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11/05/2023 | FRANCE | N°19/06525

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 11 mai 2023, 19/06525


N° RG 19/06525 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTDU









Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 23 juillet 2019



RG : 2019j695











SAS VITA LIBERTE AJACCIO



C/



S.A.S. LOCAM





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 11 Mai 2023







APPELANTE :



SAS VITA LIBERTE AJACCIO prise en la personne de

son représentant légal en exercice

[Adresse 5]

[Localité 1] / FRANCE



Représentée par Me Thomas COURADE, avocat au barreau de LYON, toque : 1109, postulant et par Me ADJEMIAN, avocat au barreau de MARSEILLE





INTIMEE :



S.A.S. LOCAM

[Adresse 2]

[...

N° RG 19/06525 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTDU

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 23 juillet 2019

RG : 2019j695

SAS VITA LIBERTE AJACCIO

C/

S.A.S. LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Mai 2023

APPELANTE :

SAS VITA LIBERTE AJACCIO prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 5]

[Localité 1] / FRANCE

Représentée par Me Thomas COURADE, avocat au barreau de LYON, toque : 1109, postulant et par Me ADJEMIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE :

S.A.S. LOCAM

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 23 Septembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Mars 2023

Date de mise à disposition : 11 Mai 2023

Audience présidée par Marianne LA-MESTA, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 août 2017, la SAS Vita Liberté Ajaccio (ci-après la société Vita Liberté Ajaccio), qui exploite une salle de sport, a souscrit auprès de la société Location Automobiles Matériels (ci-après la société Locam) un contrat de location portant sur un photocopieur Xerox C505, fourni par la SAS Olric Somme (ci-après la société Olric Somme), moyennant le règlement de 21 loyers trimestriels de 582,50 euros HT (699, 48 euros TTC).

La société Vita Liberté Ajaccio a signé un avis de réception du bien loué portant la date du 18 septembre 2017.

Par courrier recommandé du 4 janvier 2019, dont il a été accusé réception le 9 janvier 2019, la société Locam a mis la société Vita Liberté Ajaccio en demeure de régler 3 échéances impayées depuis le 30 juin 2018 dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme et de l'exigibilité de toutes les sommes dues au titre du contrat.

Par acte d'huissier du 16 mai 2019, la société Locam a assigné la société Vita Liberté Ajaccio devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 13.849,70 euros, en principal, au titre du contrat de location.

Par jugement réputé contradictoire du 23 juillet 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- condamné la société Vita Liberté Ajaccio à payer à la société Locam la somme de 13.849,70 euros, y incluse la clause pénale de 10%, outre intérêts au taux légal à dater de l'assignation,

- ordonné la restitution par la société Vita Liberté Ajaccio à la société Locam du matériel objet du contrat, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement et ce, pour le cas où la restitution ne serait pas intervenue avant le prononcé du présent jugement,

- condamné la société Vita Liberté Ajaccio à payer à la société Locam la somme de 100 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 64,46 euros, seront payés par la société Vita Liberté Ajaccio à la société Locam,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution.

La société Vita Liberté Ajaccio a interjeté appel par acte du 23 septembre 2019.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 12 janvier 2021, fondées sur les articles L.221-5, L.221-3 et L.221-1 du code de la consommation, les articles 1130, 1131, 1137, 1138, 1720, 1152 (ancien) et 1129 et suivants (anciens) du code civil, ainsi que sur les articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Vita Liberté Ajaccio demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

à titre principal,

- de prononcer la nullité du contrat de location conclu le 31 août 2017 avec la société Locam pour non-respect des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation,

en conséquence,

- de condamner la société Locam à lui restituer, outre les sommes exécutées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement dont appel, la somme de 2.098,44 euros TTC correspondant à trois trimestres de septembre 2017 à mai 2018,

à titre subsidiaire,

- de prononcer la nullité du contrat de location conclu le 31 août 2017 avec la société Locam pour dol en application des dispositions de l'article 1131 du code civil,

en conséquence,

- de condamner la société Locam à lui restituer, outre les sommes exécutées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement dont appel, la somme de 2.098,44 euros TTC, correspondant à trois trimestres de septembre 2017 à mai 2018,

à titre infiniment subsidiaire,

- de juger que les indemnités réclamées par la demanderesse en application de l'article 12 des CGV annexées au contrat de location financière s'analysent en une clause pénale,

- de juger qu'en l'absence de préjudice subi par la société Locam, la clause pénale est manifestement excessive,

en conséquence

- de juger qu'elle n'est redevable d'aucune somme à l'endroit de la société Locam,

en tout état de cause,

- de condamner la société Locam à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens, sur le fondement des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

La société Vita Liberté Ajaccio fait valoir pour l'essentiel :

- que dans le cadre d'un démarchage opéré par la société Olric Somme, elle a régularisé le 31 août 2017 un contrat de location pour la fourniture d'un photocopieur et signé le même jour, en blanc, l'avis de réception du matériel, car la société Olric Somme lui avait assuré que la signature de ce document était nécessaire pour obtenir le financement auprès de la société Locam,

- que le matériel ne lui ayant jamais été livré, elle a cessé de régler les loyers à la société Locam,

- que suite à la mise en demeure envoyée par la société Locam, elle lui a adressé un courrier le 23 janvier 2019 pour l'informer de cette absence de livraison malgré plusieurs relances auprès du fournisseur,

- que la société Locam lui a alors remis l'avis de livraison mentionnant qu'elle aurait réceptionné le matériel en cause au mois de septembre 2017,

- que le contrat conclu avec la société Locam entre dans le champ d'application de l'article L.221-5 du code de la consommation, puisqu'il porte sur la mise à disposition d'un photocopieur moyennant le versement d'un loyer, qu'il a été conclu hors établissement, qu'à la date de conclusion du contrat, elle employait moins de 5 salariés et que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de son activité principale, à savoir l'exploitation d'une salle de sport,

- qu'à défaut de contenir les informations précontractuelles obligatoires, et notamment les conditions, le délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation, le contrat signé le 31 août 2017 est nul, ce qui doit conduire à la restitution des loyers indûment versés à la société Locam,

- que la clause type, imposée dans le contrat d'adhésion signé avec la société Locam, selon laquelle elle reconnaît que ledit contrat a été conclu dans le cadre de son activité professionnelle, doit être déclarée nulle, car elle a pour effet de lui faire renoncer par anticipation à son droit de rétraction, ce qui est prohibé par l'article L.242-3 du code de la consommation,

- que contrairement à ce que prétend la société Locam, le contrat de location signé avec elle est un simple contrat de louage de matériel et non un service financier soumis aux dispositions du code monétaire et financier,

- qu'à titre subsidiaire, il sera retenu que la société Olric Somme a usé de manoeuvres dolosives aux fins d'obtenir son consentement à la signature du contrat de location, en lui faisant signer en blanc un procès-verbal de livraison et accepter de prendre un bail un matériel pour un coût total de 14.689, 08 euros, 7 fois supérieur à la valeur réelle du bien qui est de l'ordre de 1.900 euros ,

- qu'elle est parfaitement fondée à opposer ce moyen de nullité à la société Locam, sans être tenue de mettre en cause le mandataire, dans la mesure où la société Olric Somme a agi en qualité de mandataire apparent de cette dernière,

- que la responsabilité délictuelle du mandant peut en effet tout à fait être recherchée par un tiers qui souffre d'un dommage causé par les fautes du mandataire,

- que la société Locam ne peut exciper des dispositions de l'article 1137 du code civil dans sa nouvelle rédaction en vigueur à compter du 1er octobre 2018, donc non applicable au contrat conclu le 31 août 2017,

- qu'à titre infiniment subsidiaire, les indemnités de résiliation réclamées par la société Locam en application de l'article 12 des conditions générales de vente, qui visent à réparer le préjudice causé du fait d'une résiliation anticipée du contrat en contraignant le crédit-preneur à en respecter les termes, s'analysent en des clause pénales,

- que dès lors en l'absence de preuve, par la société Locam, du préjudice réellement subi, celle-ci ne peut prétendre à une quelconque somme au titre d'une clause pénale dont le caractère manifestement excessif est établi au regard de la valeur moyenne du bien loué et de son obsolescence rapide,

Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 novembre 2020, fondées sur les articles 1103 et suivants, 1231-2, 1131 et suivants, 1137 du code civil, ainsi que sur l'article 14 du code de procédure civile, la société Locam demande à la cour de :

- dire non fondé l'appel de la société Vita Liberté Ajaccio,

- la débouter de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner la société Vita Liberté Ajaccio à lui régler une indemnité de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Vita Liberté Ajaccio en tous les dépens d'instance comme d'appel.

La société Locam soutient en substance :

- que le matériel donné à bail a bien été livré, ainsi qu'en atteste l'avis de réception dûment régularisé par la société Vita Liberté Ajaccio le 18 septembre 2017,

- que sur présentation de cet avis de réception, elle a réglé le prix de vente au fournisseur et adressé la facture unique des loyers valant échéancier à la société Vita Liberté Ajaccio,

- qu'après réglement des quatre premiers trimestres, plusieurs échéances sont demeurées impayées et en l'absence de régularisation dans un délai de 8 jours suivant l'envoi de la mise en demeure, le contrat s'est trouvé résilié de plein droit conformément à l'article 12 des conditions générales de vente et l'ensemble des sommes dues au titre du contrat est devenu exigible, à savoir les loyers échus impayés et ceux à échoir, outre la clause pénale de 10%,

- que la société Vita Liberté Ajaccio ne peut revendiquer le bénéfice des articles L.221-3 et suivants du code de la consommation, dès lors qu'elle a contractuellement reconnu avoir souscrit le contrat dans le cadre et pour les besoins de son activité professionnelle d'exploitant d'une franchise de salle de sport et qu'il est admis que le professionnel démarché ne doit pas nécessairement exercer la même spécialité que son cocontractant pour exclure l'application des dispositions consuméristes à son profit,

- qu'en tout état de cause, le contrat de location financière litigieux s'analyse en une opération connexe aux opérations de banque auxquelles elle se livre à titre habituel, telle que définie par l'article L.311-2 du code monétaire et financier,

- qu'en vertu de l'article L.221-2 4° du code de la consommation, un contrat de cette nature, qui porte sur un service financier, est exclu du champ d'application des articles L.221-3 et suivants du même code et relève des dispositions spécifiques du code monétaire et financier,

- qu'en ratifiant sans opposition ni réserve l'avis de réception, la société Vita Liberté Ajaccio n'est pas fondée à invoquer un défaut de délivrance, ne pouvant se prévaloir des conséquences de sa propre négligence,

- qu'en tout état de cause, la prétendue inexécution de son obligation de délivrance par le fournisseur ne caractérise en rien la commission de manoeuvres ou mensonges au sens de l'article 1137 du code civil,

- que de même l'absence de révélation de la valeur réelle du bien loué n'est pas constitutive d'un dol,

- qu'au demeurant, les griefs formulés par la société Vita Liberté Ajaccio à l'encontre de son fournisseur sont irrecevables, car elle ne l'a pas attrait dans la cause, alors qu'elle avait reçu mandat à cette fin en vertu de l'article 7 des conditions générales de location en contrepartie de la renonciation à recours contre son bailleur,

- que le pouvoir modérateur du juge sur les indemnités de résiliation est conditionné par la démonstration du caractère manifestement manifestement excessif de la peine forfaitairement convenue par rapport au préjudice effectivement subi par le créancier du fait de l'inexécution, lequel correspond non seulement à la perte éprouvée, mais également au manque à gagner,

- que dans le cas présent, elle a acquitté la totalité du prix d'acquisition, soit 10.000 euros, mobilisant un capital qui avait vocation à s'amortir sur la durée contractuelle convenue entre les parties,

- que l'interruption brutale du paiement des échéances a donc ruiné l'économie de la convention et la rentabilité escomptée de l'opération.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 février 2021, les débats étant fixés au 9 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé que, compte tenu de la date de la convention signée le 31 août 2017, le litige est soumis :

- au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016,

- aux nouvelles dispositions du code de la consommation issues de la loi du 17 mars 2014 dite 'Loi Hamon' codifiées sous les articles L. 221-1 et suivants du même code (ancien article L 121-16-1 III) par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Sur la nullité du contrat de location financière pour violation des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement

Selon les dispositions de l'article L 221-1 a) du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.

Ce même texte définit le contrat de fourniture de services comme celui par lequel le professionnel s'engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s'engage à en payer le prix.

L'article L 221-3 étend l'application des dispositions précitées aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet des contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

L'article L 221-5 prévoit que préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations qu'il énumère dont celles relatives au droit de rétraction lorsqu'il existe, ainsi qu'un formulaire type de rétractation.

Enfin, en vertu de l'article L 221-8, les mêmes informations doivent être remises dans le cas d'un contrat conclu hors établissement. Un tel contrat, pour lequel un droit de rétractation existe, doit en outre être accompagné du formulaire type de rétractation prévu à l'article L 221-5.

En l'espèce, la société Locam ne conteste ni le fait que le contrat de location financière litigieux a été conclu hors établissement entre deux professionnels, pour avoir été signé dans les locaux de la société Vita Liberté Ajaccio situés à [Adresse 4], ni la circonstance selon laquelle l'appelante employait moins de 5 salariés lors de la signature de la convention, sachant que cette dernière produit en tout état de cause un extrait du registre de son personnel (pièce n°20 de l'appelante) dont la lecture fait apparaître qu'au 31 août 2017, elle ne comptait que deux salariés dans ses effectifs, à savoir Mme [N] [S], recrutée le 2 avril 2013 en qualité d'agent d'accueil, et Mme [O] [U], également employée comme agent d'accueil entre le 3 novembre 2016 et le 30 octobre 2017.

Il est certes exact, comme le souligne la société Locam, que l'article L 221-2 4°) du code de la consommation exclut du champ d'application des dispositions précitées les contrats portant sur les services financiers.

Le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier.

La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois dans son article 2 point 12) qu'il faut entendre par «service financier», tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.

Il est constant que le contrat de location longue durée en cause, qui prévoit la mise à disposition de la société Vita Liberté Ajaccio d'un copieur Xerox C505 par la société Olric Somme en contrepartie du paiement de loyers, n'est pas assimilable à une opération de crédit faute d'option d'achat à son terme et qu'il s'agit d'une location simple de matériel entre un professionnel et une société de financement.

La location simple d'un bien mobilier ne peut être considérée comme un service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements, quand bien même une société de financement a la possibilité d'effectuer ce type d'opération connexe à son activité.

Il convient en outre de relever que la société Locam procède à tort à une assimilation entre les services financiers stricto sensu et les opérations de banque, alors que le code monétaire et financier les différencie en les traitant par des dispositions spécifiques insérées :

- au Titre 1 du Livre III, articles L 311-1 à L 318-5, pour les opérations de banque,

- au Titre IV du Livre III, articles L 341-1 à L 343-6, pour les services financiers.

Or, les locations simples de biens sont définies par l'article L. 311-2 6°) du code monétaire et financier comme des opérations connexes aux opérations de banque.

Il y a dès lors lieu de considérer que l'exclusion de l'article L 221-2 ne vise que les services financiers au sens des articles L. 341-1 à L. 343-6 du livre III du Titre IV du code monétaire et financier et que le contrat litigieux doit s'analyser en un contrat de fourniture de services relevant de l'article L 221-1 susvisé.

Il doit encore être noté que contrairement à ce que prétend la société Locam, le photocopieur objet du contrat litigieux, même s'il contribue à faciliter l'exécution des tâches administratives de la société Vita Liberté Ajaccio, n'entre pas dans le champ de son activité principale dans la mesure où celle-ci, exploitante d'une salle de sport, reste profane en matière de contrats de location longue durée d'un photocopieur. Ce matériel et son mode de financement sont en effet manifestement étrangers aux qualifications professionnelles de la société Vita Liberté Ajaccio, dont l'activité consiste à mettre à disposition de ses clients du matériel de musculation et de cardio-training, ainsi qu'à leur dispenser des cours de fitness.

La mention contractuelle préimprimée du contrat de location financière selon laquelle la société Vita Liberté Ajaccio ' atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière' ne saurait faire échec à cette analyse puisque le seul critère applicable issu de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 est celui de l'objet du contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel qui impose de se référer à la nature de l'opération financée en considération de l'activité professionnelle du client concerné, et non seulement à l'utilité de l'opération pour l'exercice de ladite activité.

Il sera au demeurant retenu que cette clause dactylographiée ne peut valablement être opposée à la société Vita Liberté Ajaccio, dès lors qu'elle conduit à écarter de manière systématique toute application des textes consuméristes, alors que le législateur a précisément entendu renforcer la protection de l'entrepreneur de moins de cinq salariés qui doit pouvoir bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation lorsqu'il contracte dans un champ de compétence qui n'est pas le sien.

Il découle de l'ensemble de ces observations que le contrat de location financière régularisé le 31 août 2017 par la société Vita Liberté Ajaccio est soumis aux dispositions des articles L 221-5 et L 221-8 du code de la consommation.

Or, il n'est pas discuté par la société Locam que le contrat ne comporte pas les informations relatives au droit à rétractation (conditions, modalités, délais) et ne comprend pas non plus de formulaire type de rétractation.

Ces dispositions d'ordre public n'ayant pas été respectées, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat et en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de débouter la société Locam de toutes ses demandes en paiement fondées sur l'application dudit contrat.

La nullité du contrat, qui emporte son anéantissement rétroactif, a pour effet de replacer les parties dans la situation qui était la leur avant la signature de la convention.

A ce titre, conformément à la demande de la société Vita Liberté Ajaccio en ce sens, la société Locam sera condamnée à lui rembourser les trois loyers qu'elle a perçus, soit la somme de 699,48 x 3 = 2'098,44 euros TTC, le décompte fourni par la société Locam permettant de confirmer que les céhéances trimestrielles ont cessé d'être réglées à compter du 30 juin 2018.

En parallèle, il y a lieu d'ordonner la restitution à la société Locam du matériel objet du contrat de location, à savoir un photocopieur Xerox C505. Il sera à cet égard observé que la société Vita Liberté Ajaccio ne verse aucun élément de preuve de nature à corroborer ses allégations selon lesquelles elle a signé l'avis de livraison le même jour que celui où elle a conclu le contrat, sans avoir effectivement pris possession du matériel loué. Non seulement, elle ne fournit aucun courrier de réclamation adressé au fournisseur entre la date présumée de réception du bien et la lettre adressée à la société Locam le 23 janvier 2019 en réponse à la mise en demeure envoyée par cette dernière, mais il ne peut qu'être constaté qu'elle a exécuté le contrat de location financière pendant plusieurs mois avant de mettre fin aux prélèvements.

Le jugement déféré est donc confirmé sur le principe de la restitution, mais infirmé sur ses modalités. Compte tenu de l'issue du litige, il appartiendra en effet à la société Locam de le reprendre, à ses frais dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, après avoir avisé préalablement la société Vita Liberté Ajaccio, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, de la date à laquelle cette reprise interviendra.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Locam qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et payer à la société une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement querellé étant infirmé de ce chef ainsi que sur la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a ordonné la restitution par la SAS Vita Liberté Ajaccio à la SAS Locam du matériel objet du contrat,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de location conclu le 31 août 2017 entre la SAS Vita Liberté Ajaccio et la SAS Locam,

Déboute la SAS Locam de ses demandes en paiement à l'encontre de la SAS Vita Liberté Ajaccio fondées sur ce contrat du 31 août 2017,

Condamne la SAS Locam à restituer à la SAS Vita Liberté Ajaccio la somme de 2.098,44 euros au titre des loyers payés,

Dit que la SAS Locam devra reprendre, à ses frais, le matériel (photocopieur Xerox C505), objet du contrat de location, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, après avoir avisé préalablement la SAS Vita Liberté Ajaccio, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, de la date à laquelle cette reprise interviendra,

Dit que la SAS Locam supportera les dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SAS Locam à verser à la SAS Vita Liberté Ajaccio une somme de 2000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/06525
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;19.06525 ?
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