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19/04/2023 | FRANCE | N°23/00056

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 19 avril 2023, 23/00056


N° R.G. Cour : N° RG 23/00056 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O3SI

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 19 Avril 2023





























DEMANDEUR :



M. [Y] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]



avocat postulant : Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON



avocat plaidant : Maître Aline JAMEN, avocat au barreau de LYON (toque

2378)







DEFENDEUR :



M. [H] [D]

[Adresse 4]

[Localité 3] BELGIQUE



Représenté par Me Thibault GEFFROY de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS





Audience de plaidoiries du 03 Avril 2023...

N° R.G. Cour : N° RG 23/00056 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O3SI

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 19 Avril 2023

DEMANDEUR :

M. [Y] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

avocat postulant : Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON

avocat plaidant : Maître Aline JAMEN, avocat au barreau de LYON (toque 2378)

DEFENDEUR :

M. [H] [D]

[Adresse 4]

[Localité 3] BELGIQUE

Représenté par Me Thibault GEFFROY de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS

Audience de plaidoiries du 03 Avril 2023

DEBATS : audience publique du 03 Avril 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 19 Avril 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] [D] a été embauché le 31 août 2020 par contrat à durée indéterminée à temps partiel, en qualité d'assistant personnel de M. [Y] [T], par la société HPL Groupe. Le 26 janvier 2021, la société HPL groupe a mis fin à la période d'essai du salarié. Un second contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel a été conclu avec M. [T] dont il a pris acte de la rupture le 8 mars 2021.

Par acte du 2 juillet 2021, M. [D] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon, lequel par jugement contradictoire du 3 février 2023 a notamment en ordonnant l'exécution provisoire :

- condamné M. [T] à verser à M. [D] les sommes suivantes :

10 996,75 € bruts, à titre de rappel de salaires,

1 099,67 € bruts, au titre des congés payés afférents,

840,59 € bruts, à titre d'indemnité de préavis,

84,05 € bruts, à titre de congés payés afférents,

9 000 € nets, à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

20 910 € nets à titre d'indemnités pour licenciement nul,

1 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- fixé la moyenne des salaires de M. [D] à la somme de 3 485 € bruts,

- condamné M. [T] aux entiers dépens.

M. [T] a interjeté appel de la décision le 22 février 2023.

Par assignation en référé délivrée le 14 mars 2023 à M. [D], M. [T] a saisi le délégué du premier président afin d'obtenir à titre principal, l'arrêt de l'exécution provisoire et à titre subsidiaire, l'autorisation de consigner auprès de la CARPA jusqu'à la décision à intervenir de la cour d'appel.

A l'audience du 3 avril 2023 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, M. [T] invoque les dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile et soutient qu'il existe un risque de réformation en ce que le conseil de prud'hommes n'a pas pris en compte l'intégralité des pièces qu'il a versées aux débats, notamment les attestations du personnel en poste dans son entreprise.

Il prétend que l'exécution du jugement du 3 février 2023 risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives tenant à l'absence de garantie de solvabilité de M. [D] qui présente une instabilité professionnelle en enchaînant les contrats de courte durée.

Il souligne le défaut d'information concernant le patrimoine de M. [D] et considère que sa résidence actuelle en Belgique rendra le recouvrement des sommes difficile.

Il affirme que, quand bien même M. [D] justifierait d'un emploi, une saisie ne pourrait être diligentée que sur la fraction saisissable du salaire.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 30 mars 2023, M. [D] demande au délégué du premier président de débouter M. [T] de ses demandes et de le condamner à payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

Il estime que M. [T] démontre seulement qu'il est en désaccord avec le jugement de première instance sans rapporter l'existence d'un moyen sérieux de réformation.

Il relève le défaut de remarque faite en première instance sur l'exécution provisoire par M. [T] et conteste l'existence de conséquences manifestement excessives nées postérieurement au jugement compte tenu notamment de son niveau de vie.

Il considère que M. [T] ne rapporte aucun élément justifiant la crainte de non-restitution des sommes.

Il fait notamment état de ses fiches de paie d'un montant de 4 420,86 € net par mois, de l'acte d'achat d'un bâtiment en Belgique et soutient que l'exécution de la décision ne posera pas de difficulté en vertu des procédures d'exécution et de recouvrement à l'étranger.

Il affirme que M. [T] est à même de régler les montants dus et qu'il est pour sa part apte à pouvoir restituer ces sommes en cas de réformation.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu que les parties ne discutent pas que la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Lyon soit exécutoire de plein droit pour une partie des condamnations et pour les sommes qui l'excèdent a fait l'objet d'une exécution provisoire prononcée ;

Sur l'exécution provisoire de plein droit

Attendu que l'article R.1454-28 du Code de travail dispose : « A moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement, les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions.

Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :

1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;

2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ;

3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement. »

Que l'article R. 1454-14 du même code énumère les condamnations qui sont assorties de cette exécution provisoire de droit :

«a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;

b) Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;

c) Le versement de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l'article L. 1226-14 ;

e) Le versement de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 et de l'indemnité de fin de mission mentionnée à l'article L. 1251-32 ;»

Attendu que l'exécution provisoire de droit attachée au jugement rendu le 3 février 2023 par le conseil de prud'hommes de Lyon, dans la limite maximum de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ne peut être arrêtée, conformément aux dispositions des articles R. 1454-28 du Code de travail et 514-3 du Code de procédure civile, que lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et si l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ;

Attendu qu'en l'espèce, cette exécution provisoire de droit correspond aux condamnations prononcées au titre des salaires et des indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement dans la limite d'un montant de 31 365 €, couvrant l'intégralité des sommes allouées au titre des rappels de salaires et indemnités de préavis, mais partiellement l'indemnité de licenciement ;

Attendu que l'article 514-3 du Code de procédure civile dispose dans son alinéa 2 que la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ;

Attendu que M. [D] relève que M. [T] tout en sollicitant l'exécution provisoire de la décision du conseil de prud'hommes n'a pas présenté à cette juridiction des observations tendant à ce que cette exécution provisoire soit écartée ;

Attendu qu'il n'est pas discuté par le demandeur et il ne ressort pas de la décision du 3 février 2023 que des observations aient été présentées par les parties sur l'exécution provisoire ;

Attendu que M. [T] invoque dans son assignation un risque de non restitution par M. [D] en cas d'infirmation en raison de l'instabilité de sa situation professionnelle ; Que M. [T] invoque au titre de l'élément postérieur à la décision prud'homale, la seule demande par M. [D] de l'envoi du jugement à son adresse en Belgique ;

Attendu que, quand bien même M. [D] résiderait effectivement en Belgique, M. [T] ne rapporte pas la preuve du caractère postérieur à la décision de première instance de cette information, à supposer d'ailleurs qu'elle soit susceptible de caractériser une conséquence manifestement excessive ;

Attendu que M. [T] ne rapporte pas non plus la preuve d'une quelconque dégradation de sa situation financière, pas plus que de celle de M. [D] ; que l'existence de conséquences manifestement excessives survenues postérieurement au jugement ne peut être caractérisée ;

Attendu qu'il convient dès lors de déclarer M. [T] irrecevable à solliciter l'arrêt de l'exécution provisoire attachée de plein droit au jugement du conseil de prud'hommes de Lyon du 3 février 2023 dans la limite de montant ci-dessus rappelée ;

Sur l'exécution provisoire ordonnée

Attendu que l'exécution provisoire ordonnée par le jugement susvisée ne peut être arrêtée, conformément aux dispositions de l'article 517-1 du Code de procédure civile, qui si elle est interdite par la loi ou lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; que ces deux dernières conditions sont cumulatives ;

Attendu que M. [T] ne soutient pas que cette exécution provisoire était interdite par la loi ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement de l'intimé si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible ;

Attendu qu'il appartient à M. [T] de rapporter la preuve de ces risques occasionnés par l'exécution provisoire et en particulier des difficultés insurmontables qu'il est susceptible de connaître en cas de difficulté à obtenir un remboursement des condamnations qui ont été assorties de l'exécution provisoire, dans le cas d'une infirmation par la cour ;

Attendu que M. [T] soutient que l'exécution provisoire entraînerait des conséquences manifestement excessives et se limite à produire pour en justifier le seul profil Linkedin de M. [D] ;

Attendu que M. [T] affirme qu'en cas de réformation, il existerait un risque de non-restitution et des difficultés de recouvrement des sommes en raison de la situation professionnelle et du lieu de résidence de M. [D] ; Que ces affirmations hypothétiques ne sont corroborées par aucun élément ;

Attendu et comme le souligne avec pertinence M. [D], M. [T] ne produit aucune pièce susceptible de prouver de possibles difficultés financières en cas de difficulté de remboursement de la part de M. [D] ;

Attendu qu'en l'état de cette carence probatoire, et sans avoir besoin d'apprécier le sérieux des moyens de réformation que M. [T] articule, il convient de rejeter sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire prononcée par le conseil de prud'hommes de Lyon dans sa décision du 3 février 2023 ;

Sur la demande subsidiaire de consignation

Attendu qu'aux termes du premier alinéa de l'article 521 du Code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation ;

Que le pouvoir prévu par ce texte est laissé à la discrétion du premier président, le demandeur n'ayant comme charge que d'invoquer un motif légitime pour être autorisé à procéder à cette consignation qui n'a pas pour effet d'arrêter l'exécution provisoire mais d'empêcher sa poursuite ;

Attendu qu'en application des dispositions combinées des articles R. 1454-14, R. 1454-15 et R. 1454-28 du Code du travail et à raison du caractère alimentaire d'une partie des condamnations de plein droit exécutoires par provision, la demande de consignation ne peut prospérer les concernant ; que M. [T] n'invoque pas d'éléments pouvant justifier que M. [D] soit privé du versement immédiat des sommes ayant la nature de salaires et indemnités assorties de cette exécution provisoire ;

Attendu que s'agissant du surplus des condamnations notamment celles pour lesquelles l'exécution provisoire a été ordonnée, il a été relevé plus haut la carence de M. [T] à faire état de ses capacités financières et même à préciser en quoi des difficultés à obtenir le cas échéant leur restitution ; Que M. [D] s'oppose à la demande de consignation et soutient qu'il serait en capacité de restituer les sommes dues en cas de réformation versant aux débats notamment ses fiches de paie et son avis d'imposition ;

Attendu que M. [T] demande la consignation des sommes à titre subsidiaire, sans même prendre la peine de caractériser le motif légitime nécessaire pour obtenir une telle autorisation ;

Attendu qu'en l'état de cette carence, la demande de consignation présentée par M. [T] doit être rejetée ;

Attendu que M. [T] succombe et doit supporter les dépens de ce référé comme indemniser le défendeur des frais irrépétibles engagés ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 22 février 2023,

Déclarons M. [Y] [T] irrecevable en sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit du jugement rendu le 3 février 2023 par le conseil de prud'hommes de Lyon,

Rejetons les demandes d'arrêt de l'exécution provisoire ordonnée dans cette décision et de consignation présentées par M. [Y] [T],

Condamnons M. [Y] [T] aux dépens de ce référé et à verser à M. [H] [D] une indemnité de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/00056
Date de la décision : 19/04/2023
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-19;23.00056 ?
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