2018j00112











Sté.coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES



C/



[M]

[M]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 11 Mai 2023







APPELANTE :
>

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES venant aux droits de LA BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS suivant fusion absorption de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS et de la BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL par la BANQUE POPULAIRE DES ALPES entérinée par l...

N° RG 19/08628 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYAL

Décision du Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE SUR SAONE du 07 novembre 2019

RG : 2018j00112

Sté.coopérative Banque Pop. BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES

C/

[M]

[M]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Mai 2023

APPELANTE :

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES venant aux droits de LA BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS suivant fusion absorption de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS et de la BANQUE POPULAIRE DU MASSIF CENTRAL par la BANQUE POPULAIRE DES ALPES entérinée par les Assemblées Générales Extraordinaires des 3 banques le 7 décembre 2016

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Florence CHARVOLIN de la SELARL ADK, avocat au barreau de LYON, toque : 1086

INTIMES :

M. [B] [M]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Aymeric CURIS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

M. [E] [M]

né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 5]

non représenté

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 16 Décembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Mars 2023

Date de mise à disposition : 11 Mai 2023

Audience présidée par Raphaële FAIVRE, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 décembre 2008, la société Scierie [M], exerçant une activité de scierie a signé une convention de compte courant avec la Banque Populaire Loire et Lyonnais.

Par acte du 8 février 2009, M. [B] [M], gérant de la société Scierie [M] s'est engagé en qualité de caution solidaire de la société Scierie [M] dans la limite de 10.000 euros pour une durée de 10 ans auprès de la Banque Populaire Loire et Lyonnais.

Le 12 juillet 2013, la société Scierie [M] a signé un contrat de prêt avec la Banque Populaire Loire et Lyonnais d'un montant de 70.000 euros destiné à financer des travaux de mise aux normes. Par actes du même jour, M. [B] [M] et M. [E] [M], se sont engagés en qualité de caution solidaire de ce prêt dans la limite 21.000 euros pour une durée de 108 mois.

Par jugement du 22 février 2018, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Scierie [M].

Par courrier du 26 mars 2018, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, venant aux droits de la Banque Populaire Loire et Lyonnais, a déclaré sa créance au passif de la société Scierie [M].

Par courriers recommandés du 26 mars 2018, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a mis en demeure M. [B] [M] et M. [E] [M] d'honorer leurs engagements de caution.

Par actes extrajudiciaires des 19 et 20 novembre 2018, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a fait assigner M. [B] [M] et M. [E] [M] devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare.

Par jugement contradictoire du 7 novembre 2019, ce tribunal a :

- prononcé la nullité des actes de cautionnement signés le 12 juillet 2012 par M. [B] [M] et M. [E] [M] au titre du prêt professionnel n°07046381,

- débouté par conséquence la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande au titre des sommes dues pour ce prêt,

- jugé recevables les demandes concernant le remboursement du solde du compte débiteur par [B] [M] et M. [E] [M] au titre de leur caution solidaire,

- condamné M. [B] [M] et M. [E] [M] à régler chacun à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 10.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2018 date de la mise en demeure au titre de leur engagement de caution solidaire, et ce dans la limite de la somme de 16.630,28 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2018, date d'arrêté des comptes, au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX02],

- accordé à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes le bénéfice de la capitalisation des intérêts,

- débouté la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de ses demandes de dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [B] [M] et M. [E] [M] aux entiers dépens de l'instance liquidés en ce qui concerne le présent jugement à la somme de 84,48 euros TTC, ainsi qu'aux frais relatifs à toutes mesures conservatoires,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

La Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes a interjeté appel par acte du 16 décembre 2019 en ce que le jugement a prononcé la nullité des actes de cautionnement signés le 12 juillet 2012 par M. [B] [M] et M. [E] [M] au titre du prêt professionnel n°07046381 et en ce qu'il l'a débouté par conséquent de sa demande au titre des sommes dues pour ce prêt,

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 février 2021 et signifiées à M. [E] [M] le 24 février 2021 fondées sur les articles 1134 ancien et 1343-5 du code civil, l'article 122 du code de procédure civil et les anciens articles L.332-1 et L.341-6 du code de la consommation, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, venant aux droits de la Banque Populaire Loire et Lyonnais, demande à la cour de :

- déclarer ses demandes recevables et fondées,

en conséquence,

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité des actes de cautionnement signé le 12 juillet 2013 par MM. [M] au titre du prêt professionnel n°07046381 et l'a débouté du surplus de ses demandes,

et statuant à nouveau,

- condamner M. [B] [M] et M. [E] [M] à lui payer chacun la somme de 7.037,57 euros outre intérêts au taux conventionnel majoré de 6,70% l'an à compter du 27 septembre 2018, date d'arrêté des comptes, au titre de leur engagement de caution solidaire,

- débouter M. [B] [M] de l'intégralité de ses demandes,

- juger qu'elle a qualité pour agir, venant aux droits de la Banque Populaire Loire et Lyonnais,

- juger qu'elle n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde,

- juger qu'il n'existe aucun soutien abusif dans l'octroi du prêt,

- juger que l'engagement de caution de M. [M] n'est pas disproportionné,

- juger qu'elle a respecté son obligation d'information annuelle de la caution, ou à tout le moins que l'éventuelle déchéance du droit aux intérêts n'aura pas d'impact sur les sommes dues par M. [M],

- juger que les conditions pour accorder à M. [M] un délai de paiement ne sont pas réunies,

- condamner in solidum M. [B] [M] et M. [E] [M] à lui payer :

' la somme de 450 euros au titre des dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

' la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- lui accorder le bénéfice de la capitalisation des intérêts, conformément aux termes de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner in solidum M. [B] [M] et M. [E] [M] aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'aux frais relatifs à toutes mesures conservatoires avec droit de recouvrement.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 22 février 2021 fondées sur les articles 1343-5 et suivants du code civil et l'article 32 du code de procédure civile, M. [B] [M] demande à la cour de :

- juger la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes irrecevable en son action pour défaut du droit à agir,

à titre subsidiaire,

- rejeter les demandes de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes comme étant injustifiées et mal fondées,

- juger les engagements de cautionnement signés le 12 juillet 2013 au titre du prêt professionnel n°07046381 nuls,

en conséquence,

- rejeter les demandes de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes comme étant injustifiées et mal fondées,

- juger qu'ils ne sont pas comptables du solde débiteur du compte n°[XXXXXXXXXX02] à hauteur de 10.000 euros au titre de leurs engagements de caution solidaires,

- juger leur engagement de caution inopposable,

à titre subsidiaire, si la cour considérait qu'ils sont redevables de l'engagement de caution relatif au compte n°[XXXXXXXXXX02],

- juger que la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes ne produit pas l'information annuelle de la caution, en conséquence débouter la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de son droit à intérêts,

- juger qu'ils pourront payer leur dette dans la limite de 2 ans conformément à l'article 1343-5,

en conséquence,

- condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes à leur payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes en tous les dépens de l'instance.

M. [E] [M], à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 19 février 2020, n'a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 mai 2021, les débats étant fixés au 8 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève qu'il n'a pas été interjeté appel des dispositions du jugement déboutant la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de ses demandes de dommages-intérêts et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ces dispositions n'ont pas été dévolues à la cour qui n'en est pas saisie, de sorte qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur ces chefs de demandes figurant au dispositif des écritures de la banque.

La cour relève encore que M. [E] [M] n'a pas constitué avocat et que M.[B] [M] n'est pas recevable à former appel incident des condamnations prononcées contre celui-ci. En conséquence la cour n'est pas saisie des dispositions du jugement condamnant M. [E] [M] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 10.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2018 date de la mise en demeure au titre de leur engagement de caution solidaire, et ce dans la limite de la somme de 16.630,28 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2018, date d'arrêté des comptes, au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX02] et aux dépens.

Enfin, il est rappelé qu'en application de l'article 37 de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, les cautionnements ayant été souscrits avant le 1er janvier 2022, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance, ils demeurent soumis à la loi ancienne.

Sur la recevabilité de la banque

M. [B] [M] fait valoir qu'il s'est porté caution envers la Banque Populaire Loire et Lyonnais de sorte que la Banque Populaire Auvergne Rhônes-Alpes ne démontre pas son droit d'agir à son encontre et à l'encontre de [E] [M].

La Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes fait valoir qu'elle vient aux droits de la Banque Populaire Loire et Lyonnais à la suite d'une fusion-absorption intervenue au profit de la Banque Populaire des Alpes devenue Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes comme en atteste l'extrait K Bis versé aux débats .

Sur ce :

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l'espèce, il ressort de l'examen de l'extrait Kbis à jour au 28 décembre 2017 que la Banque Populaire des Alpes devenue Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes vient aux droits de la Banque Populaire Loire et Lyonnais à la suite d'une fusion-absorption intervenue au profit de cette dernière, de sorte que le moyen d'irrecevabilité soulevé par M. [B] [M] ne peut prospérer.

Sur la nullité des engagements de caution

La Banque Populaire Loire et Lyonnais fait grief au jugement déféré d'avoir prononcé la nullité des engagements de caution au motif qu'aucune explication n'est fournie quant à l'existence d'une durée de prêt plus courte que la durée des engagements de caution et au motif d'une différence entre les durées et le quantum portés sur les actes de cautionnement et sur les garanties Oseo, affectant ainsi la lisibilité et la compréhension par les cautions de leur engagement, alors que :

-celles-ci ne subissent aucun préjudice puisqu'elle ne leur réclame que les taux moindres stipulés dans les garanties Oseo,

-il est tout à fait possible contractuellement de prévoir une clause par laquelle la durée de l'engagement de caution est plus longue que celle du prêt et que les consorts [M] qui ont écrit de leur main la mention de la durée du prêt avaient conscience de la portée de leur engagement.

M.[B] [M] soutient que la signature portée sur « le contrat de prêt de la garantie Oseo » et des actes de cautionnement ainsi que les quantum et la durée sont différents et affectent ainsi le sens et la portée de son engagement figurant dans la mention légale. Il ajoute que lors de l'octroi du prêt, la société [M] était en grande difficulté, comme en atteste son solde bancaire débiteur à hauteur de 15.681 euros, de sorte que la banque a commis une faute en accordant ce crédit.

Sur ce :

Conformément à l'article 2290 ancien du code civil, le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses. Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses. Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n'est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l'obligation principale.

La clause du contrat de cautionnement qui stipule que la durée du cautionnement sera plus longue que celle du prêt est licite et ne peut constituer une cause de nullité de la garantie, cette clause pouvant seulement viser que l'obligation de règlement.

En l'espèce, outre le caractère confus du moyen soulevé et ainsi libellé : « la signature portée sur « le contrat de prêt de la garantie Oseo et des actes de cautionnement sont différentes » qui ne met pas en mesure la cour de déterminer quels sont les documents pour lesquels il fait état d'une différence de signature, en tout état de cause, il est observé que M. [M] se borne à soutenir que les signatures sont différentes sans toutefois dénier sa signature portée sur l'acte de cautionnement, de sorte que ce moyen de nullité est inopérant.

La différence entre la durée du prêt garanti et la durée de l'engagement de caution est également sans conséquence alors d'une part qu'une clause du contrat de cautionnement qui stipule que la durée du cautionnement sera plus longue que celle du prêt est licite et alors, d'autre part, que les consorts [M], qui ont apposé sur leur engagement de caution la mention manuscrite prescrite par la loi dont il n'est ni allégué, ni a fortiori démontré qu'elle est affectée d'une irrégularité, ont ainsi eu parfaitement conscience de la portée de leur engagement.

Par ailleurs, si la notification de garantie Oseo annexée au contrat de prêt mentionne un cautionnement solidaire de [B] et [E] [M] à concurrence de 25 % tandis que l'acte de cautionnement ainsi que la mention manuscrite stipulent un engagement de caution à hauteur de 30%, cette différence entre les deux actes n'est pas de nature à affecter le sens et la portée des engagements de caution souscrits par [E] et [B] [M], alors que la mention manuscrite comporte l'ensemble des mentions légales prescrites à peine de nullité, ce que M. [B] [M], qui n'allègue d'aucune irrégularité affectant cette mention manuscrite, ne conteste pas.

Enfin, quand bien même la banque aurait commis une faute en accordant à la société [M] un crédit alors que son compte bancaire présentait un solde débiteur de 15.681 euros, celle-ci n'est pas de nature à entraîner la nullité du contrat de cautionnement, de sorte que ce moyen ne peut davantage prospérer.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes est bien fondée à contester la nullité des engagements de caution garantissant le prêt professionnel souscrit le 12 juillet 2013. Le jugement déféré doit donc être infirmé sur ce point et il y a lieu de condamner M. [B] [M] et M. [E] [M] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes chacun la somme de 7.037,57 euros au titre de leur engagement de caution solidaire, lequel montant n'est pas discuté.

Sur le devoir de mise en garde et sur le soutien abusif de crédit

Pour s'opposer à la demande en paiement formée contre lui au titre de son engagement de caution donné en garantie du solde débiteur du compte courant de la société [M], M. [B] [M] invoque le manquement de la banque à son obligation de mise en garde.

Il fait grief à la banque de ne pas l'avoir mis en garde sur la dangerosité de ses engagements alors que lors de l'octroi du prêt, le solde bancaire de la société garantie était débiteur depuis 2009, et présentait un solde débiteur de 19.681,44 euros au 31 août 2013, de sorte qu'elle ne pouvait rembourser le prêt. Il estime que la banque qui a soutenu de manière abusive la société [M] ne peut se prévaloir de son engagement auprès des cautions.

La banque expose que le prétendu soutien abusif n'est pas sanctionné par la nullité du cautionnement mais donne lieu le cas échéant à une éventuelle action en responsabilité et en tout état de cause il n'est pas démontré qu'elle a commis un des actes limitativement énumérés par l'article L. 650-1 du code de commerce. Elle soutient que M. [B] [M], qui était gérant de la société [M] depuis sa création et qui a été l'interlocuteur de la banque, signant tous les engagements de la société, était une caution avertie et que c'est à juste titre que le tribunal a retenu qu'aucun devoir de mise en garde ne lui était du, eu égard à l'absence de complexité du montage financier et du caractère courant d'un prêt de 10.000 euros sur 10 ans.

Sur ce :

Conformément à l'article 1147 ancien du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Sur le fondement de ces dispositions, la caution peut rechercher la responsabilité de l'établissement de crédit. A ce titre, la banque est tenue à l'égard de la caution non avertie d'un devoir de mise en garde à raison de ses capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt et cette obligation n'est pas limitée au caractère manifestement disproportionné de son engagement au regard de ses biens et revenus.

Le caractère averti d'une caution ne peut être déduit de sa seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale mais résulte de critères tenant à l'implication personnelle du dirigeant dans l'activité exercée, plus particulièrement dans le financement obtenu qui est justement garanti, et à la compétence et l'expérience permettant de mesurer le risque pris.

En l'espèce, la seule qualité de dirigeant de M. [B] [M] ne suffit pas à lui conférer la qualité de caution avertie, de sorte que l'appelante, qui n'allègue ni ne démontre l'existence chez la caution de compétence ou expérience lui permettant d'avoir une parfaite connaissance du risque attaché à son engagement, n'est pas fondée à se prévaloir de sa seule qualité de dirigeant pour s'exonérer de son devoir de mise en garde.

En revanche, il est constant que ce compte courant a fonctionné depuis le 12 décembre 2008, date de son ouverture dans les livres de la banque jusqu'au 22 février 2018, date du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Scierie [M], sans qu'il soit démontré l'existence de dysfonctionnements affectant ce compte courant, les seuls relevés de compte au 31 mai, 28 juin et 31 juillet 2013 faisant état d'un solde débiteur de 15.634,05 euros, de 16.122,05 euros et 15.681,44 euros, qui traduisent la situation ponctuelle du compte, n'étant pas de nature à établir un soutien abusif de crédit.

Au regard de ces éléments, et à défaut de communication d'élément contraire, contemporain de la période de la souscription du compte courant, il doit être admis que cette ouverture de compte n'était pas inadaptée aux capacités financières de la société [M].

Cette ouverture de compte courant n'était donc pas susceptible d'entraîner la défaillance de la société dans le remboursement du solde et partant, la mobilisation de M. [M] en qualité de caution, ce dernier, qui déclarait un revenu mensuel de 1.769 euros au titre de salaires, outre 316 euros au titre de revenus mobiliers (soit 25.020 euros annuel), outre la propriété de deux biens immobiliers d'une valeur estimée respectivement à 150.000 euros et 450.000 euros, outre 50 % des parts de la Sarl Scierie [M] et des charges de 326 euros au titre du remboursement d'un crédit voiture, ne démontrant ainsi pas davantage qu'au jour de la conclusion de son engagement de caution, celui-ci n'était pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existait un risque d'endettement né de l'ouverture de ce compte courant.

Par voie de conséquence, la banque n'était pas tenue envers M.[M] d'un devoir de mise en garde, ce qui conduit à la confirmation du jugement déféré.

Sur la disproportion de l'engagement de caution

Pour s'opposer à la demande en paiement formée contre lui au titre de son engagement de caution donné en garantie du solde débiteur du compte courant de la société [M], M. [B] [M] invoque également la disproportion de son engagement de caution. Il soutient que la valeur des biens immobiliers figurant sur la fiche de renseignement n'est pas celle figurant dans l'acte notarié qui mentionne des valeurs de 75.000 et 30.750 euros. Il indique qu'il remboursait à cette date un prêt habitat contracté auprès de la même banque et un prêt voiture contracté auprès du CIC Lyonnaise de Banque. Il ajoute qu'en 2013 son revenu annuel était de 16.453 euros et de 14.347 euros en 2012.

La banque se prévaut de la fiche de renseignement complétée par la caution aux termes de laquelle elle fait état du revenus mensuels de 1.769 euros, de la propriété de deux biens immobiliers estimés respectivement à 150.000 euros et 450.000 euros, libres de toute charge et de la détention de 50% des parts sociales de la société [M] dont le capital est de 30.490 euros. Elle estime qu'au regard de ces éléments et compte tenu de l'existence d'un compte courant d'associé détenu par M. [B] [M], son engagement de caution était tout à fait proportionné à ses biens et revenus.

Sur ce :

L'article L.341-4 du code de la consommation devenu article L.332-1 dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et à ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où elle a été appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription de le prouver. La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de l'engagement, des biens et revenus et de l'endettement global, comprenant l'ensemble des charges, dettes et éventuels engagements de cautionnements contractés par la caution au jour de l'engagement.

Si l'engagement n'était pas disproportionné au jour de la souscription, le créancier peut s'en prévaloir sans condition. Si l'engagement était disproportionné au jour de la souscription et que le créancier entend s'en prévaloir, il lui incombe de prouver que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au moment où elle est appelée, soit au jour de l'assignation.

Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude.

En l'espèce, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes produit un document intitulé « renseignements confidentiels sur la caution solidaire proposée» complété le 5 février 2009 revêtue de la mention « certifiée sincère et exacte » et signée par M. [M] dans laquelle il déclare qu'il est marié, sans enfants à charge, qu'il dispose d'un revenu mensuel de 1.769 euros au titre de salaires, outre 316 euros au titre de revenus mobiliers (soit 25.020 euros annuel), qu'il est propriétaire de deux biens immobiliers d'une valeur estimée respectivement à 150.000 euros et 450.000 euros, otre 50 % des parts de la Sarl Scierie [M]. Il déclare des charges de 326 euros au titre du remboursement d'un crédit voiture de 12.500 euros.

M. [M] soutient à hauteur d'appel que les deux biens immobiliers ont été évalués par notaire le 27 septembre 2007 à un montant respectif de 75.000 euros et 30.750 euros, laquelle affirmation n'est assortie d'aucune offre de preuve. Il n'est pas davantage fondé à se prévaloir de l'existence d'un prêt habitat dont la preuve n'est pas rapportée et dont il affirme qu'il a été souscrit en 2010, soit postérieurement à l'établissement de la fiche, dont il n'est au demeurant pas allégué qu'elle serait affectée d'anomalies apparentes.

Au regard de ces éléments, l'engagement de caution de M. [M] d'un montant de 10.000 euros au titre de la garantie de découvert en compte courant n'était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus d'un montant de 625.020 euros, de sorte que le jugement déféré doit être confirmé.

Sur l'information annuelle de la caution

M. [M] soutient que la banque ne produit pas la preuve de l'obligation d'information annuelle de sorte qu'elle doit être déboutée de son droit à intérêt.

La banque indique qu'elle verse aux débats les lettres d'information annuelles de la caution adressées à M. [B] [M] de sorte qu'il est démontré qu'elle a respecté son obligation et en tout état de cause, la déchéance du droit aux intérêts n'aurait aucun impact sur les sommes dues par M. [B] [M] alors que les sommes qui lui sont réclamées sont largement supérieures au quatum des engagements de caution qu'il a souscrit.

Sur ce :

En application de l'article L 313-22 du code monétaire et financier les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En application de ce texte, l'information est due jusqu'à l'extinction de la dette, même après condamnation définitive de la caution ou après admission de la créance à la procédure collective du débiteur.

En l'espèce, la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes verse aux débats la copie des lettres d'information annuelles libellées au nom et à l'adresse de M. [M] au titre des années 2010 à 2018. Toutefois, la seule production de la copie de ces lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi, de sorte que la banque, qui ne démontre pas avoir satisfait à son obligation d'information annuelle à compter du 31 mars 2010 est ainsi déchue de son droit aux intérêts contractuels pour la période du 31 mars 2010 au 26 mars 2018, date de la déclaration de sa créance à la liquidation judiciaire de la société [M]. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré sur ce point.

Sur les délais de paiement

La banque soutient que M. [B] [M] ne produit aucun document lui permettant de justifier de sa demande de délais de paiement.

Sur ce :

Conformément à l'article 1244 alinéa 1 ancien du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l'espèce, la demande de délais de paiements de M. [M] qui n'est pas motivée en fait, doit être rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Partie perdante, M. [M] doit supporter les dépens d'appel comme les frais irrépétibles qu'il a exposés et verser à l'intimée une indemnité de procédure de 1.500 euros à hauteur d'appel. Il convient enfin de débouter M. [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a prononcé la nullité des actes de cautionnement signés le 12 juillet 2012 par M. [B] [M] et M. [E] [M] au titre du prêt professionnel n°07046381 et en ce qu'il a débouté la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes de sa demande au titre des sommes dues pour ce prêt,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute M. [B] [M] de sa demande en nullité de son engagement de caution souscrit le 12 juillet 2013 en garantie d'un contrat de prêt souscrit le même jour par la société Scierie [M],

Condamne solidairement M. [B] [M] et M. [E] [M] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes chacun la somme de 7.037,57 euros au titre de leur engagement de caution su 12 juillet 2013 en garantie du prêt souscrit le même jour par la société Scierie [M],

Prononce la déchéance du droit aux intérêts de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes pour la période du 31 mars 2010 au 26 mars 2018,

Condamne M.[B] [M] à verser à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[B] [M] aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/08628
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;19.08628 ?
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