La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2023 | FRANCE | N°19/08690

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale d (ps), 25 avril 2023, 19/08690


AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE





COLLÉGIALE



RG : N° RG 19/08690 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYFM





CPAM DES BOUCHES DU RHONE



C/

Société [4] (MP : MR [C])







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 13 Novembre 2019

RG : 14/01196





AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE D



PROTECTION SOCIALE



ARRÊT DU 25 AVRIL 2023
>















APPELANTE :



CPAM DES BOUCHES DU RHONE

13421

[Localité 1]



représenté par Mme [F] [Y], audiencier, munie d'un pouvoir







INTIMÉE :



SAS [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Denis ROUANET de la SE...

AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : N° RG 19/08690 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYFM

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

C/

Société [4] (MP : MR [C])

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal de Grande Instance de LYON

du 13 Novembre 2019

RG : 14/01196

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE D

PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU 25 AVRIL 2023

APPELANTE :

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

13421

[Localité 1]

représenté par Mme [F] [Y], audiencier, munie d'un pouvoir

INTIMÉE :

SAS [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Denis ROUANET de la SELARL BENOIT - LALLIARD - ROUANET, avocat au barreau de LYON, substitué par Me L'HOMMEE, avocat au même barreau

Assurée Mr [C]

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Nathalie PALLE, Présidente

Thierry GAUTHIER, Conseiller

Vincent CASTELLI, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 Avril 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Nathalie PALLE, Présidente et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [T] [C] (la victime), salarié de la société [4] (l'employeur) du 29 juillet 2013 au 6 septembre 2013, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle, le 7 octobre 2013, au titre d'une «'surdité de type neurosensorielle prédominant sur les aigus avec perte de 34,3% à droite et de 38,5% à gauche'», accompagnée d'un certificat médical initial du 23 septembre 2013.

Cette pathologie a fait l'objet d'une décision du 17 décembre 2013 de prise en charge au titre du tableau n°'42 des maladies professionnelles par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse).

Les parties s'accordent à indiquer que l'audiogramme réalisé le 23 septembre 2013 ne figurait pas dans les pièces du dossier de la caisse mis à la disposition de l'employeur préalablement à la décision de prise en charge de la maladie.

Le 12 juin 2014, l'employeur a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon aux fins de contester la décision implicite de rejet par la commission de recours amiable de sa demande d'inopposabilité de la décision de la caisse. Une décision de rejet explicite est intervenue le 10 juin 2014.

Au 1er janvier 2019, le dossier de la procédure a été transféré au pôle social du tribunal de grande instance de Lyon, juridiction spécialement désignée.

Par jugement du 13 novembre 2019, le tribunal a'déclaré inopposable à l'employeur la décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, du 17 décembre 2013, de prise en charge, dans le cadre du tableau n° 42 des maladies professionnelles, de la «'surdité neurosensorielle'» déclarée par son salarié, le 7 octobre 2013.

Le 16 décembre 2019, la caisse a relevé appel du jugement.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 18 décembre 2020 et oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, la caisse demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

Débouter l'employeur de son recours et de l'ensemble de ses demandes';

Déclarer opposable à l'employeur la décision de prise en charge au titre du tableau 42 des maladies professionnelles de l'affection du 23 septembre 2013 présentée par M.[C].

La caisse fait valoir que les conditions de prise en charge du tableau n° 42 des maladies professionnelles sont satisfaites'; qu'en effet, l'exposition au risque de la maladie professionnelle est établie'puisqu'il résulte de l'enquête administrative diligentée auprès de la victime et de son employeur pour déterminer la réalité d'une exposition au risque que M. [C] a effectué, durant son activité professionnelle de chaudronnier et tuyauteur pour le compte de la société [4], soit entre le 1er avril 2005 et le 16 décembre 2005, entre le 5 octobre 2011 et le 12 juillet 2013 et entre le 29 juillet 2013 et le 6 septembre 2013, des travaux figurant sur la liste limitative des travaux du tableau n°42 des maladies professionnelles'; que s'agissant des conditions médicales, le service de contrôle médical a fixé la date de première constatation de la maladie au 23 septembre 2013 au regard de l'audiogramme réalisé le même jour'; qu'à cette date, le délai de prise en charge d'un an, qui courait depuis la cessation d'exposition au risque, soit le 7 septembre 2013, n'était pas expiré'; que par ailleurs le service médical a examiné le dossier médical de la victime et a vérifié que celui-ci était bien atteint de la pathologie d'hypoacousie bilatérale par lésion cochléaire irréversible, comme l'exige le tableau n°42 des maladies professionnelles.

Concernant l'information préalable de l'employeur sur la procédure d'instruction du caractère professionnel de l'affection, la caisse soutient que l'employeur a été informé par lettre recommandée avec avis de réception, signé le 28 novembre 2013, de la fin de la procédure d'instruction et de la date de la décision prévue le 17 décembre 2012'; que l'employeur est venu consulter l'entier dossier mis à sa disposition le 6 décembre 2012'; qu'à cet égard, ainsi que l'a jugé de façon analogue la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 29 mai 2019 (pourvoi n° 18-14.811) relatif à l'IRM mentionnée au tableau n° 57 A des maladies professionnelles, l'audiogramme est un élément de diagnostic couvert par le secret médical qui n'a pas à figurer dans les pièces du dossier de la caisse.

S'agissant de la demande d'imputation au compte spécial formée par l'employeur, la caisse estime que ce dernier ne rapporte pas la preuve de ce que la maladie n'a pas été contractée à son service et que c'est donc à bon droit que celle-ci lui a été imputée.

Dans ses conclusions déposées au greffe le 31 décembre 2020 et oralement soutenues à l'audience des débats, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens, l'employeur demande à la cour de :

A titre principal, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, dire et juger inopposable à la société [4] la décision de prendre en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, la maladie n°130923139 contractée par M. [C] en ce que la preuve de la désignation de la maladie n'est pas rapportée par la caisse et/ou que cette dernière ne justifie pas que l'assuré ait été exposé habituellement aux risques au sein de la société [4],

A titre infiniment subsidiaire, affecter au compte spécial les frais exposés au titre de la maladie professionnelle déclarée par M. [C].

L'employeur fait valoir que les modalités de constat du déficit audiométrique, plus particulièrement l'examen audiométrique, sont davantage qu'un élément de diagnostic en ce qu'ils sont un élément constitutif de la maladie et doivent à ce titre figurer dans les pièces du dossier de la caisse mis à disposition de l'employeur'; que dans un arrêt du 19 septembre 2019 (pourvoi n°18-19.993), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a confirmé sur ce point une jurisprudence constante depuis 2005 s'agissant du tableau n° 42 des maladies professionnelles.

Subsidiairement, l'employeur soutient que les seules mentions du colloque médico-administratif sont insuffisantes à établir que les conditions du tableau n°42 sont satisfaites, ce dont il déduit que la caisse ne rapporte pas la preuve de la désignation de la maladie telle que visée audit tableau. L'employeur estime par ailleurs que la caisse ne démontre pas davantage que la victime ait été exposée au risque visé au tableau n°42, la société [4] n'ayant jamais confirmé, contrairement à ce qu'affirme la caisse, l'utilisation par la victime de meuleuse, burineur, marteau-piqueur, masse.

A titre infiniment subsidiaire, l'employeur soutient qu'il est manifestement impossible de déterminer l'employeur au service duquel la victime a contracté sa maladie, ce d'autant que celle-ci indique avoir déjà subi une perte auditive en 2010.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'opposabilité de la décision attributive de rente de la caisse

Selon l'article L.143-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2011-901 du 28 juillet 2011, applicable à la date de la déclaration de la maladie professionnelle, pour les contestations mentionnées aux 2° et 3° de l'article L. 143-1, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, à l'attention du médecin expert ou du médecin consultant désigné par la juridiction compétente, l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification.

L'article R.143-33 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2010-424 du 28 avril 2010, applicable au litige, prévoit'que l'entier rapport médical mentionné à l'article L. 143-10 comprend :

1° L'avis et les conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir ;

2° Les constatations et les éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé.

Par un arrêt du 21 septembre 2017 (pourvoi n°16-13.969, publié), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que pour l'application de ces dispositions, qui concourent à l'instruction du recours porté devant la juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale préalablement à tout débat contradictoire et indépendamment des éléments de fait et de preuve que les parties peuvent produire ou dont elles peuvent demander la production, l'entier rapport médical au sens de l'article R. 143-33 doit s'entendre de l'avis et des conclusions motivées données à la caisse d'assurance maladie sur le taux d'incapacité permanente à retenir et des constatations et éléments d'appréciation sur lesquels l'avis s'est fondé, à l'exclusion des pièces et documents consultés ou détenus par le médecin-conseil.

Au cas particulier, le tableau n°42 des maladies professionnelles, relatif aux «'atteintes auditives provoquées par les bruits lésionnels'», est applicable.

La maladie désignée est «'l'hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d'acouphènes'». Le diagnostic est établi au vu d'examens spécifiques: par une audiométrie tonale et une audiométrie vocale qui doivent être concordantes et réalisées dans les conditions mentionnées au tableau ; en cabine insonorisée, avec un audiomètre calibré, après une cessation d'exposition au bruit lésionnel d'au moins trois jours, devant faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d'au moins 35 décibels ; ce déficit étant la moyenne des déficits mesurés sur les fréquences 500, 1.000, 2.000 et 4.000 Hertz.

Il est de jurisprudence bien établie que ces examens sont analysés comme étant un élément constitutif de la maladie visée au tableau n°42, l'audiogramme revêtant le caractère d'une condition de fond de la reconnaissance de la maladie professionnelle (2e Civ., 28 novembre 2013, pourvoi n°'12-27.829 ; 28 novembre 2019, pourvoi n°18-18.209).

L'audiogramme, élément nécessaire à la réunion des conditions du tableau n° 42, échappe comme tel au secret médical (2e Civ., 11 octobre 2018, pourvoi n°17-18.901).

La cour relève que l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 29 mai 2019 (pourvoi n° 18-14.811), auquel se réfère la caisse dans son argumentaire, statue sur la question de la communication de l'IRM par la caisse primaire d'assurance maladie dans le cas de la reconnaissance d'une maladie professionnelle inscrite au tableau n°57 A, et non au tableau n°42. Cet arrêt, qui décide que l'IRM constitue dans ce cas un élément du diagnostic (couvert par le secret médical) et non une condition de fond de la reconnaissance de la maladie (échappant comme telle à ce secret), n'est ni similaire, ni transposable à la présente affaire.

En l'espèce, comme l'ont justement relevé les premiers juges, le défaut de transmission par la caisse de l'audiogramme au médecin conseil de l'employeur ne permet pas à celui-ci de vérifier que les conditions de reconnaissance de la maladie sont satisfaites et aucun élément versé aux débats ne permet davantage à la cour de le vérifier.

Dans ces conditions, il ne peut pas être considéré que la caisse a satisfait à ses obligations résultant de l'article L.143-10 précité.

La violation de cette obligation par la caisse doit être sanctionnée par l'inopposabilité de sa décision attributive de rente dans ses rapports avec l'employeur.

Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens

La caisse, qui succombe, sera tenue aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris'en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale d (ps)
Numéro d'arrêt : 19/08690
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;19.08690 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award