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09/05/2023 | FRANCE | N°23/00054

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 09 mai 2023, 23/00054


N° R.G. Cour : N° RG 23/00054 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O3SG

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 09 Mai 2023





























DEMANDERESSE :



S.A. EBRA MEDIAS BOURGOGNE RHONE ALPES

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON (toque 741)











DEFENDERES

SE :



Mme [Z] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Charlotte ILTIS de l'AARPI L² AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 555)





Audience de plaidoiries du 24 Avril 2023





DEBATS : audience publique du 24 Avril 2023 ten...

N° R.G. Cour : N° RG 23/00054 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O3SG

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 09 Mai 2023

DEMANDERESSE :

S.A. EBRA MEDIAS BOURGOGNE RHONE ALPES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON (toque 741)

DEFENDERESSE :

Mme [Z] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Charlotte ILTIS de l'AARPI L² AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 555)

Audience de plaidoiries du 24 Avril 2023

DEBATS : audience publique du 24 Avril 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 09 Mai 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Z] [D] a été embauchée en intérim le 3 janvier 2008 puis en contrats à durée déterminée à compter du 1er janvier 2009 par la S.A. Publiprint province N°1 (Publiprint), régie publicitaire ayant ensuite adopté la raison sociale Ebra médias Bourgogne Rhône-Alpes (Ebra). Par courrier recommandé du 4 janvier 2021, la société Publiprint a notifié à Mme [D] son licenciement pour motif économique.

Par acte du 23 décembre 2020, Mme [D] a fait assigner la société Publiprint devant le conseil de prud'hommes de Lyon lequel par jugement contradictoire du 10 novembre 2022 a :

- dit et jugé que le licenciement pour motif économique de Mme [D] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Publiprint au paiement de :

29 000 € bruts de dommages et intérêts,

1 000 € bruts au titre du préjudice moral et financier,

3 000 € au titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation et d'adaptation,

1 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

des intérêts légaux capitalisés à compter du dépôt de la requête introductive d'instance du 23 décembre 2020 pour les créances à caractère salarial et à la date de prononcé du jugement pour les créances à caractère indemnitaire,

- ordonné l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du Code de procédure civile, à hauteur de 50 % de la totalité des sommes indemnitaires allouées et dit que ces sommes seront consignées à la Caisse des dépôts et consignations,

- ordonné le remboursement des indemnités chômage versées à la demanderesse, du jour de la rupture de son contrat de travail au jour du jugement de première instance, dans la limite de 6 mois d'indemnités,

- condamné la société Publiprint aux entiers dépens.

La société Publiprint a interjeté appel de ce jugement le 9 décembre 2022.

Par assignation en référé délivrée le 17 mars 2023, la société Ebra a saisi le premier président afin d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 10 novembre 2022.

A l'audience du 24 avril 2023 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, la société Ebra invoque les dispositions de l'article 517-1 du Code de procédure civile et de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Elle soutient qu'il existe des moyens sérieux de réformation tenant au manque d'impartialité du conseil de prud'hommes de Lyon en raison de la présence de M. [X] en tant que président conseiller salarié dans la composition du bureau de jugement, auparavant salarié de la société Groupe progrès, maison mère de la société Publiprint.

Elle fait état de trois procédures dans lesquelles M. [X] a été opposé à la société, dont l'une encore en cours au moment du jugement.

Elle invoque l'existence de conséquences manifestement excessives au vu des difficultés économiques structurelles auxquelles est confronté le secteur de la presse, étant à l'origine des licenciements pour motif économique.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 14 avril 2023, Mme [D] demande au délégué du premier président de :

- à titre principal,

- débouter la société Ebra de sa demande tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire,

- prononcer l'exécution provisoire sur la totalité des condamnations de première instance,

- à titre subsidiaire, d'ordonner la consignation des sommes à la Caisse des dépôts et consignations,

- à titre infiniment subsidiaire, la consignation de 50 % des sommes,

- en tout état de cause, de la condamner à la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle conteste l'existence d'une quelconque partialité du jugement au motif qu'elle n'a pas connu M. [X] et qu'au moment de la décision, il n'était plus salarié depuis plus de dix ans dans l'entreprise et n'avait plus de contentieux avec l'ex-employeur.

Elle relève que la société Ebra a attendu 4 mois pour saisir la juridiction dans le seul objectif de retarder le paiement des sommes.

Elle soutient que la société a commis deux négligences en ne justifiant pas de l'obligation d'information auprès de la CPNE et en ne respectant pas la procédure de licenciement.

Elle affirme que les difficultés économiques dans le secteur de la presse invoquées par la société Ebra, ne suffisent pas à caractériser l'existence de conséquences manifestement excessives et en tout état de cause, ne sont pas actuelles. Elle soulève l'absence de document comptable ou bancaire produit par la société Ebra.

Elle demande la somme de 10 000 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 20 avril 2023, la société Ebra demande au délégué du premier président de débouter Mme [D] de toutes ses demandes.

Elle soutient que l'exigence d'impartialité peut être invoquée à tout moment et même s'il n'a pas été fait usage de la procédure de récusation ou de renvoi.

Elle considère que Mme [D] ne rapporte pas la preuve d'une urgence ni d'un préjudice moral.

Lors de l'audience, Mme [D] à laquelle il était rappelé que sa demande indemnitaire ne figurait pas au dispositif de ses conclusions, a précisé qu'elle présentait effectivement cette prétention et que cette demande indemnitaire rejoignait la procédure abusive.

La société Ebra a alors soulevé le défaut de pouvoir juridictionnel du premier président pour statuer sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral présentée par Mme [D].

Les parties ont été autorisées à déposer une note en délibéré pour répondre à la question de la désignation d'une conseiller de la mise en état dans le cadre de la procédure d'appel, au regard des termes des articles 517-2 et 517-3 du Code de procédure civile.

Par un courrier envoyé au greffe par RPVA le 27 avril 2023, le conseil de Mme [D] a indiqué que suite à un appel téléphonique au greffe de la chambre chargée de statuer sur l'appel, il lui a été indiqué qu'aucun conseiller de la mise en état n'avait été désigné.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Sur la demande principale d'arrêt de l'exécution provisoire ordonnée

Attendu que l'exécution provisoire prononcée par le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon ne peut être arrêtée, que conformément aux dispositions de l'article 517-1 du Code de procédure civile, soit dans le cas où elle interdite par la loi soit lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que ces deux dernières conditions sont cumulatives ;

Attendu que la société Ebra ne soutient pas que l'exécution provisoire serait interdite par la loi, mais invoque dans son assignation le risque de conséquences manifestement excessives comme l'existence d'un moyen sérieux d'annulation du jugement dont appel ;

Attendu qu'un moyen sérieux ne relève pas d'une simple affirmation ni de la seule reprise des arguments développés en première instance ; qu'en d'autres termes un moyen sérieux est un moyen suffisamment consistant pour mériter d'être allégué ou soutenu, pris en considération et avoir des chances d'être retenu après discussion et réflexion et qui doit en tout état de cause conduire à l'annulation ou à la réformation ;

Attendu qu'au soutien de son seul moyen tendant à l'annulation, la société Ebra fait état de ses doutes sur l'impartialité du conseiller prud'homal ayant présidé l'audience, mais elle n'affirme nullement avoir été informée de ses soupçons postérieurement à la décision du conseil de prud'hommes et surtout elle ne tente pas de caractériser que la motivation du conseil de prud'hommes ou les condamnations prononcées sont susceptibles de les appuyer ;

Attendu que comme l'a relevé Mme [D], ce conseiller prud'homal, pour n'avoir pas été le salarié de la société Ebra, ne fait plus partie des effectifs d'une société membre du même groupe qu'elle depuis juin 2011 et n'est plus en litige avec son ancien employeur depuis de longues années, y compris dans le cadre de l'instance décrite comme étant toujours en cours ;

Qu'en restant silencieuse sur ses doutes devant le conseil de prud'hommes et en n'invoquant alors pas cette question de l'impartialité objective, la société Ebra ne peut maintenant se prévaloir de ses seuls doutes pour tenter d'obtenir un arrêt de l'exécution provisoire ;

Attendu que si les principes fondamentaux en droit national et européen de la garantie d'un juge impartial tels que mis en avant par la société Ebra se doivent de conduire à un contrôle qui sera nécessairement exercé par la cour, cette absence de tentative de caractérisation d'une atteinte concrète devant conduire à l'annulation de la décision dont appel ne permet pas de retenir l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ;

Attendu que la société Ebra ne se prévaut par ailleurs d'aucun moyen de réformation tant dans son assignation que dans ses écritures dans le cadre de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible ;

Attendu qu'il appartient à la société Ebra de rapporter la preuve de ces risques occasionnés par l'exécution provisoire ;

Attendu qu'elle soutient dans ses dernières écritures que sa situation économique et celle de son groupe sont très précaires au regard des difficultés économiques du secteur de la presse ;

Que Mme [D] relève à juste titre que la société Ebra ne prétend pas que l'exécution provisoire telle qu'ordonnée par le conseil de prud'hommes aurait à son égard des conséquences irrémédiables et que cette demanderesse se limite à décrire de manière générale l'existence des difficultés économiques affectant le secteur de la presse ;

Attendu que la société Ebra ne produit pour soutenir l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives que des extraits d'un «projet de réorganisation liée à la création d'Ebra services et ses conséquences» daté du 25 février 2020 qui ne contiennent aucun indicateur chiffré la concernant personnellement ;

Attendu que ce seul document est dénué de pertinence à justifier que la consignation ordonnée par le conseil de prud'hommes d'une somme de 16 500 € est susceptible des conséquences disproportionnées ou irréversibles pour la société Ebra ;

Attendu qu'au regard de cette carence probatoire, sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire doit être rejetée ;

Sur les demandes reconventionnelles tendant au prononcé de l'exécution provisoire totale ou à la consignation de l'intégralité des condamnations

Attendu que les articles 517-2 et 517-3 du Code de procédure civile disposent respectivement :

«Lorsque l'exécution provisoire a été refusée, elle ne peut être demandée, en cas d'appel, qu'au premier président ou, dès lors qu'il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état et à condition qu'il y ait urgence.»

«Lorsque l'exécution provisoire n'a pas été demandée, ou si, l'ayant été, le juge a omis de statuer, elle ne peut être demandée, en cas d'appel, qu'au premier président ou, dès lors qu'il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état.»

Attendu que dans le cadre de sa note en délibéré, Mme [D] a indiqué que dans le cadre de la procédure d'appel un conseiller de la mise en état a été n'avait pas été désigné ce qui conduit à retenir que notre pouvoir juridictionnel n'est pas contesté ;

Attendu qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes de Lyon a été saisi par Mme [D] d'une demande de prononcé de l'exécution provisoire de son jugement et n'a nullement été refusée, car cette exécution provisoire a été prononcée à hauteur de 50 % du montant des condamnations ;

Qu'à supposer que cette décision soit susceptible d'être assimilée à un refus partiel, Mme [D], ne tente en tout état de cause pas de caractériser l'urgence exigée par l'article 517-2 ;

Attendu que cette demande reconventionnelle doit être rejetée ;

Que celle subsidiaire qui tend à la consignation de la somme non assortie de l'exécution provisoire ne peut pas plus prospérer, en ce que cette mesure suppose que la condamnation soit exécutoire à titre provisoire ; que le conseil de prud'hommes a d'ores et déjà ordonné la consignation de la partie des condamnations qu'il a assorties de l'exécution provisoire ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Attendu que Mme [D] demande dans ses écritures et dans le cadre des débats oraux l'indemnisation d'un préjudice moral dit consécutif à la saisine initiée par la société Ebra du premier président en arrêt de l'exécution provisoire ;

Que la faute invoquée concerne bien le comportement procédural manifesté par la société Ebra en nous saisissant d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire, sans pour autant que Mme [D] précise le fondement juridique d'une telle demande, qui relève par nature de l'appréciation du juge qu'elle dit avoir été abusivement saisi ;

Attendu que le premier président dispose contrairement à ce qu'affirme la société Ebra des pouvoirs juridictionnels pour arbitrer une demande indemnitaire fondée sur l'existence d'un abus de droit d'agir devant lui ;

Attendu que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, voire de légèreté blâmable ;

Attendu, d'ailleurs, que Mme [D] a pour sa part présenté des demandes reconventionnelles dans le cadre de la présente instance ;

Que le caractère infondé de la demande d'arrêt de l'exécution provisoire étant insusceptible de caractériser le comportement procédural ci-dessus décrit, la demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la société Ebra succombe et doit supporter les dépens de ce référé comme indemniser Mme [D] des frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 9 décembre 2022,

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la S.A. Ebra médias Bourgogne Rhône-Alpes comme la demande présentée par Mme [Z] [D] de prononcé de l'exécution provisoire totale du jugement rendu le 10 novembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon,

Rejetons la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [Z] [D],

Condamnons la S.A. Ebra médias Bourgogne Rhône-Alpes aux dépens de ce référé et à verser à Mme [Z] [D] une indemnité de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/00054
Date de la décision : 09/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-09;23.00054 ?
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