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26/04/2023 | FRANCE | N°19/03288

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 26 avril 2023, 19/03288


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/03288 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MLMQ



[E]

C/

Société [F]

Société TRAVELYS



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 04 Avril 2019

RG : 17/02074





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 26 AVRIL 2023







APPELANT :



[D] [E]

né le 13 Février 1979 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 1]<

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représenté par Me Loïc AUFFRET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lisa VIETTI de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Loïc AUFFRET, avocat au barreau de LYON



INTIMÉES :
...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/03288 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MLMQ

[E]

C/

Société [F]

Société TRAVELYS

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lyon

du 04 Avril 2019

RG : 17/02074

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 26 AVRIL 2023

APPELANT :

[D] [E]

né le 13 Février 1979 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Loïc AUFFRET, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Lisa VIETTI de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Loïc AUFFRET, avocat au barreau de LYON

INTIMÉES :

Société TRAVELYS

[Adresse 7]

[Localité 5]

représentée par Me Agathe LUCOT de la SELARL DNL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Société [L] [F], ès qualités de mandataire ad'hoc de la société TRAVELYS

intimée assignée en intervention forcée

[Adresse 8]

[Localité 4]

non représentée

PARTIE ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

UNEDIC AGS CGEA DE [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 6]

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 14 Février 2023

Présidée par Anne BRUNNER, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 2 janvier 2017, M. [E] a été embauché, en qualité de directeur général par la SAS TRAVELYS, société de vente et réservation de billets de train et d'avion en ligne et dont il était actionnaire minoritaire, moyennant une rémunération brute mensuelle de 5 000 euros, pour des fonctions de directeur d'exploitation, catégorie CADRE G de la convention collective du personnel des agences de voyages et de tourisme.

Par courriel du 21 mars 2017, la société TRAVELYS a adressé à M. [E], en lui demandant d'en accuser réception, le courrier suivant :

« Monsieur,

Pour faire suite à notre entretien d'hier, je vous confirme par la présente la fin de votre période d'essai le vendredi 31 mars 2017.

Votre mandat de Directeur Général prendra fin à cette même date.

Nous établirons pour cette date votre solde de tout compte et autres documents légaux.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.

[Z] [K] ».

Par requête en date du 11 juillet 2017, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de dire que son licenciement est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner la société TRAVELYS à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'indemnité compensatrice de préavis.

Lors de l'audience de conciliation qui s'est déroulée le 28 septembre 2017, la société TRAVELYS a remis à M. [E] l'attestation pôle emploi, le solde de tout compte, le certificat de travail et le bulletin de salaire du mois de mars 2017.

Par jugement en date du 4 avril 2019, le conseil de prud'hommes a :

dit et jugé que la démission en date du 21 mars 2017 de Monsieur [D] [E] est non équivoque,

dit et jugé n'y avoir lieu à requalification de ladite démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

débouté Monsieur [D] [E] de l'intégralité de ses demandes,

débouté la société TRAVELYS de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700

du Code de procédure civile,

condamné Monsieur [D] [E] aux dépens de l'instance.

M. [E] a interjeté appel de ce jugement, le 29 avril 2019, devant la cour d'appel d'Aix en Provence. Un nouvel appel a été interjeté devant la cour d'appel de Lyon, le 10 mai 2019.

La cour d'appel d'Aix en Provence a rendu une ordonnance d'irrecevabilité d'appel le 2 juillet 2019 ainsi qu'une ordonnance rectificative d'irrecevabilité de l'appel le 1er octobre 2020.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 28 juillet 2020, la société TRAVELYS a fait l'objet d'une liquidation judiciaire. M. [L] [F] de la SELARL [F] a été désigné liquidateur judiciaire.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 11 février 2021, la clôture des opérations de liquidation a été prononcée pour insuffisance d'actif et la société TRAVELYS a été radiée du registre du commerce et des sociétés.

Par ordonnance rendue par le Président du tribunal de commerce de Lyon en date du 27 octobre 2021, la SELARLU [L] [F] a été désignée ès qualités de mandataire ad hoc afin de représenter la société TRAVELYS durant l'instance pendante devant la cour d'appel de Lyon.

Par actes d'huissier du 8 décembre 2021, M. [E] a fait assigner en intervention forcée l'AGS CGEA de [Localité 6] et la SELARLU [L] [F], ès qualités de mandataire ad 'hoc de la société TRAVELYS.

Par courrier en date du 13 décembre 2021, Maître [L] [F] a indiqué intervenir uniquement ès-qualités de mandataire ad hoc et à ce titre, ne disposer d'aucun fonds, qu'aucune fixation au passif de la société TRAVELYS ne peut être effectuée dans la mesure où la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif, et qu'en conséquence, il ne peut être représenté devant la cour.

Ni le mandataire ad hoc ni l'AGS, personnes morales respectivement assignées par acte remis à une personne habilitée à la recevoir, n'ont constitué avocat.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Aux termes de ses conclusions, signifiées le 8 décembre 2021 à l'AGS CGEA de [Localité 6] et à la SELARLU [L] [F], M. [E] demande à la cour d'appel de :

- juger recevable et fondé l'appel en cause

du mandataire ad hoc, la SELARLU [L] [F] désignée ès qualités par ordonnance du tribunal de commerce de Lyon en date du 27 octobre 2021,

du CGEA AGS de [Localité 6],

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable et commun

au mandataire ad hoc, la SELARLU [L] [F], représentant la SAS TRAVELYS du fait de la liquidation judiciaire et clôture pour insuffisance d'actif intervenue,

au CGEA -AGS de [Localité 6],

- déclarer son appel recevable et fondé,

- réformer le jugement entrepris

Et, statuant à nouveau :

A titre principal :

- juger qu'en l'absence de période d'essai prévue au contrat de travail, la rupture telle qu'elle est intervenue s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier.

Par conséquent,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de de la société TRAVELYS, représentée par la SELARLU [L] [F], ès qualités de mandataire ad hoc, les sommes suivantes, assorties des intérêts de droit à compter de la demande en justice :

5 000 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

15 000 euros au titre du préavis ;

1 500 euros au titre des congés sur préavis ;

A titre subsidiaire :

- juger que la rupture de la période d'essai en date du 21 mars 2017 par mail, est abusive ;

Par conséquent,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société TRAVELYS, représentée par la SELARLU [L] [F], la somme de 30 000 euros (TRENTE MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive d'une période d'essai.

En toute hypothèse :

Prononcer la capitalisation des intérêts desdites sommes à compter de la demande en justice,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de société TRAVELYS, représentée par la SELARLU [L] [F], la somme de 3 000 euros euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.

SUR CE :

M. [E] fait valoir :

que la rupture de son contrat de travail est intervenue par mail pour une fin de période d'essai alors qu'aucune période d'essai n'est stipulée au contrat de travail ;

que la rupture telle qu'elle est intervenue le 21 mars 2017 par mail à 16h22 s'analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

que son mail du 21 mars 2017, selon lequel il indique qu'il ne peut envisager de continuer à investir dans le projet, a été envoyé, à l'ensemble des associés, à 17H58, soit après la notification de la fin de sa période d'essai ;

que l'exemplaire du contrat de travail qui lui a été remis n'est pas signé ;

qu'une démission doit être claire et non équivoque et que la société TRAVELYS lui a adressé une attestation pôle emploi mentionnant une fin de période d'essai à l'initiative de l'employeur comme motif de rupture.

***

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. ».

Aux termes de l'article L1221-23 du code du travail, la période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

M. [E] verse aux débats un contrat de travail, daté du 29 décembre 2016, qui n'est signé ni de l'employeur ni de lui-même. Ce contrat ne précise pas de date d'embauche et ne contient pas de période d'essai. Il y figure une mention, entre parenthèses, à côté de la date de naissance de M. [E] « ça pique ! », qui fait douter du caractère définitif du document.

M. [E] a été embauché le 2 janvier 2017, en qualité de directeur général, ainsi que cela ressort de l'attestation de travail établie le même jour par le président de la SAS TRAVELYS.

Ainsi, à défaut d'écrit, le salarié est engagé par contrat à durée indéterminée, sans période d'essai.

La démission ne se présume pas ; il s'agit d'un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Il ressort du jugement du conseil de prud'hommes que le 21 mars 2017, M. [E] a envoyé le mail suivant « Bonjour Mesdames et Messieurs mes « Ex futurs associés »,

C'est avec beaucoup de regret que je vous écris ce mail'

D'un commun accord, je quitterai donc mes fonctions opérationnelles jeudi 23 Mars 2017.

Etant quelqu'un de sentimental, et ne sachant pas faire les choses à moitié, je ne pense pas être capable d'être un « sleeping partner » a posteriori'

Pour cette raison, je ne peux envisager de continuer à investir dans le projet' »

Il ne saurait être déduit de ce mail que le salarié a démissionné ; en effet M. [E] s'adresse aux associés et fait référence à son investissement dans le projet. Il ne fait pas état de ses fonctions salariées.

Le 23 mars 2017, M. [E] a répondu au mail, du 21 mars 2017 de M. [K], qu'il ne voyait pas de période d'essai mentionnée dans son contrat mais qu'il saisissait parfaitement le sens du message envoyé et qu'il restait à disposition pour travailler depuis son domicile « comme nous l'avons déjà fait».

Enfin, l'employeur a établi un attestation ASSEDIC, le 4 avril 2017, sur laquelle il a mentionné, à la rubrique « motif de la rupture », « rupture de la période d'essai à l'initiative de l'employeur ».

Il ne ressort pas des éléments ci-dessus une volonté de la part du salarié de démissionner.

Ainsi, il a été mis fin au contrat de travail en violation des règles de procédure et en l'absence de cause réelle et sérieuse. Le licenciement est abusif.

M. [E] est en droit de recevoir une indemnité compensatrice de préavis de trois mois, soit 15 000 euros outre la somme de 1 500 euros pour congés payés afférents.

M [E] avait moins de deux ans d'ancienneté au moment du licenciement et la société TRAVELYS employait habituellement moins de onze salariés.

Selon les dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi du fait du licenciement abusif et résultant de l'irrégularité de forme et de fond.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (38 ans) et de son ancienneté (3 mois) au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer le préjudice résultant pour lui de la rupture abusive de la relation de travail à la somme de 2 500 euros.

Il y a lieu de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société TRAVELYS les sommes suivantes

15 000 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1 500 euros pour congés payés afférents ;

2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Les créances de M. [E] trouvant leur origine dans son licenciement, lequel est antérieur au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société TRAVELYS prononcé le 28 juillet 2020, trouvent à s'appliquer à l'espèce les dispositions des articles L. 622-28 et L 641-3 du code de commerce selon lesquelles le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.

En application de ces textes d'ordre public, les intérêts échus des intérêts de ces créances ne peuvent produire des intérêts. La demande de capitalisation ne peut dès lors qu'être rejetée.

S'agissant de créances relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail nées antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, elles bénéficient de la garantie de l'AGS, en application de l'article L3253-8 du code du travail.

La SELARLU [L] [F], ès qualités de mandataire ad'hoc, sera condamnée aux dépens d'appel.

La liquidation judiciaire ayant été clôturée pour insuffisance d'actif, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du mandataire ad hoc, ès qualités, une indemnité de procédure en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire :

Infirme le jugement

Statuant à nouveau

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société TRAVELYS

15 000 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1 500 euros pour congés payés afférents ;

2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

les dépens de première instance ;

Dit que l'AGS CGEA de [Localité 6]  doit sa garantie dans les conditions prévues par la loi ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de capitalisation des intérêts ;

Condamne la SELARLU [L] [F], ès qualités de mandataire ad'hoc de la société TRAVELYS, aux dépens d'appel ;

Rejette la demande de M. [E] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/03288
Date de la décision : 26/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-26;19.03288 ?
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