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11/05/2023 | FRANCE | N°19/08065

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 11 mai 2023, 19/08065


N° RG 19/08065 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWWZ









Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE du 24 octobre 2019



RG : 2018j01357





[I]



C/



Société BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONEALPES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 11 Mai 2023







APPELANT :



M. [V] [I]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Local

ité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté et plaidant par Me Raphaël SALZMANN, avocat au barreau de ROANNE





INTIMEE :



BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités...

N° RG 19/08065 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWWZ

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE du 24 octobre 2019

RG : 2018j01357

[I]

C/

Société BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONEALPES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Mai 2023

APPELANT :

M. [V] [I]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté et plaidant par Me Raphaël SALZMANN, avocat au barreau de ROANNE

INTIMEE :

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège, et venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE MASSIF CENTRAL

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, postulant et plaidant par Me Prisca WUIBOUT de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 22 Novembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Février 2023

Date de mise à disposition : 11 Mai 2023

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Marianne LA-MESTA, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [V] [I] (ci-après M. [I]) était le gérant de la SARL Menurey et de la SAS Société nouvelle des établissements Putanier (ci-après « société SN des établissements Putanier »).

Le 24 novembre 2015, la société Menurey a signé un contrat de crédit avec la société Banque populaire du massif central pour un montant de 200.000 euros remboursable en 84 mensualités.

Par acte sous seing privé du 26 novembre 2015, M. [V] [I], s'est porté caution solidaire de la société Menurey à hauteur de 50% de l'encours et dans la limite de 120.000 euros pour une durée de 108 mois.

Par acte du 1 décembre 2015, la société Menurey a inscrit un nantissement sur ses comptes titres financiers à concurrence de 400.000 euros.

Par acte sous seing privé du 14 juin 2016, M. [I] s'est porté caution solidaire de la société SN des établissements Putanier dans la limite de 30.000 euros pour une durée de 10 ans.

Par jugement du 10 janvier 2018, le tribunal de commerce de Roanne a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société SN des établissements Putanier.

Par courrier du 18 janvier 2018 dont il a été accusé réception, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, (ci-après la BPAURA) venant aux droits de la société Banque populaire du massif central, a déclaré une créance chirographaire de 24.982,75 euros au passif de la société SN des établissements Putanier.

Par jugement du 24 janvier 2018, le tribunal de commerce Roanne a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Menurey.

Par courrier dont il a été accusé réception le 9 mars 2018, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes a déclaré une créance privilégiée de 186.945,12 euros au passif de la société Menurey.

Par courrier du 8 juin 2018 dont il a été accusé réception, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes a réduit sa déclaration de créance au passif de la société SN des établissements Putanier à 23.642,91 euros.

Par jugement du 27 juin 2018, le tribunal de commerce de Roanne a converti les procédures de redressement judiciaire de la société Menurey en liquidation judiciaire. Par jugement du 28 juin 2018, le tribunal de commerce de Roanne a converti la procédure de redressement judiciaire de la société SN des établissements Putanier en liquidation judiciaire.

Par courrier recommandé dont il a été accusé réception le 25 juillet 2018, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes a mis en demeure M. [I] de lui régler la somme de 23.657,48 euros au titre de son engagement de caution solidaire de la société SN des établissements Putanier. Par courriel du 12 septembre 2018, M. [I] a invoqué la disproportion de son engagement.

Par courrier recommandé dont il a été accusé réception le 27 septembre 2018, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes a mis en demeure M. [I] de lui régler la somme de 95.092,40 euros au titre de son engagement de caution solidaire de la société Menurey. Par courriel du 15 novembre 2018, M. [I] a confirmé sa position.

Par acte extrajudiciaire du 12 décembre 2018, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes a assigné M. [I] devant le tribunal de commerce de Roanne aux fins d'obtenir notamment :

' la somme de 23.725,01 euros au titre du cautionnement du solde débiteur du compte courant commercial de la société SN des établissements Putanier,

' la somme de 95.455,53 euros au titre du cautionnement du solde débiteur du prêt professionnel de la société Menurey.

Par jugement contradictoire du 24 octobre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- dit que les deux engagements de caution de M. [I] au profit de la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes lui sont opposables,

- dit que la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes n'a pas eu de comportement fautif à l'égard de M. [I],

- dit que les créances de la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes sont fondées dans leur principe et dans leur quantum,

- dit les demandes de la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes recevables et bien fondées,

- condamné M. [I], en sa qualité de caution, à régler à la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes :

- 23.725,01 euros au titre du cautionnement du solde débiteur du compte courant commercial de la société SN des établissements Putanier, outre intérêts au taux légal continuant à courir à compter du dernier décompte du 19 novembre 2018 jusqu'à parfait paiement,

- 95.455,53 euros au titre du cautionnement du solde débiteur du prêt professionnel de la société Menurey outre intérêts au taux légal continuant à courir à compter du dernier décompte du 19 novembre 2018 jusqu'à parfait paiement,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts au taux légal,

- autorisé M. [I] à reporter le paiement de sa dette à l'égard de la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, et objet de la présente instance, de 24 mois à compter du prononcé du présent jugement,

- condamné M. [I] à verser à la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 75,51 euros, sont à la charge de M. [I],

- rejeté la demande d'exécution provisoire du présent jugement.

M. [I] a interjeté appel par acte du 22 novembre 2019.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 30 novembre 2020 fondées sur les articles 1103, 1104, 1343-5, 2288 et 2292 du code civil et les articles L.331-1, L.331-3, L.332-1 et L.333-1 (nouveaux) du code de la consommation, M. [I] demande à la cour de :

- recevoir son appel,

- dire cet appel parfaitement fondé,

ce faisant,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf sur le rejet de l'exécution provisoire,

à titre principal,

- juger :

- que lors des souscriptions successives des deux engagements de caution litigieux à l'égard de la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, les revenus et la valeur de ses patrimoines mobilier et immobilier étaient manifestement disproportionnés par rapport au quantum des sommes cautionnées,

- que cette disproportion est toujours d'actualité,

- que la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes, débitrice de la charge de la preuve sur ce point, ne saurait démontrer le contraire,

- que le banquier n'est donc pas fondé à se prévaloir des deux engagements de caution litigieux,

- débouter la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes à lui payer la somme de 5.000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Me Salzmann, Avocat sur son affirmation de droit,

à titre subsidiaire,

- lui accorder le report à 24 mois, à compter de la date de l'arrêt à intervenir, du paiement des sommes réclamées par la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes selon le détail suivant :

- la somme de 23.725,01 euros au titre du cautionnement du solde débiteur du compte bancaire courant de la société SN des établissements Putanier, outre intérêts,

- la somme de 95.455,53 euros, au titre du cautionnement du prêt souscrit par la société Menurey, outre intérêts,

- dire que ces sommes en capital produiront intérêts à taux réduit égal au taux d'intérêt légal,

et ce, compte tenu de sa situation économique des plus précaires et de l'importance des sommes réclamée,

- ordonner la suspension des intérêts et autres pénalités de retard pendant toute la durée des délais octroyés,

- dire que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens de première instance et d'appel, en application du principe d'équité, sachant que lesdits dépens seront distraits au profit de chacun des avocats de la cause,

- rejeter toutes demandes et prétentions contraires ou divergentes émanant de la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes,

- débouter cette dernière de son appel incident.

Concernant le cautionnement de 120.000 euros du 26 novembre 2015, M. [I] a mis en avant les éléments suivants :

- l'absence de vérifications par la banque du caractère proportionné de l'engagement conclu avec les revenus et biens constituant son patrimoine

- l'absence de mise en garde de M. [I] par la banque concernant la disproportion d'un tel engagement sachant qu'à la date de cet engagement, l'appelant étant sans emploi, n'avait perçu au titre des revenus 2014 que la somme de 35.345 euros et devait assumer des charges annuelles conséquentes avec deux emprunts, son revenu théorique étant établi à la somme de 10.603,50 euros soit un déficit de 2.303,72 euros, tout en sachant qu'il disposait de biens immobiliers

- concernant son patrimoine immobilier, l'appelant a rappelé qu'il convenait d'exclure l'appartement d'[Localité 6] qui était vendu et dont le prix de vente à hauteur de 160.000 euros a été réinvesti à hauteur de 150.000 euros en compte courant pour la société Menurez et la libération du capital restant, s'agissant de conditions fixées par la BPI, et que pour la maison de [Localité 9], le montant de 77.817 euros devait être retenue après déduction du solde restant dû

- concernant la patrimoine mobilier, il a retenu une somme de 34.404,16 euros

- soit un total en patrimoine de 103.998,43 euros puisque le montant disponible ensuite de la vente de l'appartement d'[Localité 6] ne pouvait être retenu, comme devant être investi dans le rachat des parts de la société Menurey

- la prise en compte nécessaire des autres engagements de cautionnement souscrits par l'appelant pour la somme de 100.000 euros au profit du Crédit Agricole, engagement contracté la veille de l'engagement litigieux, et relevant d'une concertation entre les deux banques, comme confirmé par l'intimée dans un courriel

- le fait que les banques étaient en lien car à l'origine, il avait demandé un concours bancaire pour 400.000 euros dont seule la moitié avait été accordée par la BPAURA, cette dernière lui demandant de se rapprocher d'autres banques, le Crédit agricole entre en relation avec l'intimée par la suite, sans compter les mêmes garanties prises sur les parts et fonds de commerce par la suite

- le fait que le Tribunal de Commerce de Roanne a retenu le caractère disproportionné de son engagement de caution au profit du Crédit Agricole

- l'absence de vérification des engagements et de leur portée par la BPAURA, et n'a pas pris en compte la valeur des biens présents au patrimoine et des prêts les grevant éventuellement.

S'agissant de l'engagement de caution pour 30.000 euros, M. [I] a présenté les mêmes moyens concernant son patrimoine et le défaut de vérification par la banque, et a conclu à l'absence de retour à meilleure fortune en raison de l'état de son patrimoine actuel dont les seules ressources sont ses revenus locatifs pour la somme de 1.094,30 euros par mois pour un total de charges de 2.569,79 euros, sachant que 75% de son épargne mobilière a été mobilisée pour un arriéré de cotisations URSSAF.

* *

*

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 décembre 2020 fondées sur les articles 2288 et 2298 du code civil et l'article L.643-1 du code de commerce, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a autorisé M. [I] à reporter le paiement de sa dette à son égard de 24 mois à compter du prononcé du jugement,

en conséquence,

- condamner M. [I], en sa qualité de caution, à lui régler les sommes de :

- 23,725,01 euros au titre du cautionnement du solde débiteur du compte courant commercial de la société SN des établissements Putanier et outre intérêts au taux légal continuant à courir à compter du dernier décompte jusqu'à parfait paiement,

- 95.455,53 euros correspondant à l'acte de caution du solde débiteur du prêt professionnel de la société Menurey (50% de l'encours du prêt), outre intérêts au taux contractuel continuant à courir à compter du denier décompte jusqu'à parfait paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- débouter M. [I] de toutes ses prétentions y compris au titre de délais de paiement,

- condamner M. [I] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [I] aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la SCP Baufume Sourbe.

Concernant la disproportion des engagements alléguée par M. [I], la BPAURA a mis en avant les moyens suivants :

- lors de la souscription du cautionnement, la déclaration par l'appelant de nombreux éléments de solvabilité, retenus par les premiers juges, la méthode du Crédit Agricole n'étant pas opposable dans la présente instance

- la nature des revenus annuels de M. [I], pour la somme de 35.345 euros, sachant qu'il devait régler des charges de 13.507,22 euros soit un disponible de 21.837,78 euros, aucun déficit n'étant établi

- concernant l'appartement d'[Localité 6], la prise en compte du montant de remploi contrairement à ce qui est invoqué par l'appelant, d'autant plus que la banque n'avait pas à vérifier cette mention, inscrite sous la responsabilité de M. [I], la banque pouvant retenir légitimement la somme de 75.000 euros

- l'absence de précision concernant la maison de [Localité 9], de ce que le prêt mentionné lui était rattaché mais aussi d'une inscription hypothécaire sur le bien, la banque pouvant retenir le montant de 180.000 euros, et au pire, si le calcul de l'appelant est retenu, une valeur de 113.322 euros et non 77.817 euros

- l'inopposabilité de la fiche présentée au Crédit Agricole puisque le cautionnement visé ne la concerne pas, sans compter qu'elle n'a pas été portée à sa connaissance lors de la souscription du cautionnement la concernant, pas plus que le fait que la maison de [Localité 9] était grevée, et enfin, l'impossibilité de vérifier cette information remise par M. [I] lui-même

- l'absence de preuve par M. [I], que la BPAURA avait connaissance de l'existence d'un autre engagement, aucune référence n'étant indiquée sur la fiche de renseignement

- le fait que les deux banques n'avaient pas obligation de prendre les mêmes garanties bancaires

- l'absence d'obligation pour la banque de vérifier les informations financières et patrimoniales fournies par la caution ou de rechercher des informations omises par celle-ci

- un patrimoine in fine de 289.304,16 euros

- le fait que si des décisions favorables lui ont été rendues dans ses litiges avec le Crédit Agricole, cela ne concerne pas la BPAURA qui note que M. [I] dispose à présent d'une plus grande capacité de remboursement au jour où il est appelé en paiement.

Concernant l'engagement de la caution au jour de sa souscription, la BPAURA a mis en avant les points suivants :

- la proportion de cet engagement, étant rappelé, s'agissant de l'évaluation de la maison de [Localité 9] que M. [I] n'a pas indiqué qu'un prêt grevait ce bien, la banque pouvant retenir une valeur de 160.000 euros et à tout le moins de 100.041 euros et concernant la vente de l'appartement à [Localité 6], l'absence de mention concernant un remploi de la somme de 75.000 euros soit un patrimoine de 269.586,69 euros et en cas de minoration, un patrimoine de 209.627,69 euros qui permettait d'honorer les deux engagements de 120.000 et 30.000 euros

- le caractère proportionné en conséquence, du second cautionnement de 30.000 euros

- au jour au M. [I] a été appelé en paiement, l'absence de preuve du caractère manifestement disproportionné des engagements par l'appelant étant rappelé que son actif actuel peut être fixé à la somme de 300.072,44 euros outre la valeur de l'appartement de [Localité 8], sans oublier qu'il a été déchargé de ses engagements de caution auprès du Crédit Agricole.

Concernant le prétendu comportement fautif de la banque, la BPAURA a mis en avant les points suivants :

- l'absence de manquement au devoir de mise en garde qui ne s'applique que pour la caution profane alors que M. [I] était le gérant effectif d'une société, et du fait de son implication dans l'entreprise, était considéré comme une personne avertie et ayant les compétences pour mesurer le risque pris

- le fait que le banquier n'a pas à se substituer à son client pour apprécier la situation ou la rentabilité de celle-ci et le principe de non-immixtion

- l'implication de M. [I] dans les sociétés MENUREY et société Nouvelle des établissements Putanier.

Concernant la demande de délais de paiement formée par M. [I], la BPAURA a conclu à son rejet en indiquant :

- la situation patrimoniale favorable de l'appelant qui lui permet d'honorer ses engagements.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 décembre 2020, les débats étant fixés au 1er février 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'appel de M. [I]

- Sur l'appréciation de la proportionnalité de l'engagement de caution

L'article L341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il convient d'apprécier la proportionnalité ou non du cautionnement de M. [I] à la date de la souscription de l'engagement uniquement, l'appréciation de la situation lors de l'appel n'entrant pas dans cette appréciation.

Il sera rappelé que les renseignements donnés par la personne souscrivant un engagement de cautionnement, le sont sous sa responsabilité, et n'entraînent pas, sauf anomalie manifeste, de vérifications de la part de la banque, et qu'en outre, la preuve du caractère disproportionné ou non d'un engagement repose sur la caution qui entend s'en prévaloir.

Sur l'engagement de caution en date du 26 novembre 2015 au profit de la société Menurey à hauteur de 50% de l'encours et dans la limite de 120.000 euros.

La fiche de renseignement sur caution remplie par M. [I] permet de retenir des revenus annuels de 15.488 euros et 19.857 euros soit une moyenne mensuelle de 2945 euros, et précisait percevoir des loyers pour les montants suivants 11.186 euros annuels pour l'appartement d'[Localité 6] qui devait être vendu ensuite et 8671 euros annuels pour la maison de [Localité 9], soit un revenu mensuel moyen de 4.600 euros.

M. [I] a ensuite indiqué l'existence de charges annuelles de 11.518 euros et 1989,22 euros au titre de prêts en cours soit une moyenne mensuelle de 1.125 euros.

De fait, l'appelant bénéficie à cette date d'un reste à vivre de 2.780 euros pour les charges de la vie quotidienne.

L'appelant a indiqué l'existence d'éléments d'actifs mobiliers pour les montants suivants :

- compte épargne : 23.904,16 euros

- assurance-vie : 3.300 euros

- actions : 7.100 euros.

S'agissant de ses actifs immobiliers, l'appelant a indiqué les éléments suivants :

- appartement à [Localité 6] évalué à 250.000 euros en cours de vente pour un montant de 160.000 euros au titre de l'apport, aucune mention n'étant indiquée concernant un remploi du surplus ou l'existence d'un prêt affectant le bien, soit un disponible de 75.000 euros

- maison à [Localité 9] pour une valeur nette de 77.817 euros une fois le prêt déduit.

Aucune autre charge n'est signalé par l'appelant qui remplit la fiche patrimoniale sous sa propre responsabilité.

Dans ses écritures, M. [I] a entendu contester la valeur des biens ou les éléments chiffrés indiqués. Toutefois, il doit être rappelé que l'appelant a rempli la fiche sous sa propre responsabilité et ne fournit en outre aucun élément permettant de remettre en cause de manière objective les éléments indiqués.

Dès lors, ses moyens ne sauraient prospérer.

Au regard de ces éléments, M. [I] disposait à la date de son engagement d'un actif total supérieur à 181.485 euros outre le disponible mensuel une fois ses charges acquittées.

En l'absence de toute autre mention, il ne peut qu'être constaté qu'à la date de son engagement, aucune disproportion manifeste n'existait entre le montant de l'engagement et le patrimoine de M. [I].

Dès lors, cet engagement sera déclaré opposable à l'appelant et la décision déférée confirmée à ce titre.

Sur l'engagement de caution en date du 15 juin 2016 en garantie d'une autorisation de découvert en compte courant à hauteur de 30.000 euros

Au jour de son engagement, M. [I] a indiqué dans la fiche de renseignement du 15 juin 2016 un revenu mensuel de 3.600 euros brut outre des loyers de 1.100 euros pour le bien immobilier de Vouneil.

S'agissant de ses charges, il a indiqué l'existence de charges annuelles au titre d'emprunt pour les sommes de 11.518 euros et 1989,22 euros.

S'agissant de ses actifs mobiliers, M. [I] a signalé :

- un compte d'épargne de 24.186,69 euros

- une assurance-vie de 3.300 euros

- des actions pour 7.100 euros.

S'agissant de son actif immobilier, il a indiqué la maison de [Localité 9] pour une valeur nette de 58.909 euros.

Concernant ses engagements, il a indiqué la caution donnée au titre du prêt professionnel de sa société dans le cadre du prêt souscrit auprès de la BPAURA. Il doit être relevé que M. [I] n'indique pas d'autres engagements de caution ou financiers.

Au regard de ces éléments, et de l'engagement déjà souscrit à hauteur de 120.000 euros comme caution, il doit être considéré qu'à la date de l'engagement, celui-ci était manifestement disproportionné par rapport au patrimoine de M. [I].

Il convient par suite d'envisager la situation de la caution au jour de l'appel en paiement étant rappelé que l'appelant a été assigné aux fins de paiement des sommes de 23.725,01 euros au titre du compte-courant débiteur et de 95.455,53 euros au titre du prêt professionnel soit la somme totale de 119.180,54 euros.

À cette date, il est rappelé que M. [I] est toujours propriétaire de la maison de [Localité 9], évaluée à la somme de 160.000 euros à laquelle il convient de retrancher le capital restant à rembourser, étant rappelé que ce bien procure des loyers à l'appelant pour un montant annuel de 8.671 euros soit en 2019 une valeur nette de 95.410 euros.

Il convient d'ajouter les valeurs financières mobilières pour lesquelles l'appelant n'indique pas qu'elles aient été modifiées soit un total de 34.586 euros au titre de ces placements.

Par ailleurs, dans ses écritures, l'appelant a indiqué être propriétaire d'un nouveau bien immobilier sis à [Localité 8] qui lui procure des revenus pour la somme de 2.305 euros après 5 mois, soit sur une année 5.532 euros étant relevé que l'appelant n'indique pas la valeur du bien, uniquement le prêt en cours, et omet de préciser son recours au dispositif Pinel qui permet de procéder à des défiscalisations.

Enfin, il convient de tenir compte de son allocation de retour à l'emploi.

La nouvelle évaluation présentée par M. [I] dans le cadre de l'instance d'appel concernant le bien de [Localité 9] n'emporte pas la conviction étant relevé que le bien est loué mais aussi qu'une seule évaluation est versée au débat.

La propriété de deux biens immobiliers par l'appelant ne peut être omise. Par ailleurs, l'appelant ne fournit aucun élément concernant l'acquisition des biens mais aussi l'état de remboursement des différents prêts, les seuls tableaux personnels versés au débat n'ayant pas valeur de preuve.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, et même en retirant la somme de 75.000 euros issue de la vente de l'appartement d'[Localité 6], l'appelant dispose d'un patrimoine de 225.072 euros qui permet de payer les sommes dues à la BPAURA.

De fait, M. [I] dispose de la capacité financière nécessaire pour régler les sommes pour lesquelles il est appelé au titre du second cautionnement.

En conséquence, il convient de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur l'appel incident formé par la BPAURA portant sur les délais de paiement

L'article 1343-5 du code civil dispose « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment. »

En l'espèce, compte tenu des éléments versés au débat, il n'y a pas lieu de prononcer un aménagement des dettes de M. [I] qui a déjà bénéficié de larges délais de paiement et en outre, ne donne pas d'éléments précis sur son patrimoine ou les démarches mises en 'uvre pour apurer les sommes dues à la BPAURA.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision déférée sur ce point et de rejeter toute demande de délais de paiement ou d'aménagement de la dette.

Sur les demandes accessoires

M. [I] succombant en la présente instance, il sera condamné à en supporter les entiers dépens.

L'équité commande d'accorder à la BPAURA une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. [I] sera condamné à lui payer la somme de 2.500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a accordé des délais de paiement à M. [V] [I],

Statuant à nouveau

Déboute M. [V] [I] de sa demande de délais de paiement et d'aménagement de sa dette,

Y ajoutant

Condamne M. [V] [I] à supporter les entiers dépens de l'instance d'appel,

Condamne M. [V] [I] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 2.500 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/08065
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;19.08065 ?
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