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23/03/2023 | FRANCE | N°21/08955

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 23 mars 2023, 21/08955


N° RG 21/08955 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N77I









Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du 08 décembre 2021



RG : 2021f602





[Z]

S.A.S. CELTIQUE



C/



S.E.L.A.R.L. [G] [W]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 23 Mars 2023







APPELANTES :



Mme [Y] [Z] es-qualités de mandataire ad' hoc dési

gné à ces fonctions par ordonnance du président du tribunal de commerce en date du 23 décembre 2021

[Adresse 2]

[Localité 3]



S.A.S. CELTIQUE prise en la personne de son mandataire ad'hoc Madame [Z] désigné à ces fonctions par ordonnance du président ...

N° RG 21/08955 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N77I

Décision du Tribunal de Commerce de LYON

Au fond du 08 décembre 2021

RG : 2021f602

[Z]

S.A.S. CELTIQUE

C/

S.E.L.A.R.L. [G] [W]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 23 Mars 2023

APPELANTES :

Mme [Y] [Z] es-qualités de mandataire ad' hoc désigné à ces fonctions par ordonnance du président du tribunal de commerce en date du 23 décembre 2021

[Adresse 2]

[Localité 3]

S.A.S. CELTIQUE prise en la personne de son mandataire ad'hoc Madame [Z] désigné à ces fonctions par ordonnance du président du tribunal de commerce en date du 23 décembre 2021

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentées par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983, postulant et par Me Cédric MONTFORT de la société C A Y S E - Avocats, avocat au barreau de LYON, toque : 1313 substitué et plaidant par Me REMENT, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

S.E.L.A.R.L. [G] [W] venant aux droits de la SELARL ALLIANCE MJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CELTIQUE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470, plaidant par Me CANCIANI, avocat au barreau de LYON

En la présence du Ministère Public pris en la personne d'Olivier NAGABBO, avocat général

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 12 Janvier 2023

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 23 Mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Raphaële FAIVRE, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 16 septembre 2015, la SAS Celtique a acquis auprès de la SARL Londoner un fonds de commerce de bar et restaurant pour un prix total de 275.000 euros. Le même jour, un acte de cession de licence de débit de boissons à consommer sur place de quatrième catégorie a également été signé par les parties pour un prix de 5.000 euros.

Le prix de cession et le démarrage de l'activité ont été financés par un prêt de 205.000 euros de la société Banque Rhône-Alpes et une avance en compte courant d'associé de 150.000 euros de la SARL PHP. Par acte du 14 novembre 2018, enregistré au greffe du tribunal de commerce le 27 novembre 2018, la société Celtique a consenti à la société PHP un nantissement conventionnel sur son fonds de commerce. Le remboursement de l'avance devait intervenir avant le 28 février 2019.

Par un arrêt du 20 février 2019, la cour d'appel de Lyon a condamné la société Celtique au paiement d'une créance salariale de 23.651,40 euros et 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au 31 mai 2019, la société PHP disposait d'une créance inscrite en compte courant de 201.361,22 euros sur la société Celtique.

Par décision en assemblée générale extraordinaire du 25 juillet 2019, les associés de la société Celtique ont décidé de sa dissolution anticipée pour cause de cessation d'activité par dation du fond et ont désigné Mme [Z] en qualité de liquidateur.

Par acte du 8 août 2019, les sociétés Celtique et PHP ont signé une convention de dation en paiement aux termes de laquelle la société Celtique a fait dation en paiement à la société PHP de son fonds de commerce. La contre-valeur du fonds a été fixée à 125.000 euros.

Par décision en assemblée générale extraordinaire du 30 septembre 2019, les associés de la société Celtique ont prononcé la clôture de la liquidation et ont déchargé Mme [Z] de sa mission de liquidateur.

Le 13 janvier 2020, la société Celtique a été radiée du registre du commerce et des sociétés.

Par jugement du 18 mars 2020, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Celtique, fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 4 novembre 2019 et désigné la Selarl Alliance MJ, représentée par Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Celtique a interjeté appel de ce jugement par acte du 17 avril 2020.

Par arrêt du 17 décembre 2020, la cour d'appel de Lyon a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Lyon.

Par ordonnance du 4 février 2021, le tribunal de commerce de Lyon a désigné Mme [Z] en qualité de mandataire ad'hoc ayant pour mission de représenter la société Celtique dans le cadre de l'action en report de la date de cessation des paiements à intervenir.

Par acte d'huissier du 12 février 2021, la Selarl [G] [W], venant aux droits de la Selarl Alliance MJ, a assigné la société Celtique et Mme [Z] devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir le report de la date de cessation des paiements au 30 juin 2019.

Par jugement contradictoire du 8 décembre 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

- débouté la société Celtique et Mme [Z] de leur demande de renvoi,

- dit que le passif exigible de la société Celtique s'élevait au moins à la somme de 23.651,40 euros au 30 juin 2019,

- dit que la société Celtique n'avait aucun actif disponible au 30 juin 2019,

- dit que la société Celtique était en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2019 au moins,

- dit que la date de cessation des paiements fixée provisoirement au 4 novembre 2019 par jugement déclaratif est reportée au 30 juin 2019 dans la procédure de liquidation judiciaire de la société Celtique,

- ordonné que la décision à intervenir modifiant la date de cessation des paiements soit publiée et mentionnée au registre, conformément aux articles R.621-8 et R.631-13 du code de commerce,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

dit que les dépens de l'instance seront tirés en frais privilégiés de la procédure.

Mme [Z], ès-qualités de mandataire ad'hoc de la société Celtique, et la société Celtique ont interjeté appel par acte du 17 décembre 2021.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 5 janvier 2023 fondées sur les articles L.631-1 et suivants du code de commerce, Mme [Z], ès-qualités de mandataire ad'hoc de la société Celtique, et la société Celtique demandent à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

' dit que son passif exigible s'élevait au moins à la somme de 23.651,40 euros au 30 juin 2019,

' dit qu'elle n'avait aucun actif disponible au 30 juin 2019,

' dit qu'elle était en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2019 au moins,

' dit que la date de cessation des paiements fixée provisoirement au 4 novembre 2019 par jugement déclaratif est reportée au 30 juin 2019 dans sa procédure de liquidation judiciaire,

' ordonné que la décision à intervenir modifiant la date de cessation des paiements soit publiée et mentionnée au registre, conformément aux articles R.621-8 et R.631-13 du code de commerce,

- rejeter comme étant irrecevables ou à défaut infondés les appels, demandes, moyens, fins et conclusions de la Selarl [G] [W], pris en la personne de Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de sa société,

Et statuant à nouveau,

- constater son absence de cessation des paiements au 30 juin 2019,

- dire n'y avoir lieu à reporter sa date de cessation des paiements telle qu'elle a été initialement fixée au 4 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Lyon par jugement du 18 mars 2020,

- ordonner que la décision à intervenir infirmant le jugement déféré soit publiée et mentionnée au registre, conformément aux articles R.621-8 et R.631-13 du code de commerce,

- condamner la Selarl [G] [W], prise en la personne de Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de sa société à lui verser, ès-qualités de mandataire ad'hoc, la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner la Selarl [G] [W], prise en la personne de Me [W], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Celtique, aux entiers dépens.

Les appelantes ont indiqué que le tribunal de commerce a méconnu les articles L631-1 et suivants du code de commerce en considérant que la créance de Mme [T] devait être retenue dans le passif exigible au 30 juin 2019 et qu'il n'y avait aucun actif disponible à cette date.

Concernant le passif exigible, les appelantes ont mis en avant les points suivants :

- la nécessité d'imputer le coût intégral des condamnations au profit de Mme [T] sur la liquidation judiciaire de la société Londoner qui avait les moyens de payer, qui en outre, devait relever et garantir la société Celtique, sans oublier l'intervention des AGS qui a permis de prendre en charge la créance

- l'absence de demande à l'encontre de la société Celtique par la liquidation judiciaire de la société Londoner, dont le rapport de clôture indique que toutes les instances sont terminées, d'où son refus de déclaration de la créance de Mme [T] à son passif, qui s'est adressée à tort à l'appelante

- l'exclusion du compte-courant d'associé du passif exigible en l'absence de demande de la société PHP en ce sens, cette dernière ayant en outre accepté de recevoir une dation en paiement du fonds de commerce

- l'octroi d'un délai de paiement par la société PHP pour rembourser le solde du compte-courant et l'absence d'action à son encontre

- l'exclusion des créances alléguées à son encontre par la banque Rhône-Alpes.

Concernant l'actif disponible, la société Celtique et Mme [Z] ont mis en avant les éléments suivants :

- la prise en compte des réserves de trésorerie accordées en vertu de la convention de trésorerie du 17 novembre 2015 conclu entre la société Celtique et la société PHP, s'agissant d'une ressource établie

- l'inclusion en conséquence de l'intégralité de la trésorerie de la société PHP soit au 31 décembre 2019, la somme de 26.174 euros

- le bénéfice au 30 juin 2019 d'une autorisation tacite de découvert par la banque Rhône-Alpes, accordée jusqu'à 9.493 euros, en l'absence de dénonciation des conventions de compte et donc le bénéfice d'une réserve de 5.988 euros au titre du découvert

- la disponibilité sur deux comptes CARPA de la somme de 8.905,35 euros au 30 juin 2019 et de 9.288,09 euros au 26 novembre 2019, disponibilités remises au liquidateur judiciaire lors du placement de la société Celtique en liquidation judiciaire le 18 mars 2020

- la prise en compte dans l'actif disponible non seulement de l'actif réalisable immédiatement mais aussi de l'actif réalisable à court terme, ce qui était le cas des sommes présentes aux comptes CARPA

- la réintégration in fine d'une somme totale de 41.660,12 euros au titre de l'actif disponible, ce qui exclut une cessation des paiements au 30 juin 2019, en l'absence de tout passif exigible.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 août 2022 fondées sur les articles L.631-1 et L.631-8 du code de commerce, la Selarl [G] [W], venant aux droits de la Selarl Alliance MJ, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Celtique, demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré ayant reporté la date de cessation des paiements de la société Celtique au 30 juin 2019,

- juger recevables et bien-fondés son appel incident, ses moyens et ses conclusions,

- débouter, en conséquence, les appelantes de l'intégralité de leurs demandes,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le passif exigible de la société Celtique s'élevait à 23.651,40 euros,

Et, statuant à nouveau,

- débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes,

- juger qu'au 30 juin 2019, le passif exigible de la société Celtique s'élevait à la somme de 173.651,40 euros au moins,

En conséquence,

- juger que la société Celtique était en état de cessation des paiements dès le 30 juin 2019 au moins,

- prononcer le report de la date de cessation des paiements de la société Celtique au 30 juin 2019,

- ordonner que la décision à intervenir modifiant la date de cessation des paiements soit publiée et mentionnée au registre, conformément aux articles R.621-8 et R.631-13 du code de commerce,

En tout état de cause,

- condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens de l'instance.

Sur la recevabilité de l'appel incident, la société [G] [W] a fait valoir les éléments au visa des articles 542 et 548 du code de procédure civile :

- le fait qu'en première instance, au terme de ses conclusions numéro 2, le liquidateur judiciaire a déjà demandé que le passif exigible de la société Celtique soit fixé au moins à la somme de 175.651,40 euros au 30 juin 2019, le tribunal de commerce ne retenant que la somme de 23.651,40 euros

- la demande, dans le cadre de ses premières conclusions d'intimé, par le liquidateur judiciaire de réformation de la décision déférée sur ce point

- l'absence de tout moyen concernant l'irrecevabilité des conclusions, par la société Celtique et Mme [Z].

Concernant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a reporté la date de cessation des paiements au 30 juin 2019, et son infirmation s'agissant du montant du passif exigible la société [G] [W] a présenté les éléments suivants, au visa des articles L631-1 et L631-8 du code de commerce :

- le caractère indifférent de la position des appelantes qui prétendent que la présente action serait un préalable à une action en nullité de la dation en paiement du fonds de commerce par la société Celtique à la société PHP

- l'existence au 30 juin 2019, d'un compte courant débiteur au profit de la société PHP à hauteur de 150.000 euros, qui avait consenti des avances de fonds à l'appelante pour acquérir son fonds de commerce et commencer l'activité

- le nantissement du fonds de commerce le 14 novembre 2018, consenti au profit de la société PHP, dans lequel les parties ont stipulé expressément le remboursement de la somme de 150.000 euros au plus tard le 28 février 2019, aucun paiement même partiel n'étant intervenu

- l'absence d'un moratoire entre la société Celtique et la société PHP ou de discussions concernant le paiement de la dette, étant rappelé la demande de remboursement par la société PHP de son compte-courant d'associé à la date du 10 juin 2019

- l'absence d'action en justice du fait de la qualité de M. [I], qui détient directement et indirectement la majorité du capital social de la société Celtique et de la société PHP et l'absence de renonciation par la société PHP à sa créance

- le fait qu'aucun moratoire ne peut être déduit de la dation en paiement du fonds de commerce en l'absence de tout élément probatoire concernant les discussions

- s'agissant de la créance de Mme [T], l'absence d'exécution spontanée de la condamnation par la société Celtique, étant rappelé les mesures d'exécution forcée infructueuses, les comptes étant débiteurs ou insuffisamment approvisionnés

- le caractère contractuel de la garantie par la société Londoner de la condamnation, du fait de l'acte de cession du 16 septembre 2015 (article 6), et non son caractère salarial, Mme [T] ne pouvant, en tant que salariée de l'appelante, ne pouvant dès lors présenter de demande à la société Londoner

- la fixation par la cour d'appel au dispositif de son arrêt des créances de la société Celtique au passif de la société Londoner et non des créances de Mme [T] au passif de cette dernière

- l'impossibilité pour la société Londoner, en raison de son placement en liquidation judiciaire de garantir la société Celtique, du fait de l'interdiction de paiement des créances antérieures et postérieures non utiles

- la non prise en charge par l'AGS des sommes dues puisque la créance de la société Celtique sur la société Londoner avait une nature contractuelle et non salariale

- la contestation par la société Celtique de la seule créance réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- l'existence in fine d'un passif à hauteur de 173.651,40 euros au 30 juin 2019

- la non-prise en compte par le liquidateur judiciaire en première instance des créances déclarées par les sociétés Ab Inbev France, Diac Location, la Banque Rhône-Alpes et Star Lease, qui font l'objet de contestations.

Sur l'actif disponibilité, la société [G] [W] a mis en avant les éléments suivants :

- le caractère nul de l'actif disponible de la société Celtique au 30 juin 2019 eu égard aux sommes disponibles sur les comptes bancaires soit 34,48 euros et -3.504,31 euros

- l'absence de tout découvert autorisé, même tacite, qui s'il existait, aurait mené la Banque Rhône-Alpes non à demander le remboursement et la régularisation des sommes en découvert mais à dénoncer le découvert en compte en respectant la durée de 60 jours

- les demandes répétées de régularisation de la banque du découvert, atteignant à ce moment-là la somme de 3.942 euros

- l'impossibilité de prendre en compte l'actif disponible de la société PHP étant rappelé que les sociétés sont deux personnes morales distinctes

- la nature de la convention de trésorerie entre les deux sociétés ne prévoit aucun engagement chiffré et relève d'une simple faculté de la société PHP et non d'une obligation ou d'un actif disponible immédiatement,

- un actif insuffisant de la société PHP pour une somme de 26.174 euros au 31 décembre 2019, qui ne lui permettait pas de faire face à son propre passif

- le caractère non immédiatement disponible des sommes inscrites au compte CARPA, sommes qui ont été en outre remises au liquidateur judiciaire

- l'absence de tout moratoire de la part des créanciers de la société Celtique.

Le ministère public, par avis communiqué contradictoirement aux parties le 21 octobre 2022 a considéré que :

- la date de la cessation des paiements doit être fixée au 30 juin 2019 en l'absence d'actif disponible à cette date, pour un passif de 23.651,40 euros

- l'absence de moratoire concernant la créance en compte-courant de la société PHP et la nécessité d'inclure cette créance au passif.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 janvier 2023, les débats étant fixés au 19 janvier 2023

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel incident de la société [G] [W]

L'article 542 du code de procédure civile dispose que l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

L'article 548 du même code dispose que l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé tant contre l'appelant que contre les autres intimés.

En l'espèce, il ressort des premières conclusions d'intimé de la société [G] [W], notifiées le 3 mars 2022, que cette dernière a relevé appel incident du refus d'inscrire la somme de 150.000 euros au passif exigible de la société Celtique.

Dès lors, cet appel incident ayant été inscrit dans les délais impartis par les textes, il convient de le déclarer recevable, de même que les conclusions ayant repris la demande postérieurement.

Sur l'appel formé par la société Celtique

L'article L631-1 alinéa 1 du code de commerce dispose qu'il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.

L'article L631-8 du même code dispose dans ses alinéas 1 et 2 que le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture de la procédure et qu'elle peut être reportée une ou plusieurs fois, sans pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture de la procédure. Sauf cas de fraude, elle ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l'article L. 611-8. L'ouverture d'une procédure mentionnée à l'article L. 628-1 ne fait pas obstacle à l'application de ces dispositions.

- Sur le passif exigible

Il sera rappelé que le passif exigible correspond au passif échu c'est-à-dire à l'ensemble des dettes arrivées à échéance dont le créancier peut réclamer le paiement à tout moment, à moins qu'un moratoire n'ait été consenti au débiteur, ce dernier devant rapporter la preuve de l'existence du moratoire.

Dans ce cadre, les parties contestent pour la société Celtique, la prise en compte de la créance déclarée par Mme [T], et pour la société [G] [W], le défaut de prise en compte du compte-courant d'associé de la société PHP.

Concernant la créance déclarée par Mme [T], il convient de rappeler qu'en raison des transfert de fonds de commerce, son contrat de travail a été transféré à la société Celtique, employeur en conséquence de celle-ci, ce qui a été retenu par la cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 20 février 2019.

Au vu des circonstances de l'espèce, la société Celtique a été condamnée à payer à Mme [T] la somme de 23.651,40 euros, outre 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, seule cette dernière indemnité faisant l'objet d'une contestation de passif par la société Celtique, dûment enregistrée.

La société Celtique entend faire valoir qu'elle n'est pas redevable au final de cette somme puisque la société Londoner, ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, devait la garantir.

Toutefois, la lecture exacte de la décision rendue par la cour d'appel mais aussi du contrat de cession entre la société Celtique et la société Londoner établit que seule la société Celtique était employeur de Mme [T], qui disposait de créances de nature salariale à son encontre, et que la société Londoner, dans la convention de cession de fonds de commerce du 16 septembre 2015 liant les parties, avait octroyé une garantie contractuelle uniquement à la cessionnaire.

Du fait de la liquidation judiciaire de la société Londoner, plus aucune garantie ne peut être réclamée par la société Celtique, qui est le seul débiteur dont Mme [T] peut revendiquer être créancière à titre salarial.

C'est donc à tort que la société Celtique prétend ne pas être redevable de la somme réclamée par Mme [T], ses moyens ne pourront donc qu'être rejetés.

Dès lors, la décision déférée sera confirmée sur ce point.

S'agissant de la créance de la société PHP au titre du compte-courant d'associé, la société Celtique entend faire valoir que la créance n'a jamais été réclamée, mais aussi qu'elle a bénéficié d'un moratoire de la part du créancier de ce fait, et en présence de la dation en paiement ultérieure du fonds de commerce.

En l'espèce, il est constant que la société PHP est créancière de la somme de 150.000 euros au titre de son compte-courant d'associé de la société Celtique, somme inscrite en compte tant au 14 novembre 2018 qu'au 30 juin 2019.

Il est également constant que le 14 novembre 2018, la société Celtique a consenti un nantissement de fonds de commerce pour cette somme, à son associé, en garantie de remboursement, l'acte indiquant que le remboursement devait intervenir au plus tard le 28 février 2019, ce qui ne fut pas le cas.

Eu égard aux textes susvisés, il est erroné de prétendre comme le fait la société Celtique, que le défaut de réclamation de la somme due, mène à son défaut d'exigibilité. Or, les différents textes renvoient aux créances échues c'est-à-dire rendues exigibles, mais n'oblige pas à ce que les créances soient exigées, cela revenant à ajouter une condition au texte.

Par ailleurs, aucun élément ne démontre que la société PHP a renoncé au remboursement de son compte-courant d'associé, étant rappelé en outre l'acte de dation en paiement du 8 août 2019 qui ne peut être ignoré.

S'agissant de l'existence ou non d'un moratoire, la charge de cette preuve repose sur la société appelante. Il ne saurait être tiré du défaut de paiement ou du défaut de réclamation l'existence d'un moratoire ou de discussions en ce sens. Aucun document n'est versé au débat en ce sens, et l'appelante ne peut se prévaloir d'un élément postérieur sans rapporter la preuve nécessaire.

De plus, une dation en paiement, soit un paiement, n'équivaut pas à la mise en 'uvre de délais de paiement, c'est-à-dire rien qui permettent d'envisager de ne plus rendre la créance exigible.

En conséquence, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la créance de 150.000 euros avait fait l'objet d'un moratoire. Dès lors, la décision déférée sera infirmée sur ce point et la cour ordonnera l'inscription au passif de la somme de 150.000 euros au titre de la créance en compte-courant d'associé de la société PHP au 30 juin 2019.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, et excluant le passif faisant objet de contestation, le passif déclaré et retenu dans le présent litige se monte à la somme de 173.651,40 euros au 30 juin 2019.

- Sur l'actif disponible

Il convient de rappeler que l'actif disponible est constitué des sommes ou valeurs dont l'entreprise peut immédiatement disposer pour assurer le paiement d'une dette quel qu'en soit le montant, s'agissant notamment de liquidités, de valeurs mobilières immédiatement réalisables de même que la valeur d'un fonds de commerce.

S'agissant d'une convention de trésorerie entre sociétés d'un groupe, il conviendra de vérifier si le financement relève d'une faculté laissée à leur bon vouloir, ou non afin de déterminer si elle relève d'une réserve de crédit ou non.

En l'espèce, la société Celtique prétend disposer d'un découvert en compte de la part de la Banque Rhône-Alpes pour la somme de 7.058 euros à la date du 30 juin 2019, dont elle n'avait consommé qu'une partie.

Toutefois, la société Celtique ne verse pas au débat la preuve de l'existence conventionnelle d'une telle mesure, indiquant que ce découvert est tacite.

Cependant, les pièces versées au débat par l'appelante s'agissant des courriels de la Banque Rhône Alpes permettent de relever que cette dernière a sollicité à plusieurs reprises le remboursement du découvert en compte d'une somme de 3.504,31 euros, certains courriels étant même antérieurs s'agissant des demandes en paiement.

De fait, si un découvert en compte avait été consenti dans le montant indiqué par l'appelante, aucune réclamation n'aurait eu lieu de même que l'imputation de frais liés au découvert, et des prélèvements n'auraient pu être rejetés comme cela est constaté sur les comptes bancaires de la société Celtique.

De ce fait, le moyen soulevé par la société Celtique ne peut qu'être rejeté.

S'agissant de la convention de trésorerie dont la société Celtique prétend bénéficier telle une réserve de crédit avec la société PHP, il convient d'en revenir à la lettre de cette convention.

De fait, la convention ne prévoit qu'une possibilité de financement et non une obligation.

Dès lors, s'agissant d'une simple faculté, la société Celtique ne peut prétendre bénéficier de toutes les sommes présentes en trésorerie de la société PHP.

En outre, cette position revient à nier le caractère individuel de chaque personne morale.

La convention de trésorerie exclut une prise en compte de l'actif de la société PHP comme un actif disponible immédiatement au profit de la société Celtique.

De fait, le moyen de la société Celtique à ce titre ne pourra qu'être rejeté.

Enfin, la société Celtique a estimé que les sommes présentes en compte CARPA devaient être prises en compte au titre de l'actif disponible.

Toutefois, par ce biais, la société Celtique ignore le fonctionnement d'un compte CARPA qui ne représente pas une liquidité immédiatement disponible, les sommes y étant présentes étant affectées en raison de condamnation ou consignation, et ne pouvant faire l'objet d'une libre disposition.

En outre, il n'est pas contesté par les parties que ces sommes ont été remises postérieurement au liquidateur judiciaire, démontrant qu'au 30 juin 2019, ces sommes ne pouvaient être qualifiées d'actifs disponibles.

Dès lors, ce moyen ne pourra qu'être rejetée.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a retenu l'absence d'actif disponible au profit de la société Celtique à la date du 30 juin 2019.

De même, il convient de confirmer la date du 30 juin 2019 pour fixer la date de cessation des paiements de la société Celtique, retenue par les premiers juges.

Sur les demandes accessoires

La société Celtique et Mme [Z] échouant en leurs prétentions. Mme [Z] sera condamnée seule à supporter les dépens de l'instance en appel.

L'équité commande d'accorder à la société [G] [W] une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À ce titre, Mme [Z] sera condamnée seule à lui verser la somme de 3.000 euros sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Déclare recevable l'appel incident formé par la SELARL [G] [W] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Celtique,

Confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a fixé le passif de la SAS Celtique à la somme de 23.651,40 euros,

Statuant à nouveau

Fixe le passif exigible de la SAS Celtique au 30 juin 2019 à la somme de 173.651,40 euros,

Y ajoutant

Condamne Mme [Y] [Z] à supporter les entiers dépens de l'instance en appel,

Condamne Mme [Y] [Z] à payer à la SELARL [G] [W], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Celtique, la somme de 3.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 21/08955
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.08955 ?
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