AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 20/01412 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M4D3
[N]
Syndicat DE L'ENSEIGNEMENT PRIVE DU RHONE- CFDT
FEDERATION DES SYNDICATS DESPERSONNELS DE LA FORMATION
C/
Association SOCIETE D'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DU RHONE (SEP R)
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 28 Janvier 2020
RG : F 17/01241
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE B
ARRÊT DU 07 AVRIL 2023
APPELANTES :
[I] [N] épouse [D]
née le 04 Juillet 1956 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant inscrit au barreau de LYON et représentée par Me Marie-pierre PORTAY de la SELARL LOIA AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,
Syndicat DE L'ENSEIGNEMENT PRIVE DU RHONE- CFDT (SEPR-CFDT) intervenant en lieu et place du syndicat RHONE-ALPES DES PERSONNELS DE LA FORMATION - CFDT (SYRAFOR-CFDT), pris en la personne de son secrétaire général en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant inscrit au barreau de LYON et représentée par Me Marie-pierre PORTAY de la SELARL LOIA AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,
FEDERATION DES SYNDICATS DESPERSONNELS DE LA FORMATION ET DE L'ENSEIGNEMENT PRIVE CFDT (FEP-CFDT),
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat postulant inscrit au barreau de LYON et représentée par Me Marie-pierre PORTAY de la SELARL LOIA AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,
INTIMÉE :
Association SOCIETE D'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DU RHONE (SEP R) Association privée reconnue d'utilité publique, prise en la personne de son représentant légal en exercice.
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Laurence JUNOD-FANGET, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 Février 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Béatrice REGNIER, Présidente
Françoise CARRIER, Conseiller
Catherine CHANEZ, Conseiller
Assistés pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 07 Avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Béatrice REGNIER, Présidente, et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
EXPOSE DU LITIGE
La société d'enseignement professionnel du Rhône (SEPR) exerce une activité d'enseignement technique et professionnel à travers 5 structures et compte environ 200 salariés, dont la moitié consacre son activité à l'enseignement, les autres salariés étant occupés à des fonctions administratives ou d'encadrement.
Pour ce qui concerne les congés, selon un accord d'entreprise du 20 décembre 1990 remplacé par un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail du 23 mai 2000:
' Les professeurs formateurs bénéficient annuellement de 52 jours ouvrés de congés qui sont pris impérativement pendant les périodes de vacances pédagogiques.
Les surveillants bénéficient de 43 jours ouvrés de congés qui sont pris impérativement pendant les périodes de vacances pédagogiques.
Les autres personnels bénéficient de 38 jours ouvrés de congés ; les congés d'été sont limités à un maximum de 4 semaines.'
Cet accord a été dénoncé par l'employeur, comme tous les accords d'entreprise, le 16 décembre 2014.
Cette dénonciation a fait courir un délai de préavis de 3 mois et un délai minimum de survie
de 12 mois. La dénonciation a donc pris effet le 23 mars 2015 et la période de survie
provisoire a pris fin le 23 mars 2016.
Le 9 mars 2016, les organisations syndicales et la SEPR ont toutefois convenues de prolonger le délai de survie jusqu'au 31 juillet 2016.
Le 1er juillet 2016, la SEPR a informé les salariés que le nombre de jours ouvrés de
congés payés était porté à 36.
Le 5 mai 2017, Mme [I] [N] épouse [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon de demandes tendant à se voir reconnaître le bénéfice d'un avantage individuel acquis de 52 jours de congés payés par an à compter de l'année 2018 et allouer un rappel d'indemnité de congés payés pour 2016 et 2017 ainsi que des dommages et intérêts.
Le Syndicat Rhône-Alpes des Personnels de la Formation - CFDT (SYRAFOR - CFDT) ainsi que la Fédération des Syndicats des Personnels de la Formation et de l'Enseignement Privé - CFDT (FEP-CFDT) se sont joints à l'instance.
Par jugement du 28 janvier 2020, le conseil des prud'hommes a débouté Mme [D], le SYRAFOR - CFDT et la FEP-CFDT de l'intégralité de leurs demandes.
Par déclaration du 21 février 2020, Mme [D], le SEPR - CFDT venant aux droits du SYRAFOR - CFDT et la FEP-CFDT ont interjeté appel du jugement.
Par conclusions transmises par voie électronique le 15 mai 2020, Mme [D], le SEPR - CFDT et la FEP-CFDT demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :
déclarer recevables les actions du SEPR - CFDT et de la FEP-CFDT ;
condamner la SEPR à payer à Mme [D] les sommes de :
à titre d'indemnité de congés payés :
Pour la période d'août à décembre 2016 : 688,61 euros brut
Pour 2017 : 1 651,84 euros brut
Pour 2018 : 853,07 euros brut
Soit une somme totale de 3 193,52 euros,
à titre de dommages et intérêts : 1 000 euros,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile , pour les frais exposés en première instance : 1 000 euros,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile , pour les frais exposés en cause d'appel : 1 000 euros ;
dire qu'à compter du mois de janvier 2020, et pour les années suivantes, Mme [D] devra bénéficier de 52 jours de congés payés par an ;
condamner la SEPR à payer au SEPR - CFDT :
à titre de dommages et intérêts : 2 000 euros,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en première instance : 1 000 euros,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel : 1 000 euros ;
condamner la SEPR à payer à la FEP-CFDT :
à titre de dommages et intérêts : 1 000 euros,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en première instance : 1 000 euros,
au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel : 1 000 euros.
Ils soutiennent que :
les jours supplémentaires de congés payés constituent un avantage individuel acquis qui doit donc s'incorporer au contrat de travail ensuite de la dénonciation de l'accord du 23 mai 2000 ; que la conservation d'un avantage individuel acquis n'est pas de nature à méconnaître le principe d'égalité de traitement puisqu'il résulte de la loi ; que la salariée a subi un préjudice du fait de la perte de congés ;
la SEPR a porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession en violant les dispositions conventionnelles contractualisées sous forme d'avantage individuel acquis ; que le SEPR - CFDT et la FEP-CFDT sont donc revevables à agir pour défendre l'intérêt collectif de leurs adhérents et de la profession qu'ils représentent ; que le SYRAFOR - CFDT était signataire de l'accord dénoncé tandis que la FEP-CFDT est active dans la négociation des accords.
Par conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2020, la SEPR demande à la cour de confirmer le jugement entrepris.
Elle fait valoir que :
les 52 jours de congés payés par an, accordés aux seuls enseignants-formateurs, constituent un avantage collectif, lequel n'est plus en vigueur du fait de la dénonciation de l'accord collectif ; que Mme [D] ne justifie d'aucun préjudice en lien avec la perte de ces congés ;
le litige portant sur la reconnaissance d'un droit inviduel acquis, et faute de justifier de la défense d'un intérêt collectif et de la défense d'une profession - seule une catégorie socio-professionnelle étant concernée, les syndicats ne sont pas recevables à agir ; qu'en tout état de cause ils ne démontrent pas de préjudice.
SUR CE :
Attendu que la cour observe en premier lieu qu'il ne fait pas débat que les jours de congés litigieux ne résultent pas du contrat de travail mais de l'accord d'entreprise du 20 décembre 1990 ;
Attendu qu'en application de l'article L. 2261-13 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est un avantage individuel acquis un avantage qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel ;
Que constitue un avantage collectif et non un avantage individuel acquis celui dont le maintien est incompatible avec le respect par l'ensemble des salariés concernés de l'organisation collective du travail qui leur est désormais applicable ;
Attendu qu'en l'espèce il n'est pas contesté que l'accord d'entreprise du 20 décembre 1990 a été dénoncé dans le cadre d'une réorganisation collective du travail visant à l'optimisation et l'amélioration des organisations internes du travail ; qu'il ressort des explications de la SEPR et des pièces du dossier que le maintien de 52 jours de congés dont bénéficiaient tous les professeurs formateurs est incompatible avec la nouvelle organisation collective du travail; qu'en effet, afin de répondre aux attentes de l'ensemble des apprenants et notamment de ceux des filières professionnelles, la SEPR a décidé de rester ouverte toute l'année sauf une semaine à Noël ; alors qu'auparavant les professeurs-formateurs avaient tous leurs congés aux mêmes dates - durant les période scolaires correspondant aux périodes de fermeture de la société, c'est désormais chaque responsable de Pôle qui organise les congés en fonction des nécessités du service et il est impossible, en l'absence de période d'inactivité, d'accorder à tous les professeurs-formateurs 52 jours de congés par an avec cette nouvelle configuration ;
Attendu que, la dénonciation de l'accord ayant emporté la suppression, non d'un avantage individuel acquis, mais d'un avantage collectif, Mme [D] ne peut valablement revendiquer le bénéfice de 52 jours de congés payés par an et est déboutée de l'ensemble de ses prétentions, y compris celle indemnitaire dès lors que la SEPR n'a commis aucune faute et qu'en tout état de cause, ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes, la salariée ne justifie pas du préjudice qu'elle allègue ;
Attendu que pour leur part le SEPR - CFDT et de la FEP-CFDT, à supposer même que leurs actions soient recevables, ne peuvent arguer d'aucun préjudice dans la mesure où la SEPR n'a commis aucun manquement ; que leurs demandes indemnitaires sont donc par confirmation rejetées ;
Attendu que, les appelants succombant dans leurs prétentions, leurs demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile doivent être rejetées ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré,
Condamne Mme [I] [N] épouse [D] aux dépens d'appel,
Le Greffier La Présidente