AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/08849 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYPZ
Association AUVERGNE RHÔNE ALPES GOURMAND
C/
[I]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 28 Novembre 2019
RG : 17/02199
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 29 MARS 2023
APPELANTE :
Association AUVERGNE RHÔNE ALPES GOURMAND
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Laurence CALLAMARD, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[O] [R]
née le 10 Mai 1963 à Poitiers
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Denis RATTAIRE de la SAS SAS ISARD AVOCAT CONSEILS, avocat au barreau de NANCY substitué par Me Clémence PALIX, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat à durée déterminée en date du 13 octobre 2003, Mme [O] [R] a été embauchée par l'association Peacritt, en qualité de conseiller en développement technologique, position 2.2 coefficient 130 statut cadre de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil (Syntec).
La relation contractuelle s'est poursuivie pour une durée indéterminée aux mêmes conditions à compter du 23 septembre 2004.
L'association Peacritt a été absorbée par l'association Rhône Alpes Gourmand et le contrat de travail de la salariée a été transféré à cette dernière le 31 mai 2014.
En juin 2014, l'association Rhône Alpes Gourmand a souhaité harmoniser le statut du personnel et étendre à tous ses salariés la convention collective nationale Syntec.
Le 18 novembre 2014, elle a dénoncé auprès de chaque salarié l'application du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie qu'elle appliquait à son propre personnel, antérieurement à la fusion, avec effet au 1er avril 2015.
Par lettre du 27 novembre 2015, Mme [R] a refusé la proposition d'avenant modificatif de son contrat de travail faite par son employeur.
La salariée a été placée en arrêt de travail du 2 au 5 novembre 2015, du 10 décembre 2015 au 13 janvier 2016, du 7 au 11 mars 2016, du 20 au 22 avril 2016, du 12 au 13 juillet 2016, du 24 mai au 2 juin 2017 et le 12 juillet 2017.
Lors de la visite de reprise du 30 août 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [R] inapte à son poste et dit que tout maintien de la salariée dans un emploi dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.
Par requête du 5 décembre 2015, la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes de Lyon d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de demandes en paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires consécutifs à un repositionnement conventionnel et à une requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de rappel d'heures supplémentaires, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour attitude dilatoire, de dommages et intérêts et d'indemnités au titre de la rupture.
L'affaire a été radiée le 15 décembre 2016 et réinscrite le 18 juillet 2017.
Par lettre du 27 septembre 2017, l'employeur a licencié la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Au dernier état de la procédure devant le conseil de prud'hommes, Mme [R] a modifié ses demandes et en a ajouté d'autres, sollicitant notamment le bénéfice du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie et la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale de son contrat de travail, dommages et intérêts pour harcèlement moral, remboursement d'un prélèvement indû au titre de l'avantage en nature et indemnité de licenciement complémentaire.
Par jugement du 28 novembre 2018, le conseil de prud'hommes a :
- rejeté la demande de Madame [O] [R] tendant à se voir appliquer le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie
- reclassé la salariée à la position 3-1 coefficient 170 de la convention collective Syntec
- prononcé la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [O] [R] aux torts de son employeur à la date de son licenciement, soit le 27 septembre 2017
- condamné l'association RHONE-ALPES GOURMAND à verser à Madame [R] les sommes suivantes :
- 8 062,38 euros au titre du préavis outre 806,24 euros au titre des congés payés afférents ;
- 17 169,18 euros au titre des rappels de salaire correspondant à la position 3 coefficient 170 de la convention collective Syntec outre 1 716,92 euros au titre des congés payés afférents ;
- 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour réparation du harcèlement moral ;
- 10 000 euros au titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
- ordonné l'édition et la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et des bulletins de salaire rectifiés, mais sans astreinte
- ordonné d'office en application de l'article L.1235-4 du Code du Travail le remboursement par l'Association RHONE-ALPES GOURMAND à Pôle Emploi des indemnités de chômage perçues par Madame [O] [R] dans la limite d'un mois de salaire
- 'ordonné l'exécution provisoire de droit'
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
- fixé le salaire brut mensuel moyen de Madame [O] [R] à 2 687,46 euros
- condamné l'association RHONE-ALPES GOURMAND à payer à Mme [R] la somme de 1700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
L'association Auvergne Rhône Alpes Gourmand a interjeté appel de ce jugement, le 21 décembre 2019.
Elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée tendant à se voir appliquer le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie et débouté celle-ci de sa demande de complément d'indemnité de licenciement
statuant à nouveau,
- de débouter Madame [R] de sa demande de résiliation judiciaire, de ses autres demandes et de son appel incident
- de condamner Madame [R] à une somme de 5 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail
- de condamner Madame [R] à 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner Madame [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Mme [R] demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit qu'elle est classée en position 3-1 coefficient 170 de la convention collective Syntec
- prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur avec effet à la date de son licenciement, soit le 27 septembre 2017
- condamné RHONE-ALPE5 GOURMAND à lui payer la somme de 8 062,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 806,24 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, la somme de 17 169,18 euros à titre de rappels de salaire correspondant à sa position 3-1 coefficient 170 outre 1 716,92 euros au titre des congés payés afférents
- condamné l'association RHONE ALPES GOURMAND au paiement de la somme de 1 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et aux dépens
- d'infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
- de condamner l'association RHONE-ALPES GOURMAND à lui payer les sommes de :
*45 841,82 euros au titre des rappels de salaire correspondant à un contrat de travail à temps plein outre 4584,42 euros au titre des congés payés afférents
*5 713,86 euros au titre des rappels d'heures supplémentaires outre 571,39 euros au titre des congés payés afférents
*20 532 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
*2 500 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail
*26 426,08 euros au titre du harcèlement moral
*478,53 euros au titre du remboursement du prélèvement indû sur son salaire correspondant à la modification de l'avantage en nature
*25 036,43 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement
*41 065 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- de dire que les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision et les sommes à caractère salarial à compter de l'audience de conciliation
- d'ordonner l'édition et la remise d'une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour et par document à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
- de se réserver la faculté de liquider les astreintes prononcées
- de déclarer irrecevable la demande de l'association RHONE-ALPES GOURMAND au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, à titre subsidiaire, de l'en débouter
- de condamner l'association RHONE-ALPES GOURMAND à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.
SUR CE :
Sur la demande de repositionnement
Mme [R] fonde ses demandes aux fins de repositionnement au niveau 3.1 coefficient 170 de la convention collective et de rappels de salaires consécutifs à compter de l'année 2012 sur les dispositions de l'article 4 de l'accord SYNTEC du 22 juin 1999 selon lesquelles le salarié soumis au forfait en jours bénéficie au minimum de la position 3 de la convention collective.
Elle demande par ailleurs que sa convention de forfait annuelle en jours soit déclarée nulle au motif, d'une part qu'elle a été invalidée par l'arrêt du 24 avril 2013 rendu par la Cour de cassation, d'autre part que le régime du forfait en jours réduit ne pouvait lui être appliqué puisqu'il n'a été introduit que par l'avenant du 26 juin 2014 postérieur à la signature de son contrat de travail.
Il convient en conséquence d'examiner en premier lieu la demande en nullité de la convention de forfait en jours formée par la salariée.
L'association Rhône Alpes Gourmand soutient à titre principal que cette convention est valable puisque l'article 6 du contrat de travail de Mme [R] fait expressément référence à l'article 3 de l'accord du 22 juin 1999 annexé à la convention SYNTEC, de sorte que le régime de travail de la salariée est un forfait en heures sur une base hebdomadaire, assorti de la garantie d'un nombre maximal annuel de jours de travail et que la salariée relève contractuellement d'un forfait hebdomadaire de 35 heures pouvant varier jusqu'à 38 heures 30 et limité par un nombre de jours maximal dans l'année.
A titre subsidiaire, elle admet que la convention doit être qualifiée de convention de forfait en jours au vu de la référence à un nombre de jours de travail dans le contrat de travail (limité à 174 jours) et des mentions portées sur tous les bulletins de salaires (forfait annuel en jours).
Mais elle estime que :
- le fait que la convention collective n'ait pas prévu de forfait en jours réduit avant l'avenant du 1er avril 2014 étendu par arrêté du 26 juin 2014 n'est pas de nature à invalider le forfait convenu avec Mme [R], le nombre de jours fixé par la convention collective constituant un plafond et n'interdisant pas aux parties de convenir d'un nombre de jours de travail inférieur à celui prévu par les partenaires sociaux
- la jurisprudence du 24 avril 2013 n'a invalidé que les convention de forfait en jours sur la base du plafond du nombre de jours autorisés et non les conventions de forfait en jours réduit, qu'en l'espèce, Mme [R] travaillait au plus quatre jours par semaine et bénéficiait de 8 ou 9 jours de RTT par an, ce qui montre que son forfait en jours réduit était de nature à garantir une amplitude et une charge de travail raisonnables et à assurer une bonne répartition dans le temps de son travail.
Le contrat de travail en date du 23 septembre 2004 contient la clause suivante à l'article 6 rémunération : 'en contrepartie de ses fonctions, Mme [R] percevra une rémunération brute mensuelle de 2 000 euros sur treize mois + 100 euros d'avantage en nature pour l'utilisation d'un véhicule de service, pour une activité à 4/5ème d'équivalent temps plein, soit un forfait de 173 jours dans le cadre de l'aménagement et la réduction du temps de travail, ladite rémunération couvrant les heures normales ainsi que les heures supplémentaires qu'elle pourrait être amenée à effectuer en raison de l'activité exercée. La comptabilisation du temps de travail de Mme [R] se fera dans le respect des dispositions légales, conforme aux dispositions de l'article 3 de l'accord national SYNTEC du 22 juin 1999.'
Il résulte donc de la lettre du contrat de travail que la convention souscrite par Mme [R] est une convention de forfait en jours.
Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
En l'espèce, ni les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, ni les stipulations des accords d'entreprise des 22 décembre 1999 et 5 novembre 2004, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, de sorte que la convention de forfait en jours souscrite par Mme [R] est nulle, peu important que le nombre de jours stipulé à la convention litigieuse soit inférieur au maximum prévu par l'accord du 22 juin 1999, compte-tenu des motifs pour lesquels la nullité est prononcée.
Dans ces conditions, la salariée ne peut fonder sa demande en repositionnement sur le bénéfice d'une convention de forfait en jours qui est nulle.
La salariée fait valoir par ailleurs qu'elle exerçait les fonctions de chef de projet et remplissait au demeurant 'à l'évidence' les conditions conventionnelles pour être classée au niveau 3-1 de la convention collective.
En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, le juge doit rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu'il requiert. La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui a été attribuée.
Le salarié ne peut prétendre à obtenir la classification qu'il revendique que s'il remplit les conditions prévues par la convention collective.
Mme [R] produit une fiche de poste à son nom, dont elle indique qu'elle a été associée à son contrat de travail, selon un procès-verbal du bureau de l'association du 23 novembre 2015, de chef de projet - CDT (conseiller en développement technologique) conseiller en développement par l'innovation décrivant les missions principales suivantes :
- atteindre les objectifs annuels, notamment les 'accompagnements de projets'
- apporter aux entreprises toute aide et tout conseil en lien avec l'activité de développement technique et innovation du comité
- monter les dossiers de financement, mettre en oeuvre le programme PRIMALLIRA 2014- 2015
- faire évoluer le programme afin de répondre aux règles et cahiers des charges des financeurs
et les activités principales suivantes :
dans le cadre des conventions avec la région etc...
- propose et rédige les dispositifs d'animation complémentaires au 'COT'
- gère le contrat d'objectif, assure le suivi avec les services instructeurs selon les procédures définies dans les conventions
- assure les fonctions de conseiller en développement technologique : conseille les entreprises sur l'innovation (...)
La salariée produit également un organigramme de juin 2016 sur lequel elle apparaît au côté d'autres salariés en qualité de chef de projet, sous la dénomination projets opérationnels.
En vertu de l'annexe II classification des ingénieurs et cadres du 15 décembre 1987, les positions 2.2 coefficient 130 et 3.1 coefficient 170 sont ainsi définies :
- position 2.2 coefficient 130 : remplissent les conditions de la position 2.1 et, en outre, en partant d'instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions, étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution. Ingénieurs d'études ou de recherches, mais sans fonction de commandement
- position 3.1 coefficient 170 : ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en oeuvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef.
Entre la position 2.2 et la position 3.1 se trouve la position 2.3 coefficient 150 applicable aux ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier, et qui, partant des directives données par leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche.
Dès lors que Mme [R] ne démontre pas que, dans l'exercice des fonctions de chef de projet telles que décrites ci-dessus, elle remplissait les conditions définies par la convention collective pour bénéficier de la position 2.3 coefficient 150, et notamment qu'elle avait la responsabilité de diriger une équipe, elle n'est pas fondée à revendiquer la position 3.1 qui lui est supérieure.
L'employeur avait du reste écrit à la salariée le 3 novembre 2015 que sa classification correspondait aux fonctions qui étaient les siennes au Peacritt et qui restaient les mêmes chez Rhône Alpes Gourmand, qu'il n'existait pas pour son positionnement d'avancement conventionnel en fonction de la seule ancienneté, que le contenu de son poste n'avait pas été sensiblement modifié, notamment en ce qui concerne des fonctions de commandement telles que suggérées dans la convention collective et qu'il n'était pas envisagé à ce jour de modifier son positionnement.
Il convient de rejeter la demande aux fins de repositionnement et la demande de rappel de salaire consécutive et d'infirmer le jugement qui a accueilli ce chef de demande.
Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein
Mme [R] fait valoir que, son contrat ne prévoyant pas la répartition de la durée du travail sur les jours de la semaine ou les semaines du mois, ni la durée exacte de travail convenue, il est présumé avoir été conclu à temps complet, si bien qu'elle est en droit de réclamer les rappels de salaire entre l'horaire contractuel fixé à 28 heures hebdomadaire et la durée légale hebdomadaire de 35 heures, sur les périodes non prescrites.
L'association fait valoir que le contrat de travail de la salariée n'est pas un contrat de travail à temps partiel soumis aux dispositions de l'article L3123-6 du code du travail puisqu'il s'agissait d'un 'équivalent temps plein', qu'en faisant explicitement référence à l'article 3 de l'accord de 1999 c'est à dire à un forfait en heures sur une base hebdomadaire de 35 heures pouvant varier de 10% et assorti d'un nombre maximal annuel de jours de travail, les parties n'ont jamais entendu conclure un contrat de travail à temps partiel au sens des articles L3123-1 et L3123-6 du code du travail, qu'il n'est stipulé nulle part au contrat que l'horaire hebdomadaire de 35 heures visé à l'article 3 de l'accord de 1999 a été réduit à 28 heures, ce que confirme le calendrier des jours travaillés de la salariée de 2010 à 2013, que les salariés bénéficiant d'une convention de forfait en jours prévoyant un nombre de jours travaillés inférieur à 219 jours ne peuvent être considérés comme des salariés à temps partiel et qu'il existe une incompatibilité entre le travail à temps partiel et la convention de forfait en jours.
Il a été dit ci-dessus que la convention de forfait en jours était nulle, de sorte que, dans la mesure où le contrat de travail a été conclu pour une activité à 4/5ème d'équivalent temps plein et une durée annuelle de 173 jours, il doit en être déduit que la salariée bénéficiait d'un contrat de travail à temps partiel de droit commun correspondant à 28 heures de travail par semaine (35 / 5 x 4).
En application de l'article L3123-14 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit et il doit mentionner notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
La répartition des heures de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'étant pas précisée au contrat, il en résulte que l'emploi est présumé à temps complet et qu'il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
L'employeur qui indique lui-même dans ses conclusions que la salariée travaillait à temps complet, que le vendredi non travaillé n'était pas absolu et que, de 2012 à 2015, la salariée a travaillé respectivement 32,34 heures, 33,08 heures, 32,41 heures et 34,77 heures par semaine , ce qui montre que les horaires de travail variaient suivant les semaines et les mois et que le nombre d'heures hebdomadaires travaillées dépassait 28 heures, ne rapporte pas cette preuve.
Il convient en conséquence de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de faire droit à la demande de rappel de salaire, sur la base du salaire horaire conventionnel correspondant à la position 2.2 coefficient 130 (17,32 euros) et de condamner l'association à payer à Mme [R] la somme de 35 194,24 euros (2032 heures non rémunérées du 30 novembre 2012 au 27 juillet 2017), outre l'indemnité de congés payés afférents.
L'association devra remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif du rappel de salaire ainsi alloué, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation du prononcé d'une astreinte.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Mme [R] fait valoir qu'elle a effectué de nombreuses heures au-delà de l'horaire légal de 35 heures sans que celles-ci lui soit rémunérées et que les majorations afférentes lui soient payées, ce dont son employeur avait connaissance puisqu'elle devait transmettre tous les mois un tableau récapitulatif de ses heures de travail.
L'association fait valoir que les tableaux produits par la salariée au soutien de sa demande ont été établis pour les besoins de la cause, ne répondent pas aux conditions posées par la jurisprudence et que le décompte contient des erreurs manifestes.
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Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des dispositions de l'article précité et de celles des articles L. 3171-2, alinéa 1er, et L. 3171-3 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
La convention de forfait en jours étant nulle et le contrat de travail à temps partiel ayant été requalifié en contrat de travail à temps plein, la demande de la salariée tendant au paiement des heures de travail accomplies au-delà de 35 heures par semaine est recevable.
A l'appui de sa demande, la salariée produit les éléments suivants :
- un tableau récapitulatif de ses heures de travail présentant le nombre des heures effectuées chaque semaine de 2012 à 2015
- des fiches récapitulant le nombre d'heures de travail effectuées chaque mois pour les années 2012, 2013 et 2014 faisant apparaître une durée de travail mensuelle inférieure à 151,67 heures sauf au mois de mars 2012 (161 heures), au mois de juillet 2013 (153 heures) et au mois de septembre 2015 (160 heures)
- un tableau des jours travaillés et des jours de RTT pour l'année 2015.
L'employeur produit une pièce 34 faisant apparaître que la moyenne hebdomadaire des heures de travail réalisées par Mme [R] a toujours été inférieure à 35 heures, de 2012 à 2015.
Au vu des éléments apportés de part et d'autre, le contrat de travail à temps partiel ayant été requalifié en contrat de travail à temps complet, les tableaux produits en pièce n° 20 et en pièce n°20-1 par la salariée ne comportant pas le même nombre d'heures de travail et Mme [R] ayant bénéficié de jours de RTT, il n'est pas démontré qu'elle a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées.
Sa demande en paiement formée de ce chef doit être rejetée, de même que, par voie de conséquence, la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.
Sur le harcèlement moral
En vertu de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L1154-1 dans sa rédaction applicable à la date du contrat de travail, antérieure à celle issue de la loi du 8 août 2016, dispose que, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L1152-1 à L1152-3 et L1153-1 à L1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En vertu de ce dernier texte, il pèse sur le salarié l'obligation de rapporter la preuve d'éléments précis et concordants laissant présumer l'existence d'un harcèlement ; ce n'est qu'à cette condition que le prétendu auteur du harcèlement doit s'expliquer sur les faits qui lui sont reprochés.
Au soutien de son appel, l'employeur fait valoir que :
- Mme [R] ne démontre pas qu'elle aurait tenté de lui imposer une modification de son contrat de travail pour la faire renoncer à ses demandes de régularisation d'heures et de classification, ni qu'elle l'a menacée de licenciement
- la salariée n'a pas accepté la modulation de son temps de travail sur quatre semaines telle que prévue dans l'avenant qui lui était soumis et il ne saurait lui être reproché d'avoir tenté de clarifier sa durée du travail, compte tenu de l'ambiguïté des termes de son contrat de travail initial
- devant l'obstruction systématique de la salariée et l'absence possible de tout dialogue constructif, elle a clairement expliqué à la salariée les raisons pour lesquelles elle ne pouvait matériellement faire droit à ses réclamations
- sur les pressions et dénigrements qu'elle invoque, la salariée ne produit que ses propres correspondances, mais aucune attestation de collègues de travail, de la déléguée du personnel qui l'a assistée à sa demande lors des réunions mensuelles avec la directrice et qui l'a accompagnée lors d'un rendez-vous sollicité par la salariée auprès de l'inspection du travail, ni de son médecin traitant, ni du psychologue du travail qu'elle aurait rencontré à plusieurs reprises, elle ne justifie pas non plus de prescriptions médicales d'anxiolytiques ou d'antidépresseurs sur toute la période considérée
- les courriels adressés à la salariée par Mme [L] ne permettent pas de caractériser le harcèlement moral allégué.
Au soutien de sa demande, Mme [R] invoque les agissements suivants de l'employeur :
- le refus par la direction de sa demande de régularisation des heures de travail effectuées par le passé et de règlement pour l'avenir de toutes ses heures de travail et le refus d'une formation qui lui aurait permis de mettre à jour ses connaissances en matière d'innovation, ce qui constitue une mesure de rétorsion face à son refus de voir modifier son contrat de travail
- la menace d'un licenciement pour la contraindre à signer l'avenant à son contrat de travail
- à la suite de sa saisine du conseil de prud'hommes, les pressions exercées sur elle dans le but d'obtenir sa démission
- les récriminations à longueur de journée et les dénigrements incessants dont elle a fait l'objet
- l'absence de paiement des heures qui lui étaient dûes et l'obligation de faire rentrer ses heures de travail dans le cadre défini de 28 heures alors qu'elle n'avait pas signé l'avenant à son contrat de travail
- la convocation dans le bureau du président de l'association avec la directrice le 6 janvier 2016 pour un entretien au cours duquel elle a été victime de reproches, menaces et humiliations verbales
- elle a été la seule parmi ses collègues à s'être vu refuser la mention de chef de projet sur sa carte de visite alors que cela correspondait à sa fonction
- la dégradation de son état de santé puisqu'elle a été placée en arrêt de travail le jour-même de l'entretien jusqu'au 13 janvier 2016.
Il est établi :
- que l'association a refusé d'accéder aux demandes de la salariée de se voir accorder un repositionnement et le paiement des heures complémentaires et supplémentaires qu'elle revendiquait avoir accomplies dans les années précédant la fusion du 31 mai 2014.
Il résulte à cet égard d'un courriel de Mme [R] du 17 septembre 2015 qu'elle a demandé à la directrice, Mme [L], que la situation 'historique' (un forfait en jours réduit sur la base de 4/5ème d'un équivalent temps plein) qui lui avait été appliquée durant des années soit régularisée pour le passé et pour l'avenir et a fait observer que la charge de travail imposée était largement supérieure à ce qu'il était possible de réaliser dans son temps partiel.
Mme [R] a demandé à nouveau à Mme [L], le 5 octobre 2015, de régulariser le passé en précisant 'je te rappelle que j'ai transmis régulièrement un fichier de suivi de mon temps de travail (...) Je n'accepte donc pas que tu prétendes que ces dépassements d'horaire n'ont été ni demandés ni validés'.
Elle a ensuite écrit à ce sujet à la directrice le 8 octobre 2015, le 12 octobre 2015 et le 29 octobre 2015, en faisant référence à deux entretiens tenus les 7 et 20 octobre 2015.
Le 9 novembre 2015, l'association a indiqué à Mme [R] que l'avocat de cette dernière étant intervenu sur ce sujet, elle la remerciait de bien vouloir établir le plus précisément possible les temps de travail dont elle faisait état et d'adresser ses éléments à son avocat pour qu'il les transmette au leur.
- que l'association a proposé le 3 novembre 2015 à Mme [R] de modifier son contrat de travail et que celle-ci a répondu le 27 novembre 2015 qu'elle ne pouvait l'accepter 'dans la mesure où je la considère infondée. Elle s'inscrit manifestement dans les pressions que je subis depuis la fusion afin de m'imposer de renoncer au paiement des heures qui me sont dûes et à ma demande de régularisation de classification. Ces pressions m'ont rendue malade et j'ai dû saisir le conseil de prud'hommes en résiliation judiciaire de mon contrat du fait de votre attitude dilatoire'
- que, le 16 septembre 2015, la salariée a demandé à la directrice l'autorisation de ne pas assister à une réunion interne du 2 novembre 2015, au motif qu'elle était inscrite à une formation ce jour-là, que la directrice a répondu qu'elle souhaitait un point sur les jours restant à travailler avant de statuer sur les jours de formation, ce qui a été fait par la salariée, que la directrice a répondu qu'à première lecture de ces données, il n'était pas envisageable de prendre sur cette fin d'année des journées de formation 'merci d'annuler ces journées', que des échanges s'en sont suivis le 8 octobre 2015, Mme [R] écrivant qu'elle considérait ce refus à son sens injustifié comme une nouvelle mesure de rétorsion à son égard, Mme [L] répondant que ce n'était pas un refus ni une sanction, mais un arbitrage, que la formation pouvait faire partie de la répartition des heures restant à travailler et qu'elle attendait des propositions argumentées, Mme [R] répliquant que ces volte-face la perturbaient de plus en plus 'suis-je désormais autorisée ou non à aller à cette formation ''
- en janvier 2017, il a été proposé à Mme [R] de mentionner sur sa carte de visite le titre de conseillère en développement technologique alors que les autres salariés avaient celui de chef de projet et il a été dit ci-dessus que sa fiche de poste la décrivait comme chef de projet.
Mme [R] verse par ailleurs aux débats les échanges de correspondance suivants :
- le courriel de Mme [L] du 28 septembre 2015 : 'dans l'immédiat, je te demande d'organiser ton temps pour ne pas dépasser les 7 heures par jour ou 28 heure en moyenne sur quatre jours, aucune heure au-delà de 28 heures ne sera validée à postériori' , directive réitérée le 2 octobre 2015, puis le 3 décembre 2015 : 'je te demande de respecter les consignes et de respecter 28 heures en moyenne sur quatre semaines'
- la demande faite à Mme [R] dans le courriel du 28 septembre 2015 de faire le point pour l'année 2015 sur les conventions en cours etc...
- le courriel de Mme [L] à Mme [R] le 7 janvier 2016 :'un nouveau contrat de travail vous a été proposé comme à tous les autres employés pour tenir compte de l'évolution de la structure de l'association et de l'application de la convention collective (...) Vous avez refusé d'accepter les modifications proposées. L'association va en tirer les conséquences de droit (...)' .
- le courriel du 19 avril 2016 de Mme [L] à Mme [R] ' en réponse à ton mail, il est maintenant nécessaire de cesser la déformation systématique des propos et de tenir des propos qui deviennent diffamatoires. De plus, ces remarques pourraient tout simplement être formulées en direct et les éléments seraient pris en compte. Au lieu de cela , aucune question ni remarque n'est émise malgré l'invitation à le faire en réunion pour être ensuite reprise et déformée dans un amalgame de reproches (...) Cette attitude devient une obstruction systématique accompagnée d'une volonté de dénigrer systématiquement toutes les mesures mises en place dans la nouvelle structure (...) C'est bien dommage. Le présent courriel est donc à considérer comme un rappel à l'ordre formel de notre part' à la suite duquel la salariée a envoyé à l'inspection du travail le 24 avril 2016 un 'signalement d'une situation de travail de plus en plus dégradée et d'atteinte à mes fonctions relevant du harcèlement moral et professionnel', ainsi qu'un courriel au médecin du travail, le 22 avril 2016 pour lui annoncer qu'elle avait à nouveau dû consulter son médecin traitant qui l'avait mise en arrêt de travail du 12 au 15 avril, puis du 20 au 22 avril, et qu'elle ne supportait plus les accusations permanentes de la directrice, ni l'obligation de solliciter plusieurs fois des réponses parce que la directrice ne répondait pas à ses questions.
- le courriel de Mme [L] du 23 mai 2017 en réponse à une demande de Mme [R] 'il me semble qu'avec quelques années d'ancienneté, tu devrais être en mesure de prendre un minimum de responsabilité et de gérer sans en appeler l'autorité ce qui n'empêche pas de tenir informée la structure. A toi de dire ce que tu es en mesure de faire compte-tenu du contexte et du fonctionnement du comité dont tu fais partie', à la suite duquel Mme [R] a d'une part alerté la déléguée du personnel en l'informant qu'après réception la veille du mail inadmissible de Mme [L], elle était partie au plus vite pour consulter son médecin car elle se sentait extrêmement mal d'autre part écrit le 26 mai 2017 à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône qu'elle avait reçu un nouveau mail de sa directrice ayant pour seul objet de la rabaisser et de dénigrer ses compétences, qu'elle s'était sentie extrêmement mal et avait craqué, qu'elle avait dû quitter son poste pour aller consulter au plus vite son médecin traitant qui lui avait prescrit un arrêt de travail du 24 mai au 2 juin mais n'avait pas fait d'arrêt pour accident du travail et qu'elle voulait pouvoir déclarer cet accident qui avait eu lieu au temps et au lieu du travail et du fait de son employeur
- l'arrêt de travail du 23 mai 2017
- le courriel du 12 juillet 2017 aux termes duquel Mme [L] reproche à Mme [R] d'avoir transféré à un prestataire un échange interne et adresse à celle-ci des critiques sur une opération pilotée par ses soins : 'je ne peux que déplorer la conduite décevante de ce volet de l'action, d'un niveau inférieur par rapport à celui qui peut être attendu d'un conseiller ayant plus de dix ans d'expérience'
- la réponse de Mme [R] en date du 19 juillet 2017 : 'j'ai pris connaissance avec stupeur hier matin de ton mail du 12 juillet, ton attitude agressive et de dénigrement permanent ainsi que tes consignes contradictoires dégradent ma santé chaque jour un peu plus à tel point que je suis moralement et physiquement épuisée. Je suis en arrêt-maladie du 18 au 28 juillet' , sa correspondance à l'inspection du travail du même jour pour lui signaler ce nouveau mail de reproches à son égard et lui indiquer qu'elle à nouveau déboussolée par cette attitude, épuisée moralement et physiquement, qu'elle a consulté un médecin et qu'elle est à nouveau en arrêt maladie du 18 au 28 juillet, sa lettre à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône en date du 20 juillet 2017 demandant ce qu'elle doit faire pour que cette nouvelle agression soit déclarée comme accident du travail et non comme maladie.
Le 12 mai 2016, à la suite de l'avis d'aptitude émis le 3 mars 2016 par le médecin du travail, lequel précisait qu'il était conseillé de permettre à la salariée de travailler sereinement, quelles que soient les conditions de travail actuelles, l'inspecteur du travail a prié l'association de lui indiquer, ainsi qu'au médecin du travail, les dispositions qui avaient été prises en ce sens.
L'employeur a répondu à l'inspectrice du travail, le 24 mai 2016, qu'il avait lui-même alerté la médecine du travail de la situation de cette salariée qui était en opposition ouverte avec la direction de l'entreprise depuis plusieurs mois et a apporté des explications, concluant que le sens de la phrase utilisée par le médecin du travail, de par sa généralité, le laissait interrogatif.
Il a également écrit au médecin du travail le même jour afin de lui demander des précisions quant aux préconisations éventuelles qui lui paraissaient nécessaires pour permettre la sérénité au travail de la salariée.
Il n'est pas justifié de réponse du médecin du travail ni d'autre intervention de l'inspection du travail que sa lettre envoyée à l'employeur le 12 juillet 2017, un an plus tard, aux termes de laquelle l'inspectrice du travail considère que les courriels portés à sa connaissance, notamment celui du 23 mai 2017, révèlent que les relations professionnelles sont toujours tendues et conseille à l'employeur de prendre les dispositions nécessaires pour y remédier (service de santé au travail, médiation).
Ainsi, ces pièces ne permettent pas d'établir la matérialité de pressions exercées sur la salariée dans le but d'obtenir sa démission, de menace de licenciement, de récriminations à longueur de journée et de dénigrements incessants, s'agissant essentiellement de cinq courriels adressés à la salariée par sa directrice sur une période de dix-huit mois, dont l'un de recadrage, ce qui relève du pouvoir de direction de l'employeur, les autres contenant, soit des directives sur le temps de travail, soit des appréciations sur le travail de la salariée en des termes qui ne peuvent être qualifiés d'humiliants ou de dénigrants.
Les autres agissements allégués, à savoir la proposition de modification du contrat de travail à la suite de la fusion des associations, destinée à être appliquée à tous les salariés, telle qu'elle a été expliquée à ces derniers et à Mme [R] par l'employeur, le refus de régler en l'état les heures complémentaires et supplémentaires sollicitées par la salariée dans l'attente de la décision du conseil de prud'hommes saisi du litige à ce sujet, le refus d'autoriser trois jours de formation à la fin de l'année 2015, une divergence avec l'employeur sur le titre de chef de projet en janvier 2017 et les arrêts de travail, pris dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de laisser présumer un harcèlement moral.
C'est à tort que le conseil de prud'hommes a retenu que la salariée avait fait l'objet de manoeuvres répétées visant à la déstabiliser en dénigrant publiquement son professionnalisme et en ne lui permettant pas de réaliser son contrat de travail dans de bonnes conditions.
La demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral doit être rejetée, le jugement qui l'a accueillie étant infirmé sur ce point.
Sur la demande fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Mme [R] fait valoir que :
- l'attitude dilatoire de l'association consistant à ne pas répondre à ses réclamations pour faire jouer la prescription et minimiser ses condamnations constitue une exécution déloyale de son contrat de travail
- l'employeur s'est rendu coupable de harcèlement professionnel en lui infligeant une surcharge de travail, des sermons injustifiés et des réflexions humiliantes dans le but de la faire renoncer à ses droits.
L'association fait valoir que :
- elle ne s'est jamais opposé sur le principe au paiement d'éventuelles heures passées qui n'auraient pas été régularisées mais en tant que nouvel employeur, elle avait besoin de temps pour examiner les documents produits par la salariée et pour interroger l'ancienne direction et son conseil.
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Mme [R] n'invoque pas d'autres faits que ceux qui ont été examinés dans le cadre de la demande fondée sur le harcèlement moral.
Par ailleurs, l'employeur étant condamné à lui payer un rappel de salaire consécutif à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, Mme [R] ne démontre pas avoir subi un préjudice financier distinct de celui qui se trouve réparé par l'allocation des intérêts de retard.
Le jugement qui a rejeté la demande doit être confirmé.
Sur l'avantage en nature
Mme [R] fait valoir que :
- son employeur a procédé à la modification unilatérale de son contrat en modifiant brutalement l'avantage en nature à compter du mois de septembre 2015 et en lui imposant une participation financière supplémentaire, ce qui a entraîné une diminution du montant de cet avantage.
L'association fait valoir que :
- l'avantage en nature accordé à la salariée a été évalué conformément à l'arrêté du 10 décembre 2002 et une nouvelle évaluation a été effectuée ce qui a entraîné une réduction de la valeur mensuelle de l'avantage à compter du 1er octobre 2015 (225 euros à 171,83 euros), que s'agissant d'une diminution d'assiette d'un avantage en nature, aucune retenue n'a été faite, au contraire, les cotisations appelées ont diminué
- la salariée ne lui a jamais demandé d'explications amiablement sur ce point
- l'accord du salarié n'est pas requis, l'employeur étant seul responsable du précompte des cotisations sociales légales.
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Il convient d'adopter les motifs pertinents par lesquels le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de la salariée en remboursement d'un prélèvement sur son salaire 'correspondant à la modification de l'avantage en nature' et de confirmer ce chef du jugement.
Sur la demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail
L'association s'oppose à la demande en faisant valoir d'une part que certains des faits invoqués par la salariée en première instance étaient anciens, c'est le cas de ses demandes de régularisation relatives à des heures effectuées avant la réalisation de la fusion et de la demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel avec effet rétroactif depuis la prise d'effet de son contrat, d'autre part que les faits de harcèlement moral, de mauvaise foi dans l'exécution du travail et le prélèvement effectué sur son salaire au titre de la modification de son avantage en nature ne sont pas caractérisés.
Mme [R] soutient que l'association a manqué gravement à ses obligations contractuelles, ce qui justifie la résiliation de son contrat de travail dont elle demande qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il appartient au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de rapporter la preuve de manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et ainsi justifier la rupture à ses torts.
La salariée invoque les manquements suivants :
- l'application d'un forfait en jours illégal
- la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein
- les heures supplémentaires non payées
- le travail dissimulé
- l'exécution déloyale du contrat de travail
- le harcèlement moral
- la modification de l'avantage en nature et le prélèvement de salaire indû.
Les demandes formées au titre du harcèlement moral, de l'exécution déloyale du contrat de travail, des heures supplémentaires, du travail dissimulé, de l'avantage en nature ont été rejetées.
Mme [R] ayant refusé la proposition de l'employeur de régulariser les clauses relatives à son temps de travail insérées au contrat de forfait en jours partiel qui lui était appliqué depuis son embauche dans l'entreprise, en 2003, qu'elle n'avait du reste pas remis en cause avant le transfert de son contrat de travail, elle n'est pas fondée à soutenir que la mise en oeuvre de ce forfait constitue un manquement grave de son employeur empêchant la poursuite de la relation de travail.
La requalification du contrat de travail à temps partiel en temps de travail à temps complet dans le cadre de la présente proécdure est consécutive à la nullité de la convention de forfait partiel en jours, de sorte que, pour le même motif que ci-dessus, elle n'est pas de nature à justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Il convient, infirmant le jugement qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] et condamné l'employeur à payer diverses sommes à ce titre à la salariée, de rejeter les demandes aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail et les demandes en paiement consécutives.
Sur la demande reconventionnelle de l'employeur
L'association fait valoir que Mme [R] l'a mise dans une situation inextricable en fermant la voie à toute possibilité d'entente amiable pour apporter une solution aux difficultés relatives à la gestion de son temps de travail et qu'elle n'a pas démontré en première instance que la mise en 'uvre de l'avenant proposé, prévoyant un cadre de travail à temps partiel de 28 heures sur quatre jours, lui aurait été défavorable et aurait porté atteinte à ses droits en termes d'organisation familiale et à sa rémunération.
La salariée soulève l'irrecevabilité de la demande de son employeur au motif qu'elle est nouvelle à hauteur d'appel et, sur le fond, s'oppose à cette demande au motif qu'elle est infondée au vu des précédents développements.
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L'article 567 du code de procédure civile énonce que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.
La demande reconventionnelle présentée par l'employeur se rattache aux prétentions originaires de la salariée par un lien suffisant, puisqu'elle concerne l'exécution du contrat de travail, de sorte qu'elle doit être déclarée recevable, conformément aux dispositions de l'article 70 du code de procédure civile.
L'existence d'un désaccord entre la salariée et l'employeur sur certaines conditions d'exécution du contrat de travail ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi de la salariée.
La demande en dommages et intérêts formée à l'encontre de Mme [R] sera rejetée.
Compte-tenu de la solution apportée au litige par la cour, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure et l'association sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [R] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, rejeté la demande en paiement d'heures supplémentaires, la demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, la demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et la demande en remboursement au titre de l'avantage en nature, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure
INFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions
STATUANT à nouveau,
REJETTE la demande de Mme [R] aux fins de classement à la position 3.1 coefficient 170 de la convention collective et la demande de rappel de salaires consécutive
CONDAMNE l'association Rhône Alpes Gourmand à payer à Mme [O] [R] la somme de 35 194,24 euros euros, à titre de rappel de salaire consécutif à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et la somme de 3 519,42 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2015, date de réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes
REJETTE les demandes de Mme [O] [R] en paiement de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages et intérêts consécutifs à la rupture
REJETTE la demande de remise d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés
DIT n'y avoir lieu au remboursement des indemnités Pôle emploi
Y AJOUTANT,
ORDONNE à l'association Rhône Alpes Gourmand de remettre à Mme [O] [R] un bulletin de salaire récapitulatif mentionnant le rappel de salaire consécutif à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et l'indemnité de congés payés afférente
REJETTE la demande en fixation d'une astreinte
DÉCLARE recevable la demande reconventionnelle formée par l'association Rhône Alpes Gourmand
REJETTE cette demande
CONDAMNE l'association Rhône Alpes Gourmand aux dépens d'appel
CONDAMNE l'association Rhône Alpes Gourmand à payer à Mme [O] [R] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE