AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 21/00498 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NLOS
CPAM DE LA LOIRE
C/
Société [5]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 15 Décembre 2020
RG : 17/04407
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE D - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 09 MAI 2023
APPELANTE :
CPAM DE LA LOIRE
[Adresse 1]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par M. [L] [M], audiencier, muni dun pouvoir
INTIMEE :
Société [5]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Maladie professionnelle de Mme [W]
représentée par Me Gabriel RIGAL de la SELARL ONELAW, avocat au barreau de LYON substituée par Me Bénédicte BOUBEE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Février 2023
Présidée par Nathalie PALLE, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Mai 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 11 juillet 2007, Mme [W] (la victime), salariée de la société [7], aux droits de laquelle est venue la société [5] (l'employeur), a souscrit une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical initial faisant état d'un 'syndrome du canal carpien bilatéral,gauche [et] droit, opéré en janvier 2007 à droite, en mai 2007 à gauche'.
La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire (la caisse) a pris en charge l'affection déclarée au titre du tableau 57 des maladies professionnelles puis a fixé au 18 janvier 2012 la date de consolidation des lésions.
Par décision du 12 avril 2012, la caisse a attribué à la victime un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 14 %, à compter du 19 janvier 2012, pour les « séquelles fonctionnelles d'un syndrome du canal carpien bilatéral opéré ».
Le 9 juin 2017, la société [5] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Rhône-Alpes en contestation de cette décision. Le tribunal ayant été supprimé le 31 décembre 2018, le dossier a été transféré le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance, devenu le tribunal judiciaire de Lyon le 1er janvier 2020.
A l'audience du 29 septembre 2020, le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces confiée au docteur [F].
Par jugement contradictoire du 15 décembre 2020, le tribunal a :
- déclaré recevable le recours formé par l'employeur,
- réformé la décision du 12 avril 2012 et fixé le taux opposable à l'employeur à 10% à compter de la date de consolidation,
- rappelé que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l'audience sont à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie,
- dit n'y avoir lieu à dépens.
Le jugement lui ayant été notifié le 21 décembre 2020, la caisse en a relevé appel le 18 janvier 2021.
Dans ses conclusions déposées au greffe le 16 janvier 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la caisse demande à la cour de :
- déclarer irrecevable l'action intentée par l'employeur comme étant forclose,
- infirmer le jugement,
- confirmer le taux d'IPP à 14%.
Dans ses conclusions déposées le 6 février 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, l'employeur demande à la cour de :
- déclarer qu'il est recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fin et prétentions,
A titre incident
- ordonner une consultation sur pièces aux frais de la caisse conformément aux dispositions de l'article L. 142-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 61 de la loi n°2019-774 du 29 juillet 2019 avec mission donnée au médecin consultant d'examiner, sur pièces, les éléments du dossier médical justifiant le taux d'IPP de 14%, abaissé à 10%, attribué à la victime en conséquence de sa maladie professionnelle du 11 juillet 2007, d'en apprécier le bien-fondé et de se prononcer sur les éléments concourants à la fixation de ce taux,
Au fond
- déclarer que le taux de 10% auquel la caisse a fixé la rente d'IPP attribuée à la victime au titre de sa maladie professionnelle a été mal évalué,
En conséquence
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré son recours recevable,
- infirmer le jugement en ce qu'il a abaissé le taux d'IPP opposable à l'employeur qu'à 10%,
- dire que les séquelles de la maladie professionnelle du 11 juillet 2007 présentées par la victime justifient à l'égard de l'employeur l'opposabilité d'un taux d'IPP de 8%,
- condamner la caisse aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité du recours de l'employeur
A titre infirmatif, la caisse soutient l'irrecevabilité du recours de l'employeur, d'une part, pour forclusion, sur le fondement des articles R. 434-32, alinéa 3, et R. 143-7, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, l'employeur ayant intenté son recours plus de deux mois après la notification de la décision attributive de rente, d'autre part, en raison de la prescription, sur le fondement de l'article 2224 du code civil, l'employeur ayant intenté son recours plus de cinq ans après avoir eu connaissance de la décision attributive de rente.
L'employeur conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré son recours recevable, les dispositions de l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 29 juillet 2009, n'étant pas applicables lorsqu'il s'agit d'une maladie professionnelle, de sorte que l'envoi du formulaire par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 avril 2012 ne peut s'analyser en une notification qui fait courir le délai de forclusion de deux mois. Il ajoute qu'au demeurant, cette notification n'est pas valable et ne peut marquer le point de départ de la forclusion, en ce qu'elle ne fait pas référence à l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, ni au délai de contestation de deux mois impératif à peine de forclusion. A l'audience, la société [5] précise qu'elle ne conteste pas avoir reçu la notification de l'attribution d'un taux d'incapacité mais conteste la valeur qu'elle avait alors.
Sur ce,
Selon l'article R. 434-32, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, la décision motivée par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit, est immédiatement notifiée par la caisse primaire, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, avec mention des voies et délais de recours, à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au service duquel se trouvait la victime au moment où est survenu l'accident.
Et selon l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, le recours contre la décision de la caisse doit être présenté devant le tribunal du contentieux de l'incapacité dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision, laquelle doit être assortie, à peine d'inopposabilité du délai, de la mention des voies et délais de recours.
Il résulte de l'application de ces textes, tels qu'interprétés par la Cour de cassation ( 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-22.647, publié), qu'est irrecevable comme hors délai le recours contre la décision d'une caisse primaire d'assurance maladie fixant le taux d'incapacité permanente partielle d'une victime, reconnue atteinte d'une maladie professionnelle, formé par un employeur plus de deux mois après la notification régulière à celui-ci de la décision, peu important que les dispositions de l'article R. 434-32, alinéa 3, ne soient pas applicables à la notification de cette décision.
Au cas présent, il ressort des pièces produites aux débats (pièce n°4 de l'appelante) que la caisse avait notifié la décision fixant le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, reconnue atteinte d'une maladie professionnelle, à la société [7] qui l'avait reçue, le 13 avril 2012, ainsi qu'en fait foi l'avis de réception postal présenté au dossier, étant observé qu'il est constant que la société [7], aux droits de laquelle est venue la société [5], était l'employeur de la victime, ainsi que cela ressort notamment du certificat médical final du 18 décembre 2012.
La lettre de notification porte la mention suivante : «En cas de désaccord sur le taux d'incapacité retenu, vous pouvez dans un délai de deux mois à compter de cette notification:
- soit adresser une lettre simple à la commission de recours amiable (au siège de l'organisme). En l'absence de réponse de cette commission dans le délai d'un mois vous pouvez considérer votre demande comme rejetée et saisir le tribunal du contentieux de l'incapacité (dont l'adresse figure ci-dessus) ; - soit, saisir directement par lettre simple, le tribunal du contentieux de l'incapacité. Votre réclamation doit mentionner vos nom, prénoms, profession, adresse et contenir le motif de votre requête ainsi qu'une copie de la décision contestée. Si vous le souhaitez, vous pouvez indiquer le nom du médecin que vous désignez pour recevoir une copie des éléments médicaux. Vous avez la faculté de vous faire assister ou vous faire représenter par un avocat. Dans ce cas, vous devez nous indiquer ses coordonnées (art. R.143-2 et R. 143-6 du code de la sécurité sociale). [...]».
Ainsi, et alors qu'il est de jurisprudence bien établie que l'indication dans la notification de la décision de l'organisme que le délai court à peine de forclusion n'est pas exigée par les articles R. 143-7 et R. 143-31 du code de la sécurité sociale (2e Civ., 30 novembre 2017, pourvoi n° 16-25.309, publié), la cour constate que la lettre de notification comporte la mention des voies et délais de recours, de sorte que, nonobstant l'absence de citation expresse de l'article R. 143-7, la décision de la caisse relative au taux d'incapacité permanente partielle de la victime a été régulièrement notifiée à l'employeur, le 13 avril 2012, et que, formé devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, le 9 juin 2017, soit au delà du délai de deux mois imparti, le recours de la société [5], venant aux droits de la société [7], est irrecevable.
Au demeurant, et alors que le recours ouvert à l'employeur pour contester la décision d'une caisse primaire attribuant un taux d'incapacité permanente partielle à la victime d'un accident du travail, d'une maladie professionnelle ou d'une rechute constitue une action en justice qui, en l'absence de texte spécifique, est au nombre de celles qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil, le recours formé le 19 juin 2017 par la société [5], venant aux droits de la société [7], plus de cinq ans après avoir eu connaissance, le 13 avril 2012, du taux d'incapacité permanente partielle attribuée à la victime, est irrecevable.
Aussi convient-il d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le recours de l'employeur recevable.
L'employeur, partie succombante, est tenu aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a rappelé que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l'audience sont à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie de la Loire,
L'INFIRME en ses autres dispositions,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
DÉCLARE irrecevable le recours de la société [5] en contestation de la décision du 12 avril 2012 de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire attribuant un taux d'incapacité permanente partielle de 14 % à Mme [W], victime de la maladie professionnelle déclarée le 11 juillet 2007,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société [5] aux dépens.
Le greffier, La présidente,