AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : N° RG 20/05728 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NGGP
URSSAF RHONE ALPES
C/
S.A.S. [4]
Arrêt de la Cour de Cassation du N° 24/09/2020 N° 779F-D
Arrêt de la Cour d'Appel de Grenoble du 14/02/2019 N° 16/04380
Jugement Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GRENOBLE
du 13 Mai 2016
RG : 20140339
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 25 AVRIL 2023
SUR RENVOI APRES CASSATION
DEMANDERESSE A LA SAISINE
URSSAF RHONE ALPES
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE
DEFENDERESSE A LA SAISINE
S.A.S. [4]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, et Me Thibault DOUBLET de la SELARL THIBAULT DOUBLET, avocat au barreau de QUIMPER
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 25 Octobre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Nathalie PALLE, Présidente
Joëlle DOAT, Présidente de chambre
Vincent CASTELLI, Conseiller
Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 25 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
A la suite d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, effectué au sein des établissements de la société [4] (la société) portant sur les années 2010, 2011 et 2012, l'URSSAF de l'Isère, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Rhône-Alpes (l'URSSAF) a notifié, le 17 octobre 2013, une lettre d'observations portant sur quatorze chefs de redressement et six observations pour l'avenir pour un montant total de 619 828 euros.
Sur la réponse de la société, l'URSSAF a ramené le montant du redressement à la somme totale de 619 219 euros et lui a adressé, le 11 décembre 2013, une mise en demeure d'avoir à régler la somme de 652 516 euros, majorations de retard incluses.
Le 10 janvier 2014, la société a saisi la commission de recours amiable en contestant les chefs de redressement n°1, n°2, n°6, n°7, n°8, n°19 ainsi que les observations pour l'avenir n°9, n°10 et n°13.
Le 11 avril 2014, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble en contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par décision du 26 mai 2014, la commission de recours amiable a annulé le chef de redressement n°1 d'un montant de 3 994 euros, relatif à la transaction intervenue dans le cadre d'une procédure prud'homale, et a confirmé les autres chefs de redressement et observations pour l'avenir contestés.
Par jugement du 13 mai 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :
- déclaré le recours recevable et partiellement fondé,
- constaté que le chef de redressement portant sur la transaction intervenue dans le cadre d'une procédure prud'homale a été annulé par la commission de recours amiable et que cette contestation est sans objet,
- annulé le seul chef de redressement portant sur la prévoyance complémentaire d'un montant de 507 880 euros (cinq cent sept mille huit cent quatre vingt euros),
- confirmé pour le surplus les autres chefs de redressement,
- constaté, s'agissant de l'avantage en nature ' produits de l'entreprise -, que l'URSSAF reconnaît que la tolérance prévue par la circulaire interministérielle du 7 janvier 2003 s'applique sans distinction aux entreprises de production et aux entreprises de distribution,
- dit que pour le surplus les réserves et observations pour l'avenir de l'URSSAF sont justifiées,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sans frais, ni dépens.
Le 26 juillet 2016, l'URSSAF a relevé appel du jugement.
Par arrêt du 14 février 2019, la cour d'appel de Grenoble a confirmé, en toutes ses dispositions, le jugement déféré, a débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné l'URSSAF aux dépens d'appel.
Sur le pourvoi formé par l'URSSAF, par arrêt du 24 septembre 2020 (2e Civ, n°19-15.070), la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a annulé le chef de redressement portant sur la prévoyance complémentaire, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Grenoble, au motif qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constations que les inspecteurs du recouvrement n'avaient ni constitué un échantillon statistique, ni procédé à une extrapolation des constats qu'ils avaient opéré à la lecture des bulletins de paie consultés au cours des opérations de contrôle, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale
Par déclaration du 16 octobre 2020, l'URSSAF a saisi la présente cour, désignée cour d'appel de renvoi.
Appelée à l'audience du 22 juin 2021, à la demande de l'intimée, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi contradictoire à l'audience du 25 octobre 2022.
Par ses conclusions n°4, oralement soutenues par son conseil à l'audience des débats, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, l'URSSAF demande à la cour de :
- infirmer le jugement, en ce qu'il a annulé le chef de redressement portant sur la prévoyance complémentaire d'un montant de 507 880 euros,
- dire et juger que la procédure de contrôle est parfaitement régulière,
- dire et juger que le chef de redressement relatif à la prévoyance complémentaire (sic),
En conséquence
- confirmer le chef de redressement relatif à la prévoyance complémentaire pour un montant de 507 880 euros est bien fondé,
- confirmer la décision de la commission de recours amiable notifiée le 29 juillet 2014,
- débouter la société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'URSSAF rappelle que la cassation porte uniquement sur le chef de redressement relatif à la prévoyance complémentaire. Elle soutient qu'elle n'a pas eu recours à la méthode d'échantillonnage et d'extrapolation, prévue à l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur au jour du contrôle, et que ce chef de redressement a été effectué sur les éléments fournis par la société, faute d'avoir eu accès à l'ensemble des bulletins de paie sollicités. Elle fait observer que l'ambiguïté provenait du mot « test » utilisé par l'inspecteur du recouvrement dans le courrier à la suite au contrôle du 21 novembre 2013, lequel signifiait seulement qu'à l'étude des quelques bulletins fournis, il était apparu que le caractère obligatoire et collectif du régime n'était pas respecté.
Au soutien du bien fondé de ce chef de redressement, l'URSSAF fait essentiellement valoir que les dispenses ou exclusions sur la base de la nature du contrat de travail ou du temps de travail (CDD, temps partiel), comme la suppression des garanties en cas de suspension indemnisée du contrat de travail, sont contraires aux caractères collectif et obligatoire nécessaires à l'exonération de la participation patronale au régime.
Elle rappelle qu'alors que pour que la non affiliation de certains salariés puisse être considérée comme une dispense d'affiliation, ne remettant pas en cause le caractère collectif et obligatoire du régime, l'employeur doit être en mesure de prouver qu'il a informé les salariés du régime en place dans l'entreprise, qu'il leur a proposé d'y adhérer et que ces derniers ont refusé. Elle souligne qu'en l'espèce les différentes notes rendant le régime obligatoire pour tous les salariés ont été jointes aux bulletins de paie, mais n'ont fait l'objet d'aucun accusé réception, ni d'aucune liste d'émargement. La condition de forme imposée par l'article L. 911-1 du code de la sécurité sociale n'étant pas respectée, il est impossible de s'assurer que tous les salariés ont bien été informés et la société ne fournit aucune demande de dispense signée par les salariés n'étant pas affiliés et n'a produit aucun justificatif d'une autre couverture pour les CDD de plus de douze mois.
Elle observe que la circulaire du 14 septembre 2005, citée par l'intimée, relative à l'épargne salariale et instaurant une tolérance administrative lorsque les irrégularités constatées concernaient un nombre restreint de salariés, n'est pas applicable à la prévoyance et la circonstance que la société respecte sa convention collective est indifférente au présent litige.
Elle souligne que le non respect du caractère collectif et obligatoire des contrats conduit à l'annulation de l'exonération de la part patronale du financement et, pour ce faire, les inspecteurs du recouvrement ont repris les informations contenues dans le journal de paie et les DADS annuelles. La société se borne à affirmer que les inspecteurs auraient commis des erreurs dans leur calcul, mais elle ne les démontre par aucune pièce ou aucun document probant. La lettre d'observations respecte les exigences réglementaires et jurisprudentielles, sans être tenue de préciser le détail de calculs, étant relevé que la société n'avait, en tout état de cause, jamais sollicité de quelconques explications complémentaires.
Enfin, elle fait valoir qu'il n'y avait pas eu lieu de « rebrutaliser » les sommes, puisqu'il s'agit de la réintégration de la part patronale de financement des frais de santé, montant qui n'a pas fait l'objet d'un versement au salarié.
S'agissant du chef de redressement relatif à la réduction générale des cotisations, l'URSSAF fait valoir que cette demande est irrecevable sur le fondement de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, pour ne pas avoir été présentée lors du préalable obligatoire et elle est également nouvelle en cause d'appel, sous couvert d'un « vice de procédure », la société réclame en réalité des dommages-intérêts qui s'élèvent à la hauteur du crédit qu'elle aurait chiffré. Elle fait en outre observer que l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble a acquis force de chose jugée pour l'ensemble du dispositif qui ne concerne pas la prévoyance.
Elle conclut que la société ne rapporte pas la preuve de la faute commise par les inspecteurs du recouvrement pendant le contrôle, et, au surplus, d'une intention d'occulter de prétendus crédits ; que si la société avait décelé des crédits, il lui appartenait d'en faire état à l'URSSAF après le contrôle ou, en tout état de cause, de le présenter auprès du directeur de l'organisme dans le cadre d'une demande de remboursement, prévu par l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, dans le délai non soumis à la prescription triennale.
Par ses conclusions n°4, oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses moyens, la société demande à la cour de :
- confirmer le jugement, en ce qu'il a annulé le redressement portant sur la prévoyance complémentaire d'un montant de 507 880 euros,
- tirer les conséquences de la démonstration des pratiques qui démontrent que l'URSSAF et ses agents n'ont pas respecté leur mission de service public de garantir la juste cotisation et en conséquence :
- annuler le contrôle en totalité pour irrespect de la charte du cotisant contrôlé et annuler les redressements afférents,
- condamner l'URSSAF pour mauvaise foi à régler au cotisant un montant de dommages-intérêts égal à 264 753 euros, assortis de majoration au taux d'intérêt légal à compter de la date où ils auraient dû être relevés par l'URSSAF.
- annuler le chef de redressement portant sur la prévoyance complémentaire d'un montant de 507 880 euros, en raison de la violation de la procédure contradictoire du fait de l'irrespect de l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale d'application stricte,
- annuler le chef de redressement portant sur la prévoyance complémentaire d'un montant de 507 880 euros en raison d'une absence de base légale puisque les dispenses d'adhésion appliquées aux salariés en contrat à durée déterminée et aux salariés à temps partiel n'ont pas besoin d'être dans l'acte juridique formalisant le régime et puisque ces dispenses ne justifiaient pas le recouvrement de l'ensemble des cotisations patronales versées au titre du régime « frais de santé » pour les trois exercices contrôlés,
- annuler le chef de redressement portant sur la prévoyance complémentaire d'un montant de 507 880 euros en raison du montant de calcul erroné retenu par les inspecteurs du recouvrement et donc d'une absence de base légale qui n'a pas permis au cotisant de débattre contradictoirement de ce chef de redressement comme cela est prévu par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, et, par conséquent, annuler les mises en demeure viciées quant à l'étendue de l'obligation du cotisant,
- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses prétentions,
- à titre subsidiaire, si par impossible la cour ne faisait pas droit à la demande de dommages-intérêts, il est demandé à la cour de valider le crédit de 264 753 euros et soit de condamner l'URSSAF à le rembourser, soit d'éventuellement de le déduire par compensation sur les éventuels redressements que la cour maintiendrait,
- condamner l'URSSAF à verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
S'agissant de l'annulation du chef de redressement portant sur la prévoyance complémentaire, la société fait valoir que :
- le contrôle par test constitue une méthode d'évaluation consistant à contrôler sur une partie seulement des salariés et à extrapoler les résultats à l'ensemble des salariés ; les inspecteurs ont utilisé la méthode de vérification par échantillonnage et d'extrapolation sans respecter la procédure prévue par l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale,
- les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée et d'un contrat à temps partiel ont la faculté d'être dispensés d'adhésion au régime de prévoyance mis en place dans la société, et ce peu importe que cela soit prévu ou non dans l'acte juridique formalisant le régime ; que les salariés dispensés d'affiliation le sont en raison soit de la précarité de leur situation dans l'entreprise justifiant leur volonté de ne pas adhérer au régime frais de santé, soit de la faiblesse de leur rémunération au regard du montant des cotisations au régime de protection sociale complémentaire ; qu'il est disproportionné de réintégrer dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale les contributions patronales versées dans leur globalité sur la base d'un raisonnement ne visant, en définitive, qu'une faible partie des salariés de la société ; que l'URSSAF rajoute des conditions non prévues par les textes et impose ainsi aux salariés qui se trouvent dans une situation d'emploi pour laquelle ils ne souhaitent pas nécessairement souscrire un tel régime, de justifier de leur situation personnelle,
- il est établi que le montant du redressement opéré n'est pas exact, en contradiction avec les engagements de la charte du cotisant contrôlé qui est opposable à l'URSSAF, et qui impose aux inspecteurs du recouvrement de garantir l'exactitude des cotisations, ce qui implique que leur redressement ne peut reposer sur une base simplifiée ou estimative, de surcroît dont les bases juridiques n'ont pas été expliquées alors qu'ils avaient toutes les données pour réaliser un calcul exact ; que dans le cas où les inspecteurs de recouvrement considéraient qu'ils n'avaient pas toutes les données, ils se devaient de suivre la procédure décrite aux articles R. 243-59-2 ou R. 242-5 du code de la sécurité sociale, respectivement d'extrapolation ou de forfait ;
- les inspecteurs du recouvrement ont soumis à cotisations salariales des sommes qui ont été versées en net aux salariés et ce sans les - rebrutaliser -, dès lors ce redressement, dont le mode de calcul ne correspond à aucun texte légal, doit être annulé.
S'agissant de la faute commise par les inspecteurs du recouvrement pour n'avoir détecté que les redressements positifs pour l'URSSAF sur la réduction générale, la société conclut à la nullité de l'entier contrôle, dès lors que les inspecteurs du recouvrement n'ont pas respecté la charte du cotisant et les règles de déontologie liées à l'exercice de leur mission et elle sollicite que la cour en tire les conséquences par la condamnation de l'URSSAF au paiement de dommages-intérêts.
La société considère qu'elle ne présente pas en cause d'appel de prétentions nouvelles quand elle soulève la nullité du contrôle pour un motif de faute de l'URSSAF et que les dommages-intérêts qu'elle demande sont la conséquence de la faute commise.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'annulation du chef de redressement n°2 portant sur la prévoyance complémentaire
Selon l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale, sans sa rédaction applicable à la date du contrôle, les inspecteurs du recouvrement peuvent proposer à l'employeur d'utiliser, dans les conditions et selon les modalités qu'il prévoit, des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation.
Il en résulte que la mise en oeuvre, avec l'accord de l'employeur, de la méthode d'échantillonnage et extrapolation suppose la constitution d'une base de sondage, le tirage au sort d'un échantillon, la vérification exhaustive de l'échantillon et l'extrapolation à l'ensemble de la population ayant servi de base à l'échantillon.
Au cas présent, il ressort des termes de la lettre d'observations qu'après avoir relevé que tous les bulletins de salaires de l'intégralité des salariés ne leur avaient pas été remis, les inspecteurs du recouvrement ont néanmoins pu constater, à l'examen de plus d'une centaine de bulletins de salaires mis en leur possession sur les années 2010 à 2012, que des salariés étaient exclus du régime de prévoyance complémentaire de santé et que d'autres ne bénéficiaient plus de la participation financière de l'employeur, contrevenant à l'exigence du caractère collectif et obligatoire du financement par l'employeur des prestations complémentaires de prévoyance, et la circonstance que les inspecteurs du recouvrement indiquent avoir procédé à - une centaine de test sur les trois années contrôlées - ne permet ni d'en conclure qu'il ont eu recours à la méthode d'échantillonnage et d'extrapolation, ni qu'ils étaient tenus d'y recourir compte tenu des constats et vérifications qu'ils ont opérés pendant la phase contradictoire du contrôle.
Il s'ensuit que le moyen tiré du non respect des dispositions de l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale n'est pas fondé, pas davantage que ne l'est le moyen tiré de la non application de la taxation forfaitaire prévue à l'article R. 242-5, laquelle ne trouve pas à s'appliquer dans le contexte d'une réintégration dans l'assiette des cotisations, sur les trois années contrôlées, de la totalité du chiffrage au réel de la contribution annuelle de l'employeur au financement du contrat de prévoyance complémentaire.
Sur le bien fondé du chef de redressement n°2 portant sur la prévoyance complémentaire
Selon l'article L. 242-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successivement applicables à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont exclues de l'assiette des cotisations sociales les contributions des employeurs au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, lorsqu'elles revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une catégorie objective de salariés.
Au cas présent, il ressort des constatations des inspecteurs du recouvrement que sur la période contrôlée du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, les salariés en contrat à durée déterminée de plus de douze mois, les salariés à temps partiel inférieur à un mi-temps et les salariés dont le contrat de travail est suspendu pour longue maladie sont exclus du régime de remboursement des frais de santé, en place dans l'entreprise depuis 2001.
Alors que la dispense d'affiliation, dont la société entend se prévaloir par référence à la circulaire ministérielle n°CSS/5B/2009/32 du 30 janvier 2009 en ses paragraphes 3 et 4, est subordonnée à une demande du salarié, la société ne justifie d'aucune demande de dispense émanant des salariés en contrat à durée déterminée, ni des salariés à temps partiel d'une durée inférieure à 17 heures 50, non plus qu'elle n'offre d'apporter la preuve que les salariés avaient été informés de la possibilité de faire le choix de ne pas cotiser, ni que les salariés non affiliés bénéficiaient d'un autre régime de prévoyance complémentaire santé.
Par ailleurs, la société n'offre pas de démontrer l'existence d'une catégorie professionnelle distincte par référence aux conditions d'exercice des fonctions.
La nature du contrat de travail, comme la durée du temps de travail, renvoyant aux conditions d'exercice du travail et non à une catégorie objective de salariés au sens de l'article L. 242-1, alinéa 6, dans ses rédactions successivement applicables à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, il s'ensuit que, sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, en excluant les salariés en contrat à durée déterminée de plus de douze mois et les salariés à temps partiel inférieur à un mi-temps, le régime de prévoyance complémentaire en litige ne revêt pas de caractère collectif.
S'agissant des conditions de l'exclusion de l'assiette des cotisations qui sont d'interprétation stricte, l'appréciation du caractère collectif du régime de prévoyance complémentaire ne dépend pas du pourcentage du nombre de salariés de l'effectif qui en bénéficient, de sorte qu'il importe peu que 1 à 3,5% de l'effectif des salariés selon les années en soient exclus et la seule circonstance de l'absence de caractère collectif est suffisante pour justifier la réintégration dans l'assiette des cotisations et contributions, pour l'intégralité de leur montant, des contributions de l'employeur pour le financement du contrat de prévoyance complémentaire des frais de santé en litige.
Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable au litige, le document que les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant à l'issue du contrôle, mentionne notamment, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés.
Au cas présent, relativement au chef de redressement n°2 en litige, la lettre d'observations indique que la participation patronale au régime de remboursement des frais de santé est réintégrée dans l'assiette des cotisations sur les trois années, les montants repris étant ceux apparaissant sur les documents -récapitulation des bulletins en 2010 et 2011 - et - journal de paie-, la régularisation étant effectuée sur le compte du siège, dont la lettre d'observations rappelle notamment le numéro, et dans le tableau intitulé - régularisation régime de remboursement de frais de santé ne satisfaisant au caractère collectif et obligatoire- annexé à la lettre d'observations, pour chacune des années contrôlées, les inspecteurs du recouvrement ont fait figurer le montant des salaires plafonnés au regard du plafond de sécurité sociale applicable et le montant de la totalité des salaires repris sur les DADS déclarées dont ils ont obtenu un ratio de 0,95, faisant ressortir que 95% de la rémunération versée était en dessous du plafond annuel de sécurité sociale, qu'ils ont appliqué au montant annuel de la participation patronale pour aboutir à une base plafonnée par année contrôlée et alors qu'en l'absence de caractère collectif du régime il doit être tenu compte de la masse salariale totale, la société intimée ne peut valablement se prévaloir de l'existence d'une erreur de calcul au motif que celui-ci est basé la masse salariale totale sans distinguer les masses salariales des salariés bénéficiant de la participation de ceux n'en bénéficiant pas.
Il en ressort, d'une part, qu'en ce qu'elle précise la nature du chef de redressement envisagé, le contenu et les modalités d'application des textes législatifs et réglementaires invoqués, les assiettes et le montant du chef de redressement par année, ainsi que les taux de cotisation appliqués, sans avoir à en détailler le calcul, permettant à la société contrôlée d'avoir une connaissance des causes du redressement et de disposer de tous les éléments pour en discuter l'exactitude, la lettre d'observations ne méconnaît pas le caractère contradictoire du contrôle, d'autre part, que le calcul opéré par l'URSSAF n'est pas erroné.
Enfin, il résulte de la combinaison des articles L. 242-1 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que, sauf dispositions particulières contraires, les cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales sont calculées sur le montant brut, avant précompte s'il y a lieu de la part des cotisations et contributions supportée par le salarié.
Au cas présent, la société reproche à l'URSSAF de ne pas avoir réintégré dans l'assiette des cotisations la part patronale de financement des frais de santé versée aux salariés, reconstituée en base brute.
La cour constate toutefois que la société allègue avoir procédé au précompte de la part salariale des cotisations et contributions sur le versement de la participation patronale au financement des frais de santé, sans toutefois offrir d'en rapporter la preuve, les bulletins de paie étant incomplètement reproduits dans ses écritures, de sorte qu'il convient de considérer que le moyen tiré de l'erreur dans la base de calcul du montant de redressement de cotisations et contributions n'est pas fondé.
Dès lors, au vu de ce qui précède, il y a lieu, par infirmation du jugement, de valider ce chef de redressement pour son entier montant, soit la somme de 507 880 euros.
Sur la faute commise par les inspecteurs du recouvrement pour n'avoir détecté que les redressements positifs pour l'URSSAF sur la réduction générale
Il résulte de la combinaison des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale que le cotisant qui conteste un redressement peut, à l'occasion de son recours juridictionnel, invoquer d'autres moyens que ceux soulevés devant la commission de recours amiable, dès lors qu'ils concernent des chefs de redressement préalablement contestés.
Au cas présent, alors qu'à l'appui de sa demande en annulation du contrôle et du redressement la société contrôlée oppose à l'URSSAF la faute commise par les inspecteurs du recouvrement pour n'avoir détecté que les redressements positifs sur la réduction générale des cotisations dite «réduction Fillon», force est de constater que la contestation de ce chef de redressement n'est pas au nombre de ceux dont la société a préalablement saisi la commission de recours amiable, de sorte que la contestation de ce chef de redressement dans le cadre du recours juridictionnel est irrecevable.
Ensuite, la demande en annulation de l'entier redressement est irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de chose jugée des chefs du dispositif de l'arrêt confirmatif du 14 février 2019 de la cour d'appel de Grenoble, non atteints par la cassation prononcée par la Cour de cassation par arrêt du 24 septembre 2020 (pourvoi n°19-15.070).
Enfin, la demande en condamnation de l'URSSAF à des dommages-intérêts pour faute comme celle qui tend à voir valider une créance de cotisations de 264 753 euros au profit de la société contrôlée, nouvelles en cause d'appel et qui ne sont ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément des prétentions soumises aux premiers juges afférentes aux seules contestations de certains chefs du redressement, sont irrecevables par application des articles 564 et 566 du code de procédure civile.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu de l'issue du litige, la société est condamnée aux dépens et il est équitable de fixer à 3 000 euros l'indemnité qu'elle doit payer à l'URSSAF au titre des frais non compris dans les dépens que celle-ci a du exposer.
Pour le même motif, la demande de la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
DÉCLARE irrecevables les demandes en annulation du contrôle et du redressement, en condamnation de l'URSSAF à des dommages-intérêts pour faute et en validation d'une créance de cotisations au profit de la société contrôlée ;
INFIRME le jugement en ce qu'il a annulé le chef de redressement portant sur la prévoyance complémentaire d'un montant de 507 880 euros ;
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant ;
VALIDE le chef de redressement relatif à la prévoyance complémentaire pour son montant de 507 880 euros ;
REJETTE la demande de la société [4] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société [4] à payer à l'URSSAF de Rhône-Alpes la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société [4] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,