La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2023 | FRANCE | N°19/06809

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 30 mars 2023, 19/06809


N° RG 19/06809 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTYD









Décision du Tribunal de Commerce de Bourg en Bresse

Au fond du 06 septembre 2019



RG : 2018005452





SAS SOGEDO - SOCIETE DE GERANCE DE DISTRIBUTION D'EAU



C/



EURL LA BERGERIE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 30 Mars 2023







APPELANTE :



SAS SOCIETE DE GE

RANCE DE DISTRIBUTION D'EAU ' SOGEDO' prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Hugues DUCROT de la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocat au barrea...

N° RG 19/06809 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MTYD

Décision du Tribunal de Commerce de Bourg en Bresse

Au fond du 06 septembre 2019

RG : 2018005452

SAS SOGEDO - SOCIETE DE GERANCE DE DISTRIBUTION D'EAU

C/

EURL LA BERGERIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 30 Mars 2023

APPELANTE :

SAS SOCIETE DE GERANCE DE DISTRIBUTION D'EAU ' SOGEDO' prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domicilié ès-qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Hugues DUCROT de la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocat au barreau de LYON, toque : 709

INTIMEE :

SARLU LA BERGERIE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cettequalité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Philippe REFFAY de la SCP REFFAY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIN

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 03 Octobre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Février 2023

Date de mise à disposition : 30 Mars 2023

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Marianne LA-MESTA, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARLU La Bergerie (ci-après la société La Bergerie) est propriétaire d'un fonds de commerce de laverie automatique situé [Adresse 5] à [Localité 6], qu'elle exploite depuis 1996. La laverie est alimentée en eau par la SAS Société de Gérance de Distribution d'Eau (ci-après la société Sogedo).

Le fonds de commerce se trouve au rez-de-chaussée d'un bâtiment composé de 2 autres lots, occupés par des locataires au 1er et au 2ème étage.

A l'occasion d'un changement de locataire et de l'intervention d'un technicien de la société Sogedo, la société La Bergerie a été avisée que les deux logements en location étaient raccordés à son compteur d'eau, malgré la souscription d'un abonnement individuel.

Elle a sollicité l'avis de son assurance protection juridique qui a mandaté la société CET IRD aux fins d'expertise.

Celle-ci, réalisée le 22 mars 2017, conclut effectivement que la consommation des deux lots supérieurs fait l'objet d'une double facturation au détriment de la société La Bergerie.

Par courriers recommandés des 13 avril, 17 mai et 18 septembre 2017, la société La Bergerie a mis la société Sogedo en demeure de réaliser à ses frais des travaux de mise en conformité du réseau et de lui rembourser la somme de 3.752 euros correspondant, selon elle, aux consommations réglées à tort jusqu'au 22 mars 2017.

Le 26 octobre 2017, la société Sogedo s'est rendue sur place afin de procéder à la pose de radio relevé sur les 3 compteurs afin de dissocier les consommations des différents lots.

Par exploit d'huissier en date du 13 juillet 2018, la société La Bergerie a assigné la société Sogedo devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse aux fins que soit ordonnée la réalisation des travaux de dérivation de son compteur d'eau sous astreinte et le remboursement de sommes indues à hauteur de 7.995, 52 euros.

Par jugement contradictoire du 6 septembre 2019, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a :

- débouté la société La Bergerie de sa demande de condamnation de la société Sogedo à réaliser des travaux de dérivation des compteurs sous astreinte,

- condamné la société Sogedo à verser la somme de 4.128,10 euros à la société La Bergerie, correspondant à une double facturation de la consommation d'eau et qui s'établit de la manière suivante :

- factures réglées par Mme [S] du 17 octobre 2016 au 8 décembre 2017, soit 264,09 euros,

- factures réglées par Mme [U] du 16 novembre 2012 au 12 mai 2017, soit 3.864,01 euros,

- débouté la société Sogedo de sa demande en paiement de la somme de 498,14 euros au titre de la consommation d'eau,

- condamné la société Sogedo à verser à la société La Bergerie la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes,

- mis les entiers dépens, liquidés à al somme de 73,23 euros, à la charge de la société Sogedo.

La société Sogedo a interjeté appel par acte du 3 octobre 2019.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 2 janvier 2020, fondées sur les articles 1104 et 1232-1 du code civil, la société Sogedo demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée et déboutée de ses demandes reconventionnelles,

- débouter la société La Bergerie de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions restant à trancher,

- condamner la société La Bergerie à payer la somme de 498,14 euros au titre de la consommation d'eau,

- condamner la société La Bergerie à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Sogedo fait valoir pour l'essentiel :

- que la première locataire, Mme [U], est abonnée au service public de l'eau depuis le mois de novembre 2012, tandis que les consorts [S] le sont depuis le mois d'avril 2016,

- qu'ils ont régulièrement acquitté leurconsommation depuis la souscription de leurs contrats respectifs, des relevés des compteurs ayant par ailleurs été effectués,

- que simplement, l'eau circulant d'abord dans le compteur affecté à la société La Bergerie, lequel correspond manifestement à l'ancien compteur principal de l'immeuble, celle-ci était comptée dans ce dernier, avant de l'être à nouveau dans les compteurs situés en amont sur le réseau,

- qu'elle est donc parfaitement à même d'identifier la surfacturation imputée à la société La Bergerie, puisqu'il s'agit très exactement du cubage relevé sur les compteurs des occupants des 1er et 2ème étages,

- qu'ainsi, entre avril 2016 et mai 2017, 642 m³ ont été relevés sur les compteurs des occupants des deux autres lots, ce relevé ayant fait l'objet d'un avoir de 2.590,19 euros le 24 novembre 2017,

- qu'un relevé de 189 m³, opéré au mois de novembre 2017, a donné lieu à l'émission d'un second avoir de 771,45 euros, de sorte que la société La Bergerie s'est vu rembourser la somme totale de 3.361,64 euros correspondant à 831 m³, somme d'ailleurs peu ou prou équivalente à ses demandes initiales,

- que la société La Bergerie ayant d'ores et déjà été désintéressée, elle devra être déboutée de l'intégralité de ses prétentions, le solde qui subsiste correspondant en effet à sa consommation réelle,

- que celle-ci est au contraire débitrice d'une somme de 498,14 euros au titre de sa consommation d'eau.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 mars 2020, fondées sur l'article 46 du code de procédure civile, ainsi que sur les articles 1104, 1194, 1231-1 et 1302 du code civil, la société La Bergerie demande à la cour :

- de débouter la société Sogedo de ses contestations comme étant injustifiées,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Sogedo à réaliser des travaux de dérivation des compteurs sous astreinte,

- a condamné la société Sogedo à lui verser la somme de 4.128,10 euros correspondant à une double facturation de consommation d'eau,

- a débouté la société Sogedo de sa demande en paiement de la somme de 498,14 euros au titre de la consommation d'eau,

- a condamné la société Sogedo à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de dommages-intérêts et la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- a condamné la société Sogedo aux dépens,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dérivation des compteurs,

en conséquence,

- condamner la société Sogedo à réaliser sis [Adresse 5] à [Localité 6], les travaux de dérivation de son compteur d'eau, dans le délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte définitive de 250 euros par jour de retard jusqu'à complète exécution,

ajoutant au jugement déféré,

- condamner la société Sogedo à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l'appui de ses demandes, la société La Bergerie observe en substance :

- qu'il ressort du rapport d'expertise qu'en raison de l'absence de dérivation des compteurs des deux locataires, elle a supporté le coût de leurs consommations, l'eau passant par son compteur et lui étant directement facturée, ce que reconnaît la société Sogedo dans ses écritures,

- qu'en l'absence de connaissance du problème, elle a honoré le règlement des consommations auprès de la société Sogedo,

- que cette dernière communique à ce titre des pièces incompréhensibles, et notamment une grille financière (pièce 1), sur laquelle des facturations du même montant apparaissent tant au crédit qu'au débit, facturations qui ne figurent en revanche pas en pièce adverse n° 3 relative à ses factures d'eau potable depuis 2015,

- que de manière contradictoire, la société Sogedo transmet également des factures au nom des deux locataires, alors même qu'elle reconnaît dans ses écritures que les consommations lui étaient facturées,

- qu'elle admet finalement, dans ses dernières écritures, avoir facturé deux fois des consommations, tout en s'abstenant de produire les contrats d'abonnement des locataires,

- qu'elle-même justifie que l'une des deux locataires, Mme [U], bénéficie d'un abonnement depuis novembre 2011, ce qui ne correspond pas aux affirmations de la société Sogedo selon lesquelles cette dernière est abonnée depuis 2012,

- que de même, la société Sogedo ne démontre pas que Mme [U] s'est toujours acquittée de ses factures,

- que la société Sogedo soutient encore, par le biais de sa pièce n°7, qu'entre avril 2016 et novembre 2017, les consommations des deux autres occupants auraient été de 642 m³, ce qui est incohérent au regard de sa pièce n° 2, dont il ressort que la consommation de Mme [U] aurait été de 107 m³ entre octobre 2012 et avril 2017,

- que cette même pièce n° 2 fait état d'une consommation de 10 m³ pour Mme [U] entre novembre 2012 et avril 2013, alors que la facture lui ayant été adressée par la société Sogedo le 16 novembre 2012 pour la période du 1er novembre 2012 au 30 avril 2013 mentionne une consommation de 994 m³ pour un montant de 3.050, 26 euros,

- que ces contradictions révèlent que la société Sogedo est incapable de faire la lumière sur les consommations effectives de chacun des occupants de l'immeuble,

- que faute d'éléments concrets, il convient de se baser sur ses propres calculs effectués sur la base du prix du m³ d'eau tel qu'il résulte d'une facture de la société Sogedo de la mère du gérant de la SARL La Bergerie, à savoir 4,16 euros le m³,

- qu'elle n'a pas pu se fonder sur sa propre facture d'eau pour la période de novembre 2016 à novembre 2017, la société Sogedo n'ayant jamais déféré à la sommation de communiquer ladite facture, ou à tout le moins, de justifier du prix du m³ d'eau,

- que les contrats d'abonnement de la société Sogedo du 26 octobre 2017 font état d'une consommation de 1.130 m³ pour Mme [U] et 792 m³ pour les époux [S], ce qui donne une somme totale de (1.130 + 792) x 4,16 = 7.995,52 euros,

- qu'en outre, si Mme [U] a payé 3.864, 01 euros de consommations au regard des factures dont se prévaut la société Sogedo, elle a nécessairement également réglé cette somme,

- que pourtant, l'avoir émis le 24 novembre 2017 par la société Sogedo n'est que 2.590,19 euros,

- qu'elle n'est donc pas en mesure de savoir à quoi correspond cet avoir, de même que celui d'un montant de 771,45 euros établi le 23 octobre 2018, ni d'appréhender si une compensation a réellement été opérée par la société Sogedo, dès lors que ces deux avoirs ne lui sont jamais parvenus avant l'instance au fond,

- qu'elle n'a au demeurant jamais reçu de facture au titre des consommations dont la société Sogedo réclame le paiement à hauteur de 498,14 euros,

- qu'elle est bien fondée à solliciter que la société Sogedo procède au remplacement des compteurs avec dérivation, car à l'heure actuelle les compteurs des deux locataires sont toujours pris dans les canalisations de la laverie, de sorte que le risque d'une double facturation ne peut être écarté en cas de panne des radios relevés posés en octobre 2017 par la société Sogedo,

- qu'il est d'ailleurs prévu dans le règlement (paragraphe 3.4) mais également à l'article 93 de la loi SRU du 13 décembre 2000 que les habitants d'un logement collectif peuvent demander l'individualisation de leur compteur, chaque copropriétaire pouvant traiter en direct avec le service des eaux de la commune, sans passer par le syndic, pour obtenir la pose et la location d'un compteur,

- qu'en raison de l'inertie de la société Sogedo qui n'a pas daigné répondre aux diverses sollicitations amiables, elle a été contrainte de saisir son assurance protection juridique et un conseil pour faire valoir ses droits, ce qui justifie l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil (1147 ancien).

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 décembre 2020, les débats étant fixés au 1er février 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire d'observer que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, le contrat de fourniture d'eau litigieux ayant été conclu avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance,

Sur les travaux de dérivation

L'article 93 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », dispose en son premier alinéa que « tout service public de distribution d'eau destinée à la consommation humaine est tenu de procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau à l'intérieur des immeubles collectifs à usage principal d'habitation et des ensembles immobiliers de logements dès lors que le propriétaire en fait la demande.'

L'alinéa 4 du même article prévoit quant à lui que 'le propriétaire qui a formulé la demande prend en charge les études et les travaux nécessaires à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau, notamment la mise en conformité des installations aux prescriptions du code de la santé publique et la pose de compteurs d'eau.'

Le décret d'application du 28 avril 2003 vient préciser les modalités concrètes de mise en oeuvre de ce dispositif.

Par ailleurs, en vertu de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, le règlement du service l'eau produit par la société Sogedo (pièce n°10 de l'appelante) et dont la société La Bergerie revendique également l'application dans ses rapports contractuels avec cette dernière reprend, en son article 2-4, l'alinéa 1 de la loi précitée, puisque cette clause stipule qu'en habitat collectif, une convention d'individualisation peut être mise en place à la demande du propriétaire, du locataire ou de la copropriété aux conditions des prescriptions techniques établies entre la collectivité et le distributeur d'eau (annexes 3 et 4 non versées aux débats par les parties) et que dans ce cas, tous les locaux, appartements ou points d'eau doivent être équipés de compteurs avec robinet d'arrêt et des contrats individuels doivent être souscrits.

L'article 4-1 dernier alinéa de ce règlement indique par ailleurs que pour les immeubles collectifs, le compteur du branchement est le compteur général de l'immeuble. Qu'il y ait eu signature d'une convention d'individualisation des contrats de fourniture d'eau ou non, le branchement de l'immeuble s'arrête au joint du comptage général de l'immeuble. Dans le cas où le système de comptage général est inexistant, le branchement s'arrête à la limite de propriété.

Il résulte de ces dispositions légales et stipulations contractuelles que si l'individualisation des contrats de fourniture d'eau est un droit pour le propriétaire d'un immeuble collectif ou la copropriété via son syndic après un vote en assemblée générale, lorsque l'immeuble est régi par ce statut, l'ensemble des travaux nécessaires à cette individualisation est à la charge du propriétaire ou de la copropriété.

Dans le cas présent, la société La Bergerie indique dans ses écritures, que depuis son entrée dans les lieux en 1996, son local est bien équipé d'un compteur individuel, tout comme le sont également les deux autres appartements composant l'immeuble, et que chacun des occupants bénéficie d'un contrat qui lui est propre.

Il s'en déduit que le propriétaire de l'immeuble ou la copropriété avait formalisé une demande d'individualisation des contrats auprès de la collectivité et/ou du distributeur d'eau et que des travaux avaient été réalisés à cette fin avant l'installation de la société La Bergerie dans les lieux, étant observé que ceux-ci ont nécessairement été effectués avant l'entrée en vigueur de la loi SRU et de son décret d'application.

Il ressort en revanche du rapport d'expertise amiable établi le 5 avril 2017 à la demande de la société La Bergerie que son compteur est enterré dans une courette située à l'arrière du bâtiment et que la canalisation d'arrivée d'eau passe d'abord par celui-ci avant de pénétrer dans le bâtiment à proprement parler, ce qui signifie que l'eau distribuée passe en premier lieu par le compteur de la société La Bergerie, avant de parvenir aux deux autres logements et aux compteurs dont ils sont équipés.

La société Sogedo ne conteste nullement qu'en raison de cette configuration du réseau d'adduction, l'eau circulant dans le compteur affecté à la société La Bergerie, et donc facturée à cette dernière, correspondait à la consommation de la totalité de l'immeuble, ce qu'elle explique dans ses conclusions par le fait que ledit compteur est manifestement l'ancien compteur principal de l'immeuble.

Elle affirme toutefois avoir remédié au problème de double facturation résultant de cette difficulté par la pose de radio relevés le 26 octobre 2017, opération dont elle rapporte la preuve par la fourniture des fiches d'intervention d'un technicien à cette date (pièce n°9 de l'appelante).

La société La Bergerie admet de son côté que cette pose de radio relevés a effectivement permis une individualisation de la consommation d'eau de chacun des occupants de l'immeuble, conformément aux prescriptions légales précitées.

Elle considère certes à juste titre que cette opération ne la prémunit pas de tout risque de double facturation, en cas de panne des radio relevés. Mais, il n'en demeure pas moins qu'en vertu des dispositions légales et stipulations contractuelles précitées, la réalisation des travaux de dérivation de la canalisation et/ou la pose éventuelle d'un nouveau compteur à un autre emplacement en vue de garantir que l'eau passant par son compteur corresponde à sa seule consommation, n'incombe pas à la société assurant la distribution de l'eau. Conformément à l'article 2 du décret du 28 avril 2003 précité, la société Sogedo est en effet uniquement chargée d'instruire la demande d'individualisation et de notifier aux propriétaires les travaux de mise en conformité nécessaires sur la base d'un dossier technique fourni à ses frais par le propriétaire ou la copropriété qui doit ensuite en supporter le coût.

Par confirmation du jugement entrepris, la société La Bergerie par conséquent déboutée de sa demande de condamnation sous astreinte de la société Sogedo à effectuer des travaux de dérivation des compteurs d'eau afin de dissocier le comptage du local commercial de celui des autres abonnés de la copropriété.

Sur la répétition de l'indu

En application des dispositions des articles 1376 et 1377 anciens du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

L'action en restitution peut, ainsi, être engagée contre celui qui a reçu le paiement et contre celui pour le compte duquel le paiement a été reçu.

Il appartient au demandeur en restitution des sommes qu'il prétend avoir indûment payées de démontrer le caractère indu du paiement.

Dans le cas présent, comme déjà évoqué supra, il n'est pas discuté par la société Sogedo qu'en sus de sa propre consommation d'eau, la société La Bergerie a payé celle des deux autres occupants de l'immeuble jusqu'à la pose des radio relevés intervenue le 26 octobre 2017.

Ayant admis le principe de ce trop versé, la société Sogedo justifie avoir émis deux avoirs au profit de la société La Bergerie, le premier en date du 24 novembre 2017 d'un montant de 2.590, 19 euros, le second en date du 23 octobre 2018 d'un montant de 771, 45 euros (pièce n°5 de l'appelante), soit une somme totale de 3'361,64 euros. Ils correspondent à un volume d'eau 'consommé' de 642 + 185 = 827 m selon les indications figurant sur le détail des factures.

La société Sogedo verse en outre ce qu'elle nomme la 'grille financière' de la société La Bergerie (pièce n°1 de l'appelante), dont l'analyse révèle qu'il s'agit en réalité d'une extraction de son logiciel comptable retraçant l'historique des factures émises par ses soins et celles réglées par la société La Bergerie. Même si ce document n'est pas aisé à appréhender de prime abord, il permet néanmoins de comprendre qu'entre décembre 2017 et avril 2018, les factures de consommation d'eau de la société La Bergerie ont toutes été annulées, puisqu'elles apparaissent successivement en débit puis en crédit, ce qui vient corroborer le fait que les avoirs établis par la société Sogedo ont bien été déduits des factures qui auraient dû être acquittées par la société La Bergerie durant cette période.

La société La Bergerie, qui émet des doutes sur la réalité de la compensation opérée par la société Sogedo sur le fondement de ces avoirs, à savoir une annulation de ses factures postérieures au mois de novembre 2017 dans la limite de cette somme de 3.361,64 euros, ne communique cependant aucun élément probant de nature à accréditer ses dires sur ce point, comme des factures qu'elle aurait reçues de la part de la société Sogedo juste après l'établissement de ces avoirs et/ou un historique de son compte bancaire faisant apparaître des paiements opérés au profit de la société Sogedo après le mois de novembre 2017.

Il convient dès lors de considérer que ces avoirs d'un montant total de 3.361, 64 euros constituent bien un remboursement, par la société Sogedo, du trop perçu résultant de la surfacturation au détriment de la société La Bergerie.

Cette dernière soutient par ailleurs que le volume de 827 m sur lequel s'est basée la société Sogedo pour établir ces avoirs ne correspond pas à la consommation réelle des deux autres occupants de l'immeuble, en l'occurrence Mme [U] et les consorts [S].

A cet égard, il convient effectivement de constater que les documents dont se prévaut la société Sogedo pour établir que le volume gobal consommé par les autres habitants de l'immeuble avant le 26 octobre 2017 et également facturé à la société La Bergerie serait bien de 827 m ne permettent pas de comprendre sur quelles données concrètes elle s'est appuyée pour parvenir à ce volume. Ainsi, les chiffres figurant dans ces pièces, outre qu'ils ne sont pas cohérents les uns par rapport aux autres, n'aboutissent pas aux 827 m retenus par la société Sogedo au titre de la surfacturation.

Ainsi en est-il :

- du tableau récapitulatif des consommations par locataire depuis 2010 (pièce n°2 de l'appelante), celui-ci mentionnant un volume de 107 m pour Mme [U], de 44 m pour les consorts [S] et de 528 m pour la catégorie 'non abonné' ('), soit 151 m pour les locataires stricto sensu et 679 m au total, sachant qu'il n'est pas précisé ce que recouvre la notion de 'non abonné',

- des factures de Mme [S] entre novembre 2016 et décembre 2017 , le volume d'eau facturé à cette locataire durant cette période étant de 5 + 2 + 37 = 44 m ,

- des factures de Mme [U] entre novembre 2012 et mai 2017 (pièce n°7 de l'appelante), puisque le volume global d'eau facturé à cette locataire au cours de cette période est de 994 + 10 + 9 + 9 + 4 + 8 + 34 + 11 + 22 = 1.101 m ,

- de la 'grille compteur' de la société La Bergerie (pièce n°4 de l'appelante), qui se borne à indiquer 'estimation douteuse' dans la case 'information suite contrôle'.

De son côté, la société La Bergerie excipe des relevés de compteur opérés par le technicien missionné par la société Sogedo lorsqu'il a effectué la pose des radio relevés le 26 octobre 2017 (pièce n°9 de l'appelante), dont la lecture fait apparaître qu'à cette date, le compteur des consorts [S] affichait un index de 792 m et celui de Mme [U] un volume de 1.130 m , soit 1.922 m au total.

Ce cubage correspond manifestement aux consommations de ces locataires depuis l'individualisation des compteurs ainsi que le relève à bon escient la société La Bergerie. Il s'avère toutefois impossible, en l'absence de comunication de l'historique détaillé de ces consommations par locataire et par année, de déterminer leur coût exact, dans la mesure où le prix du m d'eau (distribution et assainissement) varie chaque année en fonction de critères légaux.

Dans ces circonstances, les seuls éléments objectifs sur lesquels la cour peut se fonder pour calculer le montant du trop payé par la société La Bergerie sont les factures réglées par les autres locataires et versées aux débats par la société Sogedo, comme l'a d'ailleurs justement retenu le tribunal de commerce qui n'a en revanche pas pris en considération l'ensemble des sommes payées par ces locataires.

Après analyse détaillée des pièces n°6 et 7 de l'appelante, le montant total de ces factures s'établit en effet à la somme de 4.439, 12 euros, se décomposant comme suit :

- pour Mme [S], 264, 91 +118, 24 + 156 = 539, 15 euros sur la période comprise entre novembre 2016 et fin novembre 2017 (la première facture de 32,94 euros n'est pas comptabilisée, s'agissant d'une facture de mise en service),

- pour Mme [U], 3.050, 26 + 103,17 + 109,55 +106,32 + 50,71 + 104, 46 + 210, 71 +117, 49 + 47, 20 = 3.899, 87 euros pour la période courant de novembre 2012 à octobre 2017.

Compte tenu des avoirs déjà émis par la société Sogedo à hauteur 3.361, 64 euros, il convient de retenir qu'il subsiste un reliquat de 4.439, 12 - 3.361, 64 = 1.077, 48 euros non remboursé par cette dernière à la société La Bergerie au titre de la surfacturation.

La société Sogedo sera par suite condamnée à régler à la société La Bergerie cettte somme de 1.077, 48 euros, ce qui conduit à l'infirmation du jugement entrepris sur ce point.

La société Sogedo ayant fait le choix de ne communiquer aucune des factures d'eau de la société La Bergerie pour la période postérieure au mois de novembre 2017 au cours de laquelle elle a opéré une compensation avec les avoirs émis, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 498,14 euros correspondant, selon elle, au solde d'une facture non payée par la société La Bergerie. La seule extraction de son logiciel comptable (pièce n°1 de l'appelante) ne constitue pas une preuve suffisante du bien-fondé de sa prétention, le jugement déféré étant dès lors confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts

Il découle de la combinaison des articles 1153 et 1378 anciens du code civil que celui qui est condamné à restituer une somme indûment perçue doit les intérêts du jour de la demande s'il était de bonne foi et du jour du paiement s'il était de mauvaise foi.

Par ailleurs, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

Sur le fondement de ces dispositions, le créancier peut se voir attribuer des dommages et intérêts pour résistance abusive dès lors qu'est démontrée la mauvaise foi du débiteur et l'existence d'un préjudice, distinct du retard, en découlant.

En l'occurrence, s'il est indéniable que la société Sogedo n'a répondu que fin octobre 2017 aux demandes de remboursement du trop versé formulées par la société La Bergerie depuis le 13 avril 2017, date de la première mise en demeure ayant suivi l'établissement du rapport d'expertise amiable, il n'en reste pas moins que ce manque de célérité de sa part ne saurait conduire à considérer qu'elle a fait preuve de mauvaise foi, dès lors qu'il n'est pas soutenu qu'elle était d'ores et déjà informée du problème du trop perçu au moment de l'émission des factures litigieuses.

En l'absence de mauvaise foi, les seuls dommages et intérêts pouvant être alloués à la société La Bergerie sont les intérêts moratoires sur le montant de l'indu à compter du 13 juillet 2018, date de sa demande initiale en justice.

Le surplus de sa demande de dommages et intérêts sera en revanche rejeté, ce qui conduit à l'infimation du jugement entrepris en ce qu'il avait alloué la somme de 2.000 euros à ce titre à la société La Bergerie.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Bien que chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions, il y a lieu de mettre les dépens d'appel à la seule charge de la société Sogedo, dont le manque de clarté dans les réponses apportées à la société La Bergerie sur le mode de calcul du trop versé par cette dernière est à l'origine de la procédure engagée à son encontre.

La société Sogedo conservera la charge de ses frais irrépétibles et devra verser à la société La Bergerie une indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel que l'équité commande de fixer à la somme de 1.000 euros.

Les condamnations de ce chef et sur les dépens prononcées par les premiers juges sont par ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a:

- débouté la SARLU La Bergerie de sa demande de condamnation de la SAS Sogedo à réaliser des travaux de dérivation des compteurs sous astreinte,

- débouté la SAS Sogedo de sa demande en paiement de la somme de 498, 14 euros au titre de la consommation d'eau,

- condamné la SAS Sogedo à verser la SARLU La Bergerie la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la SAS Sogedo,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Condamne la SAS Sogedo à verser à la SARLU La Bergerie la somme de 1.077, 48 euros au titre de la surfacturation, ce avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2018,

Déboute la SARLU La Bergerie du surplus de ses demandes de remboursement des factures d'eau et de dommages et intérêts,

Condamne la SAS Sogedo aux dépens d'appel,

Condamne la SAS Sogedo à verser à la SARLU La Bergerie une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/06809
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;19.06809 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award