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06/04/2023 | FRANCE | N°21/04962

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 06 avril 2023, 21/04962


N° RG 21/04962 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVT3









Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 05 mai 2021



RG : 2020 00651







[S]



C/



LA PROCUREURE GENERALE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 06 Avril 2023







APPELANT :



M. [O] [S]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 9] CABECEIR

AS DE BASTO (PORTUGAL)

[Adresse 6]

[Localité 3]



Représenté par Me Michel NICOLAS, avocat au barreau de LYON, toque : 472





INTIMEE :



Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 5]

[Localité 8]



En la personne d'Olivier NAGABBO, avocat général





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N° RG 21/04962 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVT3

Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 05 mai 2021

RG : 2020 00651

[S]

C/

LA PROCUREURE GENERALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 06 Avril 2023

APPELANT :

M. [O] [S]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 9] CABECEIRAS DE BASTO (PORTUGAL)

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représenté par Me Michel NICOLAS, avocat au barreau de LYON, toque : 472

INTIMEE :

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 5]

[Localité 8]

En la personne d'Olivier NAGABBO, avocat général

PARTIE INTERVENANTE FORCEE :

SELARL MJ SYNERGIE représentée par Maître François-Charles DESPRAT agissant en qualité de Mandataire Liquidateur de la SASU AMO-BAT

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 09 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Février 2023

Date de mise à disposition : 06 Avril 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SASU Amo-Bat avait une activité de pose de plaques de plâtre et menuiserie intérieure, peinture, négoce en France et à l'étranger. Elle était présidée par M. [O] [S].

Par jugement du 16 janvier 2019, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Amo-Bat, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 30 novembre 2018 et désigné la Selarl MJ Synergie, représentée par Me Desprat, en qualité de liquidateur judiciaire.

Par requête du 29 septembre 2020 déposée au greffe le 14 octobre 2020, le procureur de la République du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a saisi le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse aux fins de voir prononcer une faillite personnelle d'une durée de 15 ans à l'encontre de M. [S]. Il est reproché à M. [S] d'avoir :

- eu une activité déficitaire au sein de la société Amo-Bat et d'avoir abusivement poursuivi, dans un intérêt personnel, ne pouvant que conduire à la cessation de paiement et sa liquidation judiciaire au vu de l'importance des pertes, l'activité de la société,

- le mois précédent la date de cessation des paiements, portée sa rémunération mensuelle de 3.000 euros à 3.800 euros,

- déjà démontré son incapacité à gérer une entreprise de par la liquidation judiciaire de deux autres sociétés, dont il était le gérant en 2013 et 2015, les SARL [Y] et Associés et Samao

Par jugement du 5 mai 2021, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :

- prononcé une faillite personnelle à l'encontre de M. [S], né le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 9] Cabeceiras de Basto (Portugal), gérant de la société Amo-Bat, n° siren : 792 622 813 RCS Bourg-en-Bresse, n° de PC : 41219021, pour une durée de 10 ans,

- rappelé qu'en application des dispositions de l'article L.653-2 du code de commerce, la faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation (« exploration » dans le jugement du TC) agricole ou tout entreprise ayant tout autre activité indépendante de toute personnelle morale,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement et dit que le présent jugement fera l'objet des mesures de publicité prévues par la loi,

- employé les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

M. [S] a interjeté appel par acte du 7 juin 2021.

Par acte d'huissier du 26 juillet 2021, M. [S] a fait appeler à la cause la Selarl MJ Synergie en qualité de mandataire liquidateur de la société Amo-Bat.

Par ordonnance du 20 novembre 2021, la présidente de la chambre commerciale de la cour d'appel de Lyon a dit l'intervention forcée de la Selarl MJ Synergie en qualité de mandataire liquidateur de la société Amo-Bat recevable.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 23 juillet 2021 et signifiées à Mme la procureure générale près la cour d'appel de Lyon le 15 juillet 2021 M. [S] demande à la cour sur le fondement des articles L. 653-1, L. 653-3, L. 653-5, L. 653-7 et L. 653-8 du code de commerce de :

- déclaré recevable et bien-fondé sa déclaration d'appel à l'encontre du jugement déféré tendant à l'infirmation totale du jugement,

- débouter Mme la procureure générale en sa demande du prononcé de la faillite personnelle à son encontre,

- subsidiairement, dans le cas où la cour prononcerait à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci à son encontre, fixer la durée de cette interdiction a minima, vu sa situation personnelle et familiale,

- employer les dépens d'instance et d'appel en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 4 août 2021, la Selarl MJ Synergie, représentée par Me Desprat, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Amo-Bat, demande à la cour de :

- déclarer irrecevable sa mise en cause par voie d'assignation forcée,

- tirer les conséquences de cette irrecevabilité au regard des dispositions de l'article R. 661-6 du code de commerce,

subsidiairement et en tout état de cause,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions les déclarant mal fondés,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner M. [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le ministère public, par avis du 23 juillet 2021 communiqué contradictoirement aux parties le 4 août 2021, a conclu à la confirmation du jugement déféré.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 février 2023, les débats étant fixés au 16 février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS

A titre liminiare, la cour observe que par ordonnance du 20 novembre 2021, la présidente de la chambre commerciale de la cour d'appel de Lyon a dit l'intervention forcée de la Selarl MJ Synergie en qualité de mandataire liquidateur de la société Amo-Bat recevable, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur cette demande d'irrecevabilité de sa mise en cause, formulée à nouveau par le liquidateur judiciaire dans ses conclusions au fond devant la cour.

Sur les fautes de gestion

Pour contester la sanction de faillite personnelle prononcée à son égard, M. [S] fait valoir que':

- l'existence de deux procédures collectives antérieures ne constitue pas un cas de faillite personnelle prévu par l'article L.653-5 du code de commerce, étant précisé que ces deux liquidations intervenues le 23 mars 2013 et le 6 octobre 2015 résultent de mauvais choix de partenaires, dont l'un avait une intention délictuelle et l'autre s'est montré incapable de gérer la société alors que lui-même rencontrait des problèmes de santé,

- la faute tenant à la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire ne pouvant aboutir qu'à la cessation des paiements n'est pas caractérisée alors que le résultat déficitaire de 2018 n'est pas de 1.044.624 euros mais de 304.282 euros comme en atteste l'extrait de bilan du 4 janvier 2019 parfaitement valable puisque établi par la société d'expertise comptable Comptalys et alors que la balance comptable dont se prévaut le liquidateur judiciaire constitue un brouillard, comme indiqué sur le document,

- ce résultat déficitaire trouve son origine dans les difficultés rencontrées par ses principaux clients, à savoir la société [H] Construction débitrice d'une somme de 92.275,60 euros et placée en redressement judiciaire le 27 novembre 2018 puis en liquidation judiciaire le 25 avril 2019 et la société [I] [C] débitrice d'une facture de 94.472,34 euros du 22 novembre 2018 et d'une facture de 46.373,66 euros du 14 septembre 2018, pour lesquelles il avait accordé des décalages de paiement qui n'ont malheureusement pas été tenus,

- il n'a commis aucune faute tenant à une mauvaise gestion de stock et un mauvais prévisionnel d'activité, alors que les matières acquises l'ont été au regard des marchés passés avec la société [H] et la société [I] [C], lesquelles ont été utilisées mais non réglées par les clientes,

- l'embauche de 5 salariés en 2017 et de 12 salariés en 2018 n'est pas disproportionnée par rapport au chiffre d'affaire de la société et aux nécessités de répondre à l'exécution des marchés, les charges salariales étant de 281.779 euros en 2018 pour un chiffre d'affaire 2017 HT de 3.259.118,41 euros et un résultat net comptable de 25.218,89 euros,

- il justifie de l'embauche des salariés en produisant la liste du personnel,

- l'augmentation de son salaire de 800 euros net par mois à compter d'octobre 2018 soit un mois avant la date de cessation des paiements fixée par le tribunal n'est pas fautive alors qu'il ignorait que le tribunal retiendrait cette date de cessation des paiements, que cette augmentation s'explique par une surcharge de travail et n'était pas démesurée au regard des bons bilans 2016 et 2017, et qu'au moment de cette augmentation il ignorait les impayés des sociétés [H] et [I] [C], espérant s'agissant de cette dernière qu'elle honorerait sa promesse d'un paiement à bref délai,

- il a renoncé à une partie du paiement de son salaire en 2017 et 2018 et de ses frais comme cela résulte du détail du bilan 2018.

Le ministère public fait quant à lui valoir que':

- le passif de la société AMO-BAT s'élève à la somme de 3.254.497,37 euros

- si M. [S] ignorait que la date de cessation des paiements serait fixée au 30 novembre 2018, il connaissait en revanche la situation irrémédiablement compromise de la société à cette date puisqu'il connaissait la situation de gros clients auxquels il avait accordé des facilités de paiement,

- de nombreuses factures datant du mois d'août 2018 figuraient parmi les factures impayées,

- nonobstant la connaissance de ces graves difficultés dès le dernier quadrimestre 2018, M. [S] a maintenu le recrutement de 9 salariés entre septembre et décembre 2018 dont plusieurs en CDI, et augmenté sa rémunération de 25 % à compter du mois d'octobre 2018,

- la preuve n'est pas rapportée de ce que ce salaire n'a pas été entièrement versé et qu'en tout état de cause, si tel est le cas, cela démontre que M. [S] connaissait la situation compromise de la société,

- le caractère confus du poste des frais ne permet pas de démontrer qu'il ne se les faisait pas payer ou qu'il n'en touchait qu'une partie et qu'en tout état de cause, si tel est le cas, cela démontre que M. [S] connaissait la situation compromise de la société,

- M. [S] a déjà obtenu la liquidation de deux sociétés en 2013 et 2015, de sorte qu'il était averti des causes entraînant les difficultés des entreprises ce qui constitue un élément de contexte notable dans l'appréciation de cette nouvelle liquidation,

- l'ensemble de ces éléments permet de conclure à la mauvaise foi de l'appelant et à sa volonté d'enrichissement personnel dans un contexte d'exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements.

Enfin, le mandataire liquidateur soutient que':

- l'augmentation de salaire de M. [S], de 26% intervenue un mois avant la date de cessation des paiements et qui a perduré jusqu'à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire en janvier 2019 était mal venue au regard des difficultés rencontrées par la société au cours de l'année 2018, ce qui a fragilisé davantage sa situation financière et l'a mise en péril, et constitue une faute de gestion tenant à la poursuite délibérée d'une activité déficitaire dans un intérêt purement personnel alors que cette activité déficitaire ne pouvait que conduire à un état de cessation des paiements,

- le tribunal a justement retenu un résultat net fortement déficitaire pour l'année 2018, une augmentation significative des charges en 2018 notamment pour l'embauche de 20 personnes qui serait justifiée par une augmentation d'activité, une poursuite des paiements des loyers de l'entreprise auprès de la SCI [Y] et Associés et l'existence de créances non recouvrées auprès de la société [I] [C] pour 94.000 euros et 46.000 euros,

- il n'est pas démontré que l'extrait de bilan édité le 4 janvier 2019 a été établi par un expert comptable contrairement à celui de l'exercice 2017

- aucun élément n'est produit pour justifier l'embauche de 20 salariés, l'augmentation du coût des matières premières et la liasse fiscale 2018 n'est pas produite,

- il peut être relevé même sans en tirer de conséquence que M. [S] a démontré des lacunes évidentes en matière de gestion puisque les trois sociétés dont il était le dirigeant ont été placées en liquidation judiciaire en l'espace de quelques années,

Dès lors qu'un seul des faits prévus aux articles L. 653-4 à L.653-6 du code de commerce est établi, la faillite personnelle peut être prononcée'; lorsque plusieurs faits sont retenus, chacun d'eux doit être légalement justifié.

Selon l'article L. 653-4 4° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale contre laquelle a été relevé le fait d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

La poursuite d'une activité déficitaire par le dirigeant d'une personne morale ne peut entraîner une interdiction de gérer que sous la condition de caractériser la poursuite d'un intérêt personnel de la part de celui-ci.

La faute reprochée à M. [S] en première instance et retenue comme constituée par les premiers juges est le fait d'avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale.

En cause d'appel, le liquidateur judiciaire et le ministère public soutiennent la faillite personnelle de M. [S] sur ce même grief.

S'agissant du résultat déficitaire de l'année 2018, la cour observe, que si, comme l'affirme M. [S], la balance générale pour l'exercice 2018 annexée au rapport du 6 août 2020 de Me Deprat, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Amo Bat, faisant état d'un résultat négatif de 1.044.623,97 euros est effectivement un «'brouillard'», c'est à dire un document en attente de validation, il est relevé qu'il reconnaît tout de même d'un déficit de 304.282 euros au titre de l'année 2018.

Il n'est pas contestable que la société Amo Bat, sous traitant dans le domaine du bâtiment, a effectivement connu des difficultés à partir de 2018 et qu'elle a due faire face à d'importants impayés notamment de la société [H] construction pour la somme de 80.576,87 euros et de la société [I] [C] débitrice d'une facture de 94.472,34 euros du 22 novembre 2018 et de 46.373,66 euros du 14 septembre 2018 au titre de prestations de sous-traitance.

Il ressort également des éléments du dossier, que M. [S] a procédé au recrutement de douze salariés en 2018 donc cinq à compter du mois de novembre 2018, qu'il a procédé à l'acquisition de deux véhicules type Transit de 50.000 euros chacun pour assurer le transport des ouvriers sur les chantiers et qu'il ne conteste pas avoir augmenté les achats de matières premières et de fournitures en 2018, arguant, sans toutefois le démontrer du caractère proportionné de cette dépense à l'étendue des marchés passés avec les sociétés donneuses d'ordre [H] et [I] [C] et se prévalant d'une hausse des prix des matières premières dont le simple bulletin d'informations rapides de l'Insee du 19 juin 2018 ne permet pas de démontrer la réalité.

Il est enfin établi et non contesté qu'à compter du mois d'octobre 2018 soit un mois avant la date de cessation des paiements fixée provisoirement par le tribunal au 30 novembre 2018, M. [S] a augmenté son salaire de 800 euros net par mois, soit une augmentation de 25%.

Or, la cour observe que M. [S] allègue sans offre de preuve que cette augmentation trouve son origine dans une surcharge de travail. Il ne démontre pas davantage avoir renoncé à percevoir une partie de son salaire et de ses frais, alors que les extraits du compte «'personnel'», du compte «'note frais M. [Y]'» et l'extrait au demeurant raturé de détail bilan actif au 31 décembre 2018 et 31 décembre 2017, qui ne font l'objet d'aucune validation par un expert comptable, sont dépourvus de valeur probante, comme le soutient justement le ministère public.

Enfin, M. [S] ne saurait utilement soutenir qu'à la date de cette augmentation de salaire il était dans l'ignorance des impayés des sociétés [H] Construction et [I] [C], alors qu'il a mis en demeure la première le 24 octobre 2018 de lui régler la somme de 80.576,87 euros et qu'il déclare dans ses écritures avoir accepté en octobre 2018 des délais de paiement sollicités par la seconde, espérant un paiement à bref délais en l'absence de contestation de cette dette.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que l'augmentation de 25% de sa rémunération un mois avant la cessation des paiements de la société Amo Bat, alors qu'il était parfaitement informé du défaut de paiement de deux de ses principaux clients pour un montant de plus de 200.000 euros et qu'il poursuivait dans le même temps une politique d'augmentation des charges par un renforcement significatif des effectifs de salariés et des achats, dans un contexte de ralentissement de l'obtention de marchés de sous-traitance, après le placement en redressement judiciaire le 7 novembre 2018 de la société [H] Construction, caractérise de la part de M. [S] la poursuite abusive, dans un intérêt personnel, afin de continuer à percevoir un salaire mensuel de 3.800 euros, d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale, et alors que l'obtention par l'appelant en 2013 et 2015 de la liquidation et la clôture pour insuffisance d'actif de deux sociétés, si elle n'est pas constitutive d'un cas de faillite personnelle, atteste de ce que ce dernier était parfaitement informé, de ce que les mesures prises en pouvaient que conduire à placer sa société en défaut.

Sur la sanction

M. [S] fait valoir qu'une sanction d'interdiction de gérer peut être prononcée à la place de la faillite personnelle et le cas échéant, la durée sera fixée à minima eu égard aux circonstances particulières de l'espèce et de sa situation personnelle et familiale alors qu'il se trouve en invalidité, que son épouse, en attente d'une opération de la colonne vertébrale ne peut plus travailler et qu'ils ont trois enfants à charge de 13, 16 et 19 ans.

Les intimées sollicitent pour leur part la confirmation de la sanction de faillite personnelle d'une durée de 10 ans prononcée par le tribunal de commerce.

Compte tenu des éléments précités, M. [S] relève du prononcé d'une sanction de faillite personnelle et il ne justifie d'aucun élément de nature à y substituer le prononcé d'une interdiction de gérer, étant relevé qu'en application de l'article L. 653-2 du code de commerce, la faillite personnelle emporte interdiction de gérer, gérer, administrer, contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale de sorte que cette demande subsidiaire fondée sur l'article L. 653-8 du code de commerce doit être rejetée.

Eu égard au grief précédemment examiné et retenu contre M. [S] en sa qualité de dirigeant de la société AMO-BAT, il y a lieu de prendre en compte le fait que si l'intéressé a dirigé deux autres sociétés précédemment placées en liquidation judiciaire, il n'est en revanche ni allégué ni a fortiori démontré qu'il a fait l'objet d'une sanction professionnelle de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer'; la sanction de faillite personnelle devant être proportionnée au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de M. [S], il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en fixant à trois ans la durée de cette sanction.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens'

Les dépens de première instance et d'appel ne constituent pas des frais privilégiés de la procédure collective mais sont à la charge de M. [S], avec droit de recouvrement. Il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il a fixé à dix ans la durée de la mesure de faillite personnelle prononcée à l'encontre de M. [S] et en ce qu'il a dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de partage,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et ajoutant,

Prononce à l'encontre de M. [S] né le [Date naissance 4] 1978 à [Localité 9] Cabeceiras de Basto (Portugal), une faillite personnelle d'une durée de trois ans,

Condamne M. [S] aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/04962
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;21.04962 ?
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