N° RG 20/00244 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZPC
Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE
Au fond du 05 décembre 2019
RG : 2019j00007
[P]
SARL GRANIT ET TRADITION
C/
S.A. BANQUE RHONE-ALPES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 27 Avril 2023
APPELANTS :
M. [J] [P]
[Adresse 6]
[Localité 5]
SARL GRANIT ET TRADITION représenté par son gérant en exercice
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentés par Me Olivier DESPLACES, avocat au barreau de LYON, toque : 285
INTIMEE :
S.A. BANQUE RHONE-ALPES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Romain MAYMON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES :
La SOCIETE GENERALE prise en la personne de son représentant légal en exercice venant aux droits du CREDIT DU NORD venant lui-même aux droits de la BANQUE RHONE ALPES et ce, en vertu de deux traités successifs de fusion absorption du 15 juin 2022, avec effet au 1 er janvier 2023
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Romain MAYMON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE prise en la personne de Me [R] [B] es qualité de mandataire judiciaire et liquidateur de la société GRANIT ET TRADITION à la suite d'un jugement de liquidation judiciaire du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE en date du 6 avril 2022.
[Adresse 8]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Représentée par Me Olivier DESPLACES, avocat au barreau de LYON, toque : 285
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Date de clôture de l'instruction : 20 Février 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Février 2023
Date de mise à disposition : 27 Avril 2023
Audience présidée par Marianne LA-MESTA, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Marianne LA-MESTA, conseillère
- Aurore JULLIEN, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 6 février 2014, la SARL Granit et Tradition (ci-après la société Granit et Tradition) a ouvert un compte courant professionnel dans les livres de la SA Banque Rhône-Alpes (ci-après la Banque Rhône-Alpes).
Par avenant du 12 janvier 2016, la Banque Rhône-Alpes a accordé à la société Granit et Tradition une facilité de trésorerie autorisant un découvert en compte d'un montant de 20.000 euros au taux de 7,25%.
Suivant acte sous seing privé du 11 janvier 2016, M. [J] [P], gérant de la société Granit et Tradition, s'est porté caution de ladite société au titre de ce découvert en compte dans la limite de la somme de 26.000 euros pour une durée de 10 ans.
Par courrier recommandé du 21 février 2018, dont copie a été adressée à M. [P] pour information, la Banque Rhône-Alpes a dénoncé la convention de compte-courant avec un préavis de 60 jours. de cette dénonciation.
En l'absence de régularisation dans le délai de 60 jours, la Banque Rhône-Alpes a envoyé une lettre recommandée à la société Granit et Tradition le 2 mai 2018, dont copie a également été adressée à M. [P], pour la mettre en demeure de lui régler la somme de 25.686,50 euros au titre du solde débiteur du compte courant.
Par courriers recommandés datés du 21 juin 2018, la Banque Rhône-Alpes a mis la société Granit et Tradition et M. [P] en demeure de lui régler la somme de 15.152,75 euros compte tenu des encaissements intervenus sur le compte.
L'accord amiable de règlement échelonné de la dette convenu entre les parties n'ayant pas été respecté, la Banque Rhône-Alpes a, par acte extrajudiciaire en date du 27 septembre 2018, fait assigner la société Granit et Tradition et M. [P] devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins d'obtenir leur condamnation à lui payer la somme principale de 9.110,25 euros au titre du solde débiteur du compte courant.
Par jugement contradictoire du 5 décembre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
- dit que la Banque Rhône-Alpes n'a pas commis d'abus de droit en mettant fin à la convention de compte courant la liant à la société Granit et Tradition,
- débouté la société Granit et Tradition de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné la société Granit et Tradition à payer à la Banque Rhône-Alpes la somme de 9.110,25 euros selon décompte arrêté au 27 novembre 2018, outre intérêts au taux légal postérieurs à cette date,
- dit M. [P] mal fondé à se prévaloir du défaut de mise en garde de la Banque Rhône-Alpes,
- débouté M. [P] de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté M. [P] de sa demande tendant à être déchargé du paiement des pénalités ou intérêts de retard,
- condamné M. [P], en sa qualité de caution solidaire, à payer à la Banque Rhône-Alpes la somme de 9.110,25 euros, selon décompte arrêté au 27 novembre 2018, outre intérêts au taux légal postérieurs à cette date,
- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,
- rejeté les demandes de délais de paiement de la société Granit et Tradition et de M. [P],
- débouté la société Granit et Tradition et M. [P] de toutes leurs demandes,
- condamné solidairement la société Granit et Tradition et M. [P] à verser à la Banque Rhône-Alpes la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés à 97,91 euros, sont à la charge de la société Granit et Tradition,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
M. [P] et la société Granit et Tradition ont interjeté appel par acte du 10 janvier 2020.
Par jugement du 2 février 2022, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Granit et Tradition, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par décision du 6 avril 2022, la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [B], ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par courriers des 24 mars et 14 avril 2022, la Banque Rhône-Alpes a déclaré une créance de 7.977,07 euros au passif de la société Granit et Tradition.
Par ordonnance du 4 janvier 2023, la cour d'appel de Lyon a révoqué l'ordonnance de clôture rendue le 4 mai 2021, afin de permettre au liquidateur d'intervenir volontairement pour reprendre l'instance.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 février 2023, fondées sur l'article 122 du code de procédure civile, ainsi que sur les articles 1231-1, 1240 et 1343-5 du code civil, M. [P], la société Granit et Tradition et la SELARL MJ Synergie, prise en la personne de Me [B], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition, demandent à la cour de :
- réformer le jugement entrepris,
- déclarer recevable l'intervention volontaire de Me [B] es-qualité de mandataire judiciaire de la société Granit et Tradition,
et statuant à nouveau,
- constater que le compte bancaire litigieux n'a pas été clôturé et qu'il fonctionne encore à ce jour,
- en conséquence, juger irrecevable l'action engagée par la Société Générale,
- rejeter, en tant que de besoin, toutes les demandes faites par la Société Générale,
- en tout état de cause, si la cour devait retenir la demande de la Société Générale, cela ne pourrait constituer qu'une fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire dans la limite du montant déclaré soit 7.977,07 euros,
- condamner la Société Générale à payer à Me [B], ès-qualité de mandataire judiciaire de la société Granit et Tradition, et à M. [P] une somme de 3.000 euros chacun au titre des frais irrépétibles et en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Société Générale en tous les dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Olivier Desplaces,
subsidiairement,
- juger qu'en mettant fin à la convention de compte courant ensuite de l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société mère de la société Granit et Tradition, la Société Générale a commis un abus de droit et a engagé sa responsabilité,
- condamner la Société Générale à réparer le préjudice subi par Me [B], ès-qualité de mandataire judiciaire de la société Granit et Tradition,
- condamner la Société Générale à payer à Me [B], ès-qualités, la somme de 9.110,25 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la compensation avec les sommes que la société Granit et Tradition pourrait devoir à la Société Générale,
- condamner la Société Générale à payer à Me [B], ès-qualités, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
sur les demandes faites contre M. [P] :
- juger que la Société Générale a failli à son obligation de mise en garde et engagé sa responsabilité contractuelle à son égard,
- condamner la Société Générale à réparer le préjudice qu'il a subi en qualité de caution,
- condamner la Société Générale à lui payer la somme de 9.110,25 euros à titre de dommages-intérêts,
- ordonner la compensation avec les sommes qu'il pourrait devoir au titre du cautionnement invoqué,
- le décharger de toute pénalité ou intérêts conventionnels,
- condamner la Société Générale à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- subsidiairement, lui accorder les plus larges délais de paiement,
- condamner la Société Générale aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société Granit et Tradition, M.[P] et la SELARL MJ Synergie, es-qualité de liquidateur de la société Granit et Traditon exposent à titre principal :
- qu'ils rapportent la preuve que le compte ouvert auprès de la Société Générale a continué à fonctionner au moins jusqu'au mois de mars 2020 et qu'a priori, il n'a pas été clôturé depuis lors,
- que le compte étant toujours actif, la Société Générale n'est pas recevable à agir, faute d'intérêt, en recouvrement d'un solde qui, en l'état, ne représente pas une créance liquide et exigible,
- que la clause de compensation invoquée par la Société Générale pour expliquer l'affectation du remboursement opéré par le Trésor public sur un compte d'attente puis la réalisation d'une compensation avec le solde débiteur du compte courant, n'est pas applicable en l'espèce, puisqu'il s'agit justement d'un compte d'attente et non d'un compte ouvert par la société Granit et Tradition,
- que le fait que la banque n'ait pas rejeté le virement du Trésor public confirme l'absence de fermeture du compte,
- que par ailleurs, sur le décompte figurant en annexe de la déclaration de créance de la banque, apparaît un encaissement de 3.594, 38 euros correspondant en majeure partie au remboursement par le Trésor public du CICE 2018,
- que la banque ne justifie donc pas de la clôture du compte antérieurement au jugement de liquidation judiciaire,
- qu'en tout état de cause, en l'absence de clôture, la Société Générale doit actualiser les sommes qu'elle réclame en produisant les relevés de compte depuis le 31 mai 2018 jusqu'à ce jour.
Subsidiairement, les appelants font valoir :
- que si la décision de la banque de résilier un compte courant n'a pas à être motivée, elle peut être fautive en cas de motif illégitime ou de volonté de nuire, ce qui est le cas en l'espèce,
- qu'en effet, quelques jours seulement avant la résiliation opérée le 21 février 2018, la banque a appris l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société AD Management par jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne en date du 7 février 2018, ce qui est relaté dans un courriel adressé le 4 avril 2018 au conseil de la société Granit et Tradition par la Direction des Affaires Spéciales de la Banque Rhône-Alpes,
- que la société AD Management n'est autre que la maison mère de la société Granit et Tradition dont elle détient l'entier capital,
- qu'il est donc évident que la décision de clôture a été prise exclusivement à la lumière de l'information de l'ouverture du redressement judiciaire et en vue de contrarier l'issue de cette procédure, ce qui constitue clairement un motif illégitime, mais aussi un abus de droit caractérisé, sachant que la Société Générale a également procédé de la sorte pour une autre filiale, la société AD Trading, ainsi qu'à l'égard du dirigeant social de ces deux entreprises, M.[P],
- que ce faisant, la Société Générale a engagé sa responsabilité et sera tenue d'indemniser la société Granit et Tradition à hauteur de son préjudice évalué au montant des sommes réclamés par la Société Générale,
- que la banque a en outre manifestement failli à son obligation de mise en garde à l'égard de M.[P], dont la qualité de gérant de la société Granit et Tradition, ne fait pas pour autant de lui une caution avertie, présentant une aptitude particulière à évaluer les risques liés à l'acte de cautionnement,
- qu'elle devra par conséquent être condamnée à réparer le préjudice subi à ce titre par M.[P] à hauteur de la somme de 9.110, 25 euros, celle-ci pouvant venir en compensation des sommes qui pourraient être dues au titre du cautionnement invoqué,
- qu'en violation des dispositions de l'article L.333-1 du code de la consommation, il semble également que M.[P] n'ait pas été informé des défaillances de la société Granit et Tradition par la Société Générale, ce qui doit conduire à la décharge des pénalités et intérêts de retard pouvant être dus par la débitrice principale,
- que M.[P], qui justifie avoir perçu le RSA entre avril 2018 et mars 2020, est bien fondé à solliciter des délais de paiement sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil eu égard à sa situation financière difficile, conséquence directe des problèmes économiques rencontrés par la société holding AD Management et ses filiales.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 janvier 2023, fondées sur l'article 1134, devenu 1103 et 1104 du code civil, ainsi que sur les articles 2288 et suivants du code civil, la Société Générale, venant aux droits de la Banque Rhône-Alpes, demande à la cour :
- d'accueillir son intervention volontaire, la dire recevable et bien fondée,
- de déclarer M. [P], la société Granit et Tradition et la MJ Synergie, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition, irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes et les en débouter,
- de juger que sa demande est parfaitement recevable,
- de confirmer la décision déférée en sa totalité sauf à modifier le quantum de la condamnation en fonction des compensations intervenues et des intérêts courus depuis la première instance et en conséquence,
- de condamner solidairement M. [P] à lui payer la somme de 7.977,07 euros selon décompte annexé à la déclaration de créance du 6 avril 2022, outre intérêts au taux légal postérieurs à cette date, au titre de son cautionnement du découvert du compte courant,
- sauf à la réformer pour :
- la substituer à la Banque Rhône-Alpes,
- fixer sa créance à la liquidation de la société Granit et Tradition à la somme de 7.977,07 euros selon décompte annexé à la déclaration de créance du 6 avril 2022 et admission de créance subséquente, outre intérêts au taux légal postérieurs à cette date, au titre du découvert du compte courant,
- de condamner solidairement la société Granit et Tradition et M. [P] à lui payer la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel,
- de condamner M. [P] et la société Granit et Tradition aux entiers dépens d'appel.
A titre liminaire, la Société Générale précise qu'elle vient aux droits de la Banque Rhône-Alpes en vertu de deux traités successifs de fusion absorption du 15 juin 2022 à effet au 1er janvier 2023, de sorte qu'il y a lieu d'accueillir son intervention volontaire.
Sur la recevabilité, la Société Générale observe :
- que cette fin de non recevoir soulevée par les appelants constitue une demande nouvelle, prohibée par l'article 564 du code de procédure civile,
- que si la cour n'écarte pas l'argumentaire des appelants sur ce motif, elle le fera en toute hypothèse dans la mesure où le compte a bien été clos à son initiative avec un préavis de 60 jours conformément aux dispositions des articles L.313-12 et D.313-14-1 du code monétaire et financier,
- que l'évolution des montants réclamés depuis la date de la clôture est uniquement due au fait que des encaissements sont intervenus pour un montant total de 11.099,57 euros, dont 3.348 euros au titre du remboursement des impôts imputé au 20 mars 2020 par le mécanisme de la compensation,
- qu'en effet, ce remboursement du Trésor public a été affecté sur un compte d'attente puis imputé par compensation sur les sommes dues par la société Granit et Tradition, ladite compensation ayant expressément été autorisée par la société Granit et Tradition, ainsi qu'il ressort des conditions générales relatives à la facilité de trésorerie,
- que le cas échéant, il appartenait au titulaire du compte de prendre toutes dispositions nécessaires pour changer sa domiciliation.
Sur le fond, la Société Générale soutient en substance:
- que la société Granit et Tradition ne rapporte absolument pas la preuve de ses allégations selon lesquelles elle aurait dénoncé la facilité de trésorerie de la société Granit et Tradition dans le seul but de contrarier la procédure de sauvegarde de sa société mère, la société AD Management,
- qu'au demeurant, il n'y a aucune logique à favoriser la déconfiture d'une société qui doit de l'argent,
- que de même, la situation financière de la société Granit et Tradition ne saurait avoir une quelconque influence sur la procédure de redressement judiciaire de la société mère,
- qu'en outre, comme tout contrat à durée indéterminée, le contrat de crédit peut être résilié à tout moment à condition de respecter un délai de préavis de 60 jours, ce qui a été le cas en l'espèce,
- que si en décembre 2017, les limites de la convention de découvert souscrite le 12 janvier 2016 étaient respectées, ce découvert s'est envolé à partir de janvier 2018 pour atteindre plus de 36.000 euros, puis plus de 30.000 euros en février, plus de 23.000 euros en mars et plus de 26.000 euros en avril,
- que c'est donc fort légitimement que le 21 février 2018, elle a dénoncé la convention de compte courant dont les termes n'étaient plus respectés par la société Granit et Tradition,
- que les appelants font une lecture très parcellaire du courriel du 4 avril 2018 en omettant de faire état des paragraphes antérieurs qui rappellent les difficultés de paiement rencontrées par les différentes sociétés gérées par M.[P] et le fait qu'il avait été avisé, lors d'un entretien du 14 février 2018, que les concours accordés seraient dénoncés à défaut d'amélioration très rapide de la situation,
- qu'en tout état de cause, la société Granit et Tradition ne démontre ni le préjudice subi à raison de la dénonciation, ni l'existence d'un lien de causalité, étant rappelé que la rupture n'est considérée comme fautive que si elle a conduit à l'aggravation de la situation du débiteur,
- que M.[P], gérant de 9 sociétés selon les renseignements recueillis sur le site Infogreffe, est une caution avertie, de sorte qu'elle n'était pas tenue d'un devoir de mise à en garde à son égard,
- que subsidiairement, M.[P] ne rapporte pas la preuve de ce que le concours octroyé aurait été dangereux et inadapté, s'agissant d'une autorisation de découvert en compte d'un montant tout à fait raisonnable pour une société réalisant un chiffre d'affaires d'environ un million d'euros,
- qu'en outre, la fiche patrimoniale remplie par M.[P] montre que son patrimoine était largement suffisant pour couvrir son engagement de caution,
- qu'il a en tout état de cause été alerté des risques inhérents au cautionnement par la signature de l'engagement qui comporte la mention exigée par le code de la consommation et des explications détaillées sur la portée de l'acte,
- qu'à supposer qu'il existe un préjudice résultant du non respect éventuel d'un devoir de mise en garde, celui-ci s'analyse uniquement en une perte de chance et ne saurait être assimillé au montant de l'engagement lui-même,
- que M.[P] a bien été informé de la défaillance du débiteurs principal par courriers recommandés des 22 février et 2 mai 2018, de même qu'il s'est vu adresser les courriers annuels d'information de la caution,
- qu'elle s'oppose à tout octroi de délais de grâce le concernant.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 février 2023, les débats étant fixés au 22 février 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient à titre liminaire d'observer que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.
Il est également précisé :
- d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, les contrats litigieux ayant tous deux été conclus avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance,
- d'autre part, que le litige n'est pas soumis au droit du cautionnement issu de l'ordonnance du 15 septembre 2021 puisque le contrat de cautionnement litigieux est antérieur au 1er janvier 2022.
Enfin, en application de l'article 554 du code de procédure civile, il y a lieu d'accueillir l'intervention volontaire de la Société Générale, dont il n'est pas discuté qu'elle vient aux droits de la Banque Rhône-Alpes, cocontractant initial de la société Granit et Tradition et de M.[P], mais également celle de la SELARL MJ Synergie, prise en la personne de Me [B], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition.
Sur la recevabilité du moyen tiré du défaut d'intérêt à agir de la Société Générale
En vertu de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Par ailleurs, selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, a prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L'article 123 du même code énonce de son côté que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
L'article 564 du code de procédure civile dispose quant à lui qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, il convient d'abord de relever que contrairement à ce que soutiennent les appelants, leur argument selon lequel la Société Générale serait dépourvue d'intérêt à agir en raison de l'absence de clôture du compte courant professionnel de la société Granit et Tradition ne s'analyse pas en une fin de non-recevoir, mais en un moyen au fond car il ne vise pas à remettre en cause l'existence même de la créance revendiquée par la Société Générale, mais seulement son exigibilité.
Un tel moyen n'est donc pas régi par les dispositions de l'article 123 du code de procédure civile, mais par celles de l'article 564 du même code.
A cet égard, il y a lieu d'observer que dès lors qu'il tend uniquement au rejet de la demande en paiement de la Société Générale, ce moyen constitue une défense au fond et non une prétention nouvelle qui doit par conséquent être déclarée recevable.
Sur l'exigibilité de la créance de la Société Générale
En vertu de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L'article L.313-12 du code montéaire et financier dispose par ailleurs que tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L'établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d'autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.
L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise.
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit ou de la société de financement.
En l'espèce, il n'est pas discuté par les appelants que par courrier recommandé du 21 février 2018 (pièce n°8 de l'intimée), la Banque Rhône-Alpes, aux droits de laquelle vient désormais la Société Générale, a dénoncé les concours accordés à la société Granit et Tradition ainsi que la convention de compte courant souscrite par cette dernière moyennant un préavis de 60 jours à compter de la réception de la lettre conformément aux dispositions de l'article L.313-12 précité, mais également de l'article 10 de l'avenant à la convention de compte courant régularisé le 12 janvier 2016, l lequel prévoit que 'la banque peut -sans avoir à motiver sa décision - résilier à tout moment la présente ouverture de crédit en respectant un délai de préavis de 60 jours (...). En cas d'exigibilité de la présente ouverture de crédit, la banque se réserve le droit de clôturer le compte courant du client dans ses livres.'
Le courrier recommandé ayant été distribué le 1er mars 2018, la clôture effective du compte est donc censée être intervenue le 1er mai 2018, comme le rappelle d'ailleurs la banque dans une missive adressée le 2 mai 2018 à la société Granit et Tradition (pièce n°10 de l'intimée). A cette date, le solde débiteur du compte s'élevait à la somme de 25.686, 50 euros.
L'analyse des relevés de ce compte, tels que produits par la Société Générale (pièce n° 7 de l'intimée) fait apparaître qu'après le 1er mai 2018, les prélèvements opérés ou chèques débités sont systématiquement rejetés, ce qui permet de confirmer l'arrêt du fonctionnement dudit compte.
La Société Générale ne conteste pas que divers règlements sont intervenus entre le 1er mai 2018 et le 20 mars 2020 pour un montant total de 11.099, 57 euros dont un virement du Trésor public le 20 mars 2020 à hauteur de 3.348 euros.
Ces encaissements ne sauraient toutefois venir remettre en cause le caractère effectif de la clôture du compte au 1er mai 2018, dans la mesure où, comme l'observe à juste titre la Société Générale, l'article 10 des conditions générales de l'avenant à la convention de compte courant signé le 12 janvier 2016 par la société Granit et Tradition stipule expressément qu'en cas de résiliation du contrat 'le client autorise la banque à compenser quand bon lui semble le solde du compte courant avec le solde en sens inverse de ses autres comptes distincts. Il l'autorise également à retenir le solde créditeur du compte courant et plus généralement toutes sommes et valeurs lui appartenant, tant que tous les risques de la banque à son encontre ne seront pas éteints.'
La mise en oeuvre de ce mécanisme de compensation, auquel la société Granit et Tradition a consenti, constituant un corollaire de la résiliation, il y a lieu de retenir que le compte litigieux a bien été clôturé à compter du 1er mai 2018, peu importe les modalités selon lesquelles la banque a ensuite déduit les sommes portées au crédit de la société Granit et Tradition de celles que cette dernière restait à lui devoir, dès lors que le contrat ne conditionnait pas la régularité de la compensation à un mode opératoire précis. En particulier, le fait pour l'établissement d'avoir affecté le dernier remboursement duTrésor public au profit de la société Granit et Tradition sur un compte d'attente avant de réaliser une compensation avec le solde débiteur du compte courant ne saurait être considéré comme irrégulier.
La Société Générale justifie au demeurant non seulement de la déclaration de sa créance au titre du reliquat du solde débiteur de ce compte courant au passif de la société Granit et Tradition (pièce n°24 de l'intimée), mais également de son admission pour la somme de 7.977, 07 euros , ainsi qu'il ressort du certificat établi par le greffier du tribunal de commerce en application des articles L.624-2, R.624-2 et R.624-3 du code de commerce.
Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la créance de la société Générale au titre du solde débiteur du compte courant professionnel régulièrement résilié avant l'ouverture de la procédure collective est exigible tant vis-à-vis du débiteur principal que de la caution en application de l'article 2290 du code civil.
La somme revendiquée par la Société Générale, à savoir 7.977,07 euros selon décompte annexé à la déclaration de créance du 6 avril 2022 outre intérêts au taux légal postérieurs à cette date, n'étant par ailleurs pas contestée par les appelants, la créance sera par conséquent fixée à ce montant au passif de de la société Granit et Tradition.
Par confirmation du jugement entrepris, la capitalisation des intérêts échus par année entière sera par ailleurs ordonnée, celle-ci étant de droit en application de l'article 1154 ancien du code civil.
Sur l'abus de droit de la Société Générale
Il résulte de l'article L.313-12 du code monétaire et financier, déjà cité ci-dessus, ainsi que des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, que si une banque peut décider unilatéralement de mettre fin à une ouverture de crédit consentie à une entreprise et de clôturer son compte courant professionnel à condition de respecter un délai de préavis suffisant, d'une durée minimale de soixante jours, elle engage sa responsabilité lorsque cette décision procède d'un motif illégitime ou d'une volonté de nuire.
En l'occurrence, la seule pièce produite par les appelants en vue d'établir que la Banque Rhône-Alpes a commis un abus de droit lorsqu'elle a pris la décision de dénoncer les concours accordés à la société Granit et Tradition et sa convention de compte courant professionnel est un courriel adressé le 4 avril 2018 par M.[I] [F], membre de la direction des affaires spéciales de la Banque Rhône-Alpes, au conseil de M.[P], visiblement en réponse à des interrogations de ce dernier sur la situation financière de son client (pièce n°4 des appelants).
Or, la lecture de ce message électronique fait uniquement apparaître :
- que depuis la fin de l'année 2017, les trois autres sociétés gérées par M.[P] (AD Training, AD Management et la SCI Les Portes du Vivier) avec lesquelles la Banque Rhône-Alpes avait des relations contractuelles, étaient dans l'incapacité de rembourser leurs dettes envers l'établissement (soldes débiteurs non autorisés pour les sociétés AD Training et AD Management, échéances impayées de prêt pour la SCI Les Portes du Vivier),
- que M.[P] n'étant pas parvenu à respecter les engagements pris lors d'un rendez-vous du 26 décembre 2017 avec la banque, celle-ci l'a avisé, au cours d'un second entretien du 14 février 2018, qu'à défaut d'une amélioration rapide de la situation, elle, procèderait à la dénonciation des différents comptes et concours y attenant,
- que M.[P] a par ailleurs avisé l'établissement bancaire de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société AD Management.
La date à laquelle M.[P] a transmis cette dernière information à la Banque Rhône-Alpes n'est pas précisée dans le mail, la manière dont il est rédigé ne permettant en effet pas de déterminer s'il en a fait état durant l'entrevue du 14 février 2018 ou alors ultérieurement à l'occasion d'un autre échange, l'entrevue du 14 février 2018 et la question du redressement judiciaires étant en effet évoqués dans deux paragraphes distincts.
Dans ces conditions, il n'est pas possible de retenir que la délivrance de ce renseignement à la Banque est bien intervenue antérieurement à la décision de cette dernière de mettre fin aux relations contractuelles avec la société Granit et Tradition, et donc qu'il existerait un lien de causalité entre les deux événements.
Il sera par ailleurs observé que même si les appelants avaient rapporté la preuve de ce que le redressement judiciaire de la société AD Management avait été porté à la connaissance de la Banque Rhône Alpes avant le 21 février 2018, ils échouent quand même à démontrer que cette dernière a ensuite dénoncé les concours accordés à la société Granit et Tradition dans le but de lui nuire.
Ainsi, la société Granit et Tradition et son liquidateur judiciaire se bornent-ils à évoquer le fait que la résiliation de la convention de compte courant aurait été effectuée par la Banque Rhône Alpes dans l'objectif de faire obstacle au bon déroulement de la procédure collective de la société AD Management, alors qu'il s'agit d'une faute commise au préjudice d'un tiers à la convention conclue entre la Banque Rhône-Alpes et la société Granit et Tradition. Ils n'allèguent en revanche nullement que la banque aurait agi de la sorte en vue de précipiter la déconfiture de son cocontractant, la société Granit et Tradition, ou encore que son attitude fautive serait à l'origine de la débâcle financière de cette société.
Il doit à cet égard être noté que la banque aurait au contraire pu se voir reprocher un soutien abusif au crédit si elle avait maintenu ses concours à la société Granit et Tradition, sachant que l'examen des relevés de compte versés aux débats révèle que depuis le mois de janvier 2018 le seuil du découvert en compte autorisé était très largement dépassé, puisqu'au 31 janvier 2018, le solde débiteur était de 36.035, 10 euros et qu'au 21 février 2018, date d'envoi de la lettre de résiliation, le montant du solde débiteur excédait toujours largement le montant de 20.000 euros autorisé.
En outre, à compter du mois de janvier 2018, l'établissement a procédé au rejet systématique des prélèvements, ce qui démontre qu'il n'entendait plus accepter de dépassement du découvert autorisé.
Aucun comportement déloyal de la banque dans l'exercice de sa faculté, conventionnellement prévue, de mettre fin aux relations contractuelles avec la société Granit et Tradition n'étant par conséquent caractérisé, cette dernière, représentée par son liquidateur judiciaire, ne peut qu'être déboutée de sa demande d'indemnisation à ce titre, ce qui conduit, par ces motifs substitués, à la confirmation du jugement déféré sur ce point.
Sur le devoir de mise en garde
En vertu des dispositions de l'article 1147 d code civil, le banquier est tenu à l'égard de la caution non avertie, d'un devoir de mise en garde, en considération de ses capacités financières et du risque d'endettement excessif généré par l'engagement, sous peine d'engager sa responsabilité contractuelle.
La qualité de dirigeant ou de commerçant est à elle-seule insuffisante à qualifier ladite caution de personne avertie, si elle n'est pas corroborée par d'autres éléments. Il appartient à la banque qui entend se soustraire à sa responsabilité de démontrer que la caution était en réalité avertie au moment de la signature des actes c'est-à-dire qu'elle disposait d'une compétence particulière en matière financière, cette dernière étant appréciée in concreto au vu de sa formation et de son expérience.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats par la Société Générale et dont la teneur n'est pas remise en cause par M.[P] :
- que celui-ci est ou a été dirigeant de 9 sociétés différentes, dont l'une exploitait un magasin d'articles de sports et une autre (AD Trading) avait une activité d'import et de négoce (extrait Infogreffe - pièce n°18 de l'intimée) ,
- qu'il est dirigeant de la société AD Management depuis le mois de janvier 2011 selon la fiche de renseignements de solvabilité qu'il a personnellement remplie le 12 janvier 2016 (pièce n°6 de l'intimée),
- qu'il est le gérant de la société Granit et Tradition depuis sa création en mars 2012 (statuts - pièce n°2 de l'intimée).
Il résulte de ce qui précède qu'à la date de souscription de l'engagement de caution le 12 janvier 2016, M.[P] avait nécessairement une expérience certaine de la gestion d'une société, étant de surcroît observé que l'acte ne présentait aucune complexité particulière pour un commerçant rompu aux affaires.
M. [P] doit dès lors être qualifié de caution avertie. Dans ces circonstances, il ne peut engager la responsabilité de la banque que s'il démontre que celle-ci aurait eu sur la situation financière du débiteur principal des renseignements ignorés de lui. Or, force est de constater qu'il ne justifie, ni même n'invoque, que la banque avait sur les revenus de la société Granit et Tradition, son patrimoine et ses facultés de remboursement en l'état du succès raisonnablement escompté de l'opération financée, des informations dont lui-même ne disposait pas.
Aucune faute de la banque n'étant établie, le jugement querellé sera par conséquent confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de M. [P] au titre d'un manquement au devoir de mise en garde.
Sur l'obligation d'informer la caution de la défaillance du débiteur principal
L'article L.341-1 ancien du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 31 juillet 1998 au 1er juillet 2016, donc applicable au présent litige, dispose que sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
En l'occurrence, il est démontré par la Société Générale :
- qu'elle a d'abord avisé M.[P] de la dénoncation de la facilité de trésorie et de la résiliation de la convention de compte courant de la société Granit et Tradition au moyen d'un courrier recommandé du 22 février 2018, réceptionné le 1er mars 2018 par l'intéressé (pièce n°9 de l'intimée),
- qu'elle l'a ensuite informé, par le biais d'une seconde lettre recommandée du 2 mai 2018 (pièce n°11 de l'intimée), de la fin du préavis de 60 jours et de la mise en demeure de régler le solde débiteur du compte bancaire envoyée en parallèle à la société Granit et Tradition.
La Société Générale s'étant conformée à l'obligation d'information imposée par l'article L.341-1 précité, aucune déchéance du droit aux intérêts et pénalités de retard ne saurait être prononcée à son encontre, le jugement entrepris devant dès lors être confirmé sur ce point.
Aucun autre moyen n'étant soulevé par M.[P] pour tenter d'échapper au paiement des sommes dues en sa qualité de caution solidaire de la société Granit et Tradition, il y a lieu de le condamner à verser à la Société Générale, le montant réclamé à ce titre, à savoir 7.977, 07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2022, outre capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément à l'article 1154 ancien du code civil.
Sur les délais de paiement
L'article 1244-1 ancien du code civil, applicable aux présent litige, dispose que compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
En l'espèce, le seul document produit par M.[P] à l'appui de sa demande de délais de paiement, est une attestation de paiement de la Caisse d'allocations familiales révélant qu'il a perçu le RSA entre avril 2018 et mars 2020. Il ne justifie ddonc pas de sa situation financière et patrimoniale actuelle. Dans ces conditions, la preuve n'est pas rapportée de ce qu'il est dans l'incapacité de faire face au paiement de la somme à laquelle il est condamné. Il y a lieu dès lors de confrimer le jugement déféré, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de délais de paiement.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Parties succombantes, M.[P] et la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [B], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, la décision querellée étant par conséquent infirmée sur ce point.
L'équité commande par ailleurs d'allouer une somme de 1.500 euros à la Société Générale sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, laquelle sera supportée in solidum par M.[P] et la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [B], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition. Le jugement entrepris sera en outre confirmé s'agissant de l'indemnité accordée à la Société Générale au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance.
Enfin, compte tenu de l'issue du litige, M.[P] et la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [B], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l'appel,
Déclare recevables les interventions volontaires de la Société Générale et de la SELARL MJ Synergie, prise en la personne de Me [B], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition,
Déclare recevable le moyen soulevé en appel par M.[P], la SARL Granit et Tradition et la SELARL MJ Synergie, es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition tiré du défaut d'exigibilité de la créance en raison de l'absence de clôture du compte courant professionnel,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a :
- condamné la société Granit et Tradition à payer à la Banque Rhône-Alpes la somme de 9.110,25 euros selon décompte arrêté au 27 novembre 2018, outre intérêts au taux légal postérieurs à cette date,
- condamné M. [P], en sa qualité de caution solidaire, à payer à la Banque Rhône-Alpes la somme de 9.110,25 euros, selon décompte arrêté au 27 novembre 2018, outre intérêts au taux légal postérieurs à cette date,
- dit que les dépens sont à la charge de la société Granit et Tradition,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe la créance de la Société Générale au passif de de la SARL Granit et Tradition, à titre chirographaire, à la somme de 7.977, 07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2022,
Condamne M. [J] [P], en sa qualité de caution solidaire, à verser à la Société Générale la somme de 7.977, 07 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2022,
Condamne in solidum M.[J] [P] et la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [B], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne in solidum M.[J] [P] et la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [B], es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Granit et Tradition à verser à la Société Générale une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE