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27/04/2023 | FRANCE | N°20/03684

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 27 avril 2023, 20/03684


N° RG 20/03684 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NBI2















Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du 11 mai 2020



RG : 2018j01822











SA MONTE PASCHI BANQUE



C/



[T]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 27 Avril 2023







APPELANTE :



SA MONTE PASCHI BANQUE agissa

nt poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidan...

N° RG 20/03684 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NBI2

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du 11 mai 2020

RG : 2018j01822

SA MONTE PASCHI BANQUE

C/

[T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 27 Avril 2023

APPELANTE :

SA MONTE PASCHI BANQUE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié es qualités audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Yann LE PENVEN de la SCP PENVEN-GUILLAIN, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

M. [I] [T]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 4] (ALGERIE)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Raoudha BOUGHANMI de la SELARL CABINET CHAUPLANNAZ AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 172

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 13 Juillet 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Février 2023

Date de mise à disposition : 27 Avril 2023

Audience présidée par Marianne LA-MESTA, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, président

- Marianne LA-MESTA, conseiller

- Aurore JULLIEN, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 6 juillet 2009, la SARL SRDJ I (ci-après la société SRDJ I) a ouvert un compte courant entreprise auprès de la SA Monte Paschi Banque (ci-après la Banque Monte Paschi).

Par acte sous seing privé du 24 avril 2012, M. [I] [T], gérant de la société SRDJ I, s'est porté caution solidaire de l'ensemble des engagements de la société SRDJ I dans la limite de la somme de 720.000 euros sur une durée de 10 ans.

Suivant courrier recommandé du 19 juin 2015, dont une copie a été adressée à M.[T] pour information, la Banque Monte Paschi a mis la société SRDJ I en demeure de lui régler la somme de 531.446,20 euros en principal.

Par jugement du 17 octobre 2017, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société SRDJ I, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par décision du 23 mai 2018.

Le 9 novembre 2017, la Banque Monte Paschi a déclaré sa créance au passif de la société SRDJ I pour une somme totale de 413.529, 13 euros.

Par exploit d'huissier en date du 16 novembre 2018, la Banque Monte Paschi a assigné M. [T] devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme principale de 531.446, 20 euros, ramenée à 413.529, 13 euros dans ses dernières conclusions.

Par jugement contradictoire du 11 mai 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- dit l'engagement de caution en date du 24 avril 2012 manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [T],

- débouté la Banque Monte Paschi de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la Banque Monte Paschi à payer à M. [T] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Banque Monte Paschi à supporter les entiers dépens.

La Banque Monte Paschi a interjeté appel par acte du 13 juillet 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 11 janvier 2021, fondées sur les articles 1134, 2288 et suivants du code civil, la Banque Monte Paschi demande à la cour :

- de déclarer recevable et fondé son appel,

- d'infirmer la décision entreprise,

statuant à nouveau,

- de débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner M. [T] à lui verser la somme de 413.529,13 euros avec intérêts à compter du 19 juin 2015, date de la mise en demeure,

- de condamner M. [T] à lui porter et payer la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la Banque Monte Paschi fait valoir pour l'essentiel :

- que les engagements cautionnés par M.[T] sont parfaitement déterminés et déterminables, puisqu'il s'agit de l'ensemble des dettes de la société SRDJ I à son égard, seul le montant étant fluctuant en fonction de la situation du cautionné au moment de l'appel à la caution,

- que le cautionnement général est admis, dès lors que son libellé permet de déterminer les dettes garanties sans équivoque, ce qui est le cas en l'espèce,

- que M. [T] étant une caution avertie en sa qualité de dirigeant de la société SRDJ I, elle n'était pas tenue d'une obligation d'information renforcée à son endroit,

- que par ailleurs, les deux fiches d'information patrimoniale respectivement obtenues en 1996 et le 22 septembre 2011 de la part de M.[T], qui ont une valeur probante, laissent apparaître une situation financière tout à fait compatible avec l'ensemble des engagements de caution, dans la mesure où M.[T] déclare un patrimoine net de 5.456.000 euros et des revenus très importants car l'IRPP payé en 2012 était de 21.307 euros,

- qu'en tout état de cause, la charge de la preuve de la disproportion incombe à M.[T], qui est très lacunaire sur ce point,

- que s'il fait état d'autres engagements de caution, il se garde bien de justifier de ses actifs, ou à tout le moins, de façon très approximative, si bien que la disproportion ne peut être retenue,

- qu'au demeurant sur les 3 autres cautionnement dont M.[T] se prévaut au profit de la société Moncey Textiles, deux d'entre eux, d'un montant global de 800.000 euros, n'ont pas à être pris en considération pour avoir été déclarés nuls par le tribunal, de sorte que le montant à retenir pour apprécier une éventuelle disproportion n'est que de 1.383.000 euros,

- qu'il est en outre à noter que tout en invoquant la disproportion, M.[T] a continué à régulariser des actes de caution en octobre 2015 (SPTT pour 281.680,30 euros), un tel comportement pouvant s'analyser comme une fraude aux droits du créancier,

- que contrairement à ce que prétend M. [T], les fiches patrimoniales renseignées par ses soins ne comportent aucune anomalie apparente, de sorte qu'aucune vérification particulière ne s'imposait,

- que pour apprécier la disproportion, il doit être tenu compte de la valeur de la résidence principale de M. [T] au moment de la souscription du cautionnement, soit 1.200.000 euros et non de sa valeur actuelle, fixée à 400.000 euros par M.[T], sachant qu'il est fort probable que cette estimation soit très nettement minorée, voire totalement fantaisiste,

- que surtout, M.[T] est taisant sur les autres éléments constituant son patrimoine, notamment ses parts au sein de SCI, telles qu'elles figurent sur les fiches patrimoniales,

- que dans ces fiches, M.[T] valorise lui-même son patrimoine à la somme de 5.456.000 euros, cette valorisation ayant même été revue à la hausse (5.660.000 euros) dans une fiche patrimoniale actualisée du 2 octobre 2013,

- qu'en l'absence de disproportion avérée, elle n'a pas à justifier que la situation actuelle de M.[T] lui permettrait d'honorer les engagements de caution.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2020, fondées sur les articles 1108 et suivants, 1271 et suivants, 1315, 2292 et suivants du code civil, ainsi que sur les articles L. 341-1 ancien et suivants du code de la consommation et l'article L.313-22 du code monétaire et financier, M. [T] demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la nullité de son engagement de caution,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré son engagement de caution disproportionné et rejeté les demandes de la Banque Monte Paschi,

et statuant à nouveau,

à titre principal,

- juger que l'engagement de caution du 24 avril 2012 est dénué de cause, la dette garantie n'étant pas déterminable,

en conséquence,

- prononcer la nullité de l'engagement du 24 avril 2012,

à titre subsidiaire,

- juger que la Banque Monte Paschi a commis un manquement au titre de son obligation d'information, de renseignement et de mise en garde,

- juger que la Banque Monte Paschi a manqué à ses obligations en lui faisant souscrire un engagement de caution manifestement disproportionné par rapport à sa situation financière patrimoniale,

en conséquence,

- juger que la Banque Monte Paschi ne peut se prévaloir de l'engagement de caution invoqué,

- rejeter l'ensemble des demandes de la Banque Monte Paschi formées à son encontre,

- condamner la Banque Monte Paschi à lui payer la somme de 5.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

M.[T] expose en substance :

- que l'acte de cautionnement souscrit doit être déclaré nul, car son objet est indéterminable, en l'absence de référence précise aux dettes cautionnées,

- qu'à défaut, il sera retenu que la Banque Monte Paschi ne peut se prévaloir de ce cautionnement en raison de son caractère disproportionné, étant souligné qu'il est en tout état de cause difficile d'apprécier cette disproportion en l'absence de connaissance de la créance cautionnée et de son montant, s'agissant d'un compte courant dont la position est inconnue au jour de la signature du cautionnement,

- que l'établissement, auquel il incombait de s'assurer qu'il disposait d'un patrimoine suffisant pour honorer son engagement de caution, était à ce titre tenu d'un devoir de renseignement, d'information et de mise en garde,

- qu'à cet égard, les fiches de renseignements produites par la Banque Monte Paschi n'ont aucune valeur probante et doivent être rejetées, car elles sont entachées d'erreurs grossières qui auraient dû conduire l'établissement à effectuer des investigations complémentaires,

- que s'agissant tout d'abord de ses biens et revenus à la date du 24 avril 2012, il a perçu 147.000 euros de revenus en 2012, dont 8.656 euros par mois au titre de sa rémunération de gérant des sociétés Moncey Textiles et SRDJ I, et 5.193 euros par mois de revenus fonciers,

- qu'une pondération de 50 % doit être appliquée sur les revenus tirés de la gérance compte tenu de leur caractère fluctuant et incertain, étant observé qu'en 2015, ses revenus professionnels n'étaient plus que de 45.000 euros,

- que de la même manière, il convient de retenir 50% de la valeur des revenus fonciers, dans la mesure où le versement des loyers n'est pas garanti,

- qu'il était par ailleurs propriétaire de sa résidence principale à [Localité 5] et détenait des parts dans des SCI ainsi que dans des sociétés commerciales,

- que lorsqu'il a fait donation du bien immobilier à ses enfants en juillet 2015, la maison a été estimée et retenue pour assiette des droits à 400.000 euros, ce qui rend la valeur de 1,2 millions d'euros mentionnée dans la fiche de renseignements difficilement recevable,

- que n'étant pas un professionnel de l'immobilier, il ne connaissait pas la valeur réelle de cet actif, dont il a hérité près de 20 ans auparavant en 1995,

- que compte tenu de cette anomalie apparente, il appartenait à la banque de prendre les précautions nécessaires en faisant procéder à une estimation de la valeur réelle de ce bien qui constituait la garantie principale de la bonne exécution de l'engagement,

- que les valeurs mentionnées pour ses parts dans des SCI et dans des sociétés commerciales manquent également totalement de fiabilité sans avis de professionnels dans ces domaines, étant au demeurant relevé que ce type d'actif n'est pas facilement réalisable,

- qu'en l'absence d'éléments plus précis que la Banque Monte Paschi aurait dû prendre en compte, ces parts doivent être exclues du patrimoine à prendre en considération,

- que concernant son passif, à la date de souscription de l'engagement, soit le 24 avril 2012, il avait déjà contracté trois autres cautionnements auprès de la même banque pour un montant global de 1,25 millions d'euros,

- que la Banque Monte Paschi n'a pas fait état de ces cautionnements dans la fiche de renseignements pourtant éditée par ses soins, ce qui conduit à se poser la question de la mauvaise foi de l'établissement qui a volontairement occulté ces engagements

- que si deux de ces cautionnements ont effectivement été annulés en première instance, l'affaire a fait l'objet d'un appel, la Banque Monte Paschi ayant sollicité la validation des actes à titre de demande incidente,

- qu'outre ces trois engagements auprès de la Banque Monte Paschi, il avait également précédemment contracté 6 autres cautionnements auprès du CIC Lyonnaise de Banque, du Crédit Mutuel et de la Caisse d'Epargne, ce qui portait à la somme de 2,183 millions d'euros la totalité des engagements de caution en vigueur au 24 avril 2012,

- que ces engagements cumulés interdisaient à eux-seuls de prendre de nouveaux cautionnement au regard d'un patrimoine immobilier déclaré de 1,2 millions d'euros et d'actifs dont la vente forcée est quasi-impossible,

- qu'à ce jour sa situation financière ne s'est pas arrangée, puisqu'il a souscrit de nouveaux engagements de caution postérieurement à celui du 24 avril 2012 et qu'il est privé des revenus de la société Moncey Textiles depuis sa liquidation en octobre 2015 et de ceux de la société SRDJ I depuis mai 2018, de sorte qu'à l'heure actuelle, sa seule source de revenus est sa retraite d'un montant mensuel de 2.000 euros,

- que ses revenus fonciers sont devenus hypothétiques car ils ne couvrent pas les prêts immobiliers et certains impôts,

- que son patrimoine a également diminué en raison de la liquidation judiciaire de la plupart des sociétés d'exploitation et des difficultés de trésorerie des SCI qui n'assument plus le remboursement des prêts immobiliers,

- qu'il est donc dans l'incapacité totale de faire face à l'engagement souscrit.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 février 2021, les débats étant fixés au 22 février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire d'observer que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé :

- d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, le contrat ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance,

- d'autre part, que le litige n'est pas soumis au droit du cautionnement issu de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, puisque le contrat de cautionnement litigieux est antérieur au 1er janvier 2022.

Sur la nullité du contrat pour absence d'objet certain

Selon l'article 1108 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, l'une des quatre conditions essentielles pour la validité d'une convention est un objet certain qui forme la matière de l'engagement.

L'article 1129 du même code énonce qu'il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce.

La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée.

En l'espèce, l'acte de cautionnement régularisé le 24 avril 2012 par M.[T] (pièce n°6 de l'appelante) stipule, en son article 4, que 'la caution garantit le paiement de toutes sommes que le cautionné (la société SRDJ I) peut ou pourra devoir à la banque au titre de l'ensemble de ses engagements sous quelque forme que ce soit, y compris au titre de tous avals, cautionnements et garanties souscrits par le cautionné au profit de la banque ou délivrés par la banque pour le compte du cautionné ou sur son ordre et ceci :

- en toute monnaie,

- chez l'un quelconque de ses sièges,

- quelle que soit la nature du compte: compte individuel ou collectif du cautionné ou compte interne à la banque.

Le présent cautionnement garantit également de convention expresse tout engagement du cautionné avec la banque, même né en dehors de conventions intervenues entre le cautionné et la banque, tels ceux nés d'obligations à l'égard de la banque incombant au cautionné du fait notamment de sa signature sur tous effets de valeur.'

L'article 7 de l'acte précise quant à lui que 'la caution est engagée dans la limite du montant mentionné en tête du présent acte (720.000 euros) représentant le principal (commissions, frais et accessoires compris) ainsi que les intérêts et, le cas échéant, les pénalités ou intérêts de retard afférents aux opérations garanties, au taux et conditions applicables auxdites opérations, convenus entre la banque et le cautionné.'

Il n'est par ailleurs pas discuté par M.[T] que celui-ci a écrit de sa main la mention suivante en dessous de laquelle il a apposé sa signature : ' en me portant caution de la SARL SRDJ I dans la limite de la somme de 720.000 euros (sept cent vingt mille euro) couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 10 ans (dix ans) je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la SARL SRDJ I n'y satisfait pas elle-même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec la SARL SRDJ I, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la SARL SRDJ I'.

Au regard des indications claires et dépourvues d'ambiguïté contenues dans l'acte quant au montant et à la nature des engagements garantis, à savoir l'ensemble des dettes du débiteur principal dans la limite de la somme de 720.000 euros, il y a lieu de retenir que l'objet du cautionment souscrit le 24 avril 2012 est parfaitement déterminable, ce qui conduit au rejet de la demande de nullité de l'acte pour indétermination de l'objet, comme l'ont fait les premiers juges dans les motifs de la décision rendue le 11 mai 2020.

Il n'est cependant pas possible de confirmer le jugement entrepris sur ce point, le tribunal ayant omis de statuer dessus dans le dispositif de la décision.

Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution

L'article L.341-4 du code de la consommation (dans sa version antérieure au 1er juillet 2016 applicable au cautionnement litigieux signé le 24 avril 2012), dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription, de le prouver.

En revanche, si l'engagement était disproportionné au jour de la souscription, il incombe au créancier, qui entend se prévaloir du cautionnement, de démontrer que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au moment où elle est appelée, soit au jour de l'assignation.

La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de celui-ci et des biens et revenus de la caution, en ce inclus les parts sociales et les comptes courants d'associé, en prenant considération son endettement global qui comprend l'ensemble des charges, dettes et éventuels engagements de caution contractés au jour de l'engagement.

Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude. A défaut de fiche mentionnant les déclarations de la caution sur ces éléments, celle-ci est autorisée à rapporter librement la preuve de la disproportion.

Il est par ailleurs de principe que lorsque la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune incohérence, de sorte que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans effectuer des investigations complémentaires, la caution n'est pas fondée à invoquer, en vue de caractériser la disproportion, l'omission de charges ou d'éléments de passif.

Il doit encore être rappelé que le souscripteur est tenu d'un devoir de loyauté envers la banque sur les informations qu'il communique et qu'il ne peut par conséquent valablement se prévaloir des erreurs dont il est lui-même à l'origine.

En l'occurrence, la Banque Monte Paschi verse aux débats 5 fiches de renseignements sur le patrimoine immobilier et mobilier de M.[T] (pièces n°7 et 8 de l'appelante).

Il convient de relever que trois d'entre elles ne peuvent être prises en considération pour la détermination de ses biens et revenus lors de la signature du cautionnement dans la mesure où deux des documents ne sont pas datés, tandis que le troisième est antérieur de plus de 15 années à la conclusion de l'acte litigieux pour avoir été établi le 17 octobre 1996.

Il est indéniable que les deux autres fiches dont excipe la Banque Monte Paschi à l'encontre de M.[T] ne sont pas non plus contemporaines de la signature du cautionnement, en ce qu'elles ont respectivement été remplies les 22 septembre 2011 et 2 octobre 2013, soit 7 mois avant la souscription de l'engagement litigieux pour l'une et plus d'un an après pour l'autre. Mais dans le même temps, il ne peut qu'être constaté que M.[T] reconnaît lui-même que les renseignements figurant dans ces deux documents reflètent la consistance de son patrimoine au moment où il s'est engagé.

En effet, s'il conteste la valeur de certains des actifs mentionnés sur ces deux fiches (ce point étant évoqué infra), il reste que dans ses écritures, il fait état des mêmes éléments patrimoniaux que ceux qui y sont inscrits et ne soutient pas qu'il y aurait lieu d'exclure tout ou partie d'entre eux des biens et revenus dont il disposait en avril 2012. Il sera au demeurant observé que ces fiches établies à deux années d'intervalle ne comportent pas de différences notables sur la description de la situation patrimoniale de M.[T]. Seul leur degré de précision varie, celle du 2 octobre 2013 étant nettement plus détaillée, notamment quant aux droits qu'il détient dans différentes sociétés.

Il ressort de l'analyse combinée des renseignements portés sur ces deux fiches, que M. [T] a certifiés sincères et conformes :

- que celui-ci est marié sous le régime de la séparation de biens, a 4 enfants, dont l'un encore à charge,

- qu'il est gérant de la société Moncey Textiles, sans mention du salaire qu'il perçoit au titre de cette activité,

- qu'il a réglé une somme 21.307 euros au titre de l'impôt sur ses revenus de l'année 2011,

- qu'il réside dans une maison située [Adresse 2] qui est estimée à 1,2 millions d'euros et pour laquelle il n'y a pas de crédit en cours,

- qu'il détients des parts sociales dans 14 sociétés, dont 6 SCI,

- qu'il ne dispose pas d'autres valeurs mobilières (actions, obligations, OPCVM, PEA, assurance vie, livrets), aucune des cases relatives à ce type d'actifs n'étant renseignée.

Au regard du pourcentage détenu dans chacune des sociétés et de la valeur nette de celles-ci, après déduction du solde des emprunts en cours, le montant des parts sociales dont M.[T] était titulaire en avril 2012 s'établissait, selon ses indications, à la somme totale de 4.541.258, 77 euros, se décomposant comme suit :

- 74.069,43 euros pour la SCI Champ de l'Orme (22,5 % de 329.197, 48 euros)

- 362.110 euros pour la SAS Rivaldi (49% de 739.000 euros)

- 162.447,02 euros pour la SCI Hillel et Ethan (40% de 406'117,54 euros)

- 125.418,79 euros pour la SCI Poizat SRDJ (40% de 313.546,97 euros)

- 27.193,53 euros pour la SCI Maison Blanche (51 % de 53.320,65 euros)

- 220 euros pour la SCI [T] Invest (22% de 1.000 euros)

- 27.150 euros pour la société Rivaldi Millénaire (15% de 181.000 euros)

- 333.900 euros pour la SCI Hareli (35% de 954.000 euros)

- 38.250 euros pour la société Rivaldi Sarcelles (25% de 153.000 euros)

- 40.500 euros pour la société Rivaldi Okabe (25% de 162.000 euros)

- 25.000 euros pour la société Rivaldi Sept Chemin (25% de 100.000 euros)

- 2.625.000 euros pour la société Moncey Textiles (35% de 7.500.000 euros)

- 700.000 euros pour la société SRDJ (35% de 2.000.000 d'euros).

Il sera à ce stade observé que M. [T] est mal fondé à exciper d'erreurs grossières dans l'évaluation des parts sociales qu'il détenait dans les différentes sociétés précitées, qu'elles soient civiles ou commerciales, ou encore du caractère manifestement erroné de l'estimation du prix de sa résidence principale, alors que les montants mentionnés dans les fiches ne sont que le fruit de ses propres déclarations et qu'il ne démontre pas que l'établissement bancaire disposait d'éléments de comparaison qui lui auraient permis de déceler immédiatement des irrégularités dans la valorisation des parts sociales ou celle du bien immobilier constituant sa résidence principale .

En effet, M.[T] a spécifié qu'aucun crédit ne grevait sa résidence principale située à [Localité 5] et d'une surface de 250 m² sur 2 étages, ce qui rendait tout à fait crédible l'estimation de ce bien.

Par ailleurs, il ne prétend nullement avoir transmis à la Banque Monte Paschi des documents comptables relatifs aux différentes sociétés dans lesquelles il avait des parts, alors qu'en présence d'un professionnel aguerri, l'établissement bancaire ne pouvait déduire des chiffres avancés par M.[T] que ceux-ci ne correspondaient pas à la réalité de sa situation patrimoniale.

Il sera au demeurant souligné que M.[T] se contente d'affirmer que les éléments chiffrés qu'il a lui-même fournis sont faux, sans aucunement étayer ses allégations par la production de justificatifs de nature à établir qu'en avril 2012, la valeur des parts sociales dont il était détenteur était radicalement différente de celle se déduisant des montants portés sur les fiches renseignées avant et après la signature du cautionnement.

Il doit encore être précisé que le fait que les actifs en question soient difficilement réalisables ne saurait conduire à les écarter de l'assiette des biens à prendre en considération pour apprécier la disproportion.

Il échet en revanche de relever que dans les deux fiches, aucune case n'est dédiée à l'indication du montant des ressources perçues au titre de l'activité professionnelle et plus généralement des revenus, y compris fonciers, ce qui est constitutif d'une anomalie apparente, autorisant par conséquent M. [T] à en rapporter librement la preuve. Il communique à cet égard son avis d'imposition 2012 faisant apparaître que le montant global de ses revenus pour l'année 2011 s'est élevé à la somme de 157.558 euros, dont 103.885 euros au titre des salaires ou assimilés, 48.323 euros au titre de revenus fonciers et 5.350 euros au titre de revenus de capitaux mobiliers.

Il n'y a pas lieu d'appliquer une réduction forfaitaire de 50 % pour tenir compte du caractère fluctuant et incertains des revenus perçus par M.[T], dans la mesure où il ne démontre pas, ni même ne soutient, qu'à la date de signature du cautionnement litigieux, les ressources tirées de son activité professionnelle ainsi que de ses investissements mobiliers et fonciers avaient diminué de moitié par rapport à l'année 2011, l'intéressé se bornant à évoquer des baisses intervenues beaucoup plus tard en 2015 et 2016.

S'agissant du passif de M. [T], seule une société, Sina Textile, est mentionnée dans les fiches comme étant dépourvue de valeur et grevée de dettes à hauteur de 153.000 euros, dont M.[T] supportait la charge à concurrence de 25%, soit 38.500 euros.

Il convient par ailleurs de noter que la fiche du 22 septembre 2011 ne comporte aucun onglet permettant au souscripteur de signaler l'existence éventuelle de crédits personnels autres que des emprunts immobiliers ou encore de faire état d'autres engagements de caution, ce qui est là-aussi constitutif d'une anomalie apparente.

Il s'ensuit que M.[T] peut valablement inclure dans le passif auquel il devait faire face en avril 2012 le montant des autres engagements de caution dont il était déjà tenu à cette date.

Les pièces n° 3, et 9 à 12 dont il se prévaut font à cet égard apparaître :

- que le 10 décembre 1991, il a signé un acte de caution auprès de la Banque Monte Paschi portant sur une somme de 457.347 euros (pièce n° 3 - jugement du tribunal de commerce de Lyon du 28 mai 2018)

- que les 13 février 2002 et 26 novembre 2002, il a souscrit deux cautionnements auprès de la société CIC Lyonnaise de Banque pour une somme globale de 325.000 euros (pièce n°9 - jugement du tribunal de commerce de Lyon du 21 avril 2017),

- que le 8 février 2007, il s'est porté caution solidaire à hauteur de 267.000 euros au titre d'un prêt consenti par la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 5] à la SCI Hillel Ethan (pièce n° 10 - assignation du 4 mai 2016 devant le tribunal de grande instance de Lyon à l'initiative de la Caisse de Crédit Mutuel),

- que le 12 janvier 2010, il s'est porté caution à hauteur de 320.000 euros auprès de la Banque Monte Paschi (pièces n° 3 et 9),

- que les 21 juin 2010 et 18 octobre 2010, il a signé des actes de cautionnement solidaire pour garantir des prêts octroyés par la Caisse d'Epargne à la société Sina Textiles pour un montant global de 104.000 euros (pièces n°11 et 12 - assignation du 31 mai 2018 devant le tribunal de commerce de Lyon à l'initiative de la Caisse d'Epargne et engagement de caution du 18 octobre 2010),

- que le 20 septembre 2011, il a signé un autre engagement de caution auprès de la Banque Monte Paschi pour la somme de 480.000 euros (pièces n° 3 et 9).

Le montant total des cautionnements déjà contractés par M.[T] avant la souscription de l'engagement litigieux du 24 avril 2012 s'élevait donc à 1.953.347 euros.

Le moyen de la Banque Monte Paschi selon lequel deux de ces engagements devraient être exclus du passif de M.[T] pour avoir été déclarés nuls par le tribunal de commerce de Lyon aux termes d'une décision rendue le 28 mai 2018 est inopérant, dès lors que la situation patrimoniale de la caution est appréciée à la date de la signature du cautionnement.

Pour la même raison, les autres engagements de caution évoqués par M. [T] dans les pièces n° 13 à 17 n'ont pas être pris en compte dans son passif, puisqu'ils ont été contractés postérieurement au 24 avril 2012.

Il découle de l'ensemble des observations qui précèdent qu'après déduction de l'endettement de M.[T] dont le montant global s'élevait à 1.991.847 euros (1.953.347 + 38.500), celui-ci disposait encore d'un patrimoine résiduel de 5.741'258,77 (4.541.258, 77 + 1.200.000) - 1.991.847 = 3.749.411,77 euros, outre des ressources annuelles à hauteur de 157.558 euros lors de la signature de l'acte litigieux en avril 2012.

Au moment où il s'est engagé, M. [T] était par conséquent en capacité de s'acquitter de la somme de 720.000 euros due au titre du cautionnement.

Il échoue dès lors à démontrer que l'engagement de caution souscrit le 24 avril 2012 était manifestement disproportionné à ses revenus et biens, ce qui conduit à l'infirmation du jugement querellé sur ce point.

En l'absence de disproportion à la date de la signature de l'acte, il n'y a pas lieu d'examiner si au jour de l'assignation en paiement, M.[T] disposait des capacités contributives et/ou d'un patrimoine suffisant pour lui permettre d'honorer le paiement de la somme qui lui était réclamée.

M.[T] ne discutant par ailleurs pas le montant de la créance revendiquée en cause d'appel par la Banque Monte Paschi au titre du cautionnement, à savoir 413.529,13 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 juin 2015, il sera dès lors condamné au paiement de cette somme à l'établissement bancaire.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Partie succombante, M.[T] doit supporter les dépens d'appel comme ceux de première instance, ce qui conduit à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Banque Monte Paschi aux dépens.

La décision sera également infirmée s'agissant de la condamnation de la Banque Monte Paschi au paiement d'une somme de 2.000 euros à M.[T] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande par ailleurs d'allouer une indemnité de 1.500 euros à la Banque Monte Paschi au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Compte tenu de l'issue du litige, M.[T] sera évidemment débouté de ses prétentions à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que le cautionnement souscrit le 24 avril 2012 par M.[I] [T] est valable,

Dit que le cautionnement souscrit le 24 avril 2012 par M.[I] [T] n'est pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

Condamne M.[I] [T] à verser à la SA Monte Paschi Banque la somme de 413.529, 13 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2015,

Condamne M.[I] [T] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement,

Condamne M.[I] [T] à verser à la SA Monte Paschi Banque une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/03684
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;20.03684 ?
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