AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/02202 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M5ZY
[M]
C/
Société MJ SYNERGIE
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 25 Février 2020
RG : 18/03356
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 26 AVRIL 2023
APPELANT :
[H] [M]
né le 24 Avril 1984 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Fanny CIONCO, avocat au barreau de LYON
INTIMÉES :
Société MJ SYNERGIE représentée par Me [L] [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JS CARRELAGE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Arlette BAILLOT-HABERMANN, avocat au barreau de LYON
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE CHALON SUR SAONE
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Charles CROZE de la SELARL AVOCANCE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Février 2023
Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 26 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 mai 2015, M. [M] a été embauché en qualité de carreleur, par la société JS Carrelage, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2 100 euros, pour 169 heures de travail.
La convention collective nationale des ouvriers du bâtiment est applicable aux relations contractuelles.
Par lettre remise en main propre en date du 30 octobre 2017, M. [M] a été licencié en ces termes :
« Nous vous avons exposé lors de notre entretien préalable du 29/10/2017 les motifs qui nous amènent à envisager la rupture de votre contrat de travail.
Vous avez été embauché par contrat en date du 25 mai 2015 pour la durée des travaux relevant de votre spécialité de carreleur sur le chantier AUDI, VOLSKWAGEN etc.
La réception des travaux ayant été effectués sur lesquels vous êtes actuellement employé, la nature des travaux prévus ne nous permet pas d'envisager votre réemploi sur un autre chantier de l'entreprise et nous sommes donc contraints de procéder à la rupture de votre contrat.
Votre préavis commencera à courir à la date de présentation de cette lettre pour se terminer le 31/12/2017' »
Par jugement en date du 23 janvier 2018, le tribunal de commerce de LYON, saisi par assignation des caisses de retraite complémentaire BTP, a placé la société JS Carrelage en liquidation judiciaire. La SELARL MJ SYNERGIE, représentée par Maître [C], a été désignée en qualité de mandataire liquidateur et la date de cessation des paiements a été fixée au 24 janvier 2017.
Le mandataire liquidateur désigné a refusé de régler le solde des salaires et des indemnités de rupture sollicités par M. [M], au motif que l'employeur lui avait indiqué qu'aucune créance salariale n'était due au jour de la liquidation judiciaire.
Par requête en date du 30 octobre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin que soit fixé au passif de la société JS Carrelage diverses sommes à titre de rappel de salaires, de dommages et intérêts pour prise de congés payés empêchés, d'indemnité de licenciement, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 25 février 2020, le conseil de prud'hommes a :
débouté M. [M] [H] de l'intégralité de ses demandes,
condamné M. [M] [H] aux entiers dépens de la présente instance.
Par deux déclarations d'appel en date du 19 mars 2020 (RG n°20/02202) et du 23 mars 2020 (RG n°20/02241), M. [M] a interjeté appel de ce jugement. Une ordonnance de jonction des deux procédures a été rendue le 14 mai 2020.
M. [M] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement rendu, en toutes ses dispositions:
Par conséquent,
- de dire et juger ses demandes recevables, justifiées et bien fondées,
- de fixer les créances suivantes au passif de la société JS CARRELAGE :
17 421,93 euros nets à titre de rappels de salaires sur la période de janvier 2016 à décembre 2017,
2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'impossibilité de prendre des congés payés du fait de l'employeur,
1 356,07 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
7 350 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- d'ordonner au mandataire liquidateur de la société JS CARRELAGE de lui délivrer un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document manquant dans les quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir,
- de dire et juger que le conseil (sic) se réservera le droit de liquider l'astreinte,
En tout état de cause,
- de fixer son salaire de référence à la somme de 2 100 euros,
- de déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable au CGEA-AGS,
- de débouter le mandataire liquidateur de la Société JS CARRELAGE et l'AGS de toutes leurs demandes, fins et prétentions,
- de condamner Maître [C], ès qualités de mandataire liquidateur de la société JS CARRELAGE à la somme de 3 000 euros un titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de fixer au passif de la liquidation judiciaire les entiers dépens de l'instance.
SELARL MJ SYNERGIE, représentée par Maître [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JS Carrelage demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris par le conseil des prud'hommes de Lyon en toutes ses dispositions,
- de condamner M. [M] aux entiers dépens de l'instance.
L'association AGS CGEA demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté intégralement M. [M] de ses demandes,
- subsidiairement, de minimiser les sommes octroyées à M. [M].
En tout état de cause,
- de dire et juger que sa garantie n'intervient qu'à titre subsidiaire, en l'absence de fonds disponibles,
- de dire et juger qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 du Code du travail que dans les termes et conditions résultant des articles L. 3253-20, L. 3253-19 et L. 3253-17 du Code du travail,
- de dire et juger que son obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des éventuelles créances garanties, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L 3253-20 du Code du travail,
- de dire et juger qu'elle ne garantit pas les sommes allouées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre de la liquidation d'une éventuelle astreinte,
- de la dire et juger hors dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.
SUR CE
Sur la demande de rappel de salaires
M. [M] relate qu'à compter de janvier 2016, la société JS Carrelage a cessé de lui verser son salaire, puis a repris les versements sans jamais s'acquitter en intégralité des sommes dues.
Il fait valoir qu'il appartient au mandataire liquidateur de démontrer que la Société JS Carrelage a procédé au règlement des créances salariales et soutient que ce dernier ne rapporte pas la preuve que l'employeur lui aurait déclaré qu'aucune créance salariale n'était due à l'ouverture de la procédure collective.
Il ajoute qu'il n'est pas prouvé qu'il aurait déclaré au mandataire liquidateur que tous les chèques encaissés jusqu'au terme de son contrat de travail émanaient de la Société JS Carrelage ; que l'analyse de ses relevés bancaires ne fait pas apparaître le versement par la Société JS Carrelage de la somme globale de 36 748,85 euros ; que le mandataire a tenu compte de salaires versés sur son compte qui étaient ceux de son épouse et qu'il a refusé de tenir compte du défaut de provision des chèques délivrés par la société JS Carrelage.
La SELARL MJ SYNERGIE, représentée par Maître [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JS CARRELAGE objecte :
- que le salarié produit un tableau qu'il a lui-même rédigé afin de démontrer le montant des sommes qui lui seraient dues,
- que l'employeur lui a déclaré qu'aucune créance salariale n'était due à l'ouverture de la procédure collective,
- que M. [M] lui a confirmé que les chèques apparaissant régulièrement au crédit de son compte jusqu'au terme de son contrat de travail émanaient bien de la société JS Carrelage, que le salarié affirme lui-même dans un courrier que les paiements figurant sur son décompte bancaire ont bien été versés par la société JS Carrelage, et que la preuve de la provenance des fonds est donc établie,
- que si l'on totalise les remises de chèques indiquées et les virements effectués par la société JS Carrelage, M.[M] a perçu une somme totale de 36 748,85 euros, alors que si l'on totalise les salaires indiqués sur ses bulletins de paie pour la période de janvier 2016 à décembre 2017, on arrive à une somme totale de 30 963,40 euros,
- que sans justificatif de M. [M] quant aux remises des chèques sur compte bancaire, les deux sommes qui devront être prises en compte sont 1 071,83 euros (salaire de Madame [E] [Z] du mois de février 2017) et 1 042,97 euros (salaire de Madame [E] [Z] du mois de mars 2017).
L'association AGS CGEA fait valoir :
- que selon le mandataire liquidateur, l'analyse des relevés bancaires du salarié met en évidence qu'il a perçu une somme globale de 36 748,55 euros, alors que selon ses bulletins de paye, il aurait dû percevoir 30 963,40 euros, pour la période courant de janvier 2016 à décembre 2017,
- que M. [M] a reconnu auprès du liquidateur judiciaire que les sommes créditées correspondent à des paiements émanant de la société JS Carrelage et qu'il a donc été rempli de ses droits.
***
Aux termes de l'article L3243-1 du code du travail, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou d'un contrat. Cette acceptation ne peut valoir non plus compte arrêté et réglé au sens de l'article 1269 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
La délivrance par l'employeur du bulletin de paie n'emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées, l'employeur est donc tenu en cas de contestation, de prouver le paiement des salaires notamment par la production de pièces comptables.
Ainsi, la seule mention, sur les bulletins de paie d'un règlement ne permet pas à l'employeur de se libérer de son obligation de paiement du salaire, celui-ci devant établir qu'il a exécuté son obligation.
M. [M] verse aux débats ses fiches de paie du mois de mai 2015 au mois de décembre 2017.
Sur ces fiches de paie, figure, au-dessus du montant net à payer, le mode de paiement : par chèque.
Il produit aussi un décompte de sa créance, sur lequel il a fait figurer le salaire dû et le salaire versé.
La SELARL MJ SYNERGIE verse aux débats les relevés de compte bancaire, joint avec Mme [M]. Ces relevés ont été fournis par le salarié au liquidateur, à sa demande.
Au mois de décembre 2015, le salaire s'est élevé à 1826,98 euros, payé par chèque, au 31 décembre 2015, selon la fiche de paie.
Un chèque d'un même montant, a été déposé le 23 décembre 2015 sur le compte crédit agricole ; cette somme apparaissant au crédit du relevé de compte, arrêté au 21 janvier 2016.
Au mois de janvier 2016, le salaire de M. [M] s'est élevé à 1806,23 euros, le mode de règlement indiqué sur la fiche de paie étant le chèque. Aucun chèque d'un tel montant ne figure au crédit du relevé de compte arrêté au 22 février 2016. Il en va de même du chèque correspondant au salaire de février 2016 (montant 1 815,81 euros), aucun chèque d'un tel montant ne figurant au crédit sur le relevé de compte arrêté au mois de mars 2016.
Au demeurant, les opérations sur ce compte, au crédit comme au débit sont peu nombreuses, pour ces mois-là.
A partir du mois de septembre 2016, des dépenses quotidiennes figurent au débit et, à partir du mois de novembre 2016, des chèques sont encaissés, ne correspondant pas exactement au salaire de M. [M]. Parfois des chèques encaissés sont finalement impayés, étant observé que la cessation des paiements de la société JS CARRELAGE a été fixée au 24 janvier 2017. En août, septembre et octobre 2017, un virement de 1 500 euros de la part de JS CARRELAGE a été effectué.
La SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités, ne verse aucune pièce comptable permettant d'établir le paiement des salaires à M. [M] et l'encaissement des chèques. Elle ne s'appuie que sur les relevés de compte bancaires du salarié, alors qu'il s'agit d'un compte joint, susceptible de recevoir les salaires de l'épouse de M. [M] ou tout autre chèque ne réglant pas le salaire de M. [M]. Elle s'appuie sur un courrier de M. [M], non daté, mais qui fait suite à un entretien téléphonique du 28 mai 2018 et dans lequel le salarié indique que les retards de paie se sont accumulés et que son employeur lui faisait des chèques ne correspondant pas à ses paies, ce dont on ne peut déduire que tous les chèques déposés sur le compte du salarié ont été établis par la société JS CARRELAGE ni que le salarié serait rempli de ses droits.
Il s'en déduit que le liquidateur ne rapporte pas la preuve du paiement effectif des salaires.
Il y a lieu par conséquent, infirmant le jugement, de faire droit à la demande du salarié et de fixer la créance de salaire de M. [M] à la somme de 17 421,93 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts pour impossibilité de prendre ses congés payés
M. [M] fait valoir que l'analyse de ses bulletins de paie démontre qu'il n'a jamais pris les congés acquis et soutient que l'employeur n'a pris aucune mesure visant à lui assurer la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé.
La SELARL MJ SYNERGIE, représentée par Maître [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JS CARRELAGE réplique que cette demande fait double emploi avec la perception d'une indemnité compensatrice de congés payés. Il affirme que l'analyse des bulletins de paie des mois d'octobre, novembre, décembre 2017 démontre que le salarié a pris 12,5 jours de congés payés et que M. [M] se contredit et démontre un vraisemblable montage destiné à bénéficier de la garantie AGS et des prestations Pole emploi.
L'association AGS CGEA fait valoir que l'analyse des fiches de paye met en évidence que le salarié a pris 12,5 jours de congés payés.
***
Aux termes de l'article L. 3141-3 du code du travail alors applicable, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.
Le point de départ de la période prise en compte pour le calcul du droit au congé est fixé au 1er juin de chaque année.
Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.
Les fiches de paie versées aux débats ne font apparaître d'information au titre du droit et de la prise de congés qu'à partir du mois d'octobre 2017. Il est mentionné au titre de l'année N-1 un solde à zéro (12,5 jours dus et 12,5 jours pris) et au titre de l'année N, un solde de 12 jours au 31/12/2017 (17,5 jours dus et 5,5 jours de congés pris).
Il est établi que le salarié a pu exercer son droit à congés pour l'année 2017.
En revanche, pour l'année 2016, la SELARL MJ SYNERGIE n'établit pas que l'employeur a pris les dispositions nécessaires pour que le salarié exerce son droit à congés : aucune mention sur les fiches de paie ne permettait au salarié de connaître des droits à congé et il n'est pas non plus indiqué qu'il a effectivement bénéficié de congés payés.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour impossibilité de prendre ses congés. Une somme de 500 euros sera allouée à titre de dommages-intérêts.
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse
M. [M] fait valoir :
- qu'il n'a jamais été convenu que son contrat de travail était conclu pour la réalisation d'un ou plusieurs chantiers déterminés, et qu'il n'en a jamais été informé,
- que la démission ne peut pas se présumer, et qu'en l'espèce, il est établi que le contrat a été rompu par le licenciement prononcé par la Société JS Carrelage en octobre 2017,
- concernant les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il disposait d'une ancienneté supérieure à 2 ans et qu'il doit être fait application des dispositions de l'article L 1235-3 du Code du travail prévoyant une indemnisation en cas de licenciement abusif comprise entre 3 et 3,5 mois de salaires,
- qu'il a été privé des dispositions applicables au licenciement économique et notamment de la possibilité d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle,
- que les défaillances de la Société JS Carrelage et la résistance du service salarial de Maître [C] ont impacté gravement sa situation : il n'a pas pu s'inscrire à Pôle emploi, il a donc été privé de tout revenu de substitution, et a dû suspendre les prélèvements de son prêt immobilier.
La SELARL MJ SYNERGIE, représentée par Maître [C], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JS CARRELAGE objecte que plusieurs anomalies et incohérences ont été constatées dans le dossier de M. [M] ; que ce dernier a adressé une attestation employeur signée le 5 janvier 2018 alors que la liquidation est intervenue le 23 janvier 2018 de sorte que l'attestation aurait dû être authentifiée par le mandataire judiciaire.
Elle ajoute que M. [M] l'a informée qu'il avait, en sus de son emploi à plein temps de la société JS Carrelage, un travail à temps partiel et que, faute d'être payé, il avait démissionné en décembre 2017 ; que malgré ses demandes d'explications sur ces incohérences, elle n'a pas eu de réponse.
Elle explique que c'est pourquoi elle a adressé, le 6 novembre 2018, un courrier au salarié l'informant qu'elle ne pouvait solliciter l'intervention en garantie de l'AGS,
Elle fait valoir que la somme de 7350 euros réclamée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspond à plus de 3,5 mois de salaire, alors que le barème d'indemnisation fixée par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 prévoit une indemnité minimale, pour les entreprises de moins de 11 salariés ayant une ancienneté de deux ans, d'un demi mois de salaire avec un maximum de 3,5 mois et que M. [M] n'apporte aucun élément précis permettant de démontrer le préjudice subi.
L'association AGS CGEA fait valoir :
- qu'il résulte des échanges intervenus entre le liquidateur judiciaire et M.[M], que ce dernier: avait déclaré avoir démissionné en décembre 2017, avait déclaré occuper en sus de son emploi à temps plein, un autre emploi à temps partiel, avait perçu de nombreux règlements sur son compte bancaire, avait sollicité la régularisation de ses salaires par un courrier postérieur à l'ouverture de la liquidation judiciaire adressé à une adresse qui n'était pas le siège de la société, avait déclaré qu'il aurait été convenu d'un licenciement pour fin de chantier avec l'employeur alors que simultanément l'employeur a déclaré au liquidateur judiciaire n'être débiteur d'aucune somme à l'égard du salarié,
- que M. [M] a manifestement démissionné de ses fonctions salariées puis a cherché à habiller son départ par un licenciement, le tout pour bénéficier d'une indemnisation Pôle Emploi et désormais, dans le cadre de la présente instance, d'une prise en charge par l'AGS CGEA de Chalon-sur-Saône,
- subsidiairement, que M.[M] ne démontre ni le principe ni le quantum de son supposé préjudice et qu'il ne peut prétendre qu'à une indemnité de 0,5 mois de salaire.
***
La SELARL MJ SYNERGIE verse aux débats le courrier de M. [M], non daté mais postérieur à l'entretien du 28 mai 2018 dans lequel le salarié écrit « le gérant de la boite m'avait fait un CDI qui a duré jusqu'au 31 décembre 2017, car j'ai dû démissionné car il n'arrivait plus à me payer. ».
M. [M] verse aux débats la lettre de licenciement qui lui a été adressée le 30 octobre 2017 ainsi que l'attestation Pôle Emploi, en date du 5 janvier 2018, mentionnant que le motif de la rupture est un licenciement pour fin de chantier.
Il ne peut se déduire du courrier du salarié, postérieur à la rupture, que l'intéressé a démissionné.
Aux termes de l'article L. 1236-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-138 du 22 septembre 2017, applicable à l'espèce, au regard de la date de signature du contrat de travail 'Le licenciement qui, à la fin d'un chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l'exercice régulier de la profession, n'est pas soumis aux dispositions du chapitre III relatives au licenciement pour motif économique, sauf dérogations déterminées par convention ou accord collectif de travail. Ce licenciement est soumis aux dispositions du chapitre II relatives au licenciement pour motif personnel'.
La validité d'un licenciement prononcé en raison de la fin d'un chantier est subordonnée à l'indication dans le contrat de travail ou la lettre d'embauche que le contrat est conclu pour un ou plusieurs chantiers déterminés et à l'achèvement des tâches pour lesquelles le salarié a été embauché.
Tel n'est pas le cas en l'espèce.
Il en résulte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
M. [M] est en droit d'obtenir une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement ans cause réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article R1234-2 du code du travail, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans. L'indemnité de licenciement due à M. [M] ressort ainsi à la somme de 1 356,07 euros, somme qui devra être fixée au passif de la liquidation.
Au jour de son licenciement, M. [M] comptait deux années complètes d'ancienneté dans l'entreprise.
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable à la présente espèce compte tenu de la date du licenciement, en l'absence de réintégration comme tel est le cas en l'espèce, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 0,5 mois et 3,5 mois de salaire brut.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge, des circonstances de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de fixer au passif de la liquidation de la société JS CARRELAGE la somme de 2 500 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes :
Il y a lieu d'ordonner à la SELARL MJ SYNERGIE de remettre à M. [M] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt.
Aucune circonstance ne justifie que cette décision soit assortie d'une astreinte.
La SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il est équitable de condamner la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités, à payer à M. [M] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition, contradictoirement :
Infirme le jugement ;
Statuant à nouveau,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société JS CARRELAGE au profit de M. [M] les sommes suivantes :
- 17 421,93 euros au titre des rappels de salaire sur la période de janvier 2016 à décembre 2017 ;
- 500 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l'impossibilité de prendre ses congés ;
- 1 356,07 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
- 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Dit que l'AGS CGEA de CHALON SUR SAÔNE devra sa garantie dans les conditions prévues par la loi ;
Ordonne à la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités, de remettre à M. [M] un bulletin de paie et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt ;
Rejette la demande d'astreinte
Condamne la SELARL MJ SYNERGIE aux dépens de première instance et d'appel
Condamne la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités, à payer à M. [M] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE