AFFAIRE DU CONTENTIEUX DE LA PROTECTION SOCIALE
RAPPORTEUR
R.G : N° RG 21/00169 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NKVU
CIPAV
C/
[X]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 15 Décembre 2020
RG : 16/02891
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 25 AVRIL 2023
APPELANTE :
CIPAV
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Marion SIMONET de la SELAS EPILOGUE AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Delphine GIORGI, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
[T] [X]
née le 22 Avril 1950 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Fanny CIONCO, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 17 Janvier 2023
Présidée par Nathalie PALLE, Présidente, magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
- Nathalie PALLE, présidente
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [X] (l'assurée) a été affiliée à la caisse interprofessionnelle des professions libérales (la caisse) du 1er janvier 1996 au 30 septembre 2013, en qualité de conseil de gestion.
Le 11 octobre 2013, l'assurée a formulé auprès de la caisse une demande de liquidation de sa retraite de base et complémentaire avec effet au 1er janvier 2014.
Le 19 janvier 2015, la caisse a établi un titre de pension de retraite de base et complémentaire à compter du 1er octobre 2014.
Le 15 juillet 2016, l'assurée a saisi la commission de recours amiable aux fins d'obtenir le versement des sommes qu'elle estimait lui être dues au titre de la retraite de base et complémentaire, du 1er janvier au 1er octobre 2014.
Le 14 octobre 2016, l'assurée a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par jugement contradictoire du 15 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire a :
- déclaré le recours de l'assurée recevable et partiellement fondé,
- dit que la caisse devra liquider la retraite de base de l'assurée à compter du 1er janvier 2014,
- dit que la caisse devra verser à l'assurée la somme de 3394,17 euros au titre de la pension de base de janvier 2014 à septembre 2014,
- condamné la caisse à verser à l'assurée la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la caisse à verser à l'assurée une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande de la caisse au titre des frais irrépétibles,
- dit que les dépens exposés à compter du 10 janvier 2019 seront partagés par moitié entre les parties.
Le 6 janvier 2021, la caisse a relevé appel de ce jugement.
Par ses conclusions déposées au greffe le 6 avril 2022, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens, la caisse demande à la cour de réformer le jugement, et de :
- confirmer la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse,
- débouter l'assurée de l'ensemble de ses demandes et prétentions,
- condamner l'assurée à lui verser la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.
S'agissant de la liquidation de la pension de retraite de base, la caisse soutient que l'assurée n'a fourni son relevé de carrière qu'au mois de septembre 2014, de sorte qu'elle n'a pu liquider la retraite de cette dernière qu'au mois d'octobre 2014.
S'agissant de la liquidation de la pension de retraite complémentaire, la caisse fait valoir que l'assurée a soldé, le 6 octobre 2014, les dernières cotisations dont elle était redevable au titre de la retraite complémentaire. La caisse souligne qu'elle lui a accordé une faveur en liquidant sa pension de retraite au mois d'octobre 2014, au lieu du mois de novembre 2014. Elle affirme que l'assurée est seule responsable du traitement tardif de son dossier et que la somme réclamée ne correspond pas aux montants qui lui seraient dus en pareil cas.
Par ses conclusions déposées au greffe le 9 janvier 2023, oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens, l'assurée demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré son recours recevable,
- dit que la caisse devait liquider sa retraite de base à compter du 1er janvier 2014,
- dit que la caisse devra lui verser une pension de base de janvier 2014 à septembre 2014 mais réévaluer cette somme à hauteur de 4525,56 euros,
- condamné la caisse à lui verser des dommages et intérêts au titre du préjudice moral mais réévaluer cette somme à hauteur de 2500 euros,
- rejeté la demande de la caisse au titre des frais irrépétibles.
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté de sa demande de versement d'une retraite complémentaire à hauteur de 9155,03 euros,
En conséquence
- annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse qui n'a pas répondu au recours qu'elle a introduit le 15 juillet 2016,
- ordonner le remboursement des sommes qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été mise en mesure de régler ses cotisations à échéances, soit :
- au titre de la retraite de base : 4525,56 euros,
- au titre de la retraite complémentaire : 9155,03 euros.
- condamner la caisse au paiement de la somme de 2500 euros au titre du préjudice moral,
- condamner la caisse au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'assurée soutient que la communication tardive du relevé de carrière résulte de l'absence initiale de demande par la caisse et que cette dernière a attendu que celle-ci lui envoie l'ensemble des documents indiqués comme indipensables pour lui demander un nouveau document.
Elle ajoute que le retard dans le règlement des cotisations résulte du silence de la caisse, pendant près de six mois, aux demandes d'explications formulées par elle et que la caisse ira jusqu'à oublier d'encaisser le chèque de règlement retardant, une fois encore la liquidation.
Enfin, elle sollicite l'allocation dommages-intérêts au motif qu'elle s'est heurtée à l'inertie de la caisse et que cela lui a causé une angoisse permanente.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - Sur la liquidation de la retraite de base
Selon l'article R. 643-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable issue du décret n°2004-460 du 27 mai 2004, l'entrée en jouissance de la pension de retraite est fixée au premier jour du trimestre civil qui suit la demande de l'intéressée.
En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats que, le 11 octobre 2013, l'assurée a formulé auprès de la caisse une demande de liquidation de sa retraite de base avec effet au 1er janvier 2014.
Le 30 novembre 2013, la caisse a invité l'assurée à communiquer les pièces nécessaires à l'instruction de son dossier pour la liquidation de sa retraite, au nombre desquelles la photocopie du relevé de carrière définitif établi par le régime général de sécurité sociale salarié.
Le 4 février 2014, la caisse a informé l'assurée que la liquidation de sa retraite ne pourra intervenir qu'à la condition qu'elle soit à jour de ses cotisations et qu'elle ait transmis un relevé de carrière définitif lui permettant de déterminer le nombre de ses trimestres d'assurance tous régimes confondus.
Le 10 mars 2014, la caisse a sollicité de l'assurée qu'elle transmette la photocopie de son relevé de carrière dans un délai de trois mois (pièce n°3 de l'appelante).
La caisse précise, dans ses écritures et sans être contredite, ni utilement contestée, qu'au mois de septembre 2014 l'assurée lui a transmis son relevé de carrière.
Le 19 janvier 2015, la caisse a d'ailleurs établi un titre de pension de retraite de base à compter du 1er octobre 2014 (pièce n°4 de l'appelante).
La cour constate que, s'agissant de la demande de liquidation de la retraite de base, la question du règlement d'éventuelles cotisations arriérées n'est pas en débat, le litige concernant uniquement les conséquences de la remise tardive par l'assurée de son relevé de carrière.
Or, dès lors qu'aucun texte ne fixe de date de péremption à une demande de retraite, l'envoi au mois de septembre 2014 par l'assurée du relevé de carrière réclamé par la caisse afin de compléter la demande de retraite au 1er janvier 2014 n'empêche pas que les droits à retraite soient liquidés au premier jour du trimestre civil qui suit la demande de l'intéressée, de sorte qu'à réception du relevé de carrière, la caisse devait liquider la retraite de base de l'assurée avec date d'effet au 1er janvier 2014 et lui régler les arriérés échus à compter de cette date.
Par conséquent, le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que la caisse devait liquider la retraite de base à compter du 1er janvier 2014.
A hauteur d'appel, l'assurée maintient sa demande en paiement à hauteur de la somme de 4 525,56 euros des arriérés échus entre janvier et septembre 2014, sans toutefois en détailler le calcul, ni critiquer l'exactitude des bases de calcul retenues dans le titre de pension notifié le 19 janvier 2015 pour une pension de 4 525,56 euros annuelle, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la caisse doit verser à l'assurée la somme de 3394,17 euros au titre de la pension de base due de janvier à septembre 2014.
2 - Sur la liquidation de la retraite complémentaire
Selon de l'article 3.16 des statuts de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse, approuvés par arrêté du 3 octobre 2006, dans sa rédaction applicable au litige, précise que la date d'effet de la pension de retraite complémentaire est fixée au premier jour du mois qui suit la demande prévue à l'article 3.13 des présents statuts.
La liquidation de la pension ne peut être effectuée avant que la totalité des cotisations et majorations échues, au titre des années antérieures à l'entrée en jouissance de la pension, ne soit acquittée.
En cas de paiement tardif, la date d'effet de la retraite est reportée au premier jour du mois suivant la régularisation.
Lorsque seules restent dues les cotisations de l'année en cours, la liquidation est effectuée conformément au premier alinéa, mais les arrérages ne sont versés que lorsque lesdites cotisations sont payées.
Le paiement des arrérages de la pension est effectué mensuellement et à terme échu.
Le pension est versée jusqu'au jour du décès de l'adhérent, ou, en cas d'existence d'un conjoint survivant, jusqu'au dernier jour du mois au duquel l'adhérent est décédé.
Toutefois, si le nombre de points acquis est inférieur à 2, la pension est liquidée par un versement forfaitaire unique égal à dix fois ce montant.
Il se déduit de ces dispositions que les deuxième et troisième alinéas de ce texte ne sont pas applicables lorsque seules restent dues les cotisations de l'année en cours, l'année en cours au sens de ce texte s'entendant comme étant celle au cours de laquelle l'assuré sollicite la liquidation de ses droits, auquel cas, la liquidation de la retraite est effectuée conformément au premier alinéa, seul le service des arrérages étant subordonné au paiement des cotisations considérées.
En l'espèce, il est constant que le 11 octobre 2013, l'assurée a formulé auprès de la caisse une demande de liquidation de sa retraite complémentaire avec effet au 1er janvier 2014.
Le 23 décembre 2013, l'assurée a été informée de sa radiation des registres de la caisse avec effet au 30 septembre 2013 et cette dernière lui a indiqué qu'elle devait régler la somme de 11547,75 euros concernant le régime complémentaire au titre de l'année 2013 et 1233,13 euros de majorations de retard (pièce n°3 de l'intimée).
Il ressort des écritures de la caisse, non contestées par l'assurée, qu'au 6 octobre 2014, la caisse a considéré que l'assurée avait soldé les dernières cotisations dont elle était redevable au titre de la retraite complémentaire.
Le 19 janvier 2015, la caisse a établi un titre de pension de retraite complémentaire à compter du 1er octobre 2014 (pièce n°4 de l'appelante) pour un montant annuel de
9 155,03 euros, soit un montant mensuel de 762,92 euros.
Il en ressort qu'alors que seules restaient dues les cotisations de retraite complémentaire de l'année 2013, année en cours au sens de l'alinéa 4 de l'article 3.16 des statuts, et que l'assurée les avaient régularisées le 6 octobre 2014, la date d'effet de la retraite complémentaire devait être fixée au 1er janvier 2014, ainsi que le demandait l'assurée.
Par conséquent, par infirmation du jugement, il convient d'ordonner à la caisse de verser à l'assurée la somme de 6 866,28 euros au titre des arrérages de retraite complémentaire dus de janvier à septembre 2014.
3 - Sur la demande de dommages-intérêts
Alors que l'assurée pouvait prétendre à la mise en paiement de sa pension de base à partir de septembre 2014, avec une prise d'effet au 1er janvier 2014, la cour approuve les premiers juges de retenir la faute de la caisse dans l'application erronée des textes réglementaires ayant différé le paiement auquel l'assurée pouvait prétendre, à l'origine d'un préjudice constitué par le manque à gagner en résultant dont ils ont justement évalué le montant à la somme de 300 euros, l'assurée ne démontrant pas l'existence d'un autre préjudice pouvant justifier une modification en majoration de cette indemnisation.
Par ailleurs, s'agissant de la liquidation de la retraite complémentaire, à hauteur d'appel, l'assurée ne justifie pas davantage qu'en première instance des démarches accomplies, antérieurement à la lettre d'explications de la caisse du 25 juillet 2014 lui fournissant des précisions relativement aux modalités de régularisations des cotisations, de sorte qu'elle échoue à démontrer la faute de la caisse dans la gestion de la liquidation de sa retraite complémentaire.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la caisse à verser à l'assurée la somme de 300 euros au titre des dommages-intérêts.
4 - Sur les frais irrépétibles et les dépens
La décision déférée est confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.
Compte tenu de l'issue du litige, la caisse est tenue aux dépens d'appel et il est équitable de fixer à 1500 euros l'indemnité qu'elle devra payer à l'assurée au titre de frais non compris dans les dépens que celle-ci a du exposer pour faire valoir ses droits.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande en de versement de la retraite complémentaire à hauteur de 9155,03 euros,
LE CONFIRME en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
CONDAMNE la caisse interprofessionnelle des professions libérales à payer à Mme [T] [X] la somme de 6 866,28 euros au titre des arrérages de retraite complémentaire dus de janvier à septembre 2014,
REJETTE la demande de la caisse interprofessionnelle des professions libérales au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la caisse interprofessionnelle des professions libérales à payer à Mme [T] [X] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la caisse interprofessionnelle des professions libérales aux dépens d'appel,
La greffière, La Présidente,