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09/05/2023 | FRANCE | N°23/00061

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 09 mai 2023, 23/00061


N° R.G. Cour : N° RG 23/00061 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O4J5

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 09 Mai 2023





























DEMANDEURS :



M. [E] [N]

[Adresse 8]

[Localité 2]



Représenté par Me Amira BESSAID, avocat au barreau de LYON (toque 2441)





S.A.S.U. SA5M Prise en la personne de son représentant légal, agisant en son nom et pour son compt

e

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Me Amira BESSAID, avocat au barreau de LYON (toque 2441)











DEFENDEURS :



M. [P] [I]

[Adresse 7]

[Localité 5]



avocat postulant : SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au...

N° R.G. Cour : N° RG 23/00061 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O4J5

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 09 Mai 2023

DEMANDEURS :

M. [E] [N]

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représenté par Me Amira BESSAID, avocat au barreau de LYON (toque 2441)

S.A.S.U. SA5M Prise en la personne de son représentant légal, agisant en son nom et pour son compte

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Amira BESSAID, avocat au barreau de LYON (toque 2441)

DEFENDEURS :

M. [P] [I]

[Adresse 7]

[Localité 5]

avocat postulant : SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON (toque 1983)

avocat plaidant : Me Béatrice ABEL, avocat au barreau de LYON (toque 3)

M. [V] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

avocat postulant : SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON (toque 1983)

avocat plaidant : Me Christophe BRUSCHI, avocat au barreau de LYON (toque 907)

Audience de plaidoiries du 24 Avril 2023

DEBATS : audience publique du 24 Avril 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 09 Mai 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] [I] et M. [V] [R] ont fait l'acquisition d'un fonds de commerce pour le compte de la S.A.S.U. SA5M en cours d'immatriculation, finalement constituée le 14 mars 2022 par M. [E] [N]. Le montant total de la vente s'est élevé à la somme de 79 061,80 €, dont 39 000 € apportés par M. [I] et le solde financé par M. [R].

Par acte du 4 novembre 2022, MM. [I] et [R] ont fait assigner M. [N] et la société SA5M devant le président du tribunal de commerce de Lyon, lequel par ordonnance de référé du 3 février 2023 a notamment :

- condamné M. [N] à payer :

à M. [I] la somme de 39 000 €, outre intérêts capitalisés au taux légal à compter du 1er novembre 2022 jusqu'au parfait règlement,

à M. [R] la somme de 40 061,08 € outre intérêts capitalisés au taux légal à compter du 1er novembre 2022 jusqu'au parfait règlement,

- ordonné à M. [N] et la société SA5M de produire et communiquer sous astreinte de 300 € par jour de retard, à compter du 5ème jour suivant la signification de l'ordonnance, le détail du compte du capital, le détail des comptes de droit au bail et fonds de commerce, le détail des comptes d'associés et la copie des entiers documents adressés au centre de formalités des entreprises ou greffe du tribunal de commerce qui ont permis la mention 'adjudication' sur la Kbis,

- condamné solidairement M. [N] et la société SA5M à payer à MM. [I] et [R] la somme de 2 000 € chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

M. [N] et la société SA5M ont interjeté appel de ce jugement le 2 mars 2023.

Par assignation en référé délivrée le 22 mars 2023 à MM. [R] et [I], ils ont saisi le premier président afin d'arrêter l'exécution provisoire du jugement et en tout état de cause de condamner solidairement MM. [I] et [R] à payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

A l'audience du 24 avril 2023 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans leur assignation, M. [N] et la société SA5M invoquent les dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile et soutiennent qu'il existe un moyen sérieux d'annulation de la décision en contestant la validité de l'acte sur laquelle elle est fondée, l'acte sous seing privé intitulé 'renonciation à la qualité d'associé de la société SA5M'.

Ils soutiennent que MM. [I] et [R] n'ont jamais détenu la qualité d'associé en raison de l'inexistence juridique de la société au moment de la signature de l'acte.

M. [N] soutient qu'il n'est pas en mesure de payer la condamnation de 80 000 €, ne percevant pas de salaire de la société SA5M et percevant seulement le RSA. Il fait état d'une situation financière fébrile de la société SA5M dont le chiffre d'affaires est de 12 969,30 € HT entre avril 2022 et janvier 2023 et les charges de 7 500 €, de sorte que le résultat net est de 5 469 €.

Ils soutiennent qu'il s'agit de se prémunir contre un risque d'état de cessation des paiements.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 21 avril 2023, M. [I] demande au délégué du premier président de déclarer irrecevable la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, de débouter M. [N] et la société SA5M de l'intégralité de leurs demandes, en tout état de cause, condamner in solidum M. [N] et la SA5M à la somme de 5 000 € pour procédure abusive, 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il affirme que la société SA5M a reconnu être redevable d'une somme au titre du remboursement du compte courant et considère qu'il s'agit d'un aveu judiciaire.

Il prétend que la renonciation à la qualité d'associé permettait de stabiliser juridiquement celle de M. [N].

Il soutient que les demandeurs n'ont pas fait valoir d'observations sur l'exécution provisoire en première instance et ne développent aucun argument sur les conséquences manifestement excessives nées postérieurement à l'ordonnance de référé.

Il estime en tout état de cause que M. [N] ne rapporte pas la preuve de l'existence de conséquences manifestement excessives, dissimule sa situation et souligne que les pièces concernant la société SA5S prouvent qu'elle fait des bénéfices.

Dans ses conclusions récapitulatives au greffe par RPVA le 18 avril 2023, M. [R] demande au délégué du premier président de débouter M. [N] et la société SA5M de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner solidairement à la somme de 3 000 € pour procédure abusive et 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il soutient qu'il avait la qualité d'associé fondateur, animé par l'affectio societatis, lorsqu'il a acquis pour le compte de la SA5M le fonds de commerce, qu'il a investi de l'argent et effectué les démarches en vue de la constitution de la société.

Il conteste avoir souhaité échapper à la fiscalité et aux formalités afférentes à la vente d'un fonds de commerce.

Il conteste également l'existence de conséquences manifestement excessives et relève que la société SA5M a réalisé un chiffre d'affaires de 13 000 € HT et que M. [N] est président et actionnaire unique de la société SA5M, de la société J&B transport et jusqu'à récemment président de la société Pain royal.

Dans leurs conclusions déposées au greffe par RPVA le 20 avril 2023, M. [N] et la société SA5M maintiennent leurs demandes.

Ils précisent que la société SA5M a racheté un fonds de commerce en liquidation judiciaire et que son chiffre d'affaires très bas n'a pas permis à M. [N] de se verser une rémunération depuis la création de la société.

Ils soutiennent également que la société J&B Transport va bientôt faire l'objet d'une liquidation judiciaire et que M. [N] n'a jamais été associé de la société Pain royal mais seulement président entre le 4 octobre 2021 et le 25 août 2022.

Ils affirment que le léger bénéfice de la société SA5M est nécessaire pour faire face aux dépenses exceptionnelles.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 21 avril 2022, M. [R] maintient également ses demandes.

Il prétend que M. [N] a un patrimoine, au moins composé de la totalité des actions de la société SA5M.

Il relève que les deux comptes de M. [N] et celui de la société SA5M présentent étonnamment des soldes à 0 €.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

Attendu que M. [I] soutient ensuite au visa des dispositions de l'article 514-3 alinéa 2 du Code de procédure civile l'irrecevabilité de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par M. [N] et par la société SA5M pour ne pas avoir fait valoir ses observations sur l'exécution provisoire en première instance et ne pas avoir établi l'existence de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision rendue par le président du tribunal de commerce de Lyon ;

Attendu que comme le relève M. [I], en application de l'article 514-1 alinéa 3 du même code, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé et ce texte vient ainsi rappeler que, dans le cas où il est chargé de statuer sur cette exécution provisoire et où il dispose de la possibilité de l'écarter, le premier juge n'est pas limité à apprécier uniquement les risques de conséquences manifestement excessives ;

Attendu qu'il était inopérant à double titre de saisir le juge des référés d'observations sur le risque de conséquences manifestement excessives susceptible d'être encouru par la société SA5M et par M. [N] d'abord, à raison des termes de l'alinéa 3 de l'article 514-1 qui interdisent au juge des référés d'écarter l'exécution provisoire et ensuite en ce que ces éventuelles observations n'auraient pas nécessairement répondu au critère du premier alinéa du même texte ;

Qu'en effet, aucun des textes nouveaux régissant l'exécution provisoire de droit et les conditions de son arrêt ne vient préciser que la partie concernée doive nécessairement faire état d'un risque de conséquences manifestement excessives pour demander à ce que l'exécution provisoire soit écartée, lorsque cet écart est possible ;

Attendu que l'objectif poursuivi par les auteurs de la réforme du décret du 11 décembre 2019 n'a pas été de prévoir une fin de non-recevoir fermant à une partie la possibilité d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de droit dès lors qu'elle n'a pas fait d'observations devant le premier juge, mais d'interdire à cette partie de faire état d'éléments alors connus d'elle qui devaient la pousser à demander et potentiellement à obtenir l'écart de cette exécution immédiate, ce qui n'était possible en l'espèce ;

Que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la société SA5M et par M. [N] est déclarée recevable ;

Sur le bien fondé de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire

Attendu que l'exécution provisoire de droit dont est assortie l'ordonnance de référé rendue le 3 février 2023 par le président du tribunal de commerce de Lyon ne peut être arrêtée, que conformément aux dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile, et lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que ces deux conditions sont cumulatives ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement de l'intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent ou d'une décision autorisant l'expulsion, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible ;

Attendu qu'il appartient aux demandeurs de rapporter la preuve de ces risques occasionnés par l'exécution provisoire ;

Attendu que M. [N] soutient d'abord à tort que l'absence de tout patrimoine lui permettant de faire face à ses condamnations suffit à caractériser l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives ; qu'en effet, l'impossibilité de payer les condamnations assorties de l'exécution provisoire n'est pas à elle seule suffisante à les caractériser, ce critère ne régissant que les demandes de radiation de l'instance d'appel ;

Que M. [N] se contente d'ailleurs de produire une attestation CAF faisant état de sa perception au mois de mars 2023 du revenu de solidarité active et d'une aide personnalisée au logement, qui pour refléter des revenus limités fournis par cette caisse n'objectivent nullement une absence de patrimoine ;

Attendu que les autres documents concernant ses participations dans d'autres sociétés ne sont pas plus démonstratifs de l'existence ou de l'absence d'un patrimoine suffisant à couvrir les condamnations qu'il subit ;

Attendu que la société SA5M ne produit la concernant que deux attestations d'un expert comptable ACCESS Comptable, celle datée du 13 mars 2023 étant bien lapidaire en ce qu'elle ne concerne en réalité que son dirigeant M. [N] et en ce qu'elle indique qu'il ne s'est versé aucune rémunération entre le 14 mars 2022 et le 28 février 2023  ; que la seconde attestation datée du 15 février 2023 n'est pas plus démonstrative en ce qu'elle ne mentionne que le chiffre d'affaires moyen entre le 1er avril 2022 et le 31 janvier 2023, comme les charges mensuelles, mais ne mentionne ni le résultat (bénéficiaire ou déficitaire) ni la trésorerie ;

Attendu que cette société SA5M n'est pas fondée à invoquer un risque de cessation des paiements sans tenter de fournir les éléments financiers susceptibles d'appuyer cette allégation ; qu'il est nécessaire de rappeler que la cessation des paiements en ce qu'elle ne conduit pas nécessairement à une liquidation judiciaire ne peut caractériser à elle-seule un risque de conséquences manifestement excessives ;

Attendu qu'en l'état de cette carence probatoire des demandeurs, leur demande d'arrêt de l'exécution provisoire est rejetée sans qu'il soit besoin d'apprécier le sérieux des moyens de réformation qu'ils articulent ;

Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive

Attendu que les défendeurs réclament des dommages et intérêts pour procédure abusive en soutenant que M. [N] a organisé son insolvabilité et en relevant que l'assignation en arrêt de l'exécution provisoire était uniquement destinée à gagner du temps ;

Attendu que M. [R] ne précise pas le fondement juridique de sa demande indemnitaire alors que M. [I] n'est pas fondé à se prévaloir de l'article 32-1 du Code de procédure civile qui régit uniquement les cas où une amende civile peut être prononcée ;

Attendu que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, voire de légèreté blâmable ;

Que l'assignation délivrée tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire est dépourvue de caractère dilatoire concernant les mesures d'exécution d'ores et déjà engagées et restées vaines, et les défendeurs ne sont pas fondés à se prévaloir ici d'une organisation d'insolvabilité, qui est sans rapport direct avec une saisine en arrêt de l'exécution provisoire ;

Attendu que ces défendeurs ne précisent d'ailleurs le préjudice résultant spécifiquement du présent référé ;

Attendu que leurs demandes de dommages et intérêts doivent être rejetées ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que les demandeurs succombent et doivent supporter in solidum les dépens de ce référé comme indemniser sous la même solidarité leurs adversaires des frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 2 mars 2023,

Déclarons recevable, mais rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par M. [E] [N] et par la S.A.S.U. SA5M,

Rejetons les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive présentées par M. [P] [I] et par M. [V] [R],

Condamnons M. [E] [N] et la S.A.S.U. SA5M in solidum aux dépens de ce référé comme à verser à M. [P] [I] et M. [V] [R] à chacun la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/00061
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;23.00061 ?
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