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06/04/2023 | FRANCE | N°20/03303

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 06 avril 2023, 20/03303


N° RG 20/03303 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NAKT















Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 26 février 2020



RG : 2020j120











[D]

[Z]



C/



S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 06 Avril 2023





APPELANTS :



M. [K] [D]

[Adresse 1]


[Localité 3]



M. [U] [B] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentés par Me Christian PRIOU de la SELARL PRIOU - MARGOTTON, avocat au barreau de LYON, toque : 1287





INTIMEE :



S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette quali...

N° RG 20/03303 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NAKT

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 26 février 2020

RG : 2020j120

[D]

[Z]

C/

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 06 Avril 2023

APPELANTS :

M. [K] [D]

[Adresse 1]

[Localité 3]

M. [U] [B] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés par Me Christian PRIOU de la SELARL PRIOU - MARGOTTON, avocat au barreau de LYON, toque : 1287

INTIMEE :

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2] (SUISSE)

Représentée par Me Marie-Josèphe LAURENT de la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocat au barreau de LYON, toque : 768

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 26 Juin 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 09 Février 2023

Date de mise à disposition : 06 Avril 2023

Audience présidée par Aurore JULLIEN, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Messieurs [U] [B] [Z] et [K] [D] étaient les gérants de la SARL Le Nouveau Saigon.

Par acte sous seing privé du 20 janvier 2011, la société Crédit Lyonnais a consenti un prêt de 65.000 euros à la société Le Nouveau Saigon.

À ce titre, par acte du même jour contenu au contrat de prêt, M. [D] et M. [Z] se sont portés cautions solidaires de la société à hauteur de 25% des sommes susceptibles d'être dues au titre du prêt en principal, intérêts et accessoires, dans la limite de 16.250 euros.

La société Le Nouveau Saigon a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du 10 septembre 2015.

La société Crédit Lyonnais a déclaré sa créance au titre du prêt pour un montant de 32.138,08 euros à titre privilégié, et a adressé aux cautions une mise en demeure le 29 septembre 2015 concernant leur engagement.

Le 6 juillet 2017, la société Crédit Lyonnais a cédé sa créance à la société Intrum Debt Finance AG, ci-après la société Intrum.

La procédure de liquidation judiciaire de la société Le Nouveau Saigon a été clôturée le 29 janvier 2019, faute d'actifs disponibles.

Par jugement du 10 septembre 2015, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire au bénéfice de la société Le Nouveau Saigon. La société Crédit Lyonnais a déclaré sa créance au passif de cette société.

Par courrier du 29 septembre 2015, la société Crédit Lyonnais a mis en demeure les cautions de respecter leur engagement.

Par acte du 6 juillet 2017, la société Crédit Lyonnais a cédé la créance qu'il détenait sur la société Le Nouveau Saigon à la SA Intrum Debt Finance AG (ci-après « la société Intrum »).

Par courriers du 3 juillet 2019, la société Intrum a informé M. [D] et M. [Z] de la cession de créance et les a mis en demeure de régler chacun la somme de 17.354,77 euros.

En l'absence de paiement volontaire, par acte d'huissier du 22 janvier 2020, la société Intrum a assigné MM. [D] et [Z] devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir notamment la somme de 9.798,35 euros de la part de chacune des cautions.

Par jugement contradictoire du 26 février 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- condamné M. [D] à payer au profit de la société Intrum la somme de 9.798,35 euros en principal, avec intérêts au taux de 6,50% à compter du 13 septembre 2019,

- condamné M. [Z] à payer au profit de la société Intrum la somme de 9.798,35 euros, avec intérêts au taux de 6,50% à compter du 13 septembre 2019,

- rejeté la demande au titre de la capitalisation des intérêts,

- condamné solidairement MM. [D] et [Z] à payer au profit de la société Intrum, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 600 euros,

- condamné solidairement MM. [D] et [Z] aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile et les a liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure civile.

MM. [D] et [Z] ont interjeté appel par acte du 26 juin 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 septembre 2021 fondées sur les articles 1152 alinéa 2 et 1244-1 anciens du code civil et l'article L.341-4 ancien du code de la consommation, MM. [D] et [Z] demandent à la cour de :

à titre principal,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

statuant à nouveau,

- juger que la société Intrum est infondée à se prévaloir de leurs actes de cautionnement personnel en date du 20 janvier 2011 eu égard à leur disproportion manifeste,

- débouter, en conséquence, la société Intrum de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

- juger que la clause pénale d'indemnité contractuelle de 5% à hauteur de 1.868,35 euros est manifestement excessive,

- débouter la société Intrum en tout état de cause de cette somme,

en tout état de cause et en cas de condamnation,

- leur accorder la faculté de régler le montant des condamnations qui par extraordinaire pourrait être mise à leur charge par versements mensuels de 200 euros chacun sur 24 mois,

- juger qu'ils régleront le solde le 24ème mois,

- juger que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital,

- condamner la société Intrum au paiement de la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile chacun à leur profit,

- ainsi qu'au paiement des dépens tant de première instance que d'appel.

Sur l'inopposabilité des engagements de caution en raison de leur caractère disproportionné, les appelants ont fait état des éléments suivants :

- s'agissant de M. [D], il disposait à l'époque d'un revenu annuel de 6.508 euros soit 542,33 euros par mois et s'agissant de M. [Z], il disposait d'un revenu annuel de 11.482 euros soit 956 euros par mois, sachant compte tenu de leurs charges que le premier vivait en dessous du seuil de pauvreté

- l'indication concernant le second qu'il avait un ratio de charges/ressources de 62,40%, disposait d'un revenu annuel de 5.000 euros par an en 2011 et non par mois soit un disponible de 416 euros outre un endettement hors Crédit Lyonnais de 5.000 euros, et une absence de tout patrimoine

- concernant M. [D], un disponible annuel de 9.000 euros et un endettement hors Crédit Lyonnais de 6.000 euros, soit un disponible de 650 euros par mois soit une disproportion manifeste des engagements

- une situation au jour de l'instance problématique puisque M. [Z] a dû déménager et supporte un loyer de 1.146,40 euros, et percevait un salaire mensuel de 1.801 euros en juin 2020, ne réglant aucun impôt, salaire ayant diminué à 1.500 euros à la date des dernières conclusions, et pour M. [D], un salaire 1.179,25 euros en juin 2020 avant impôts et aujourd'hui de 1.200 euros, sachant qu'il rembourse un prêt de 1.205,21 euros, soit une incapacité pour les deux de faire face à un remboursement au jour de l'instance.

À titre subsidiaire, s'agissant de la demande de réduction de la clause pénale, les appelants ont mis en avant les éléments suivants :

- le caractère de clause pénale de la majoration de 3 points du taux contractuels sans compter une indemnité contractuelle de 5%.

Enfin, M. [D] et M. [Z] ont sollicité l'octroi de délais de paiements sur 24 mois avec un paiement de 200 euros par mois pendant 23 mois et paiement du solde au dernier mois, les paiements s'imputant en priorité sur le capital.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 22 décembre 2020 fondées sur les articles 1134 (ancien), 1147 (ancien), 1343-2, 1690 et 2288 et suivants du code civil, l'article L.332-1 du code de la consommation anciennement L.341-4 du code de la consommation et les articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Intrum demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [D] à lui payer la somme de 9.798,35 euros en principal, avec intérêt au taux de 6,50% à compter du 13 septembre 2019,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [Z] à lui payer la somme de 9.798,35 euros en principal, avec intérêt au taux de 6,50% chacun à compter du 13 septembre 2019,

- débouter MM. [D] et [Z] de l'ensemble de leurs prétentions,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamner MM. [D] et [Z] à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

S'agissant de la disproportion alléguée par les cautions dans leur engagement, l'intimée a fait valoir les moyens suivants :

- les éléments présents dans la fiche d'information remplie par M. [D] qui indique un revenu annuel disponible de 9.000 euros et le fait que ce revenu n'a pas de caractère manifestement disproportionné par rapport à la somme garantie qui représente deux fois le revenu annuel, plusieurs décisions ayant statué en ce sens

- les éléments présents dans la fiche d'information remplie par M. [Z] qui indique un revenu annuel de 5.000 euros et un patrimoine de 5.000 euros soit un actif net de 10.000 euros, étant rappelé qu'un cautionnement dont le montant représente 80% des ressources disponibles de la caution n'est pas manifestement disproportionné.

Concernant l'absence de disproportion de la clause pénale, la société Intrum a mis en avant les éléments suivants :

- l'absence de preuve du caractère excessif du taux d'intérêts

- l'absence de preuve du caractère excessif de la clause pénale, étant rappelé qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement la question

- le montant de la créance réclamée à savoir la somme de 9.798,35 euros à l'égard de chacune des cautions, au regard du décompte versé au débat.

S'agissant de la demande de délais de paiement, la société Intrum a fait valoir que les appelants ne justifient pas être débiteurs malheureux et de bonne foi, et ne versent pas d'éléments suffisants à l'appui de cette demande.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 novembre 2021, les débats étant fixés au 9 février 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la proportionnalité des engagements de caution

L'article L341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il sera rappelé que les renseignements donnés par la personne souscrivant un engagement de cautionnement, le sont sous sa responsabilité, et n'entraînent pas, sauf anomalie manifeste, de vérifications de la part de la banque, et qu'en outre, la preuve du caractère disproportionné ou non d'un engagement repose sur la caution qui entend s'en prévaloir.

En l'espèce, chacun des appelants s'est engagé comme caution pour la somme maximum de 16.250 euros. Il convient en conséquence d'apprécier la proportionnalité de cet engagement par rapport à la situation financière et patrimoniale de chacun lors de la souscription.

S'agissant de M. [Z], la fiche patrimoniale remplie le 15 décembre 2010 indique un revenu annuel de 14.000 euros pour des charges fixes de 9.000 euros soit un revenu disponible de 416 euros par mois pour faire face aux charges de la vie courante.

S'agissant du patrimoine de M. [Z], il ressort un actif disponible de 5.000 euros.

Au regard de l'ensemble de ces éléments et notamment du reste à vivre mensuel de M. [Z], il ne peut qu'être constaté que l'engagement de caution pour la somme de 16.250 euros était manifestement disproportionné.

En outre, la situation patrimoniale de M. [Z] lorsqu'il a été appelé en paiement en tant que caution ne ressort pas d'un retour à meilleur fortune eu égard à la nature de ses revenus et charges sur l'année 2020, avec un salaire inférieur à 1.500 euros par mois, la saisie invoquée dans les écritures n'étant pas étayée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'engagement de caution souscrit par M. [Z] ne peut lui être déclaré opposable.

S'agissant de M. [D], la fiche patrimoniale remplie le 15 décembre 2010 indique un revenu annuel de 12.000 euros pour des charges annuelles de 3.000 euros soit un reste à vivre mensuel de 750 euros pour faire face aux charges de la vie quotidienne, ainsi qu'un endettement de 6.000 euros.

Au regard de ces éléments, l'engagement de caution pour la somme de 16.250 euros était manifestement disproportionné par rapport à la nature du patrimoine de M. [D].

En outre, la situation patrimoniale de M. [D] lorsqu'il a été appelé en paiement en tant que caution ne ressort pas d'un retour à meilleure fortune eu égard à la nature de ses revenus et charges, avec pour l'année 2019 un salaire mensuel de 1.333 euros nets, et une diminution par la suite de son salaire qui s'établit à 1.200 euros, le prêt invoqué ne pouvant être retenu faute d'éléments probants le concernant.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'engagement de caution souscrit par M. [D] ne peut lui être déclaré opposable.

En conséquence, il convient d'infirmer totalement la décision déférée et statuant à nouveau de déclarer inopposable à M. [D] et M. [Z] les engagements de caution souscrit en date du 15 décembre 2010, et de débouter la société Intrum de l'intégralité de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

La société Intrum succombant en la présente instance, elle sera condamnée à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande d'accorder à M. [D] et M. [Z] une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Intrum sera condamnée à payer à M. [D] la somme de 1.500 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à payer la somme de 1.500 euros à M. [Z] sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Infirme dans sa totalité la décision déférée,

Statuant à nouveau

Déboute la société Intrum Debt Finance AG de l'intégralité de ses demandes,

Condamne la société Intrum Debt Finance AG à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Intrum Debt Finance AG à payer à M. [K] [D] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Intrum Debt Finance AG à payer à M. [U] [B] [Z] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/03303
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;20.03303 ?
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