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11/05/2023 | FRANCE | N°19/06371

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 11 mai 2023, 19/06371


N° RG 19/06371 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MSXX







Décision du Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond du 10 septembre 2019



RG : 2018j817











SA CRÉDIT LYONNAIS



C/



[X]

[V]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 11 Mai 2023







APPELANTE :



SA CRÉDIT LYONNAIS représentée par son directeur

général en exercice

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représentée par Me Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 140





INTIMES :



M. [M] [X]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Mme [Y] [V] épouse [X]

née le [Date n...

N° RG 19/06371 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MSXX

Décision du Tribunal de Commerce de Lyon

Au fond du 10 septembre 2019

RG : 2018j817

SA CRÉDIT LYONNAIS

C/

[X]

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 11 Mai 2023

APPELANTE :

SA CRÉDIT LYONNAIS représentée par son directeur général en exercice

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 140

INTIMES :

M. [M] [X]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Mme [Y] [V] épouse [X]

née le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentées par Me Yann VIEUILLE de la SARL VJA AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1132, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Océanne AUFFRET ' de PEYRELONGUE, avocat au barreau de BORDEAUX

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 13 Septembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Mars 2023

Date de mise à disposition : 11 Mai 2023

Audience présidée par Raphaële FAIVRE, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 22 février 2014, la société Crédit Lyonnais LCL (ci-après « le Crédit Lyonnais ») a émis une offre de prêt immobilier d'un montant de 140.916 euros à M. et Mme [X] qu'ils ont acceptée.

Par courrier du 21 juillet 2017 adressé au Crédit Lyonnais, M. et Mme [X] ont estimé que cette offre de prêt était entachée d'irrégularités portant notamment sur la base de calcul des intérêts conventionnels. Par courrier du 30 août 2017, le Crédit Lyonnais a refusé de reconnaître ces anomalies.

Par acte extrajudiciaire du 16 mai 2018, M. et Mme [X] ont assigné le Crédit Lyonnais devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 10 septembre 2019, ce tribunal a :

- prononcé la nullité des clauses d'intérêts conventionnels stipulées dans le contrat de prêt,

- condamné le Crédit Lyonnais à faire application du taux légal en vigueur au jour de la souscription du prêt et ce depuis sa conclusion,

- condamné le Crédit Lyonnais à payer à M. et Mme [X] la somme de 20.327,08 euros correspondant aux intérêts trop perçus jusqu'au 31 décembre 2018 au titre du projet Projetimmo n°40079402VAXG11EH, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,

- ordonné au Crédit Lyonnais d'avoir à substituer au tableau d'amortissement initial, à compter du présent acte introductif d'instance, un tableau d'amortissement basé sur le taux d'intérêt légal en vigueur à la date de souscription du prêt contracté par M. et Mme [X] sous astreint de 50 euros par jour à compter du 30ème jour suivant la signification de la présente décision et ce pendant un délai de trois mois passé, à l'issu duquel il devra être procédé à la liquidation d'une astreinte définitive,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné le Crédit Lyonnais à payer la somme totale de 1.000 euros à M. et Mme [X] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le Crédit Lyonnais aux entiers dépens.

Le Crédit Lyonnais a interjeté appel par acte du 13 septembre 2019.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 28 avril 2021, le Crédit Lyonnais demande à la cour de :

- réformer le jugement attaqué,

- débouter M. [X] et Mme [V] épouse [X] de toutes leurs demandes,

- subsidiairement, limiter la restitution d'intérêts mise à sa charge à 8,75 euros ou à une somme forfaitaire symbolique,

- dans l'un ou l'autre cas, condamner M. [X] et Mme [V] épouse [X] à lui payer 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et les dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile,

- plus subsidiairement, juger que le taux d'intérêt légal substitué au taux conventionnel subira les variations périodiques auxquelles la loi le soumet.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 22 janvier 2021 fondées sur les articles L. 313-1, L. 312-8, L. 312-32-1, L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation, les articles 1134, 1907 et 2232 du code civil et l'article 9 du code de procédure civile, M. [X] et Mme [V] épouse [X] demandent à la cour de :

- juger qu'ils sont recevables et bien fondés en leurs conclusions,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- prononcer la substitution du taux légal de l'année du prêt soit 0,04% en 2014 au taux d'intérêt conventionnel (3,40%) dans le prêt litigieux ab initio jusqu'à la fin du prêt,

- condamné le Crédit Lyonnais au remboursement de la somme de 20.327,08 euros au titre du trop-perçu d'intérêts pour la période comprise entre le début du prêt et provisoirement arrêtée au 31 décembre 2018,

- enjoindre au Crédit Lyonnais de leur fournir un nouveau tableau d'amortissement avec application du taux d'intérêt légal de 0,04% depuis la mise à disposition des fonds jusqu'à la fin du prêt,

- assortir cette injonction d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 7 jours suivant la date de signification de la décision et ce pendant un délai de 3 mois passé lequel il devra être procédé à la liquidation d'une astreinte définitive,

- subsidiairement, prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels,

en tout état de cause,

- débouter le Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le Crédit Lyonnais à leur payer à chacun la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 mai 2021, les débats étant fixés au 8 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS

Sur la demande principale en nullité de la clause d'intérêts conventionnels et la substitution du taux d'intérêts légal au taux d'intérêt conventionnel

Au soutien de leur demande en nullité de la clause d'intérêts conventionnels et de substitution du taux d'intérêts légal au taux d'intérêt conventionnel M et Mme [X] se prévalent de ce que les intérêts ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours et non de 365 jours et ce alors que l'usage du mois bancaire est strictement interdit et que cette irrégularité entraîne une différence de plus d'une décimale, le taux d'intérêt réel étant de 3,45 % au lieu de 3,40 % affiché de manière erronée et le TEG étant de 5,1 % au lieu de 5% affiché de manière erronée par le prêteur.

La société Crédit Lyonnais réplique que :

-le calcul des intérêts sur une base autre que l'année civile ne donne matière à contestation que s'il est source d'une sous-estimation de plus de 0,1 % du taux d'intérêt stipulé,

-la seule analyse mathématique établie de manière non contradictoire par un prétendu technicien non indépendant et non impartial puisque mandaté et payé par les époux [X] ne permet de pas démontrer l'existence d'une erreur du TEG de plus de 0,1 %, alors que si la cour ne peut refuser d'examiner cette pièce, elle ne peut se fonder exclusivement sur cet élément et elle ne dispose d'aucun autre élément démontrant que l'erreur du TEG alléguée serait réelle et supérieure à 0,1 %,

-l'autorité de cette analyse est faible, alors que l'expert avait originairement pour activité l'organisation de foires, de salons professionnels et de congrès et n'a ajouté que récemment à son objet social l'analyse mathématiques et financières,

-l'irrégularité affectant le TEG n'est sanctionnée que par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge,

Sur ce :

Il résulte des articles L.312-8 et L.312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 seule applicable en l'espèce compte tenu de la date du prêt, que l'inexactitude du TEG mentionné dans l'offre de prêt est sanctionnée par la déchéance totale ou partielle, du droit du prêteur, dans la proportion fixée par le juge.

Ces textes spécifiques d'ordre public l'emportent sur les règles générales édictées par l'article 1907 du code civil lequel sanctionne par la nullité l'absence de mention d'un taux d'intérêt, et par extension d'un TEG dont l'irrégularité est assimilée à une absence.

L'ordonnance n°2009-740 du 17 juillet 2019 a introduit dans l'article L. 341-48-1 du code de la consommation le principe général selon lequel la déchéance du droit aux intérêts est l'unique sanction applicable en cas de défaut de mention ou de mention erronée du TEG lorsque cette mention est exigée. Pour les contrats de prêts souscrits avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, il est désormais constant qu'afin de permettre au juge de prendre en considération la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur, le nouveau régime des sanctions est uniformisé et s'applique rétroactivement aux contrats de crédit en cours de telle sorte qu'en cas d'omission du TEG dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.

En conséquence, en l'espèce, sans plus ample discussion, la seule sanction applicable étant la déchéance du droit aux intérêts, la demande principale de M. et Mme [X] en nullité de la stipulation d'intérêts et en substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel doit être rejetée comme infondée. Il s'ensuit que le jugement déféré doit être infirmé.

Sur la demande subsidiaire de déchéance totale des intérêts conventionnels

En application des articles 1907 du code civil, L.313-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et R.313-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, la mention dans l'acte de prêt d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation.

En l'espèce, les intimés soutiennent qu'il ressort de l'analyse mathématique réalisée le 2 mai 2018 par la société 2 CLM, complétée par une annexe au rapport réalisé le 26 juillet 2021 par la société Lauranaël que le TEG est erroné de plus d'une décimale.

Or, si les époux [X] exposent à juste titre que les conclusions du rapport d'analyse financière de la société 2 CLM et de la société Lauranaël ont pu être débattues contradictoirement à l'audience entre les parties, la société Crédit Lyonnais relève justement que les intimés se réfèrent uniquement à une expertise et son annexe réalisées à titre privé, à leur demande et de manière non contradictoire pour justifier de l'irrégularité alléguée.

Dans ces conditions, étant rappelé que si le juge ne peut pas refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut fonder sa décision exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties, de sorte que M. et Mme [X], qui ne justifient d'aucun autre élément, hormis ce rapport d'analyse financière et son annexe établis de manière unilatérale et à leur demande, ne rapportent pas la preuve du caractère erroné du TEG et doivent en conséquence être déboutés de leur demande.

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Parties succombantes, M. et Mme [X] doivent supporter les dépens de première instance et d'appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à l'appelant une indemnité de procédure ce qui conduit à l'infirmation des condamnations prononcées à ces titres par le tribunal de commerce et aux décisions précisées dans le dispositif.Il convient également de débouter les intimés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute M. et Mme [X] de leur demande principale en nullité de la clause d'intérêts conventionnels et la substitution du taux d'intérêts légal au taux d'intérêt conventionnel,

Déboute M. et Mme [X] de leur demande subsidiaire en déchéance totale des intérêts conventionnels,

Condamne in solidum M. et Mme [X] à verser à la société Crédit Lyonnais une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et à hauteur d'appel,

Déboute M. et Mme [X] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum M. et Mme [X] aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/06371
Date de la décision : 11/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-11;19.06371 ?
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