AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00464 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZ6X
[I]
C/
Société ALLIANZ VIE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 19 Décembre 2019
RG : F18/01012
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 26 AVRIL 2023
APPELANT :
[T] [I]
né le 11 Novembre 1975 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Grégoire HENRY, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Vincent MOULIN, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société ALLIANZ VIE
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Caterina LISI de la SELAS DELOITTE SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Véronique CHILD de la SELAS DELOITTE SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Mars 2023
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, président
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 26 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée, M. [I] a été embauché par la société Allianz à compter du 5 mars 2012, en qualité de Conseiller Financier, puis en qualité de Conseiller en gestion de patrimoine, statut cadre, à compter du 1er janvier 2017.
En dernier lieu, M. [I] percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 6 503,62 euros.
La convention de l'inspection d'assurance du 27 juillet 1992 était applicable aux relations de travail.
L'article 5 du contrat de travail de M. [I] prévoyait que les conditions de sa rémunération étaient régies par les accords d'entreprise en vigueur dans l'entreprise et qu'elles pouvaient être modifiées à tout moment, notamment par accord d'entreprise.
L'accord d'entreprise applicable lors de l'embauche de M. [I] était le protocole d'accord du 27 septembre 2011, conclu entre la société et les organisations syndicales représentatives.
Le 16 octobre 2017, un nouvel accord d'entreprise relatif à la rémunération des conseillers de la société a été signé, lequel est entré en vigueur le 1er janvier 2018.
Par courrier en date du 30 octobre 2017, la société Allianz a informé M. [I] de la signature de cet accord et lui a proposé d'adhérer à ce nouveau dispositif par avenant à son contrat de travail, ce que le salarié a refusé.
Le 19 décembre 2017, la société Allianz a informé M. [I] que, compte tenu de son refus de se voir appliquer ce nouveau dispositif de rémunération, il continuerait à se voir appliquer à titre individuel les dispositions issues du protocole du 27 septembre 2011 et ses avenants, à l'exception de celles incompatibles avec la directive européenne relative à la distribution d'assurance (DDA).
Par courriers en date du 5 janvier 2018 et du 7 février 2018, M. [I] a dénoncé cette situation.
A compter du 12 janvier 2018, M. [I] a été placé en arrêt maladie.
Par requête en date du 6 avril 2018, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour modification de ses conditions de rémunération et le paiement d'heures supplémentaires.
M. [I] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude le 7 janvier 2019 et a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier en date du 20 mars 2019.
Par jugement en date du 19 décembre 2019, le conseil de prud'homme a :
- jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [I] est injustifiée,
- constaté la nullité de la convention de forfait de M. [I],
- constaté que M. [I] a réalisé des heures supplémentaires non payées,
Par conséquent,
- condamné la SA Allianz Vie à verser à M. [I] la somme de 2 587 euros au titre des heures supplémentaires travaillées,
- condamné la SA Allianz Vie à verser à M. [I] la somme de 258,70 euros au titre des congés payés afférents,
- débouté M. [I] du surplus de ses demandes,
- condamné la SA Allianz Vie à verser à M. [I] la somme de 1 700 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté la SA Allianz Vie de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que celle de droit.
- rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R.1454-28 du Code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire, les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail') ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R.1454-14 du Code du travail dans la limite de neufs mensualités,
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M.[I] à 6 503,62 euros brut,
- rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la mise en demeure de la partie défenderesse devant le bureau de conciliation en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées,
- condamné la SA Allianz Vie aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution forcée.
M. [I] a interjeté appel de ce jugement, le 16 janvier 2020.
Par conclusions notifiées le 29 novembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. [I] demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu le 19 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il l'a débouté de la totalité de ses demandes formulées au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail,
Partant,
Sur la résiliation judiciaire aux torts de la société Allianz
- constater que la société Allianz a modifié unilatéralement sa rémunération à compter du 1er janvier 2018,
- constater que la directive européenne invoquée par la société Allianz n'était pas applicable avant le 1er octobre 2018,
- constater la rupture d'égalité de traitement entre lui et les salariés s'étant vu appliquer le protocole de rémunération du 16 octobre 2017,
Par conséquent,
- dire et juger que la société Allianz a commis des manquements graves justifiant la résiliation judiciaire de son contrat de travail,
- condamner la société Allianz au paiement de la somme de 52 028,95 euros (8 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- condamner la société Allianz au paiement de la somme de 19 510,56 euros (3 mois) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- condamner la société Allianz au paiement de la somme de 1 951,05 euros au titre des congés payés afférents,
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail par la société Allianz
- constater la dégradation de son état de santé, et son placement en arrêt maladie continu depuis le mois de janvier 2018 avant de faire l'objet d'un licenciement pour inaptitude le 20 mars 2019,
Par conséquent,
- condamner la société Allianz au paiement de la somme de 19 510,56 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
En tout état de cause, sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamner la société Allianz au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Allianz aux entiers dépens de l'instance,
- dire et juger que l'ensemble des condamnations portera intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil des prud'hommes de Lyon.
Par conclusions notifiées le 10 janvier 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la SA Allianz Vie demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 19 décembre 2019 par la section encadrement du conseil de prud'hommes de Lyon en ce qu'il a jugé la demande de résiliation judiciaire formulée par M. [I] injustifiée, ainsi que la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail lui étant reprochée,
- dire et juger que la demande de résiliation judiciaire formulée par M. [I] est injustifiée,
- dire et juger que la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail formulée par M. [I] est injustifiée,
En conséquence :
- débouter M. [I] de ses demandes suivantes :
Indemnité compensatrice de préavis : 19 510, 56 euros bruts,
Indemnité compensatrice de congés payés afférents : 1 951,05 bruts,
Dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail : 52 028,95 euros,
Dommages et intérêts pour préjudice « distinct » : 19 510, 56 euros,
A titre subsidiaire,
S'agissant des demandes indemnitaires formulées par M. [I] au titre de sa demande de résiliation judiciaire :
- limiter sa condamnation éventuelle au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 19 510,56 euros représentant 3 mois de salaire, conformément à l'article L. 1235-3 du Code du travail,
S'agissant du licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement de M. [I] :
- dire et juger bien-fondé le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement de M. [I],
- dire et juger que ce licenciement est intervenu hors de tout contexte de dégradation des conditions de travail et manquements fautifs de l'employeur,
- dire et juger que M. [I] n'établit pas de lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail.
En tout état de cause :
- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre reconventionnel :
- condamner M. [I] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.
SUR CE :
Sur la demande de résiliation judiciaire:
M. [I] invoque au soutien de sa demande, la modification unilatérale de sa rémunération à l'origine d'une baisse conséquente de cette rémunération et d'une rupture d'égalité entre les différents conseillers en gestion du patrimoine de la société Allianz.
M. [I] fait valoir :
- qu'à compter du 1er janvier 2018, la société Allianz a modifié unilatéralement sa rémunération variable alors que son accord était nécessaire, et que ce manquement grave de l'employeur justifie la résiliation judiciaire de son contrat de travail,
- que la proposition d'un avenant contractuel qui lui a été faite confirme que son acceptation était nécessaire et indispensable à la modification de sa rémunération,
- que la société Allianz affirme que l'accord du 16 octobre 2017 s'imposait à lui, alors qu'elle a décidé unilatéralement de ne pas lui appliquer,
- qu'à compter du 1er janvier 2018, ce n'était plus un accord collectif qui a fixé sa rémunération mais une décision unilatérale,
- que l'application d'un nouveau protocole de rémunération au 1er janvier 2018 a entraîné une baisse de sa rémunération de près de 40%,
- que la société Allianz a adopté une attitude déloyale en instaurant une rupture d'égalité à compter du 1er janvier 2018 entre lui et les autres Conseiller en gestion de patrimoine puisque deux régimes de rémunération distincts ont été appliqués pour un travail identique ; que les salariés ayant accepté la proposition d'octobre 2017 bénéficiaient des dispositions de l'accord du 16 octobre 2017, alors que ceux l'ayant refusée, se voyaient appliquer un protocole distinct et défavorable,
- que la modification unilatérale au 1er janvier 2018 ne peut être justifiée par la directive européenne du 20 janvier 2016 puisqu'elle devait entrer en vigueur uniquement le 1er octobre 2018,
- qu'enfin, la société ne justifie pas en quoi le protocole de rémunération qui lui était applicable était contraire à la directive européenne,
La société Allianz fait valoir :
- qu'elle n'a commis aucun manquement et, a fortiori, aucun manquement grave, ni aucun manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail,
- que M. [I] a accepté, dans son contrat de travail, que sa rémunération puisse être modifiée à tout moment, notamment par accord d'entreprise,
- que la modification de la rémunération par un accord collectif s'impose aux salariés sans que ceux-ci puissent se prévaloir d'une modification de leur contrat de travail,
- que les règles de rémunération applicables et issues du protocole du 27 septembre 2011 étaient incompatibles avec la directive européenne du 20 janvier 2016 qui prime sur le droit français,
- que pour se mettre en conformité avec la directive européenne, devant initialement être transposée en droit français au plus tard le 23 février 2018, elle a régulièrement dénoncé le protocole du 27 septembre 2011 et renégocié un accord de substitution avec les organisations syndicales représentatives,
- qu'ayant dûment dénoncé le précédent accord et conclu un nouvel accord de substitution avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives, elle n'a pas à s'expliquer sur l'absence de report de l'entrée en vigueur de l'accord de substitution avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives, ni à justifier « en quoi le protocole de rémunération applicable à M. [I] serait prétendument contraire à la directive européenne sur la distribution d'assurances,
- que les dispositions relatives à la rémunération n'étaient pas contractuelles, car trouvant leur source dans un accord collectif, et qu'elles pouvaient être modifiées sans l'accord du salarié,
- que M. [I] ne peut lui reprocher de lui avoir appliqué une rémunération moins favorable alors qu'elle lui a laissé le choix d'accepter l'accord du 17 octobre 2017,
- qu'il est faux d'affirmer que le nouveau dispositif de l'accord du 16 octobre 2017 est moins favorable, la société Allianz soulignant que ce dispositif a été unanimement signé par toutes les organisations syndicales,
- que M. [I] qui a été placé en arrêt maladie avant même la mise en 'uvre des nouvelles modalités de calcul de sa rémunération, n'apporte aucun élément matériel et concret permettant de démontrer qu'il a ou aurait subi une baisse de rémunération,
- que l'affirmation gratuite de M. [I] sur sa baisse de rémunération est contredite par les données chiffrées issues du bilan social 2018 des sociétés composant l'UES Allianz France lesquelles attestent d'une progression de la rémunération mensuelle moyenne brute entre 2017 et 2018 des populations concernées par l'accord collectif du 16 octobre 2017.
****
Le principe est que sauf disposition légale contraire, un accord collectif ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié.
La rémunération contractuelle d'un salarié qui constitue un élément du contrat de travail, ne peut être modifiée unilatéralement par l'employeur.
Mais lorsque la structure salariale a une origine conventionnelle et non contractuelle, celle-ci peut être modifiée par voie conventionnelle sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'accord du salarié si elle n'entraîne pas de baisse de la rémunération. Dans cette hypothèse, la modification ne constitue pas une modification du contrat de travail.
Le contrat de travail de M. [I] prévoit que ses conditions de rémunération sont régies par les accords d'entreprise en vigueur dans l'entreprise pour son statut et qu'elles peuvent être modifiées à tout moment, notamment par accord d'entreprise.
Le protocole d'accord du 27 septembre 2011sous l'empire duquel a été signé le contrat de travail de M. [I], a été dénoncé et un accord de substitution, prenant effet au 1er janvier 2018 relatif à la rémunération des conseillers Allianz Expertise et Conseil a été signé avec les organisations syndicales représentatives le 16 octobre 2017.
Par courrier du 19 décembre 2017, la société Allianz informait M. [I] que le protocole d'accord du 27 septembre 2011 a été dénoncé et qu'un accord de substitution prenant effet au 1er janvier 2018 a été signé avec les organisations syndicales représentatives le 16 octobre 2017. Constatant que M. [I] n'avait pas adhéré à cet accord, l'employeur lui a communiqué un document relatif aux 'dispositions applicables à compter du 01/01/2018 aux salariés n'ayant pas adhéré à l'accord d'entreprise du 16 octobre 2017."
Ce document indique : « A compter de cette date (1er janvier 2018) et par la présente décision unilatérale de l'entreprise, les salariés n'ayant pas adhéré au nouveau dispositif de rémunération continueront à se voir appliquer à titre individuel les dispositions issues du protocole du 27 septembre 2011 et ses avenants à l'exception de celles incompatibles avec la Directive Européenne relative à la Distribution d'assurance (DDA). »
La société Allianz soutient que la conclusion d'un nouvel accord collectif se substituant à l'accord dénoncé s'impose à l'ensemble des salariés concernés sans qu'il soit nécessaire de recueillir leur consentement.
Or, elle a :
- d'une part, informé de façon individuelle chacun des salariés entrant dans le champ d'application du nouvel accord, en leur demandant expressément d'adhérer au nouvel accord, invoquant ainsi un usage en vigueur dans l'entreprise ;
- d'autre part, renoncé à appliquer à M. [I], les dispositions découlant du nouvel accord, en mettant en oeuvre des dispositions particulières pour les salariés ayant refusé d'adhérer au nouveau dispositif.
Il en résulte que la société Allianz Vie a, par un dispositif hybride combinant des dispositions du protocole du 27 septembre 2011 pourtant dénoncé, et des dispositions issues du nouvel accord d'entreprise, fixé de manière unilatérale les modalités de rémunération des salariés ayant refusé d'adhérer au nouvel accord d'entreprise.
Il est par conséquent indifférent que la société Allianz justifie la signature du nouvel accord d'entreprise du 16 octobre 2017 par la nécessité de dénoncer des systèmes de rémunération variable incompatibles avec la nouvelle réglementation issue de la Directive Européenne du 20 janvier 2016 relative à la distribution d'assurance.
Il est enfin sans objet d'examiner le bien-fondé de l'accord d'entreprise du 16 octobre 2017 puisque l'employeur lui a substitué sa décision unilatérale du 19 décembre 2017 à l'égard de M. [I].
Enfin, le mode de rémunération d'un salarié constituant un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, il est indifférent de savoir si le nouveau mode de calcul est plus ou moins avantageux. En tout état de cause, la société Allianz affirme sans le démontrer, que la baisse de salaire invoquée par M. [I] est contredite par son bilan social 2018. En effet, elle ne produit à ce titre qu'un extrait très partiel de ce bilan, révélant une progression de la rémunération mensuelle moyenne brute par catégories de salariés, sans élément permettant d'apprécier l'incidence des nouvelles modalités de calcul, qu'elles soient au demeurant issues de l'application pure et simple du nouvel accord ou du dispositif hybride proposé aux salariés refusant d'adhérer au nouvel accord.
En outre, la société Allianz ne critique par aucun élément contraire, le calcul auquel le salarié a procédé, objet de sa pièce n°11, révélant un écart de -39% entre la rémunération annuelle issue du protocole initial et celle issue du protocole appliqué à compter du 1er janvier 2018.
Il en résulte que la modification unilatérale de la structure de la rémunération imposée à M. [I] caractérise un manquement de la société Allianz Vie à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail et il s'agit d'une atteinte suffisamment grave à un principe fondamental, pour justifier la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Le jugement déféré qui a débouté M. [I] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la société Allianz vie est infirmé.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire :
La résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit, pour le salarié, aux indemnités de rupture ainsi qu'à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société Allianz Vie fait valoir que cette dernière demande est injustifiée par M. [I], tant sur le principe que sur le quantum, et conclut à titre subsidiaire que le salarié ne pourrait se voir allouer des dommages-intérêts supérieurs à l'équivalent de trois mois de rémunération, soit 19 510,86 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail applicable depuis le 24 septembre 2017.
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M. [I] ayant été licencié le 20 mars 2019, la résiliation judiciaire de son contrat de travail prend effet à compter cette date, laquelle est postérieure à la publication de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, de sorte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui en sont issues sont applicables.
M. [I] dont l'ancienneté est de sept années complètes au sein de la société Allianz Vie peut prétendre par conséquent à une indemnité comprise entre trois et huit mois de salaire brut.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [I], âgé de 44 ans lors de la rupture, de son ancienneté, de l'absence de tout élément sur sa situation depuis la rupture du contrat de travail, la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 30 000 euros sur la base d'un salaire moyen mensuel de 6 503,62 euros.
M. [I] peut prétendre par ailleurs à une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents. La société Allianz qui ne remet pas en cause les bases sur lesquelles M. [I] a formé cette demande, sera par conséquent condamnée à payer au salarié la somme de 19 510,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1 951,05 euros de congés payés afférents.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
M. [I] sollicite le paiement de la somme de 19 510,56 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail. Il fait valoir que :
- le silence de la société Allianz à la suite de ses différentes demandes d'explication a eu des conséquences néfastes sur son état de santé et qu'il a été placé en affection longue durée et en arrêt de travail continu dès le mois de janvier 2018,
- la dégradation de ses conditions de travail à compter du 1er janvier 2018 est à l'origine de son inaptitude,
- cette exécution déloyale du contrat de travail a porté un préjudice à sa santé.
La société Allianz fait valoir en réponse que :
- les griefs invoqués par M. [I] relatifs à un prétendu préjudice « distinct », lié à l'exécution déloyale du contrat de travail qui aurait engendré une dégradation de son état de santé, sont infondés,
- il s'agit d'une demande ayant pour objectif d'indemniser le même préjudice que celui résultant de la demande de résiliation judiciaire.
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L'employeur ayant rempli son obligation d'information à l'égard du salarié auquel ila annoncé sa décision en décembre 2017, le manquement à l'obligation de sécurité invoqué n'est pas démontré. M. [I] ne justifie pas non plus d'une dégradation de ses conditions de travail qui serait à l'origine de son inaptitude, constatée un an après le premier arrêt de travail, alors que, placé en arrêt de travail le 12 janvier 2018, il n'a jamais repris le travail ensuite.
La demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail doit être rejetée.
Sur le remboursement des indemnités de chômage :
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de trois mois d'indemnisation.
Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Allianz Vie les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à M. [I] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Allianz Vie, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d'appel.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [I] est injustifiée,
STATUANT à nouveau sur ce chef et y ajoutant,
PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail liant M. [I] et la société Allianz Vie, avec effet au 20 mars 2019
CONDAMNE la société Allianz Vie à payer à M. [I] les sommes suivantes :
* 30 000 euros de dommages-intérêts au titre de la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 19 510,56 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre,
* 1 951,05 euros de congés payés afférents
ORDONNE d'office à la société Allianz Vie le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [I] dans la limite de trois mois d'indemnisation,
CONDAMNE la société Allianz Vie à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,
CONDAMNE la société Allianz Vie aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE