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30/03/2023 | FRANCE | N°20/01756

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 30 mars 2023, 20/01756


N° RG 20/01756 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M44H









Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE

Au fond du 07 février 2020



RG : 2019 02713





[N]



C/



Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 30 Mars 2023







APPELANT :



M. [K] [N]

né le [Date naissance 4] 1970 à

[Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représenté par Me Olivier PERRIER de la SELARL OLIVIER PERRIER AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1668



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/004263 du 20/02/2020 accordée par le bureau...

N° RG 20/01756 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M44H

Décision du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE

Au fond du 07 février 2020

RG : 2019 02713

[N]

C/

Société CAISSE DE CREDIT MUTUEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 30 Mars 2023

APPELANT :

M. [K] [N]

né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Olivier PERRIER de la SELARL OLIVIER PERRIER AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1668

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/004263 du 20/02/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

INTIMEE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par la SELARL BERNASCONI ROZET MONNET-SUETY FOREST DE BOYSSON, avocats au barreau de l'Ain

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 03 Mars 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Février 2023

Date de mise à disposition : 30 Mars 2023

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Marianne LA-MESTA, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 9 mars 2017, la SASU Auberge du Mail (ci-après la société Auberge du Mail) a ouvert un compte courant professionnel n°[XXXXXXXXXX02] dans les livres de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est (ci-après la Caisse de Crédit Mutuel).

Le 16 mars 2017, la Caisse de Crédit Mutuel a consenti un prêt professionnel n°20465702 à la société Auberge du Mail d'un montant de 10.000 euros au taux de 2,5% l'an indexé sur l'Euribor 12M M1M, remboursable en 26 mensualités, dont 2 mois de franchise.

Par acte sous seing privé du même jour, M. [N], président de la société Auberge du Mail, s'est porté caution solidaire de la société Auberge du Mail au titre de ce crédit dans la limite de 12.000 euros pour une durée de 50 mois.

Le 1er août 2017, la société Auberge du Mail a contracté un crédit n°20465703 destiné à l'achat d'un véhicule auprès de la Caisse de Crédit Mutuel d'un montant de 9.500 euros au taux de 2,3% l'an, remboursable en 48 mensualités.

Par courrier recommandé du 24 août 2018, la Caisse de Crédit Mutuel a dénoncé la tolérance que constituait le solde débiteur du compte courant professionnel de la société Auberge du Mail avec un préavis de 60 jours, avant de mettre celle-ci en demeure de lui régler la somme de 17.591,37 euros suivant lettre recommandée du 28 janvier 2019.

Aux termes d'un courrier recommandé en date du 19 février 2019, la Caisse de Crédit Mutuel a mis la société Auberge du Mail en demeure de régulariser sa situation avant le 27 février 2019 au titre de ses deux prêts suite à des échéances impayées, sous peine de déchéance du terme.

Copie de ce courrier a été adressée à la même date par lettre recommandée à M. [N], en sa qualité de caution solidaire.

Par courrier du 12 mars 2019, la Caisse de Crédit Mutuel s'est prévalue de la déchéance du terme et a mis la société Auberge du mail en demeure de lui régler les sommes dues au titre des deux prêts pour un montant total de 39.039,07 euros, outre 17.591, 37 euros au titre du solde débiteur du compte professionnel.

Le même jour, la Caisse de Crédit Mutuel a également mis en demeure M. [N], en sa qualité de caution solidaire, de lui payer la somme de 4.562,02 euros au titre du prêt n°20465702.

Ces mises en demeure étant restées sans effet, la Caisse de Crédit Mutuel a assigné la société Auberge du Mail et M. [N] en paiement devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse par exploit d'huissier en date du 9 avril 2019.

Par jugement réputé contradictoire du 7 février 2020, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :

- condamné la société Auberge du Mail à payer à la Caisse de Crédit Mutuel les sommes suivantes :

- 17.591,37 euros outre intérêts au taux conventionnel à compter du 27 janvier 2019 jusqu'à parfait paiement au titre du solde débiteur du compte [XXXXXXXXXX02],

- 4.562,02 euros outre intérêts au taux conventionnel de 2,5% l'an calculés à compter de la date du 12 mars 2019 au titre du solde du prêt 20465702,

- 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- jugé que l'engagement de caution signé par M. [N] est non disproportionné à ses revenus et à son patrimoine à la date de signature et que la Caisse de Crédit Mutuel est bien fondée à s'en prévaloir,

- condamné solidairement M. [N] avec la société Auberge du Mail à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 4.562,02 euros outre intérêts au taux conventionnel de 2,5% à compter de la date du 12 mars 2019 jusqu'à parfait paiement,

- jugé qu'il pourra s'acquitter de cette somme en 24 versements mensuels égaux payables le 15 de chaque mois, le 1er versement devant intervenir le 15 du mois suivant la signification de la présente décision, avec déchéance du terme à défaut de paiement d'une seule mensualité à sa date exacte,

- jugé que les versements effectués produiront l'intérêt, au taux conventionnel de 2,5% et que le montant des versements sera identique de telle manière qu'à l'issue de ces 24 mois capital et intérêts soient intégralement payés,

- rejeté l'exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 à l'encontre de M. [N],

- débouté les parties de toutes autres demandes, fins et conclusions,

- mis les dépens, liquidés à la somme de 94,35 euros, à la charge solidaire de la société Auberge du Mail et de M. [N].

M. [N] a interjeté appel par acte du 3 mars 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 11 mai 2020 fondées sur les articles 1315 et suivants, 1343-5 du code civil, ainsi que sur les articles L.331-1 et suivants du code de la consommation, M. [N] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

et, statuant à nouveau,

- de juger que son engagement de caution au profit de la Caisse de Crédit Mutuel était manifestement disproportionné à ses revenus et à son patrimoine et que la Caisse de Crédit Mutuel ne peut donc s'en prévaloir,

- de débouter en conséquence la Caisse de Crédit Mutuel, qui a commis des fautes et des négligences dans la vérification de sa solvabilité de l'ensemble des prétentions, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

- de lui accorder un délai de grâce de 24 mois ou, à défaut, des délais de paiement d'une durée de 24 mois sur la base d'un versement mensuel de 50 euros, lequel s'imputera prioritairement sur le montant du principal,

- de juger que les sommes dues ne porteront pas intérêts à un taux supérieur au taux légal non majoré,

en tout état de cause,

- de constater qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 26 avril 2019,

- de dire qu'il serait inéquitable que le Trésor public, d'une part, et la SELARL Olivier [M] Avocat, représentée par Me [M], d'autre part, financent tous deux sa défense alors que la Caisse de Crédit Mutuel est parfaitement en capacité de faire face aux frais qu'il devrait supporter s'il n'avait pas eu le bénéfice de l'aide juridictionnelle,

- en conséquence, vu les articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et les diligences effectuées par la SELARL Olivier [M] Avocat, de condamner la Caisse de Crédit Mutuel au versement de la somme de 1.600 euros à titre d'indemnité qualifiée de frais et honoraires auprès de la SELARL Olivier [M] Avocat, son conseil, qui pourra directement les recouvrer,

- de donner acte à la SELARL Olivier [M] Avocat de ce qu'elle s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si, dans les douze mois du jour ou la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, elle parvient à recouvrer auprès de la Caisse de Crédit Mutuel la somme allouée, et si cette somme est supérieure à l'indemnité qui aurait été versée au titre de l'aide juridictionnelle,

- de condamner la Caisse de Crédit Mutuel aux entiers dépens de l'instance et de toutes ses suites.

M. [N] observe pour l'essentiel :

- que contrairement à ce qu'a retenu le jugement déféré, son engagement de caution apparaît manifestement disproportionné,

- que la fiche de renseignement dont se prévaut la Caisse de Crédit Mutuel est totalement incomplète, puisqu'elle ne mentionne pas le prêt souscrit pour le bien immobilier détenu en indivision avec son ex-épouse, la liquidation de la communauté n'étant pas encore finalisée à cette date,

- que ce prêt d'un montant mensuel de 1.232,79 euros, qui avait été mis à sa seule charge par le jugement de divorce, était déjà en impayé en février 2015, ce qui l'avait contraint à saisir le tribunal d'instance de Vienne d'une demande de suspension de 24 mois qui lui a été accordée à compter du 24 mai 2015,

- que de même, la Caisse de Crédit Mutuel fait état d'un revenu mensuel de 4.000 euros ce qui n'est pas du tout justifié, alors que lui-même produit son avis d'imposition sur les revenus 2017 dont il résulte que ses ressources se sont élevées à la somme de 6.037 euros et qu'il a parallèlement versé une somme de 3.600 euros à son ex-épouse, soit 300 euros par mois, au titre dela contribution à l'entretien et l'éducation de ses enfants,

- que lui-même et son épouse, Mme [E], étaient donc non imposables,

- que sa situation financière s'est ensuite dégradée, au point qu'il n'a plus été en mesure de s'acquitter de la pension alimentaire à compter du début de l'année 2017, ce qui a conduit la CAF à verser une allocation de soutien familial à son ex-épouse dès le mois de mai 2017,

- que ses revenus proviennent en effet du RSA depuis octobre 2016 et il bénéficie d'ailleurs de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente procédure,

- qu'il détient certes des parts sociales dans la société Diner's Spectacles Lyonnais DSL (Au Pied Dans L'Plat), mais cette société a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 3 juillet 2012, de sorte que l'évaluation qui en est donnée est largement surestimée, la Banque n'ayant pas pris les renseignements nécessaires à la vérification de son patrimoine,

- qu'il a en tout état de cause cédé une partie de ses parts à Mme [E] selon publication au BODACC du 3 juin 2016 et n'est plus gérant de cette société dont il ne tire aucun revenu en raison du redressement,

- que le bilan de l'année 2011, tel que produit en première instance par la Caisse de Crédit Mutuel, ne peut rendre crédible la valorisation de la société figurant dans la fiche de renseignements établie 6 années plus tard,

- qu'à titre subsidiaire, si la cour devait faire droit à la demande en paiement de la Caisse de Crédit Mutuel, elle ne pourra que lui accorder un délai de grâce au regard de sa situation financière des plus délicates, puisqu'il ne perçoit que le RSA et n'est pas en mesure de procéder à un quelconque réglement, étant observé que la mensualité de 190 par mois fixée par le tribunal représente 34% d'endettement,

- qu'il serait anormal que l'Etat support les frais de sa défense, alors que celle-ci a été rendue nécessaire par l'attitude de la Caisse de Crédit Mutuel et que l'équité impose donc qu'elle en assume le coût.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2020, la Caisse de Crédit Mutuel demande à la cour :

- de débouter M. [N] et Me [M] Avocat de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- de condamner M [N] solidairement au paiement de la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.

La Caisse de Crédit Mutuel fait valoir en substance :

- que M.[N], auquel incombe la charge de la preuve de la disproportion de l'engagement de caution, se borne à contester la sincérité de la fiche de renseignement patrimoniale, comme il l'avait déjà fait à tort en première instance,

- qu'ayant lui-même signé la fiche patrimoniale avec la mention 'certifié sincère et véritable', il ne peut, sans mauvaise foi, venir prétendre que celle-ci serait totalement incomplète,

- que contrairement à ce qu'il semble suggérer dans ses écritures, la fiche a bien été remplie par ses soins, l'écriture étant partout la même,

- qu'il est constant que la Banque n'a pas à se livrer à des vérifications sur les éléments déclarés dans la fiche patrimoniale, dont le contenu fait foi, sauf anomalie apparente,

- qu'en l'espèce, la fiche renseignée par M.[N], n'était pas affectée d'anomalies apparentes, puisqu'elle ne mentionne pas l'existence du prêt immobilier dont elle-même ne pouvait avoir connaissance dans la mesure où il avait été souscrit auprès d'un autre professionnel, la Banque Populaire Loire et Lyonnais,

- que le prêt est au demeurant sous-entendu dans la fiche qui indique une valeur brute de 500.000 euros pour l'immobilier et une valeur nette de 400.000 euros, ce qui laisse percevoir un encours de 100.000 euros,

- que la circonstance selon laquelle les revenus renseignés sont faux n'est pas constitutive d'une anomalie apparente,

- qu'il en est de même pour l'absence de toute référence à la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants,

- qu'outre qu'elle est péremptoire, l'affirmation de M.[N] quant au fait que le montant de ses parts sociales dans la société Diner's Spectacles Lyonnais ne valait pas autant que ce qui était indiqué dans la fiche en raison d'un redressement judiciaire, ne peut pas non plus étayer l'existence d'une anomalie apparente, ce d'autant que le dernier bilan pour l'exercice 2011 faisait apparaître un actif net de 760.367 euros et un résultat avant impôt de 65.006 euros, ce qui rendait la valorisation crédible,

- qu'au regard des éléments figurant sur la fiche patrimoniale, à savoir des revenus mensuels nets de 4.000 euros et un patrimoine total net de 425.000 euros, dont 200.000 euros au titre de la maison et 225.000 euros de valorisation de la société DSL, l'engagement de caution de M.[N] à hauteur de 12.000 euros n'était manifestement pas disproportionné,

- que dès lors que le juge du fond a reconnu l'existence et le bien-fondé de la créance, il ne pouvait ordonner un report intégral du paiement, mais uniquement accorder à M.[N] le droit de régler la dette de façon moratoriée, ce qu'il a fait,

- que les protestations de M.[N] ne pouvant qu'être écartées, sa demande de paiement de la somme de 1.600 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article 37 de la loi de 1991 sera rejetée.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 décembre 2020, les débats étant fixés au 1er février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire d'observer que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie,

Il est également précisé :

- d'une part, que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est postérieur au 1er octobre 2016,

- d'autre part, que le litige n'est pas soumis au droit du cautionnement issu de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, puisque le cautionnement dont s'agit est antérieur au 1er janvier 2022.

Il sera enfin relevé qu'aucun appel, qu'il soit principal ou incident, n'a été formé à l'encontre des chefs du jugement ayant statué sur les prétentions de la Caisse de Crédit Mutuel à l'égard de la société Auberge du Mail, de sorte que la décision est définitive s'agissant des condamnations en paiement prononcées à l'encontre de cette dernière.

Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution

L'article L.332-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au cautionnement litigieux signé le 16 mars 2017, dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription, de le prouver.

En revanche, si l'engagement était disproportionné au jour de la souscription, il incombe au créancier, qui entend s'en prévaloir, de démontrer que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au moment où elle est appelée, soit au jour de l'assignation.

La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de celui-ci et des biens et revenus de la caution en prenant en compte son endettement global.

Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude. A défaut de fiche mentionnant les déclarations de la caution sur ces éléments, celle-ci est autorisée à rapporter librement la preuve de la disproportion.

En l'occurrence, la Caisse de Crédit Mutuel verse aux débats (pièce 17 de l'intimée) un document intitulé 'dossier patrimoine' rempli par M.[N] le 22 février 2017, soit seulement 3 semaines avant l'engagement de caution litigieux, et signé par celui-ci avec la mention manuscrite 'certifié sincère et véritable'.

Il ressort des renseignements portés sur cette fiche par M.[N] :

- que celui-ci est marié sous le régime de la séparation de biens à Mme [X] [E],

- qu'il n'a aucune personne à charge,

- qu'il exerce une activité de gérant de société,

- que son épouse et lui-même ont perçu des salaires nets d'un montant total de 4.000 euros par mois en 2016,

- qu'il détient 50% des droits en pleine propriétaire sur le logement qu'il occupe au [Adresse 3], dont la valeur nette est de 400.000 euros,

- qu'aucun emprunt n'est en cours concernant ce bien immobilier,

- qu'il ne supporte pas d'autre crédit ou charges,

- qu'il est également titulaire de 51% des parts sociales de la société DSL sise [Adresse 1], dont la valeur nette globale s'élève à 450.000 euros,

- qu'il ne dispose pas d'autre patrimoine mobilier ou financier,

- qu'il n'a pas déjà consenti de cautionnement.

Il est de principe que lorsque la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune incohérence, de sorte que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans effectuer des investigations complémentaires, la caution n'est pas fondée à invoquer, en vue de caractériser la disproportion, l'omission de charges ou d'éléments de passif.

Il doit par ailleurs être rappelé que le souscripteur est tenu d'un devoir de loyauté envers la banque sur les informations qu'il communique.

Dans le cas présent, il convient d'abord de relever que dans la mesure où il s'est abstenu d'en faire état dans les onglets prévus à cet effet, M.[N] ne peut valablement exciper de l'existence d'une pension alimentaire de 300 euros par mois versée à son ex-épouse pour l'entretien et l'éducation de leurs deux enfants communs et d'un prêt immobilier souscrit pour l'acquisition de sa résidence principale, dont il assumait seul les échéances mensuelles d'un montant de 1.232,79 euros.

Il sera à cet égard souligné que M. [N] a inscrit le chiffre '0' en face des mentions 'personnes à charge' et 'remboursements de crédits en cours'. Il a encore une fois écrit '0' dans la case 'emprunts et date de fin' de la rubrique 'biens fonciers et immobiliers'. Au vu de ces indications dépourvues d'ambiguïté, il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir procédé à des investigations complémentaires pour vérifier l'existence des enfants de M.[N] et d'un crédit immobilier, alors qu'elle ne pouvait avoir connaissance de ces éléments, ce d'autant que le prêt pour l'achat de sa résidence principale avait été contracté auprès d'un autre établissement bancaire, en l'occurrence la Banque populaire Loire et Lyonnais.

De même, M.[N] est-il mal venu à invoquer le caractère manifestement erroné des revenus mensuels nets perçus par son épouse et lui-même en 2016 ou encore la mauvaise évaluation des part sociales qu'il détenait dans la société DSL, alors que les montants mentionnés dans la fiche sont le fruit de ses propres déclarations, qu'il ne prétend pas avoir transmis son avis d'imposition 2016 à la banque en même temps qu'il lui a remis la fiche de renseignements, et que l'établissement bancaire n'était pas en mesure de suspecter une irrégularité concernant la valorisation des parts sociales dont il était titulaire dans la société DSL.

Il ne résulte en effet d'aucune des pièces du dossier, pas plus d'ailleurs qu'il n'est soutenu par M.[N], que la Caisse de Crédit Mutuel avait des relations contractuelles avec la société DSL qui lui auraient permis de disposer d'informations précises et actualisées sur sa situation financière en dehors des indications fournies par M.[N].

Il découle de ces observations qu'avec un patrimoine global déclaré de 425.000 euros, à savoir 200.000 euros au titre du bien immobilier et 225.000 euros au titre des parts sociales, outre des ressources annuelles à hauteur de 48.000 euros, M.[N] était en capacité de s'acquitter de la somme de 12.000 euros due au titre du cautionnement, aucun autre passif particulier n'ayant à être pris en considération pour les motifs déjà exposés supra.

Il échoue dès lors à démontrer que l'engagement de caution souscrit le 16 mars 2017 était manifestement disproportionné à ses revenus et biens, ce qui conduit, par ces motifs substitués, à la confirmation du jugement querellé sur cette question.

M.[N] ne discutant par ailleurs pas le montant de la créance revendiquée par la Caisse de Crédit Mutuel au titre du cautionnement, la décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a condamné celui-ci à verser à l'intimée la somme de 4.562, 02 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 2,5% à compter de la mise en demeure du 12 mars 2019, ce conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

Sur les délais de paiement

L'article 1343-5 du code civil, applicable aux présent litige, dispose que compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En l'espèce, il y a lieu de constater que la Caisse de Crédit Mutuel sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, ce qui signifie qu'elle consent à ce que M.[N] bénéficie de délais de paiement dans les conditions prévues par les premiers juges, à savoir 24 mensualités égales pour rembourser le principal et les intérêts conventionnels courus depuis le 12 mars 2019, sans imputation des paiements par priorité sur le capital ni application d'un taux d'intérêt réduit.

Dans sa décision du 7 février 2020, le tribunal de commerce a motivé l'octroi de ces délais de paiement par le fait que M.[N] est allocataire du RSA et bénéficie de l'aide juridictionnelle totale.

M.[N], qui demande à s'acquitter de sa dette par des règlements d'un montant moindre de 50 euros par mois, avec imputation prioritaire sur le capital, ne communique toutefois aucun justificatif relatif à sa situation financière actuelle.

Dès lors, en l'absence d'éléments de nature à remettre en cause la décision rendue en première instance concernant les modalités de mise en oeuvre des délais de paiements accordés à M.[N], il y a lieu de confirmer celle-ci en tous points.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Partie succombante, M.[N] doit supporter les dépens d'appel comme ceux de première instance, le jugement querellé étant par conséquent confirmé sur ce sur point.

Il le sera également s'agissant du rejet de la demande présentée par la Caisse de Crédit Mutuel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile eu égard à la situation financière de M.[N]. L'équité commande par ailleurs de ne pas non plus faire application des dispositions de cet article au bénéfice de la Caisse de Crédit Mutuel en cause d'appel. Compte tenu de l'issue du litige, M.[N] sera évidemment débouté de ses prétentions à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Condamne M.[K] [N] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle,

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est et M.[K] [N] de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/01756
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;20.01756 ?
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