AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/08829 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYOL
[C]
C/
Société GEONOMIE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 28 Novembre 2019
RG : F18/01831
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 29 MARS 2023
APPELANT :
[M] [C]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Nicolas ROGNERUD de la SELARL AXIOME AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Arthur-Léo GANDOLFO, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société GEONOMIE
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant
Me Olivier GELLER de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Clémence PALIX, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 24 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [C] [M] a été engagé par la SARL GEONOMIE par contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 septembre 2001, en qualité de chargé d'études en environnement.
Par avenant du 31 décembre 2009, sa rémunération brute a été portée à 2 700 euros par mois, pour 169 heures de travail, au même poste de chargé d'études environnement avec la classification Cadre 2.1.
La convention collective applicable est la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.
Le 28 février 2018, M. [C] a démissionné.
Le 21 juin 2018, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de LYON aux fins de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappels de salaire et d'heures supplémentaires, indemnisation pour discrimination, absence d'entretien professionnel, manquement au DIF.
Par jugement du 28 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a :
dit que la démission de M. [M] [C] est claire et sans équivoque et qu'elle ne peut être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
dit que la SARL GEONOMIE a exécuté le contrat de travail de M. [C] de façon loyale et qu'elle n'a pas fait preuve de discrimination ;
dit que la demande de M. [M] [C] au titre du paiement d'heures supplémentaires est infondée ;
dit que la demande de M. [M] [C] au titre de sa classification conventionnelle est infondée ;
dit la demande au titre de l'absence d'entretien annuel et d'information sur son compte personnel ne lui a pas fait subir de préjudice ;
débouté M. [C] de l'intégralité de ses demandes ;
débouté la SARL GEONOMIE de sa demande de 2 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ainsi que celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
condamné Monsieur [M] [C] aux entiers dépens
M. [C] a fait appel le 19 décembre 2019.
Par conclusions, notifiées le 1er décembre 2022, M. [C] demande à la cour de :
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que sa démission est claire et sans équivoque et qu'elle ne peut être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, jugé que la SARL GEONOMIE a exécuté le contrat de travail de façon loyale et qu'elle n'a pas fait preuve de discrimination, jugé sa demande au titre du paiement d'heures supplémentaires infondée, jugé que sa demande au titre de sa classification conventionnelle est infondée, jugé sa demande au titre de l'absence d'entretien annuel et d'information sur son compte personnel ne lui a pas fait subir de préjudice, rejeté l'intégralité de ses demandes, et l'a condamné aux entiers dépens de l'instance.
Statuant à nouveau :
Sur la requalification de la démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
juger que la rupture de contrat de travail doit être requalifiée en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
condamner la Société GEONOMIE à lui verser les sommes suivantes :
53 585,01 euros (3 969,26 * 13,5) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
7 938,52 euros (3 969,26 * 2) au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
793,85 euros au titre des congés payés afférents,
18 523,21 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
la remise des documents de fin de contrat dûment rectifiés sous 8 jours à compter de la décision à intervenir
Sur la qualification professionnelle conventionnelle et les rappels de salaire afférents,
juger qu'il aurait dû bénéficier de la qualification conventionnelle 3.1 compte tenu de ses fonctions réelles,
En conséquence,
condamner la Société GEONOMIE à lui verser la somme de 27 946,68 euros brut à titre de rappel de salaire (23 225,28 euros brut entre juin 2015 et août 2017 + 4 721,4 euros brut entre septembre 2017 et janvier 2018) correspondant à l'application des minimas conventionnels de la position 3.1,
condamner la Société GEONOMIE à lui verser la somme de 3 990,68 euros brut à titre de rappel des heures supplémentaires découlant du temps de travail de 39 heures (3 315,78 euros brut entre juin 2015 et août 2017 + 674,9 euros brut entre septembre 2017 et janvier 2018),
Sur la discrimination et l'exécution déloyale du contrat de travail,
condamner la Société GEONOMIE à lui verser la somme de 7 938,52 euros brut (3 969,26 euros brut * 2) à titre de dommages et intérêts pour discrimination et s'agissant du versement de la prime du 13ème mois,
condamner la Société GEONOMIE à lui verser la somme de 3 969,26 euros brut (1 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts s'agissant de l'absence d'entretien professionnel,
condamner la Société GEONOMIE à lui verser la somme de 3 969,26 euros brut (1 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts s'agissant du DIF,
Sur les heures supplémentaires,
condamner la société GEONOMIE à lui verser la somme de 11 501,44 euros à titre de rappel des heures supplémentaires effectuées au-delà du temps de travail de 39 heures,
En tout état de cause,
débouter la Société GEONOMIE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Société GEONOMIE de sa demande au titre de l'article 32-1 et de l'article 700 du code de procédure civile,
assortir l'intégralité des condamnations prononcées au taux d'intérêt légal à compter de la date de saisine du conseil,
condamner la Société GEONOMIE à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 5 janvier 2023, la SARL GEONOMIE demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la démission de M. [C] est claire et sans équivoque, et qu'elle ne peut être requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; dit qu'elle a exécuté le contrat de travail de M. [C] de façon loyale et qu'elle n'a pas fait preuve de discrimination ; dit que la demande de M. [C] au titre du paiement d'heures supplémentaires est infondée ; dit que la demande de M. [C] au titre de sa classification conventionnelle est infondée, dit et jugé la demande au titre de l'absence d'entretien annuel et d'information sur son compte personnel ne lui a pas fait subir de préjudice, débouté Monsieur [C] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens de la présente instance ;
infirmer le même jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de 2 000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile ainsi que celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
débouter M. [C] de l'intégralité de ses demandes ;
condamner M. [C] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 32-1 du Code de Procédure Civile ;
condamner le même à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.
SUR CE,
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la classification professionnelle et les rappels de salaire afférents :
Le salarié estime qu'il a pris en charge et piloté un certain nombre d'études en parfaite autonomie et a ainsi exercé les fonctions correspondant à la position 3.1 de la convention collective des bureaux d'études techniques. Il affirme avoir découvert, au moment de la rupture, que la classification 2.1 appliquée par l'employeur était erronée.
Il ajoute avoir ensuite été embauché en qualité de chargé de projet, à la positon 3.1, par la société NOX INGERNIERIE puis par la société NALDEO en 2019.
Il détaille le calcul du rappel de salaire (salaire de base outre 4 heures supplémentaires par semaine) estimant que son salaire brut pour 35 heures, aurait dû s'élever à 3 422,10 euros de juin 2015 à août 2017, puis à 3473,10 euros à compter du 1er septembre 2017.
La SARL GEONOMIE réplique que la qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions réellement exercées et estime :
que le salarié ne verse aux débats aucun élément objectif sur la nature des tâches et fonctions exercées et ne justifie pas un positionnement au niveau 3.1
qu'il importe peu qu'il ait été l'interlocuteur unique des clients qui en attestent dès lors que cela ne signifie pas responsable
que la qualité d'ingénieur apparait déjà à la position 2.1 de la classification conventionnelle
que M. [C] exerçait ses fonctions sous l'autorité de Mme [U]
que la rémunération de M. [C] est conforme à son positionnement conventionnel
****
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure effectivement de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
Selon la convention collective SYNTEC, la classification 2.1 correspond à " Ingénieurs ou cadres ayant au moins 2 ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d'études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu'eux dans les corps d'état étudiés par le bureau d'études ".
La classification 3.1 correspond à " Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en 'uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef ".
Selon le contrat de travail, M. [C] est chargé d'étude en environnement et il a cette qualification a été maintenue dans l'avenant du 31 décembre 2019. Les bulletins de paie mentionnent cette qualification.
Il verse aux débats :
les attestations de clients de GEONOMIE, qui tous témoignent de la qualité de son travail et de ce qu'il était leur interlocuteur unique ;
l'extrait de deux études d'impact « création du poste de transformation électrique 63 000/ 20 000 volts de [Localité 6] » et « renforcement de l'alimentation électrique de l'agglomération de [Localité 4] Création du poste 225 000/20 000 volts de [Localité 4] Est » : il est présenté comme étant « le chargé d'études » ; les autres acteurs au dossier sont aussi mentionnés, qu'ils appartiennent ou nom à Géonomie ; pour la société GEONOMIE, seule l'adresse mail de M. [C] est mentionnée, pas celles de l'experte faune /flore (Mme [W]) ni de la paysagiste (Mme [L])
pour ces deux dernières comme pour M. [C], il est précisé quel a été leur rôle, soit pour M. [C] « il a proposé en première étape les limites de l'aire d'étude et recherché les sites envisageables du point de vue de l'environnement pour le futur poste de transformation. Dans ce présent dossier, il élabore l'étude d'impact qui sera intégrée dans le dossier d'enquête publique », pour Mme [W] « elle a réalisé le diagnostic faune/flore » et pour Mme [L] « elle a proposé un aménagement végétalisé autour du futur poste afin de faciliter son intégration paysagère et a réalisé des photomontages à 5 et 15 ans pour montrer l'évolution de cet aménagement »
un extrait du site internet de la société GEONOMIE : la page présente l'équipe constituée par [K] [U], géographe Urbaniste, [M] [C], ingénieur en environnement, et l'urbaniste (nom illisible) avec ce commentaire « au sein de Géonomie, le géographe, l'ingénieur écologique, le paysagiste et l'urbaniste associent leurs compétences pour mieux répondre aux problématiques rencontrées »
une attestation de l'employeur en date du 14 avril 2017, mentionnant que M. [C] exerce la fonction de « chef de projet » ;
Les fonctions ainsi présentées ressortent de la définition du 2.1, qui prévoient que les ingénieurs coordonnent les travaux des techniciens travaillant aux mêmes tâches qu'eux dans les corps d'état étudiés par le bureau d'études.
M. [C] ne démontre pas que ses fonctions correspondaient à la classification 3.1.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de rappel de salaire à ce titre.
Sur la discrimination et l'exécution déloyale du contrat de travail :
S'appuyant sur les dispositions des articles L 1132-1 et L1222-1 du code du travail, le salarié relate que la prime de 13ème mois a été versée postérieurement au 30 novembre à plusieurs reprises ; que le 13ème mois de 2017 a été versé au mois de février 2018 ; que certains salariés ont bénéficié de primes dont il n'a pas bénéficié.
La SARL GEONOMIE réplique que la prime de 13ème mois a été versée, sur les bulletins de salaire de décembre, en 2015, 2016, et 2017 tandis que la prime de juillet a été versée en juillet 2017, août 2016 et 2015, qu'une prime de 825 euros a été versée au mois de mars 2018. Elle souligne que M. [C] ne démontre l'existence d'aucune discrimination ni rupture d'égalité et qu'il ne verse aucun élément de comparaison.
Elle soutient que M. [C] a perçu des primes substantielles au cours de la relation contractuelle et que le grief n'est pas caractérisé.
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Aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence, ou en raison de son état de santé, ou de son handicap ».
Aux termes de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Au vu des fiches de paie du salarié, il apparaît qu'aux mois d'août 2015 et 2016, et juillet 2017, a été versée une prime d'un montant de 700 euros, qualifiée d'exceptionnelle (alors que le contrat de travail prévoit le versement en juillet d'une prime de 4 000 francs, soit 610 euros) . Egalement, en fin d'année, sur les fiches de paie de décembre figure une « prime exceptionnelle », d'un montant de 2 500 euros en 2015 et 2016, au montant de 2 600 euros en 2017, dont M. [C] précise qu'il s'agit du treizième mois.
M. [C] ne conteste pas le versement du 13ème mois mais déplore le retard dans le versement.
Pour établir que ses collègues auraient perçu des primes qu'il n'a pas reçues, M. [C] verse aux débats trois sommations de communiquer les bulletins de paie de ses collègues.
Il ne produit aucun autre élément et ne précise pas la raison pour laquelle il aurait été discriminé.
La SARL GEONOMIE verse aux débats un tableau récapitulatif des primes versées à quatre salariés dont M. [C] ([M], [T], [A] et [S]). Il ne ressort pas de ce tableau que M. [C] ait perçu moins de primes que ses collègues.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre d'une discrimination salariale.
Sur l'entretien professionnel
S'appuyant sur les dispositions de l'article L6315-1 du code du travail, M. [C] souligne :
qu'il n'a jamais pu bénéficier d'un entretien professionnel ni d'une évolution pertinente de sa rémunération
qu'il n'a jamais été destinataire de son relevé de compte retraçant les heures de formation réalisées dans le cadre du DIF
La société GEONOMIE fait valoir que l'article L 6315-1 du code du travail n'imposant aucune formalité particulière, ces entretiens se sont déroulés de manière informelle et que M. [C] n'a jamais demandé la tenue d'un entretien formel.
Elle ajoute que M. [C] a pu bénéficier de formations tout au long de la relation contractuelle, notamment en anglais et qu'il ne l'a jamais interrogée sur les formations réalisées dans le cadre du droit individuel à la formation.
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L'article L. 6315-1 du code du travail dispose qu'à l'occasion de son embauche, le salarié est informé de ce qu'il bénéficie tous les deux ans d'un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualification et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié. Tous les six ans, l'entretien professionnel fait un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Cette durée s'apprécie par référence à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi n°2014-288 du 5 mars 2014, cet entretien donne lieu à la réaction d'un écrit dont une copie est remise au salarié.
Il est constant qu'aucun document écrit n'a été remis au salarié.
La société GEONOMIE verse aux débats un récapitulatif des formations qu'il a suivies entre 2004 et 2018, notamment la prise de parole en public (en 2007), la conduite de réunion (en 2008), le management de projet (en 2009) et à partir de 2013, une formation en anglais, annuelle, d'une durée de 50 heures, de septembre à mai.
Nonobstant l'absence d'entretien, le salarié a bénéficié de formations régulières.
Il ne rapporte la preuve d'aucun préjudice.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes au titre de l'absence d'entretien individuel et d'information sur son droit à la formation.
Sur les heures supplémentaires :
M. [C] affirme qu'il a effectué des heures supplémentaires non rémunérées, au-delà de 39 heures et souligne :
qu'il s'appuie sur l'outil informatique géré par la SARL GEONOMIE dans lequel ont été portées chaque semaine les heures supplémentaires
que Mme [U], gérante de la société, validait systématiquement ces heures
que les heures supplémentaires qu'il réalisait était uniquement retranscrites sur le logiciel
que la pièce n°12 versée par la SARL GEONOMIE correspond à des calendriers de type bancaire qui ne sont pas ses calendriers professionnels
qu'il était joignable par les clients de la société sur son adresse mail personnelle et so numéro de portable personnel ;
que Mme [U] exigeait que les salariés fassent figurer sur leur carte de visite leur n° de téléphone portable personnel ;
que ses heures de formation (cours d'anglais à l'université [Localité 5] II) était indispensables à son activité professionnelle puisqu'il était en lien avec un bureau d'étude anglais et devait participer à des réunions en anglais.
La SARL GEONOMIE répond :
que la demande n'est pas étayée ;
que les feuilles d'heures sont remplies par chaque salarié afin d'estimer le temps passé par affaire ;
qu'il est mentionné une durée de travail mais pas un horaire de travail
que ces feuilles d'heures sont utilisées à des fins de comptabilité et ne peuvent être lues à des fins de gestion du temps de travail ;
que M. [C] a porté sur ces feuilles les temps de formation
que le calendrier personnel ne laisse aucunement préjuger de la réalisation d'heures supplémentaires
que les échanges de texto ne sont pas de nature à établir la réalisation d'heures supplémentaires.
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Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [C] verse aux débats :
pour chaque année, un tableau faisant apparaître :
sous la mention « activités imputables » le nombre d'heures consacrées par semaine ( numérotées de 1 à 52), à chaque chantier le total hebdomadaire figurant en face de la rubrique « sous total heures affaires »
sous la mention « activités non imputables » 6 sous rubriques : gestion, prospection, formation, divers, comptabilité et Repro : le salarié a fait apparaître un nombre d'heures en face d'une ou plusieurs de ces sous rubriques et un sous total « heures non imputables »
le nombre d'heures réalisées par semaine résulte du total des heures affaires et des heures non imputables
aucun horaire de début et fin de journée ni de pause méridienne
6 tableaux hebdomadaires, faisant apparaître les horaires de travail et concernant :
la semaine 44 de l'année 2016 : le salarié était deux jours en congés, il a totalisé 10 «heures imputables » et 15 «heures non imputables», aucune heure supplémentaires n'est réclamée dans le tableau annuel ;
la semaine 52 de l'année 2016, aucune heure n'est comptabilisée ;
la semaine 51 de l'année 2017 : 4H30 imputables, 13H30 non imputables et 16 heures de congés maladie, pas de réclamation d'heures supplémentaires
pour la semaine 52 de l'année 2017 , aucune heure n'est comptabilisée
la semaine n° 31 de 2017 récapitulant les heures imputables (31), les heures non imputables (14,50 dont certaines au-delà de 18 heures) mais totalise 51 heures, car le salarié dans une case «nombre d'heures» a aussi comptabilisé 5,5 heures de «divers et prospection », ; il n'a pas fait apparaître de pause méridienne à deux reprises ;
la semaine n°50 de l'année 2017 les heures imputables (32), les heures non imputables (5 heures mais qui apparaissent le dimanche entre 16H30 et 21H30 ) mais totalise 42,50 heures, le salarié ayant rajouté 5,5 heures au titre de « divers » ; il n'a pas fait apparaître de pause méridienne
deux tableaux hebdomadaires concernant deux collègues ([J] [E] et [A] [L]), ce qui établit que l'outil employé est celui mis à disposition par l'employeur.
L'outil fait apparaître, outre les heures effectuées, ventilées en «imputables» et «non imputables», les congés payés, les congés maladie et un total d'heures, de sorte qu'il ne peut s'agir d'un outil exclusivement destiné à la facturation au client des prestations réalisées. Le salarié ne produit que 6 fiches hebdomadaires, alors que sa demande s'échelonne de juin 2015 à décembre 2017.
Au vu de ces éléments, l'employeur peut toutefois répondre utilement en produisant ses propres éléments, or il ne verse que des photocopies floues de calendriers bancaires (CIC pour les années 2017 et 2018) sur lesquels ne figurent aucun horaire ni nom ni activité. Ces pièces sont insuffisantes à établir les horaires réalisés par le salarié.
Il s'en déduit l'existence d'heures supplémentaires et il convient d'en fixer le montant, en tenant compte de la qualification à l'échelon 2.1, à la somme de 8 000 euros.
Sur la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Le salarié soutient qu'il s'est vu contraindre de quitter ses fonctions en raison des graves manquements de la société GEONOMIE, soit la qualification, la discrimination, l'absence d'entretien et les manquements au DIF.
Il ajoute que :
la SARL GEONOMIE a différé le paiement du salaire au-delà du délai mensuel, le salaire n'étant pas versé en une seule fois ;
ces versements différés sont devenus habituels en 2017, l'obligeant à avoir recours à des aides et lui occasionnant des frais bancaires
les difficultés de trésorerie de la société GEONOMIE, qui ne produit aucun élément comptable, ne sont pas établies
les attestations des salariés, encore en activité, et qui n'ont pas subi les mêmes retards, n'établissent pas qu'il existait un accord sur le retard des paiements
il supportait de plus en plus difficilement l'incertitude quant au règlement de son salaire lui causant une anxiété.
La SARL GEONOMIE réplique que M. [C] a exprimé, dans un courrier du 31 janvier 2018, son souhait de quitter l'entreprise au 16 mars 2018 et que c'est à la suite de l'échec des pourparlers relatifs à la rupture conventionnelle qu'il a démissionné.
Elle soutient qu'il n'existe aucun différend antérieur ou contemporain à la démission et que le salarié a exprimé sa volonté de quitter l'entreprise de manière claire et non équivoque.
A titre subsidiaire, elle estime n'avoir pas commis de manquement faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail.
Elle fait valoir :
que le salarié a été rempli de ses droits quant au paiement de son salaire et n'a jamais contesté les versements tels qu'ils ont été effectués
qu'elle a rencontré des difficultés de trésorerie en 2017 qui l'ont amenée à régler les salaires en deux fois ;
que cette solution a perduré jusqu'au mois de janvier 2018, l'intégralité des salaires ayant été réglés à compter du mois de février 2018 ;
que M. [C] n'a jamais fait part de difficultés dans l'exercice de ses missions
qu'il n'établit pas que les prétendus manquement sont à l'origine de son départ de l'entreprise
que c'est l'attrait d'un nouveau poste qui l'a conduit à démissionner.
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La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d'une démission.
C'est au salarié qu'il incombe de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur.
La prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à la condition que les faits invoqués, non seulement, soient établis, la charge de cette preuve incombant au salarié, mais constituent un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
M. [C] a adressé un courrier le 26 février 2018, en soutenant qu'il se trouvait dans l'obligation de démissionner en raison d'un certain nombre de difficultés : le versement du salaire en plusieurs fois, le non-paiement d'heures supplémentaires, le versement en retard du 13ème mois, figurant de manière inexacte sur la fiche de paie comme étant une «prime exceptionnelle», le versement à d'autres salariés de primes qu'il ne reçoit pas et sa classification en 2.1 a lieu de 3.1 de la convention collective, l'absence d'entretien annuel.
La classification ne correspondant pas à son emploi et la discrimination ne sont pas établies.
Aucun préjudice en raison de l'absence d'entretien annuel n'est démontré par le salarié.
Il est fait droit pour partie à la demande en paiement des heures supplémentaires.
Les salaires ont été payés en deux fois tout au long de l'année 2017, une somme est versée en début de mois (1 000 à 1 800 euros) et le reliquat entre le 11 et le 18 du mois suivant et une fois, le 29 mars (pour le salaire de février 2017).
L'examen des relevés de compte de M. [C] permet de constater qu'il s'est parfois trouvé à découvert.
Il a consulté le Dr [O] le 19 décembre 2017, pour un état d'asthénie et d'anxiété généralisée.
A cette date, le salaire de novembre était payé (2 000 euros le 4 décembre et 239,85 euros le 11 décembre 2017).
Il n'établit pas que ce manquement de l'employeur a rendu impossible la poursuite de son contrat de travail.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de requalification de la rupture en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les autres demandes
La SARL GEONOMIE fait valoir, au soutien de sa demande en dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil et de l'article 32-1 du code de procédure civile :
que M. [C] a exprimé de façon claire et non équivoque sa volonté de quitter l'entreprise ;
que suite à son départ, la société RTE a cessé de collaborer avec elle, n'a pas voulu qu'elle l'assiste lors de la réunion du 12 avril 2018 et n'a pas validé la facture d'un montant de 7 385 euros ;
que M. [C] s'est accaparé ce dossier.
M. [C] réplique que c'est à la demande de Mme [U] qu'il a participé à la réunion du mois d'avril 2018 avec RTE et que le refus de facturation, exprimé par RTE par mail du 17 septembre 2018 concerne une autre prestation.
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Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
La SARL GEONOMIE verse aux débats un mail du 9 avril 2018 qu'elle a reçu de M. [C] et par lequel il l'informe avoir été contacté par RTE et avoir accepté d'intervenir pour le dossier « ARGIA PULUTENIA/NIVELLE » et « on a tout de même convenu ensemble, et c'est normal, que RTE et Enedis vous contactent, Géonomie étant à la base destinataire de ces prestations. J'ai le retour RTE et ENEDIS : vous faites la présentation et j'assure les réunions, ce qui me semble du coup très équilibré en terme d'intervention ».
M. [C] verse aux débats un mail de RTE du 5 avril 2018, « après échange avec Mme [U], il est convenu qu'elle réalise la présentation et que ce soit vous qui la présentiez le jour de la réunion de concertation ».
Il ressort de ce mail que ces dispositions ont été prises en concertation entre RTE et ENEDIS la société GEONOMIE et M. [C].
Au surplus, la SARL GEONOMIE ne démontre pas en quoi le refus de validation d'un décompte par RTE, exprimé au mois de septembre 2018, en ces termes « comme évoqué ce jour par téléphone, je ne peux pas valider le décompte n°8. En effet, les prestations de rédaction du mémoire descriptif, du dossier loi sur l'eau et du dossier APO n'ayant pas été réalisées, je n'ai pas l'autorisation de les facturer » aurait un lien avec la présence de M. [C] (avec son accord) à une réunion, cinq mois auparavant. Il n'est pas non plus démontré que M. [C] se serait accaparé ce dossier.
Au demeurant, le comportement du salarié, postérieur à la rupture du contrat de travail, est sans lien avec le caractère abusif ou non de son action en justice.
La SARL GEONOMIE ne rapporte pas la preuve de ce que M. [C] aurait fait un usage abusif de son droit d'agir en justice et d'exercer un recours ou aurait commis une faute dans la conduite des procédures de première instance et d'appel.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la SARL GEONOMIE.
Sur les autres demandes :
L'appel de M. [C] étant partiellement accueilli et l'appel incident dela SARL GEONOMIE étant rejeté, cette dernière, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Il est équitable de condamner la SARL GEONOMIE à payer à M. [C] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant publiquement par arrêt mis à disposition, contradictoirement
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires
Statuant à nouveau,
Condamne la SARL GEONOMIE à payer à M. [C] la somme de 8 000 euros au titre des heures supplémentaires ;
Condamne la SARL GEONOMIE aux dépens de première instance et d'appel ;
Condamne la SARL GEONOMIE à payer à M. [C] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE