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04/05/2023 | FRANCE | N°19/06725

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 04 mai 2023, 19/06725


N° RG 19/06725 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTTZ









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du 16 septembre 2019



RG : 2018j351







Caisse de Crédit Mutuel CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE VILLEFRANCHE SUR SAONE



C/



[N]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 04 Mai 2023







APPELANTE :



CAISSE DE CREDI

T MUTUEL DE VILLEFRANCHE SUR SAONE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités au dit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Mathieu ROQUEL de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL AXIOJURIS, avocat au barreau de LYON, to...

N° RG 19/06725 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTTZ

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du 16 septembre 2019

RG : 2018j351

Caisse de Crédit Mutuel CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE VILLEFRANCHE SUR SAONE

C/

[N]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 04 Mai 2023

APPELANTE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE VILLEFRANCHE SUR SAONE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités au dit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Mathieu ROQUEL de la SCP DESILETS ROBBE ROQUEL AXIOJURIS, avocat au barreau de LYON, toque : 786

INTIME :

M. [U] [I] [R] [N]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Aymeric CURIS, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

SAS SEQUOIAS INVESTMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102, postulant et par Me David BURILLE de la SELARL Hervé FRANCON - David BURILLE, avocat au barreau de la DRÔME

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 19 Mai 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Mars 2023

Date de mise à disposition : 04 Mai 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 22 janvier 2014, la Sarl ENR a souscrit un contrat de crédit d'un montant de 15.000 euros auprès de la Caisse de crédit mutuel de Villefranche-sur-Saône (ci-après  le Crédit mutuel ) et remboursable en 60 mensualités. Ce contrat était garanti par la caution solidaire de M. [U] [N], gérant de la société ENR, dans la limite de 18.000 euros.

Le 28 janvier 2014, le Crédit mutuel a apporté son concours à la société ENR pour un montant de 30.000 euros. Ce concours était garanti par la caution solidaire de M. [N] à hauteur de 36.000 euros.

Le 1er avril 2014, la société ENR a souscrit un second contrat de crédit d'un montant de 30.000 euros après du Crédit mutuel. Ce prêt était garanti par la caution solidaire de M. [N] à hauteur de 30.000 euros.

Par actes du 16 septembre 2014 puis du 20 janvier 2017, M. [N] a cédé l'intégralité des parts sociales qu'il détenait dans la société ENR à la SAS Sequoias Investment.

Par acte du 20 janvier 2017, M. [N] et la société Sequoias Investment ont convenu que  la société Sequoias Investment devait faire en sorte d'obtenir l'accord des différents établissements prêteurs afin de substituer sa caution à celle de M. [N] et en toutes hypothèses à assumer le passif social exigible si la caution de M. [N] devait être mise en 'uvre .

Par courrier recommandé du 4 décembre 2017, le Crédit mutuel a mis en demeure la société ENR et M. [N] de régulariser le solde débiteur du compte courant et de procéder au paiement des mensualités impayées au titre des prêts professionnels.

Par courriers recommandés du 15 janvier 2018, le Crédit mutuel a prononcé la déchéance du terme des prêts et a mis en demeure M. [N] et la société ENR de lui verser la somme de 53.923,80 euros au titre des impayés.

Par acte extrajudiciaire du 22 février 2018, le Crédit mutuel a assigné la société ENR et M. [N] devant le tribunal de commerce de Lyon. Par assignation du 6 août 2018, M. [N] a appelé en cause la société Sequoias Investment. Par jugement du 6 septembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la jonction des instances.

Par jugement du 14 novembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire de la société ENR et a nommé Me [K] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par courrier du 21 novembre 2018, le Crédit mutuel a déclaré une créance de 58.499,35 euros à titre chirographaire à échoir au passif de la société ENR.

Par jugement du 20 décembre 2018, le tribunal de commerce de Lyon a joint à la procédure l'instance opposant le Crédit mutuel et le liquidateur judiciaire de la société ENR.

Par jugement réputé contradictoire du 16 septembre 2019, le tribunal de commerce de Lyon a :

- ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les n°2018J00351 et 2018J01311,

- débouté la demande (sic) formulée par le Crédit mutuel quant au paiement de la caution engagée par M. [N],

- rejeté M. [N] de sa demande de dommages-intérêts à l'encontre du Crédit mutuel,

- débouté M. [N] de ses entières demandes à l'encontre de la société Sequoias Investment,

- ordonné l'inscription au passif de la société ENR par le Crédit mutuel de la somme de 58.499,35 euros,

- rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- et que les entiers dépens de l'instance seront à la charge des parties.

Le Crédit mutuel a interjeté appel par acte du 2 octobre 2019 en intimant M. [N], lequel a appelé dans la cause la société Sequoias Investment. Aucun appel n'a été diligenté par la société ENR.

* * *

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 février 2021 fondées sur les articles L. 341-1 et suivants anciens du code de la consommation, les articles 1101 et suivants du code civil et l'article 700 du code de procédure civile, le Crédit mutuel demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée son appel,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement du cautionnement par M. [N],

en conséquence,

- condamner M. [N] au paiement de la somme de 54.268,19 euros outre intérêts au taux conventionnel postérieurs à la date du 22 février 2018,

- débouter M. [N] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- condamner M. [N] à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers frais et dépens de l'instance.

* * *

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 31 janvier 2021 fondées sur les articles 1134 ancien et 1231-1 du code civil et l'article L. 332-1 du code de la consommation, M. [N] demande à la cour de :

à titre principal, sur les prêts souscrits,

- juger que le Crédit mutuel a manqué à son devoir de mise en garde lors de la souscription des crédits à la société ENR,

en conséquence,

- débouter le Crédit mutuel de ses demandes,

- condamner le Crédit mutuel à payer la somme totale de 54.268,19 euros au titre du préjudice subi,

- juger que ces dommages-intérêts se compenseront avec les éventuelles condamnations mises à la charge de la société ENR,

à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le Crédit mutuel n'a commis aucune faute sur la disproportion de son cautionnement,

- juger que son engagement de caution était disproportionné,

en conséquence,

- juger que ce contrat de cautionnement lui est inopposable,

à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le Crédit mutuel n'a commis aucune faute et que le cautionnement n'était pas disproportionné,

- juger que la société Sequoias Investment avait pris l'engagement « d'être seule responsable du passif social »,

- juger que la société Sequoias Investment avait pris l'engagement de se substituer « aux différents engagements de caution » en son lieu et place,

- condamner la société Sequoias Investment à payer toutes condamnation qui seraient prononcées à son encontre

à titre infiniment subsidiaire, s'il était jugé que le contrat de cautionnement lui est opposable et que la société Sequoias n'est pas tenue de le garantir,

- juger qu'il pourra procéder au paiement des sommes demandées par le Crédit mutuel sur une période de 2 ans,

en tout état de cause,

- condamner le Crédit mutuel ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Crédit mutuel ou qui mieux le devra en tous les dépens de l'instance.

* * *

Par conclusions d'intervenant volontaire notifiées par voie dématérialisée le 30 juillet 2020 fondées sur les articles 1147 et suivants anciens du code civil, la société Sequoias Investment demande à la cour de :

- juger M. [N] irrecevable et non fondé dans son appel,

- confirmer, en conséquence, le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [N] de ses entières demandes à son encontre,

- condamner M. [N] à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [N] aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 mai 2021, les débats étant fixés au 1 mars 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est précisé que le litige n'est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque les contrats litigieux sont antérieurs au 1er octobre 2016.

Il est également précisé que le litige n'est pas soumis au droit du cautionnement issu de l'ordonnance du 15 septembre 2021 puisque les contrats de cautionnement litigieux sont antérieurs au 1er janvier 2022.

Le juge n'est pas tenu par l'ordre des moyens soulevés par une des parties et il est nécessaire en l'espèce d'étudier en premier lieu si M. [N] reste tenu envers la Banque, puis la question de la disproportion, qui, si elle est admise, rend sans objet la demande de dommages intérêts fondée sur l'absence de mise en garde.

Sur le maintien des engagements de la caution envers la Banque

L'acte de cession du 21 janvier 2017 a emporté changement de gérant, M. [N] ayant présenté sa démission.

La Banque rappelle que le dirigeant et principal associé qui se porte caution envers une banque à raison des dettes de la société à son égard ne peut invoquer le fait d'avoir perdu la qualité de dirigeant ou associé tandis que M. [N] fait valoir qu'il n'avait plus de lien avec la société débitrice et n'entendait plus être comptable des engagements de cette société.

Ainsi que justement relevé par la Banque, l'acte du 21 janvier 2017 n'est pas opposable à cette dernière de sorte que M. [N] demeure engagé envers le Crédit mutuel au titre des trois cautionnements.

Sur la disproportion

Il résulte des dispositions de l'ancien article L 341-4 du code de la consommation applicable aux contrats en cause qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son engagement.

La disproportion de l'engagement de caution s'apprécie à la date de la conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus et l'appréciation de la disproportion doit être effectuée au vu des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude ; en présence d'un cautionnement qui n'était pas disproportionné lors de sa conclusion, il est inopérant de rechercher s'il est devenu disproportionné au moment où la caution est appelée.

La caution a la charge de la preuve de la disproportion lors des engagements et la Banque de la disproportion au moment où la caution est appelée.

La Banque soutient que :

- le tribunal de commerce n'a pas procédé à une analyse exacte du patrimoine et de la situation de M. [N] au jour de la souscription, lequel percevait un revenu annuel de 36.000 euros et n'avait pas renseigné sur ses charges et autres crédits,

- M. [N] avait en outre déclaré un bien immobilier de 202.000 euros et il n'avait pas en sus un remboursement mensuel de 1.512,75 euros (il s'agit d'un engagement de caution), il avait en outre des liquidités de 35.000 euros,

- M. [N] ne démontre aucune disproportion lors de son engagement ; au moment où elle est appelée, la caution se prévaut de la vente des parts sociales pour 65.000 euros et présentait un patrimoine financier de 101.727 euros, le prêt immobilier ayant probablement pris fin.

M. [N] fait valoir que :

- il était caution au titre des trois prêts d'un montant total de 84.000 euros alors qu'il était divorcé, vivait seul, propriétaire d'une résidence grevée d'un prêt de 202.000 euros souscrit auprès de la même banque, et caution à hauteur de 95.000 euros, qu'il était caution d'un autre crédit à hauteur de 18.000 euros, et caution pour une Sci à hauteur de 1.512 euros,

- que la Banque connaissait parfaitement sa situation financière et sa seule ressource de 35.000 euros, que le revenu de 3.000 euros est TNS.

Il résulte de la fiche patrimoniale dressée par M. [N] le 17 janvier 2014 que ce dernier :

- est divorcé et dispose de revenus de 3.000 euros par mois en qualité de travailleur non salarié, la fiche ne questionnant pas sur le fait de savoir s'il s'agit de revenus net ou brut,

- que M. [N] assume pour sa maison un crédit dont le montant restant dû s'élève à 202.000 euros payable sur 220 mois, le bien étant estimé par lui à 200.000 euros, ce qui n'apparaît pas cohérent avec le montant du prêt et les mensualités déjà payées ; le prêteur étant le Crédit mutuel

- qu'il existe un cautionnement pour garantie des sommes dues par la Sci Devel (50% à la charge de M. [N]) pour un montant de 1.512,75 euros, sans plus de précisions, le prêteur étant le crédit Mutuel, le montant du bien propriété de la Sci n'étant pas précisé ; rien ne permet d'en déduire que la somme de 1.512,75 euros corresponde à une échéance mensuelle,

- qu'il n'est pas fait état de charges particulières,

- que le patrimoine financier est de 35.000 euros.

La caution bénéficiait par ailleurs de parts sociales.

Une nouvelle fiche était établie le 17 mars 2014 (pièce 24) par M. [N] et révélait que les liquidités étaient de 40.000 euros, que des revenus locatifs étaient perçus pour 1.000 euros par mois, que la résidence principale était estimée à 390.000 euros avec un prêt de 200.000 euros, ce qui est plus cohérent avec le montant du prêt, que les parts de FP Développement étaient estimées à 210.000 euros (avec un prêt de 130.000 euros souscrit en 2010). Il était également indiqué un cautionnement à hauteur de 95.000 euros (sans plus d'explications) et un autre de 18.000 euros (qui correspond à cette date au premier cautionnement).

Contrairement à ce que soutient la caution qui fait état de ses engagements envers la Banque dans leur globalité, au raisonnement de la Banque elle-même et au raisonnement du tribunal de commerce, il convient d'apprécier l'existence d'une disproportion manifeste pour chaque cautionnement à la date de la souscription de chaque contrat eu égard aux différentes fiches patrimoniales qui ont pu être remplies par la caution.

Lors de la souscription du premier cautionnement d'un montant de 18.000 euros, force est de constater que les liquidités détenues par la caution lui permettaient d'assurer son engagement de sorte que ce cautionnement ne peut être considéré comme manifestement disproportionné à ses revenus et biens.

Lors de la souscription du second cautionnement de 36.000 euros, M. [N] ne disposait plus d'un patrimoine mobilier lui permettant de se libérer de ses obligations en raison du premier cautionnement. Par ailleurs, ses revenus mensuels déclarés permettaient d'assumer les charges courantes nécessaires et usuelles, peu important le fait que celles-ci n'aient pas été détaillées, en ne dégageant que des possibilités d'apurement mensuelles très modestes.

Il est toutefois relevé de la fiche établie avant le troisième engagement qu'à cette date, les revenus étaient de 4.000 euros, que si le montant des cautionnements litigieux s'élevait à 84.000 euros, les liquidités couvrant près de la moitié des engagements et qu'en considération du solde dégagé par le bien immobilier après déduction du prêt et des parts de Sci comme des parts sociales, la caution bénéficiait de biens lui permettant de faire face à ses engagements.

S'agissant d'un cautionnement de 95.000 euros mentionné par la caution, M. [N] ne justifie d'aucun contrat en ce sens et il prétend qu'il serait lié à la résidence principale alors qu'il est débiteur principal du prêt, ce qui est incohérent. Il ne peut donc être tenu compte de cet engagement.

Compte tenu de la grande proximité des contrats de cautionnement, il résulte de ces éléments que M. [N] ne prouve pas que ses engagements au titre des deuxième et troisième cautionnements étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus au moment de leur souscription.

Surabondamment, la cour relève que lorsque la caution a été appelée pour une dette d'un total de 54.268,19 euros le 21 février 2018, la Banque a justifié que M. [N] disposait alors d'un patrimoine mobilier découlant notamment de la vente des parts sociales à hauteur de 65.000 euros, patrimoine confirmé par une saisie conservatoire intervenant peu de temps après de plus de 100.000 euros, ce qui lui permettant de faire face à ses obligations. Ce patrimoine n'est pas démenti, M. [N] ne faisant valoir aucun argument.

En conséquence de ce qui précède, la disproportion est écartée. Le jugement est en conséquence infirmé.

Il en découle, le montant de 54.268,19 euros n'étant pas contesté, que M. [N] doit payer au Crédit mutuel, au vu des décomptes produits (p 16 à 18 Banque) cette somme outre les intérêts conventionnels courant sur chaque engagement à compter du 7 février 2018.

Sur le devoir de mise en garde et d'information

La Banque fait valoir que :

- elle est tenue d'un devoir de non immixtion dans les affaires de son client,

- le devoir de mise en garde, quant à lui, ne porte que sur le contrat lui-même, de sorte que l'obligation de la banque consiste à l'adaptation du crédit aux capacités financières du client dans le cadre de l'octroi du prêt, il ne porte pas sur les risques d'une opération plus globale,

- elle a pu considérer que le prêt était adapté aux besoins de la société, dont la santé financière a été examinée, (augmentation du chiffre d'affaires, du résultat, capacité d'auto-financement),

- subsidiairement, il ne peut découler de l'absence de mise en garde qu'une perte de chance qui doit être certaine.

M. [N] soutient que :

- la Banque ne s'est pas assurée de la possibilité pour la société de rembourser les crédits souscrits, elle n'a pas attiré l'attention sur ses faibles capacités financières quant au remboursement des emprunts,

- la Banque prétend seulement qu'en 2016, il existait une capacité d'autofinancement alors que le prêt est de 2014, et les comptes démontrent une situation obérée sans fonds propres avec un besoin en fonds de roulement négatif,

- si le préjudice consiste à remettre al personne en l'état antérieur, alors que la banque demande la totalité des sommes non remboursées, il n'y a aucun aléa et la perte de chance est inopérante.

La Banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque de l'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. La charge de la preuve du manquement de la banque incombe à la caution.

A l'égard de la caution avertie, la Banque n'est tenue d'un devoir de mise en garde que si elle avait, sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération cautionnée, des informations que la caution ignorait. Le caractère averti d'une caution ne se déduire de sa seule qualité de dirigeant et/ou associé de la société débitrice principale, mais résulte de critères tenant à l'implication personnelle du dirigeant dans l'activité exercée, et plus particulièrement dans le financement obtenu et qui est justement garanti, et à la compétence et l'expérience permettant de mesurer le risque pris.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la Banque est tenue à l'égard de son client d'un devoir de non immixtion dans ses affaires et la Banque n'est pas en principe tenue d'une obligation de conseil à l'égard de son client ; elle n'est susceptible de voir engager sa responsabilité que dans le cas où elle lui a fourni un conseil inadapté à la situation dont elle avait connaissance.

Enfin, le fait pour le banquier de ne pas avoir respecté son obligation de mise en garde n'octroie pas à la caution une réparation intégrale de sa dette mais une perte de chance de ne pas avoir contracté en connaissance du risque encouru.

Il a été vu supra que l'engagement n'était pas manifestement disproportionné aux capacités financières de la caution.

S'agissant du caractère averti de la caution, aucune des deux parties n'évoque ce point et ce caractère ne ressort pas des informations données.

S'agissant de l'obligation de l'emprunteur, M. [N] a indiqué lui-même dans ses conclusions que les prêts avaient toujours été payés sous sa gérance et il apparaît que les impayés remontent au mois d'août 2017, soit 6 mois après la cession. Il en découle que la société était parfaitement en capacité de faire face à ses engagements adaptés à sa situation lors de la souscription des prêts, étant souligné qu'une analyse financière avait été réalisée (pièce 23 Banque) et ne révélait pas d'anomalies, que le chiffre d'affaires était en hausse de même que le résultat et la capacité d'auto-financement. La banque n'a donc pas manqué à son obligation de mise en garde et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts de M. [N] à ce titre.

Aucun manquement à une obligation de conseil n'est par ailleurs établie.

Sur l'appel en garantie

M. [N] fait valoir que la société Sequoias Investment devait faire en sorte d'obtenir l'accord de différents établissements de crédit pour une substitution de caution, s'agissant d'une obligation de résultat, que la société n'a pas effectué la moindre diligence en ce sens alors qu'elle s'était engagée à prendre en charge le passif en connaissance de cause,

- que le manquement contractuel lui cause un préjudice équivalent au montant mis à sa charge,

- que la société connaissait la situation financière d'ENR et prétend à tort que la situation actuelle est due au concluant, qu'elle n'a jamais actionné la clause de garantie d'actif et de passif.

La société Sequoias Investment soutient que :

- le premier juge a eu une exacte lecture en retenant qu'il opère une distinction entre les engagements de caution de M. [N] et le passif social éventuel de exigible de la société ENR,

- dans l'acte de cession de parts sociales, il existe une garantie d'actif et de passif qui ne comprend pas l'acte de caution et son obligation porte qur un passif social exigible,

- que les différents actes du même jour doivent être lus dans le même sens, qu'elle ne s'est pas substituée à M. [N] en qualité de caution et qu'elle n'avait qu'une obligation de moyens conditionnée par l'accord des différents établissements prêteurs,

- elle n'a reçu aucune mise en demeure et il n'existe aucune certitude qu'une banque ait accepté la substitution.

Il résulte de la pièce 3 de M. [N] que le 20 janvier 2017, il a été convenu entre M. [N] et la société Sequoias Investment :

- que la société ENR sera seule responsable du passif social

- qu'il existe différents engagements de caution souscrits par M. [N] à la sûreté des prêts contractés par la société ENR ; dans ces conditions, la société Sequoias Investment devra faire en sorte d'obtenir l'accord de différents établissements prêteurs afin de substituer sa caution à celle de M. [N] et en toutes hypothèses à assumer le passif social exigible si la caution de M. [N] devait être mise en oeuvre.

Il convient de déterminer si les termes de cet acte constituent une obligation de garantie à la charge de la société Sequoias Investment au bénéfice de la caution pour les engagements personnels de cette dernière et il n'importe pas, comme le revendique à tort M. [N], que cette société ait ou non connu la situation financière de la société ENR et elle est sans rapport dans les rapports acquéreur caution avec une garantie d'actif et de passif qui ne concerne que la société.

L'engagement d'assumer le passif social exigible tel que mentionné dans la clause concerne le passif de la seule société et non les engagements personnels de M. [N] et ne constitue aucun engagement à garantir ce dernier de ses propres obligations.

Quant à l'engagement de rechercher l'accord d'établissements de crédit pour se substituer aux engagements de M. [N], les termes imprécis du contrat susvisé ne mettent pas à la charge de la société appelée en garantie une obligation de résultat d'obtenir des concours bancaires permettant à M. [N] d'être substitué dans ses engagements. Il ne constitue aucune obligation de garantie en l'absence d'un tel concours. Quant au comportement fautif qui pourrait découler d'une absence de recherche, il ne pourrait constituer, s'il était effectivement caractérisé, qu'une perte de chance qui n'est pas revendiquée par M. [N].

En conséquence, le jugement est confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie de M. [N] envers la société Sequoias Investment.

Sur les délais de paiement

M. [N] qui ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de ses revenus et charges ne remplit pas les conditions lui permettant de bénéficier de délais de paiement. Cette prétention est rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [N] supportera les dépens de première instance et d'appel et versera à la Banque la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable de ne pas faire droit à la demande de la société Sequoias Investment sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a considéré que M. [U] [N] restait engagé envers la Caisse de Crédit mutuel, rejeté la demande de dommages intérêts de M. [N] pour défaut de mise en garde et d'information de la Banque et rejeté ses demandes envers la société Séquoia Investment.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que les cautionnements souscrits par M. [U] [N] ne sont pas disproportionnés à ses biens et revenus.

En conséquence, condamne M. [U] [N] à payer à la Caisse de Crédit mutuel de Villefranche sur Saône la somme de 54.268,19 euros avec intérêts conventionnels sur chaque prêt à compter du 2 février 2018.

Rejette la demande de délais de paiement de M. [U] [N].

Condamne M. [U] [N] aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne M. [U] [N] à verser à la Caisse de Crédit mutuel de Villefranche sur Saône une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la société Sequoias Investment de sa demande sur le même fondement.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/06725
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;19.06725 ?
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