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06/04/2023 | FRANCE | N°21/04887

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 06 avril 2023, 21/04887


N° RG 21/04887 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVN5















Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 20 mai 2021



RG : 2020f2890











[E]



C/



SELARL MJ SYNERGIE

LA PROCUREURE GENERALE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 06 Avril 2023







APPELANT :



M. [G] [E]

© le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 1]



Représenté par Me Florian DESBOS de la SCP DESBOS BAROU & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1726 substitué et plaidant par Me Laurie LHERBIER, avocat au barreau de LYON





INTIMEES :



SELARL MJ SYNERG...

N° RG 21/04887 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVN5

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 20 mai 2021

RG : 2020f2890

[E]

C/

SELARL MJ SYNERGIE

LA PROCUREURE GENERALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 06 Avril 2023

APPELANT :

M. [G] [E]

né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Florian DESBOS de la SCP DESBOS BAROU & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1726 substitué et plaidant par Me Laurie LHERBIER, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

SELARL MJ SYNERGIE Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [Y] [Z] ou Maître [W] [X] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société NOVATEC nommée à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de LYON du 28 mars 2019

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Mme LA PROCUREURE GENERALE

[Adresse 2]

[Localité 6]

En la personne d'Olivier NAGABBO, avocat général

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 09 Février 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Février 2023

Date de mise à disposition : 27 Avril 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [G] [E] était président de la SASU Novatec immatriculée au RCS à compter du 12 décembre 2016. Il a démissionné de ses fonctions par courrier recommandé du 16 août 2018. Par décision d'assemblée générale du 1er novembre 2018, un nouveau président a été désigné. Cette décision a été publiée le 28 mars 2019.

Par requête du 23 janvier 2019, le procureur de la République a saisi le tribunal de commerce de Lyon d'une demande d'ouverture d'une procédure collective au bénéfice de la société Novatec.

Par jugement du 28 mars 2019, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Novatec, a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 1er avril 2018 et a nommé la Selarl MJ Synergie en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte d'huissier du 4 novembre 2020, le Selarl MJ Synergie a demandé de voir prononcer une mesure de faillite personnelle, ou, à défaut, une interdiction de gérer à l'encontre de M. [E] au visa des motifs suivants :

' d'avoir, en s'abstenant volontaire de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement,

' d'avoir fait disparaître des documents comptables, de ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l'obligation ou d'avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulièrement au regard des dispositions applicables,

' d'avoir omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Par jugement contradictoire du 20 mai 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

- prononcé à l'encontre de M. [E], né le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 7], l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanales, toute exploitation agricole et toute personne morale, pendant une durée de dix ans,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rappelé qu'en application des articles L. 128-1 et suivants et R. 128-1 et suivants du code de commerce, les condamnations prononcées sur le fondement du livre VI du code de commerce doivent faire l'objet d'une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

- dit que les dépens sont tirés en frais privilégiés de la procédure.

M. [E] a interjeté appel par acte du 3 juin 2021.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 octobre 2021 fondées sur les articles L.653-5, L. 653-4-3 et L. 653-8 alinéa 3 du code de commerce, M. [E] a demandé à la cour de :

- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- rejeter toutes demandes de sanction à son encontre,

- rejeter toutes demandes formées par la Selarl MJ Synergie, mandataire judiciaire, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Novatec.

S'agissant du défaut de collaboration, M. [E] a émis les critiques suivantes sur le grief retenu :

- le fait qu'il n'était plus président de la société Novatec à compter de l'assemblée générale du 1er novembre 2018 ensuite de sa démission du 16 août 2018, le liquidateur ayant eu connaissance de ce changement

- le caractère tardif de la publication du changement qui ne lui est pas imputable alors que la demande de publication a été transmise immédiatement après l'assemblée générale

- l'impossibilité d'exercer des poursuites à son encontre puisqu'il n'était pas président de la société lors de l'ouverture de la procédure collective, la démission faisant obstacle au prononcé de toute sanction à son encontre même si elle n'a pas été publiée

- le fait que liquidateur judiciaire n'est pas un tiers et ne peut se prévaloir du défaut de publication

- l'information du liquidateur de l'identité du nouveau président de la société eu égard à la mise à jour des statuts le 2 avril 2019, étant rappelé qu'il l'a convoqué, sans effet

- la volonté du liquidateur de se rabattre sur la personne de M. [E] en l'absence du dirigeant de droit, sans aucune raison, aucun grief tiré de la mauvaise collaboration ne pouvant lui être opposé

- la participation volontaire de l'appelant aux opérations de vérification du passif et l'impossibilité de lui faire grief d'avoir retardé les opérations de liquidation alors que la chronologie démontre que ce retard est imputable au liquidateur qui n'a jamais répondu au courriel adressé le 12 mars 2020 interrogeant l'étude sur les opérations.

Concernant le caractère incomplet de la comptabilité, l'appelant a fait valoir les éléments suivants :

- la production du bilan 2017 de la société Novatec par ses soins

- le fait que la société n'avait pas à produire une comptabilité détaillée au titre de l'exercice 2018 et jusqu'au 29 mars 2018, étant soumise au régime simplifié de l'impôt sur les sociétés

- la démission de M. [E] le 16 août 2018, ce qui signifie qu'il n'avait plus à gérer la question de la comptabilité à compter de cette date.

Concernant le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours prévu à l'article L631-3 du Code de commerce, M. [E] a présenté les éléments suivants :

- la fixation de la date de cessation des paiements au 1er avril 2018 alors qu'il a démissionné à la date du 16 août 2018, soit un délai de 3 mois qui ne saurait lui être reproché pour qualifier une mauvaise gestion

- le caractère indifférent de la signature d'acte pendant la liquidation judiciaire en tant que dirigeant alors qu'il a démissionné en août 2018, le liquidateur ne pouvant lui reprocher de ne pas avoir collaboré

- le fait qu'il a souhaité agir de bonne foi dans les intérêts de la société, n'intervenant que pour répondre au mandataire.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 juillet 2021 fondées sur les articles L.653-1 et suivants du code de commerce, la Selarl MJ Synergie a demandé à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner M. [E] aux entiers dépens de l'instance.

S'agissant de la mauvaise collaboration de M. [E], l'intimée a mis en avant les éléments suivants :

- le fait qu'au 28 mars 2019, l'appelant apparaissait sur le K-Bis comme étant le président de la société liquidée, ne fournissant pas à la procédure sa lettre de démission datant du 16 août 2018 et affirmant être le dirigeant de la société, y compris après la mise à jour du K Bis le 2 avril 2019, dans le questionnaire du 5 avril 2019 et un document du 10 avril 2019 signé comme dirigeant

- la nécessité d'adresser à M. [N] nouveau président désigné après la mise à jour du K Bis une convocation propre, l'intéressé n'ayant jamais répondu au liquidateur

- la publication de la décision de l'assemblée générale du 1er novembre 2018 en date du 28 mars 2019, soit uniquement après la requête du Procureur de la République en date du 23 janvier 2019

- le caractère antinomique de l'attitude de M. [E] avec celle d'une personne ayant démissionné de son poste, l'appelant indiquant en outre souhaiter régler le passif de la société

- l'existence d'un autre conseil de M. [E] lors de la procédure de liquidation à savoir Me [M] avec lequel le liquidateur a échangé, et qui a proposé, une fois la vérification du passif terminée, un échéancier de paiement de 24 mois, se basant sur un passif tronqué de 42.000 euros en lieu et place de la somme exacte de 54.865,95 euros, étant indiqué en retour que l'apurement devait se faire sur la totalité du passif pour éviter une sanction

- l'existence de relances à l'égard de Me [M] suite à un courriel du 12 mars 2020, en date des 30 mars 2020, 6 avril 2020 et par téléphone, un courriel du 24 septembre 2020 à l'avocat et à M. [E] indiquant que cette attitude impactait le bon déroulement des opérations de liquidation, Me [M] indiquant en retour ne pas avoir de nouvelles de son client,

- le maintien de la situation en l'état jusqu'à la procédure de sanction avec l'intervention d'un nouveau conseil

- la démonstration de ce fait d'une mauvaise collaboration.

Concernant l'absence de caractère complet de la comptabilité, le liquidateur judiciaire a fait état des éléments suivants :

- le caractère insuffisant de la balance fournie, étant rappelé que si en terme d'imposition la société Novatec était sous le régime simplifié d'imposition et n'avait pas obligation d'enregistrer les créances et les dettes avant la clôture de l'exercice, cela était indifférent en terme d'obligations comptables comme prévu à l'article L123-12 du code de commerce

- la nature du document transmis, qui fait deux pages sans aucun détail pour l'année 2018 alors que l'activité a commencé le 5 décembre 2016 pour se terminer le 28 mars 2019, jour d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire

- le fait que M. [E] se présente comme président de la société, signe des documents en sa qualité après sa démission puis fait valoir qu'il n'était plus président à la clôture de l'exercice 2018 pour dénier sa responsabilité

- la transmission de la déclaration d'impôts sur les sociétés contenant un bilan et un compte de résultat simplifié relatif à l'année 2017 uniquement dans le cadre de la procédure de sanction soit deux ans après l'ouverture de la liquidation judiciaire

- l'absence de tout autre document comptable depuis cette date, le caractère lacunaire de la comptabilité étant évident.

Concernant l'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements, la société MJ Synergie a mis en avant les points suivants :

- la fixation de la date de cessation des paiements au 1er avril 2018 par le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire alors que M. [E] n'a pas déclaré la cessation des paiements, étant rappelé qu'il était président de la société à cette date

- le caractère volontaire de l'omission compte tenu du passif de la société et de la durée de non déclaration de la cessation des paiements soit 11 mois et 27 jours, la procédure n'ayant été mise en 'uvre que sur requête du Procureur de la République, sans compter que l'appelant, même s'il affirme avoir démissionné le 16 août 2018 a continué à se comporter comme le dirigeant légal de la société,

- le fait que les statuts prévoient un préavis de 30 jours en cas de démission du dirigeant, ce qui implique M. [E] était encore dirigeant jusqu'au 16 septembre 2018

- l'existence d'une dette sociale auprès de Pro BTP d'un montant de 34.306 euros correspondant à des cotisations impayées à compter du 31 décembre 2017, ce qui démontre une dégradation de la situation financière dès cette date, le dirigeant ne pouvant l'ignorer

- le fait que M. [E] a déjà connu plusieurs procédures collectives, la présente étant la quatrième dont il fait l'objet et l'existence d'un antécédent semblable dans lequel l'appelant avait déjà démissionné peu de temps avant l'ouverture d'une liquidation judiciaire, étant sanctionné à cette date d'une faillite personnelle d'une durée de 8 années

Le ministère public, par avis du 3 mars 2022 communiqué contradictoirement aux parties le 3 mars 2022, a sollicité la confirmation de la décision querellée et s'en est remis aux moyens et arguments énoncés par le mandataire judiciaire.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 février 2023, les débats étant fixés au 16 février 2023

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur les griefs retenus au titre de l'article L653-5 du code de commerce

L'article L653-5 du code de commerce dispose :

« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée. »

Eu égard aux conclusions de M. [E] et au jugement déféré, il convient d'analyser les griefs retenus au titre des points suivants :

- la mauvaise collaboration de M. [E]

- l'absence d'une comptabilité complète.

S'agissant du grief de mauvaise collaboration dans le cadre de la procédure, il convient de rappeler qu'il s'apprécie au regard de l'attitude présentée pendant la procédure.

En l'état, M. [E] fait valoir qu'il n'était plus le président de la société Novatec puisqu'il avait démissionné en date du 16 août 2018.

Or, il ressort du K Bis de la société, à la date de l'ouverture de la procédure collective que M. [E] était nommé comme représentant légal de la société et en outre, dans le cadre du contact pris, n'a pas dénié cette qualité, se présentant comme le dirigeant et signant également des documents au nom et pour le compte de la société Novatec, ne faisant jamais état de sa situation, et continuant à intervenir même après la mise à jour du K Bis.

Il sera également retenu que l'appelant a rempli le questionnaire initial dans lequel il se présentait comme dirigeant, le 5 avril 2019 et a signé un accord en date du 10 avril 2019 comme dirigeant.

L'attitude de M. [E] ne pouvait que nuire à la mise en 'uvre de la procédure collective puisqu'il a continué à se présenter comme le dirigeant de la société Novatec et à se présenter comme tel alors même que M. [N] avait été convoqué suite à la mise à jour des statuts.

De plus, M. [E] a fait valoir par l'intermédiaire de son conseil de l'époque, Me [M], son souhait d'apurer les dettes de la société Novatec une fois le passif définitif établi. Sur ce point, il convient de rappeler les échanges avec Me [M] en février 2020 et la proposition d'échéancier formulée par l'appelant et son conseil sur un passif erroné de 42.000 euros pour un passif réel de 54.865 euros.

Les éléments versés au débat démontrent que par la suite, le mandataire liquidateur a sollicité à plusieurs reprises Me [M], notamment les 30 mars 2020, 6 avril 2020 et 24 septembre 2020, le conseil indiquant ne plus avoir de nouvelles de son client par mail du 28 septembre 2020, ce qui démontre l'action du mandataire sur la période, et l'inertie de M. [E] qui a bloqué la procédure de liquidation judiciaire pendant plusieurs mois du fait de son attitude.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, de la confusion entretenue par M. [E] quant à son rôle exact dans la société, mais aussi de l'inertie affichée par ce dernier, le grief de la mauvaise collaboration ayant fait obstacle au bon déroulement de la procédure collective doit être retenu.

S'agissant du grief tiré de l'absence de caractère complet de la comptabilité, ce grief est constitué lorsque la comptabilité n'est pas tenue, ou incomplète et comportant des éléments insuffisants à caractériser l'activité exacte de la société.

En l'espèce, il doit être relevé que dans le cadre des échanges avec le mandataire judiciaire, seul un document de deux pages intitulé « balance globale » a été fournie pour l'année 2018, étant rappelé que la société Novatec avait débuté son activité en 2016, ce qui incluait au minimum un bilan complet du premier exercice de la société.

En outre, il sera rappelé que le régime fiscal de la société Novatec n'a aucune incidence quant aux modalités et obligations comptables de celle-ci, les dispositions de l'article L123-12 du code de commerce rappelant que toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de l'entreprise, et doit en outre établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire, les comptes comprenant le bilan, le compte de résultat et une annexe.

Dès lors, la simple fourniture d'une balance globale ne suffit pas à répondre à l'obligation rappelée par le texte susvisée et ne saurait valoir tenue d'une comptabilité complète de l'entreprise.

Il sera rappelé que les autres documents obtenus, et portant sur l'exercice clos au 31 décembre 2017 c'est-à-dire l'impôt sur les sociétés et un compte de résultat simplifié, n'ont été communiqué que lors de l'engagement de la procédure de sanction.

Il convient de relever que M. [E], même s'il indique avoir démissionné de son poste de dirigeant, démission qui n'a été publiée et enregistrée au Kbis qu'en 2019, demeurait en tant que dirigeant, responsable des obligations comptables de l'entreprise jusqu'au changement de dirigeant, dûment opposable aux tiers par le biais de la publication.

Au regard des éléments versés au débat, le grief d'absence de comptabilité complète sera retenu à l'encontre de M. [E].

- Sur le grief retenu au fondement de l'article L653-8 du du code de commerce

L'article L653-8 du code de commerce dispose que dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22.

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

En l'espèce, les premiers juges ont retenu comme grief à l'encontre de M. [E] le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.

Il convient de rappeler que dans le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le tribunal de commerce a fixé la date de cessation des paiements au 1er avril 2018, alors que M. [E] était président de la société Novatec, la procédure collective étant initiée sur requête du Procureur de la République du 23 janvier 2019.

Les éléments versés aux débats concernant le passif de la société Novatec montrent que les dettes les plus anciennes de la société sont nées fin 2017, ces dettes étant conséquentes et relevant d'éléments non dénuées de conséquences puisque portant sur le défaut de paiement des cotisations Pro Btp à compter du 31 décembre 2017, puis sur le défaut de paiement des cotisations sociales à compter du mois d'avril 2018, soit des créances ayant un impact indéniable sur les salariés ou membres de la société, mais démontrant également que l'entreprise, dans une telle situation, ne règle plus des créances qui sont prioritaires.

De fait, M. [E] ne pouvait ignorer l'existence de ces dettes, antérieures à sa volonté de démission, qui caractérisent la mauvaise gestion et la mauvaise santé d'une entreprise.

Au regard du montant des dettes en question, qui ont mené le ministère public à solliciter ensuite l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, M. [E] a fait montre non seulement d'un manque de diligence mais aussi de mauvaise foi quant à la gestion de l'entreprise.

Dès lors, il convient de retenir ce grief à l'encontre de M. [E].

En conséquence, la décision déférée sera confirmée s'agissant de la qualification des griefs à l'encontre de M. [E].

- Sur la sanction

L'article L653-8 alinéa 1 du code de commerce dispose que dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

En l'espèce, il convient de relever la multiplicité et la gravité des griefs retenus à l'encontre de M. [E] dans le cadre de la présente instance. Il n'est en outre pas contesté que par le passé, l'appelant a déjà connu des procédures de liquidation judiciaire concernant des entreprises qu'il dirigeait et était déjà averti des attitudes à adopter ou pas dans une situation de gérance.

Dès lors, la réitération d'attitudes contraires à l'intérêt de l'entreprise caractérisent l'incapacité de M. [E] à adopter les comportements d'un dirigeant se conformant à ses obligations légales, puisqu'il a démontré qu'il ne disposait pas de cette capacité.

En conséquence, il convient de faire preuve de sévérité à l'encontre de M. [E] et de prononcer une sanction l'empêchant pour une durée suffisamment longue de gérer une entreprise.

Ainsi, il convient de prononcer à l'encontre de M. [E] une interdiction de diriger, gérer, administrer, ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pendant une durée de 10 ans, sanction proportionnée aux fautes commises et à sa situation.

Au regard de ce qui précède, la décision déférée sera confirmée.

- Sur les demandes accessoires

M. [E] succombant pour l'intégralité de ses prétentions, il convient de le condamner à supporter les entiers de la procédure en première instance et en appel, la décision déférée n'étant infirmée que sur la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Confirme dans son intégralité la décision déférée à l'exception de la condamnation aux dépens,

Statuant à nouveau

Condamne M. [G] [E] à supporter les entiers dépens de la procédure en première instance et en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/04887
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;21.04887 ?
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