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27/04/2023 | FRANCE | N°20/01267

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile a, 27 avril 2023, 20/01267


N° RG 20/01267

N° Portalis DBVX - V - B7E - M3ZU









Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 13 janvier 2020



4ème chambre



RG : 18/07296







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 27 Avril 2023







APPELANT :



M. [B] [D]

né le 23 Juillet 1962 à [Localité 6] (ARIEGE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]





représenté par la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON, toque : 480









INTIMEE :



S.A. GENERALI ASSURANCES IARD

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au ...

N° RG 20/01267

N° Portalis DBVX - V - B7E - M3ZU

Décision du Tribunal Judiciaire de LYON

Au fond du 13 janvier 2020

4ème chambre

RG : 18/07296

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 27 Avril 2023

APPELANT :

M. [B] [D]

né le 23 Juillet 1962 à [Localité 6] (ARIEGE)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON, toque : 480

INTIMEE :

S.A. GENERALI ASSURANCES IARD

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

et pour avocat plaidant Maître Lisa HAYERE, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 23 Mars 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 23 mars 2023 prorogée au 27 avril 2023, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience tenue par Anne WYON, président, et Julien SEITZ, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, l'un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Anne WYON, président

- Julien SEITZ, conseiller

- Raphaële FAIVRE, vice présidente placée

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

M. [B] [D] a été opéré au mois d'avril 2007 d'une dissection aortique de type I, ensuite de laquelle il a bénéficié d'une surveillance cardiologique régulière.

Cette surveillance a objectivé, en janvier 2015, une évolution importante au niveau de la partie distale de la crosse aortique et de l'isthme avec un diamètre atteignant 67 millimètres, et un faux chenal n'étant pas complètement thrombosé.

Le 07 janvier 2015, M. [D] a consulté le docteur [K], exerçant aux [7] de [Localité 8]. Ce praticien a posé une indication opératoire de chirurgie hybride après discussion médico-chirurgicale avec l'équipe de radiologie.

L'opération, consistant dans la mise en place d'une endoprothèse Evita dans l'aorte thoracique descendante et le remplacement de la crosse aortique après transposition des vaisseaux supra-aortiques sous circulation extracorporelle, a été réalisée le 13 février 2015 par le docteur [K], au sein du service de chirurgie cardiovasculaire et pneumologique de l'hôpital [7] de [Localité 8].

Admis dans le service de réanimation de cet hôpital du 13 février 2015 au 18 mars 2015, M. [Y] a souffert à l'issue de l'opération, d'une crise convulsive généralisée sans récidive avec un scanner normal.

A son réveil complet le 20 février 2015, il a présenté une paraplégie flasque par ischémie médullaire avec un niveau sensitif T6 et une incontinence urinaire et anale confirmée par une IRM médullaire effectuée le 25 février suivant.

Du 18 mars 2015 au 26 mars 2015, M. [D] a été hospitalisé au sein du service de rééducation de l'Hôpital neurologique de [Localité 3]. Il a rejoint ensuite le service de rééducation de l'hôpital [5], où il est demeuré jusqu'à son transfert au centre de rééducation [4] à [Localité 9] dans le courant du mois de décembre 2015.

M. [D] a effectué une déclaration de sinistre entre les mains de son assureur Generali assurances iard, qui a mandaté son médecin-conseil [Z] à fin d'expertise amiable.

Le docteur [Z] a déposé un premier rapport avant consolidation le 19 novembre 2015, sur la foi duquel la société Generali assurances iard a versé des provisions de 130.000 euros à M. [D].

Le docteur [Z] a déposé un second rapport après consolidation le 03 octobre 2017.

M. [D] a saisi la commission régonale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales Rhône-Alpes (la CCI), qui a désigné les docteurs [S] et [E] en qualité d'experts.

Ces experts ont déposé un premier rapport le 15 décembre 2015, complété le 08 janvier 2016.

Selon avis du 10 février 2016, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (la CCI) a conclu, au visa des rapports d'expertise déposés les 16 décembre 2015 et 08 janvier 2016 :

- à l'absence de manquement imputable à l'établissement de soins dans la prévention du risque médullaire en per opératoire de l'intervention du 13 février 2015,

- à l'absence de manquement de l'établissement à l'obligation d'information de l'article L.1111-2 du code de la santé publique,

- à l'absence d'accident médical non fautif, l'intervention litigieuse n'ayant pas eu de conséquence anormale pour M. [D], au regard de son état de santé antérieur et de l'évolution prévisible de celui-ci, et le risque de paraplégie postopératoire ayant revêtu un caractère non négligeable.

M. [D], son épouse et ses enfants ont également saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande indemnitaire dirigée contre l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) et les [7] de Lyon.

La société Generali assurances iard est intervenue volontairement à l'instance, en sa qualité d'assureur de M. [D], afin d'exercer son recours contre les responsables éventuels, au titre des sommes provisionnelles versées à son assuré.

Par jugement du 09 mai 2018, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel du 25 juin 2020, aux termes duquel cette juridiction a retenu que l'intervention du 13 février 2015 ne pouvait être regardée comme ayant généré des conséquences anormales pour le patient, au regard de son état de santé initial comme de l'évolution prévisible de celui-ci.

M. [D] a parallèlement recherché la mobilisation des garanties offertes par son assureur, en faisant citer la société Generali assurances iard devant le juge des référés du le tribunal de grande instance de Lyon, pour l'entendre condamner à lui verser différentes provisions.

Par ordonnance du 30 avril 2018, le juge des référés a rejeté ses demandes, aux motifs que l'appréciation de la notion contractuelle d'accident médical et du critère d'anormalité constituait une difficulté sérieuse excédant sa compétence.

Par assignation signifiée les 22 et 26 juin 2018, M. [D] a fait citer la caisse primaire d'assurance maladie et la société Generali assurances iard devant le tribunal de grande instance de Lyon, pour entendre son assureur condamné à exécuter sa garantie 'accidents médicaux'.

Par jugement du 13 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a rejeté les demandes indemnitaires de M. [D].

M. [D] a relevé appel de ce jugement selon déclaration enregistrée le 17 février 2020.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, déposées le 27 janvier 2021, M. [D] demande à la cour, au visa des articles 1146 ancien et 1231 nouveau du code civil, de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lyon du 13 janvier 2020,

- dire sa demande recevable et bien fondée,

- dire que la société Generali assurances iard est tenue à garantie,

- la condamner à lui verser la somme de 880.000 euros au titre du solde du préjudice garanti,

- déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8],

- condamner la société Generali assurances iard à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Generali assurances iard aux dépens, distraits au profit de Me Yves Hartemann, avocat, sur son affirmation de droit.

M. [D] fait valoir que la société Generali iard lui a adressé le 10 décembre 2015 un courrier par lequel elle reconnaissait expressément sa garantie, au regard des conclusions du premier rapport d'expertise déposé par son médecin-conseil [Z], et que les parties étaient alors d'accord sur l'interprétation qu'il convenait de faire du contrat.

Il estime que la société Generali iard ne peut revenir sur cette interprétation pour refuser sa garantie, au motif qu'elle se trouverait prétendument conditionnée à un critère d'anormalité du dommage s'appréciant dans les mêmes termes que le critère légal posé à l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique.

S'il admet que le contrat prévoit une condition tirée de l'anormalité des conséquences de l'intervention médicale, il considère que l'anormalité exigée répond à une définition contractuelle autonome, s'interprétant selon la commune volonté des parties, sans référence aux critères prétoriens dégagés pour l'application de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique.

Il fait observer qu'à la différence de la loi, la police d'assurance définit l'accident médical sans considération du caractère fautif ou non fautif de la prise en charge, ce dont il tire la preuve de l'autonomie de la définition conventionnelle du risque garanti.

M. [D] soutient à titre subsidiaire que les séquelles de l'opération litigieuse procèdent de la réalisation d'un risque médical de très faible probabilité, inhérent à l'opération, ayant généré un dommage aux conséquences plus grave que celles de la pathologie ayant justifié l'intervention chirurgicale, ce dont il déduit que le critère d'anormalité du dommage se trouve caractérisé et que la société Generali assurances iard se trouve tenue d'exécuter sa garantie.

Par conclusions récapitulatives déposées le 18 mars 2021, la société Generali assurances iard demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, de l'article 1315 du même code, ainsi que de l'article 9 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevable, mais à tout le moins mal fondé, l'appel interjeté par M. [D] à l'encontre du jugement rendu par la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de Lyon le 13 janvier 2020,

- confirmer le jugement susvisé en toutes ses dispositions, en ce qu'il a débouté M. [D] de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,

- condamner M. [D] au versement de la somme de 1.500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] à supporter les dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la société Laffly & associés Lexavoué [Localité 8], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Generali assurances iard fait valoir que la garantie 'accidents médicaux' ne s'applique qu'en cas d'incapacité permanente de l'assuré égale ou supérieure au seuil de 5 %, et ne couvre que les préjudices suivants :

- pertes de gains professionnels futurs ;

- frais d'assistance d'une tierce personne ;

- frais d'aménagement du domicile et/ou du véhicule ;

- souffrances endurées ;

- déficit fonctionnel permanent ;

- préjudice esthétique permanent ;

- préjudice d'agrément ;

- préjudice sexuel.

Elle précise que la définition contractuelle de l'accident médical limite la garantie aux conséquences dommageables anormales de l'acte médical, indépendantes de l'état antérieur de l'assuré et de l'évolution prévisible de l'affection en cause.

Elle fait connaître que M. [D] a sollicité la mobilisation de sa garantie 'accidents médicaux' sans l'informer de l'avis de la CCI ou de la saisine des juridictions administratives, alors pourtant que cette garantie ne se cumule pas avec les indemnités versées par les tiers en réparation des mêmes préjudices.

Elle rappelle que la CCI, les juridictions administratives et le tribunal judiciaire ont systématiquement écarté le critère d'anormalité du dommage enduré par M. [D], que ce soit au regard de sa définition contractuelle ou de sa définition légale, dont elle soutient qu'elles se confondent entièrement.

Elle estime que les éléments au dossier commandent de se ranger à ces analyses convergentes et de rejeter la demande de M. [D].

Elle ajoute que les provisions versées en exécution de la garantie litigieuse l'ont été alors qu'elle ignorait la saisine de la CCI, des juridictions administratives et les différents avis médicaux recueillis en ces occasions. Elle affirme que ces provisions ne valent pas reconnaissance du droit à garantie et conteste se trouver liée par l'avis de son médecin conseil, dont elle fait observer qu'il ne s'est pas prononcé sur l'anormalité du dommage.

Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 23 mars 2021 et l'affaire a été appelée à l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle elle a été mise en délibéré au 23 mars 2023. Le délibéré a été prorogé au 27 avril 2023.

MOTIFS

Sur le moyen tiré de ce que la société Generali assurances iard serait tenue par la position de garantie adoptée le 10 décembre 2015 :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016;

Conformément à l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

En vertu de ces dispositions, l'assureur ayant offert sa garantie et versé une provision à l'assuré ou son ayant droit peut modifier sa position et refuser de procéder à son indemnisation définitive, lorsque des éléments postérieurs à sa prise de position initiale établissent que le sinistre n'entre pas dans la définition contractuelle des risques assurés, sauf à ce que l'assurance mobilisée ressorte d'un régime particulier l'obligeant à prendre position de manière définitive dans un délai contraignant.

La police 'accident de la vie', souscrite par M. [D] auprès de la société Generali assurances iard prévoit la couverture des accidents médicaux, définis dans le glossaire des conditions générales comme 'les conséquences dommageables pour la santé de l'assuré, anormales et indépendantes de son état antérieur et de l'évolution de l'affection en cause, d'actes chirurgicaux...'.

Cette définition se trouve reprise à la rubrique 'les événements garantis', selon laquelle l'accident médical 'doit avoir des conséquences dommageables pour la santé de l'assuré, anormales et indépendantes de l'évolution de l'affection en cause et de l'état antérieur'.

Ensuite de la consultation du rapport intermédiaire de son expert [Z], la société Generali assurances iard a adopté une position de garantie par courrier du 10 décembre 2015 indiquant :

'J'ai pris connaissances des conclusions médicales prévisionnelles du docteur [Z], médecin expert qui vous rencontré le 19 novembre 2015.

Je vous communique bien volontiers une copie de son rapport provisoire.

Pour votre parfaite information quant au règlement de votre dossier je me propose de vous faire part de certains points.

Je vous rappelle les préjudices indemnisables au titre de votre contrat Garantie des accidents de la vie souscrit.

Il s'agit des postes de préjudice dits « permanents » du droit commun à compter de la consolidation de vos blessures, y compris le poste « souffrances endurées » qui est un poste dit « temporaire ».

J'ai aussi pris connaissance de l'intervention légitime de l'Oniam qui dans votre cas interviendra en indemnisation de votre préjudice corporel.

Cette réparation est basée sur deux principes :

1- Le principe indemnitaire (article L121-1 du code des assurances)

Votre contrat est régi sur le même principe qui stipule qu'il ne peut y avoir cumul d'indemnisation du contrat sur les mêmes postes de préjudice qui vous seront indemnisés par l'Oniam.

2- Le principe de solidarité nationale (indemnisation par l'Oniam)

Selon celui-ci il est très probable que certains des postes ci-dessus ne vous soient pas intégralement indemnisés ou absolument pas indemnisés.

Dans ce cas nous interviendrons en indemnisation intégrale ou complémentaire.

Aussi je vous remercie de me transmettre une copie des conclusions médicales de l'expertise médicale de l'Oniam lorsque vous en serez en possession et de me tenir informé de l'indemnisation qui s'en suivra.

Dans cette attente je vous communique deux exemplaires d'une quittance provisionnelle à valoir et à déduire de l'indemnité définitive à venir dans l'attente de la consolidation de vos blessures.

Je vous invite à me retourner signé un exemplaire signé afin que je puisse procéder au versement de cette provision'.

Un tel courrier emporte reconnaissance du droit de l'assuré à garantie, sans équivoque ni réserve, la référence à la primauté de l'indemnisation susceptible d'être versée par l'Oniam ne constituant qu'un rappel du caractère subsidiaire de la garantie d'assurance et ne valant point réserve.

La société Generali assurances iard a d'ailleurs versé trois provisions à son assuré, d'un montant total de 130.000 euros.

L'intimée a cependant pris connaissance, ultérieurement :

- de la décision de la CCI, retenant l'absence d'accident médical, faute de conséquence anormale de l'acte chirurgical, compte tenu du risque non négligeable de paraplégie postopératoire,

- de la teneur des rapports d'expertise remis à la CCI,

- de la saisine de la juridiction administrative, puis de la teneur des jugement et arrêt de rejet prononcés par le tribnal administratif et la cour d'appel de Lyon, retenant l'absence de conséquence anormale de l'acte chirurgical au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

Ces éléments nouveaux l'ont amenée à suspendre l'exécution de sa garantie par courrier du courriel du 19 décembre 2017, puis à rejeter les demandes indemnitaires de M. [D], motif tiré de ce que la situation de l'appelant ne répondait pas aux conditions ouvrant droit à mobilisation de la garantie 'accidents médicaux' de la police 'accidents de la vie'.

Il a été précédemment rappelé que l'assureur ne se trouve pas lié par sa prise de position initiale, lorsque des éléments postérieurs à celle-ci le conduisent, comme en l'espèce, à considérer que sa garantie n'est pas due au regard des conditions conventionnelles de sa mobilisation et qu'elle a été reconnue ou exécutée par erreur.

M. [D] n'est donc pas fondé à soutenir que la société Generali assurances se trouverait irrémédiablement liée par les termes de son courrier du 10 décembre 2015 et corrélativement privée de la possibilité de discuter, dans le cadre de la présente instance, la réunion des critères de nature contractuelle permettant la mobilisation de sa garantie 'accidents médiaux'.

Il y a lieu en conséquence d'examiner les éléments de l'espèce, à dessein de déterminer si ces critères se trouvent effectivement réunis.

Sur la demande en paiement formée par M. [D] :

Vu l'article 1156 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016;

Vu l'article 1134 ancien du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

La définition contractuelle de l'accident médical ouvrant droit à garantie pose quatre critères cumulatifs relatifs aux conséquences de l'acte médical pratiqué, tenant :

- à leur caractère anormal,

- à leur caractère dommageable pour la santé de l'assuré,

- à leur caractère indépendant de l'état antérieur de l'assuré,

- à leur caractère indépendant de l'évolution de l'affection en cause.

Le tribunal judiciaire de Lyon a retenu, par des motifs pertinents, que la cour adopte, que les conséquences de l'intervention chirurgicale du 13 février 2015 répondent aux critères tirés de leur caractère dommageable pour la santé de l'assuré et de leur indépendance de son état antérieur et de l'évolution de l'affection en cause, ce que les parties ne discutent point.

M. [D] estime en revanche que le critère tiré de l'anormalité des conséquences de l'intervention obéirait à une définition contractuelle autonome, dont la société Generali assurances iard aurait irréfragablement admis, le 10 décembre 2015, qu'elle correspondait au cas d'espèce.

La société Generali assurances iard réplique que dans l'impossibilité de déterminer la commune intention des parties au contrat d'assurance, celui-ci s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. Elle ajoute que la proximité des définitions légale et conventionnelle de l'accident médical commande d'étendre la définition prétorienne de l'anormalité du dommage à la mise en oeuvre de la police litigieuse.

Sur ce :

Le contrat d'assurance n'indique pas les circonstances et conditions permettant de considérer que les conséquences de l'acte médical revêtent un caractère anormal au sens de la définition contractuelle de la garantie 'accidents médicaux'.

L'article 1156 du code civil, pris dans rédaction applicable à l'espèce, prescrit en ce cas de rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

La circonstance que la société Generali assurances iard ait accepté le 10 décembre 2015 d'exécuter sa garantie, avant de se raviser à l'examen des décisions de la CCI et des juridictions administratives, n'implique pas que les parties se soient irrévocablement accordées sur l'interprétation du critère d'anormalité prévu par la définition contractuelle de l'accident médical.

Susceptible de procéder d'une erreur commise par l'assureur dans l'appréciation de son obligation, elle ne permet pas à M. [D] d'affirmer que la société Generali assurances iard se trouverait liée par une commune interprétation de leurs conventions, sur laquelle il ne donne au demeurant pas la moindre indication.

En l'absence d'élément extérieur au contrat, de nature à déterminer la commune volonté des parties, la proximité des définitions légale et conventionnelle de l'accident médical, renvoyant chacune au caractère anormal de ses conséquences, au regard de l'état de santé de l'assuré et de son évolution prévisible, révèle que les parties ont entendu se référer au critère légal de l'anormalité du dommage, ainsi partant qu'à l'interprétation judiciaire des dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique.

Le premier juge s'est donc référé à juste titre aux critères prétoriens, selon lesquels :

- la condition d'anormalité du dommage se trouve remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement,

- dans le cas contraire, cette condition se trouve également remplie si, dans les conditions où l'acte médical a été accompli, la survenance du dommage présentait une faible probabilité.

Il résulte en l'espèce du rapport d'expertise des docteurs [S] et [E] que les examens réalisés en janvier et février 2015 ont révélé la présence d'un anévrisme de l'aorte thoracique siégeant au niveau de l'isthme, dans un conteste de dissection aortique ancienne, de 70 millimètres de diamètre. Les experts ajoutent qu'en l'absence d'intervention médicale le 13 février 2015, M. [D] s'exposait à l'éventualité d'une rupture d'anévrisme générant un risque de décès de 60 %. Ils précisent que cet état médical relevait 'formellement' d'une intervention chirurgicale sous circulation extracorporelle, ce qui signifie que le risque de rupture de l'anévrisme était tout à fait significatif.

Ainsi que l'on retenu les premiers juges, la paraplégie flasque générée par l'opération chirurgicale est moins grave que la rupture d'anévrisme susceptible de conduire au décès dans 60 % des cas, à laquelle M. [D] s'exposait en l'absence d'intervention chirurgicale, de sorte que la condition d'anormalité du dommage ne se trouve pas caractérisée de ce chef.

Il résulte par ailleurs du rapport du docteur [Z] en date du 03 octobre 2017 que la fréquence des complications sous forme de paraplégie, liées aux interventions chirurgicales du type de celle subie par M. [D] 'varie selon les études bibliographiques entre 3 et 15 %, selon les équipes'.

Le rapport d'expertise des docteurs [S] et [E] précise que ce risque augmente en fonction de l'étendue couverte par la prothèse variant de 1 à 10 % et qu'il s'établit en moyenne à 2 %. Les experts ajoutent qu'une couverture de plus de 15 millimètres de l'aorte thoracique, présente en l'espèce, accroît le risque de paraplégie, ainsi que l'absence de réimplantation de l'artère sous-clavière gauche. Ils expliquent également qu'un drainage du liquide céphalo-rachidien et une mise en circulation extra-corporelle de part et d'autre de l'anévrisme, non réalisées en l'espèce, permettent de réduire le risque de complication paraplégique. Ces différents paramètres leur permettent de fixer le risque de survenance de la complication, dans les conditions où l'intervention a été pratiquée sur M. [D], à 10%.

S'il est vrai que le complément de rapport déposé le 08 janvier 2016 indique que 'le risque de paraplégie, compte tenu de l'état clinique de M. [D] était inférieur à 5 % si toutes les techniques destinées à la prévenir avaoent été mises en oeuvre', la cour rappelle que le probabilité du risque doit s'apprécier dans les conditions dans lesquelles l'acte médical a été pratiqué. C'est donc le taux de risque de 10 %, évoqué dans le rapport du 15 décembre 2015, qu'il convient de prendre en compte.

Un tel risque ne peut être tenu pour faible.

La condition d'anormalité du dommage permettant la mobilisation de la garantie 'accidents médicaux' n'est donc pas caractérisée au sens du contrat, et il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande indemnitaire.

Sur la demande de déclaration d'arrêt commun :

Vu l'article 14 du code de procédure civile ;

M. [D] n'a pas intimé la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône et la demande visant à ce que l'arrêt soit déclaré commun et opposable à celle-ci doit être déclarée irrecevable.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile ;

Les dispositions du jugement de première instance relatives aux frais irrépétibles et dépens n'ont pas été déférées à la cour par la voie de la déclaration d'appel.

M. [D] succombe en l'instance d'appel et il convient de le condamner à en supporter les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat postulant de l'intimée.

L'équité commande de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort, dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement prononcé le 13 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon sous le numéro RG 18/07296, entre M. [B] [D] et la société Generali assurances iard, en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande indemnitaire ;

y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande visant à ce que le présent arrêt soit déclaré commun et opposable à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône ;

Condamne M. [B] [D] aux dépens de l'instance d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Laffly & associés Lexavoué [Localité 8], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile a
Numéro d'arrêt : 20/01267
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;20.01267 ?
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