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30/03/2023 | FRANCE | N°22/06624

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 30 mars 2023, 22/06624


N° RG 22/06624 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORH2









Décision du Juge commissaire de ROANNE

Au fond du 27 juillet 2022



RG : 2022m447





S.A.S. BETAMAT - DECO BRICO



C/



[S]

[S]

Société CREDIT MUTUEL DE CHARLIEU

SELARL MJ SYNERGIE

POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA LOIRE

Caisse CREDIT MUTUEL CONTENTIEUX PRO:ENT [Localité 19]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON
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3ème chambre A



ARRET DU 30 Mars 2023







APPELANTE :



S.A.S. BETAMAT - DECO BRICO agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 2...

N° RG 22/06624 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ORH2

Décision du Juge commissaire de ROANNE

Au fond du 27 juillet 2022

RG : 2022m447

S.A.S. BETAMAT - DECO BRICO

C/

[S]

[S]

Société CREDIT MUTUEL DE CHARLIEU

SELARL MJ SYNERGIE

POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA LOIRE

Caisse CREDIT MUTUEL CONTENTIEUX PRO:ENT [Localité 19]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 30 Mars 2023

APPELANTE :

S.A.S. BETAMAT - DECO BRICO agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 20]

[Adresse 20]

Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983, postulant et par Me Jean-Louis ROBERT, avocat au barreau de ROANNE

INTIMES :

Mme [E] [S]

née le [Date naissance 7] 1978 à [Localité 9]

[Adresse 17]

[Adresse 17]

Mme [W] [S] épouse [G]

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentées par Me Denis WERQUIN de la SAS TUDELA WERQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813

CREDIT MUTUEL DE CHARLIEU

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE

SELARL MJ SYNERGIE Mandataires Judiciaires, prise en la personne de Maître [J] [I] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Madame [E] [S]

[Adresse 11]

[Localité 9]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA LOIRE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

non représenté

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 12 Octobre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Février 2023

Date de mise à disposition : 30 Mars 2023

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Marianne LA-MESTA, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt par réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [S], qui exerçait une activité commerciale sous l'enseigne « Maison du Sud », a effectué plusieurs commandes auprès de la SAS Betamat ' Deco Brico (ci-après la société Betamat).

Une sommation de payer des factures non réglées pour un montant de 89.799, 24 euros délivrée le 12 décembre 2017 à Mme [S] étant demeurée sans effet, la société Betamat a été autorisée, par ordonnance du 27 juin 2018, à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier appartenant à Mme [S], en l'occurrence un terrain sis à [Adresse 15], cadastré section [Cadastre 2] et [Cadastre 3] d'une contenance de 49 a et 98 ca.

Mme [S] avait souscrit un crédit immobilier auprès de la Caisse de Crédit Mutuel de Charlieu (ci-après la Caisse de Crédit Mutuel) afin de financer l'acquisition de ce bien.

Par arrêt du 25 février 2021 statuant sur l'appel interjeté par la société Betamat à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Roanne qui s'était déclaré incompétent pour connaître de sa demande en paiement de la somme principale de 89.799,24 euros à l'encontre de Mme [S], la cour d'appel de Lyon a évoqué l'affaire et condamné cette dernière à payer ladite somme à la société Betamat avec intérêts au taux égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 28 novembre 2017.

Une hypothèse judiciaire définitive a alors été prise sur le bien immobilier précité.

Par jugement du 18 juillet 2021, le tribunal de commerce de Roanne a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de Mme [E] [S] et désigné la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [I], en qualité de liquidateur judiciaire.

La créance d'un montant total de 42.039,21 euros déclarée par la Caisse de Crédit Mutuel a été admise au passif de la liquidation judiciaire de Mme [S].

Par ordonnance du 7 mars 2022, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Roanne a désigné un expert avec pour mission de procéder à l'estimation des actifs immobiliers suivants:

- parcelle de terrain sur laquelle est édifié un garage figurant au cadastre section BN n°112, [Adresse 13], d'une surface de 49a 98ca,

- droit indivis à hauteur de 1/4 sur parcelle de terrain servant de chemin d'accès figurant au cadastre section [Cadastre 2], [Adresse 13], d'une surface de 2a 60ca.

Dans un rapport du 24 mars 2022, l'expert a arrêté l'évaluation à la somme de 7.000 euros.

Par ordonnance du 27 juillet 2022, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Roanne a :

- autorisé la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [I], liquidateur judiciaire de Mme [S], [Adresse 18], à vendre de gré à gré dans l'état ou il se trouve, à Mme [W] [S] épouse [G], demeurant [Adresse 1], ou à toute personne physique ou morale qu'elle se réserve le droit de se substituer, dont elle se porte fort, le bien immobilier suivant :

- parcelle de terrain sur laquelle est édifié un garage figurant au registre du cadastre sous la désignation Section BN n°112 [Adresse 15] ou [Adresse 16] pour une contenance totale de 49a 98ca, outre les droits indivis pour ¿ sur une parcelle [Cadastre 2] de 260m2 (chemin d'accès)

pour le prix de 8.000 euros, net vendeur, payable comptant à la signature de l'acte,

- dit que le prix de cession sera versé entre les mains de la SELARL MJ Synergie, représentée par Me [I], ès-qualités, seule habilitée de par ses fonctions à encaisser les fonds aux charges de droit et ce, outre frais, droits et taxes à la charge de l'acquéreur,

- dit que les formalités de purges de toutes inscriptions susceptibles de grever le bien immobilier, objet de la présente vente, devront être effectuées par le rédacteur de l'acte de vente dès sa signature, et seront à la charge de l'acquéreur,

- dit qu'en ce qui concerne la taxe foncière née au 1er janvier de l'année en cours, l'acquéreur sera tenu à son remboursement au prorata temporis, et ce à première demande, sur la base de celle connue à la date de la présente décision,

- dit que l'acquéreur sera tenu de régulariser la vente au plus tard dans les trois mois à compter de la présente ordonnance rendue, faute de quoi le mandataire judiciaire aura la faculté :

- de réclamer de plein droit au cessionnaire une pénalité de 1.000 euros par mois de retard outre intérêts au taux légal, et ce, au profit de la collectivité des créanciers, à titre de dommages et intérêts,

- de requérir, outre si nécessaire, la caducité de la proposition d'acquisition, par simple lettre recommandée avec accusé de réception, dans le but de traiter avec tout autre acquéreur,

- dit qu'il y a lieu à notification du dépôt de la présente ordonnance à :

- SELARL MJ Synergie, Me [I], [Adresse 11],

- Mme [E] [S], [Adresse 1],

- Mme [W] [S] épouse [G], [Adresse 1],

- Crédit Mutuel, contentieux pro ent/.[Localité 19], [Adresse 10],

- Pôle recouvrement spécialisé de la Loire, [Adresse 4].

La société Betamat a interjeté appel par acte du 4 octobre 2022.

                                              

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 23 décembre 2022 aux parties constituées et par conclusions signifiées le 9 novembre 2022 au pôle de recouvrement spécialisé de la Loire, fondées sur l'article L.642-18 du code de commerce, la société Betamat demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance rendue le 27 juillet 2022 par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Roanne en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

- d'autoriser la SELARL MJ Synergie, Me [I] en qualité de mandataire liquidateur de Mme [E] [S] à poursuivre par devant le tribunal judiciaire de Roanne la vente aux enchères publiques des biens en un seul lot ci-après désigné :

- parcelle section [Cadastre 3] pour une contenance totale de 49a 98ca,

- parcelle section [Cadastre 2] (droits indivis pour ¿),

- de fixer la mise à prix à la somme de 8.000 euros,

- de statuer ce que de droit sur les dépens.

A l'appui de ses prétentions, la société Betamat fait valoir :

- qu'en sa qualité de créancier hypothécaire inscrit sur l'immeuble cédé, elle est recevable à former recours contre l'ordonnance du juge-commissaire qui en a autorisé la vente de gré à gré, sachant qu'aucun des intimés ne conteste par ailleurs cette recevabilité,

- que sur le fond, si la parcelle de terrain litigieuse se situe pour l'instant en zone non constructible, elle a de très fortes chances de devenir constructible dans les années à venir,

- que le service urbanisme de la commune de [Localité 14] précise d'ailleurs dans le mail adressé à Mme [S] que le terrain est inconstructible 'pour une durée que nous ne maîtrisons malheureusement pas',

- qu'une modification du zonage (actuellement zone N, naturelle) pourrait même intervenir dans les années à venir, puisqu'une procédure de révision générale a lieu 'en moyenne tous les 10 à 15 ans' et que s'agissant de la commune de [Localité 14], la dernière a eu lieu en 2018,

- que l'expertise judiciaire précise en outre que 'la parcelle en question est située en bout d'impasse, en limite de zone urbanisée', que 'compte tenu de la destination agricole de cette parcelle, cette situation est inappropriée' et que la parcelle est de 'configuration régulière, sensiblement rectangulaire', l'ensemble de ces éléments laissant penser que le terrain, en limite de zone urbanisée et en bout de lotissement, peut par la suite devenir constructible,

- que le prix de cession de 8.000 euros ne correspond donc nullement à la valeur de ce bien, dès lors que le prix moyen d'un terrain constructible est de l'ordre de 80 euros le m², ce qui donne une valeur potentielle de 4.998 m² x 80 euros = 399.840 euros,

- qu'il paraît par conséquent difficilement concevable que cet actif, qui représente le seul gage pour les créanciers inscrits, soit cédé pour la somme de 8.000 euros à un membre de la famille de Mme [S],

- qu'il semble préférable qu'une vente par voie de saisie immobilière soit organisée, afin de permettre aux acquéreurs potentiels de se faire eux-mêmes une idée du caractère potentiellement constructible, ce qui aura pour effet immédiat de faire monter les enchères,

- que dans la mesure où elle conserve un droit de suite, elle peut former surenchère dans le but de provoquer la vente de l'immeuble aux enchères publiques selon les formes ordinaires de la vente forcée.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2022 et signifiées au pôle de recouvrement spécialisé de la Loire le 6 décembre 2022, Mme [S] et Mme [W] [S] épouse [G] demandent à la cour de :

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer l'ordonnance entreprise,

- condamner la société Betamat à leur payer la somme de 1.500 euros en réparation du préjudice subi par cet appel abusif,

- condamner la société Betamat aux entiers dépens qui comprendront la prise en charge de l'aide juridictionnelle accordée.

Mmes [S] et [G] observent :

- que la société Betamat ne produit aucun élément permettant d'étayer son hypothèse selon laquelle le terrain vendu deviendra un jour constructible,

- que pour contrer cette affirmation dénuée de tout fondement, elles versent aux débats un courriel du 9 novembre 2022 émanant de Mme [Z] [B], rattachée au service urbanisme foncier de la mairie de [Localité 14] qui affirme catégoriquement que le terrain est inconstructible et ce pour une durée indéterminée puisqu'inscrit dans une zone naturelle.

                                  

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 24 novembre 2022 et signifiées au pôle de recouvrement spécialisé de la Loire le 6 décembre 2022, la SELARL MJ Synergie, es-qualité de liquidateur judiciaire, demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel régularisé par la société Betamat à l'encontre de l'ordonnance déférée,

- débouter la société Betamat de l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions les déclarant mal fondés,

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner la société Betamat aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet.

La SELARL MJ Synergie expose ainsi :

- que dans le cadre des opérations liquidatives, il est de l'intérêt des créanciers de rechercher un acquéreur par le biais d'une vente dépourvue de tout aléa,

- que la proposition d'achat de Mme [W] [G] à hauteur de 8.000 euros est conforme à l'évaluation opérée par l'expert désigné par le juge-commissaire, puisque celui-ci a estimé le bien à la somme de 7.000 euros,

- que cette proposition était au demeurant la seule adressée à Me [I], es-qualité, comme l'a souligné M.le Procureur de la République, lorsqu'il a autorisé cette vente en dérogeant à l'interdiction posée par l'article L.642-3 du code de commerce.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 décembre 2022 et signifiées au pôle de recouvrement spécialisé de la Loire le 9 décembre 2022, la Caisse de Crédit Mutuel demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée,

- débouter la société Betamat de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Betamat à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Betamat aux entiers dépens.

La Caisse de Crédit Mutuel relève que la proposition de cession à Mme [W] [G] pour une somme de 8.000 euros est conforme à la valorisation du bien effectuée par l'expert immobilier désigné par le juge-commissaire.

                                                                                  

Le Ministère public n'a pas formulé d'observations.

                                              

Le Pôle de recouvrement spécialisé de la Loire, auquel la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 14 octobre 2022, n'a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 janvier 2023, les débats étant fixés au 2 février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'autorisation de vente de gré à gré du bien immobilier de la débitrice

Selon l'article L. 642-18 du code de commerce , les ventes d'immeubles ont lieu conformément aux articles L. 322-5 à L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution, à l'exception des articles L. 322-6 et L. 322-9, sous réserve que ces dispositions ne soient pas contraires à celles du présent code. Le juge-commissaire fixe la mise à prix et les conditions essentielles de la vente.

Le juge-commissaire peut, si la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre une cession amiable dans de meilleures conditions, ordonner la vente par adjudication amiable sur la mise à prix qu'il fixe ou autoriser la vente de gré à gré aux prix et conditions qu'il détermine. En cas d'adjudication amiable, les articles L. 322-7, L. 322-8 à L. 322-11 et L. 322-12 du code des procédures civiles d'exécution sont applicables, sous la réserve prévue au premier alinéa, et il peut toujours être fait surenchère.

L'article L. 642-3 du code de commerce dispose par ailleurs que ni le débiteur, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni leurs parents ou alliés jusqu'au 2ème degré ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre, l'article L. 642-20 du même code prévoit toutefois, en son deuxième alinéa, que le juge-commissaire peut y déroger sur requête du ministère public.

Il ressort de ces dispositions que la vente sur adjudication après enchères, à la barre du tribunal, constitue le mode privilégié de réalisation des actifs immobiliers du débiteur et que la vente sur adjudication amiable ou la vente de gré à gré ne peuvent être envisagées que si la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre une cession amiable dans des conditions plus favorables.

En l'espèce, le rapport établi le 24 mars 2022 par M.[D] [H], expert immobilier, désigné par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Roanne en vue de procéder à l'évaluation de la parcelle de terrain cadastrée section [Cadastre 3], sise [Adresse 15], d'une contenance de 49a et 98 ca sur laquelle est édifiée un garage, outre les droits indivis pour 1/4 de la parcelle [Cadastre 12] de 260 m² (chemin d'accès), conclut que sa valeur totale peut être estimée à 7.000 euros, dont 1.999 euros au titre du terrain stricto sensu (4.998 m² x 0,40 euros) et 5.000 euros pour le garage.

L'expert relève ainsi que si la parcelle en question est de configuration régulière, sensiblement régulière, en bon état cultural et située en bout d'impasse, en limite de la zone urbanisée, cette implantation est inappropriée compte tenu de sa destination agricole, puisque dans le PLU de la commune, approuvé le 22 février 2018, le tènement figure en zone N, définie comme une 'zone naturelle et forestière faisant l'objet d'une protection particulière en raison de la qualité des sites, des milieux naturels et des paysages'.

L'expert observe encore qu'en termes de ventes de terrains en zone N, une surface de 2ha 43a 01 ca, contigüe à la parcelle visée, a été cédée au prix de 9.720 euros le 26 janvier 2021, soit 0,40 euros/m². En mai 2018 et mai 2019, d'autres terrains avaient respectivement été vendus 3.481 euros/ha ou 0,35 euros/m² et 3.157 euros/ha (0,32 euros/m²).

Pour ce qui est du garage édifié sur la parcelle, l'expert précise que celui-ci, d'une surface de 34m² utiles, est en très bon état, mais qu'à cet emplacement, dans un secteur de maisons individuelles déjà dotées d'un garage, il ne présente pratiquement aucun intérêt, ce d'autant qu'il ne peut pas convenir pour l'hivernage d'un camping-car ou d'une caravane faute de hauteur suffisante.

S'agissant de la valeur de ce garage, l'expert souligne qu'il n'a pas trouvé d'actes de ventes de garage en situation comparable, mais que sur l'agglomération roannaise, les garages en ville se négocient entre 5.000 et 10.000 euros selon leur emplacement et rareté dans le quartier.

L'offre d'achat faite par Mme [W] [G], fille de la débitrice, pour un prix de 8.000 euros net vendeur payable comptant à la signature de l'acte apparaît donc conforme à la valeur retenue par l'expert sur la base des éléments objectifs décrits ci-dessus, dont en particulier le prix de vente de terrains similaires également classés en zone N sur la même commune.

Dans sa requête adressée le 16 juin 2022 au juge-commissaire aux fins de dérogation à l'interdiction posée par l'article L.642-3 du code de commerce, le procureur de la République mentionne que cette proposition d'acquisition est au demeurant la seule qui a été adressée au mandataire judiciaire.

Il y a lieu de relever que la société Betamat, qui estime que cette somme de 8.000 euros ne correspond pas à la valeur réelle du bien, se borne à procéder par simples allégations lorsqu'elle affirme que la parcelle a de fortes chances de devenir constructible dans les années à venir et qu'elle pourrait être vendue aux enchères pour une somme nettement supérieure, dans la mesure où le prix moyen du m² d'un terrain constructible est de 80 euros.

Force est ainsi de constater qu'elle ne produit aucun document à l'appui de ses dires dont il résulterait qu'une modification du zonage est prévue à proche ou moyen terme. Elle ne justifie pas plus du prix du m² dont elle excipe.

A contrario, Mmes [S] et [G] communiquent un courriel rédigé le 9 novembre 2022 par Mme [Z] [B], personne travaillant au service urbanisme foncier de la mairie de [Adresse 13] (pièce n°1 des intimées) laquelle confirme que 'le terrain appartenant à Mme [S], référencé au cadastre sous les numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3] de la section BN est à ce jour classé en zone N et qu'il est donc inconstructible, cela pour une durée que nous ne maîtrisons malheureusement pas. A court ou moyen terme, il restera en zone N (naturelle), étant donné la nécessaire application stricte des directives du SCOT.

De plus, toute modification de zonage doit passer par une procédure de révision générale, procédure très coûteuse pour les communes, donc réalisée en moyenne tous les 10 à 15 ans. Pour votre information, la dernière révision générale a eu lieu pour [Localité 14] en 2018.'

Ce message électronique, qui révèle l'absence de perspectives d'un classement du terrain en zone constructible dans un délai raisonnable, vient donc conforter l'analyse opérée par l'expert immobilier quelques mois auparavant pour déterminer la valeur intrinsèque de la parcelle, étant de surcroît rappelé que le garage construit sur ce terrain représente près des 3/4 de la valeur globale du bien immobilier selon l'expert.

Dans ces conditions, faute d'un quelconque élément probant de nature à établir qu'une vente sur licitation judiciaire avec une mise à prix fixée à 8.000 euros permettrait d'obtenir in fine un prix supérieur à celui de la vente amiable autorisée par le juge-commissaire pour un prix conforme à l'estimation effectuée par l'expert judiciaire, il y a lieu de rejeter la demande de la société Betamat et de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance frappée d'appel.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

L'article 1240 du code civil, dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

En l'occurrence, la seule circonstance selon laquelle la demande d'infirmation de l'ordonnance formée par la société Betamat n'est assortie d'aucune offre de preuve, ne suffit pas à caractériser une intention de nuire de sa part dans l'exercice de son droit d'appel.

Mmes [S] et [G] seront par conséquent déboutées de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Betamat, qui succombe, est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande par ailleurs de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Caisse de Crédit Mutuel de Charlieu en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

          

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Déboute Mme [E] [S] et Mme [W] [G] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne  la SAS Betamat - Deco Brico aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement,

                                                                      

Déboute la Caisse de Crédit Mutuel de Charlieu de sa demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 22/06624
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;22.06624 ?
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