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23/03/2023 | FRANCE | N°20/03902

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 23 mars 2023, 20/03902


N° RG 20/03902 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NB36









Décision du Tribunal de Commerce de ROANNE

Au fond du 05 février 2020



RG : 2019f00054





SASU VALMY



C/



S.A.S. HUBER FRANCE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 23 Mars 2023







APPELANTE :



SASU VALMY domicilié en cette qualité audit siège

[Adress

e 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et par Me Anthony SCARFOGLIERO de la SELARL SVMH AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE



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N° RG 20/03902 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NB36

Décision du Tribunal de Commerce de ROANNE

Au fond du 05 février 2020

RG : 2019f00054

SASU VALMY

C/

S.A.S. HUBER FRANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 23 Mars 2023

APPELANTE :

SASU VALMY domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et par Me Anthony SCARFOGLIERO de la SELARL SVMH AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

S.A.S. HUBER FRANCE représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés es qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4] / FRANCE

Représentée par Me Yves-Marie GUILLAUD, avocat au barreau de LYON, toque : 331

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 21 Juillet 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 23 Mars 2023

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Marianne LA-MESTA, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant bon de commande signé le 7 octobre 2015, la SASU Valmy (ci-après la société Valmy) a fait l'acquisition auprès de la SAS Hubergroup France (ci-après la société Huber France) d'un matériel Toppy Twister 100 AJ moyennant la somme de 36.000 euros HT, soit 43.056 euros TTC, dont 5.000 euros payables à la commande, 2.500 euros à la livraison, 2.500 euros à 30 jours et le solde en 24 virements de 1.140 euros HT.

Le 16 février 2016, la société Huber France a établi une facture de ce montant, adressée le jour-même à la société Valmy.

Lors de la livraison, la société Valmy a fait procéder à son contrôle par la société Apave le 2 mars 2016 laquelle a établi un relevé provisoire d'observations le jour même.

Aux termes d'un courriel du 4 mars 2016, la société Valmy a indiqué à la société Huber France qu'il manquait des éléments de sécurité et demandé la mise en conformité du matériel, avant de faire savoir, dans un mail du 14 juin 2016, qu'elle suspendait ses paiements dans l'attente de la réalisation des modifications nécessaires.

Par courrier du 6 juillet 2018, la société Euler Hermès, mandatée par la société Huber France aux fins de recouvrement, a mis la société Valmy en demeure de lui payer la somme de 21.916,14 euros correspondant au solde de la facture non réglée.

Le 2 août 2018, un échéancier a été convenu entre les parties pour le paiement en 13 mensualités du solde du prix du matériel alors fixé à la somme de 22.336, 71 euros, la première devant être versée le 10 août 2018.

La société Valmy a cependant considéré qu'un incident survenu dans la nuit du 2 au 3 août 2018, remettait en cause l'accord précité.

Par exploit d'huissier en date du 11 juillet 2019, la société Huber France a fait assigner la société Valmy devant le tribunal de commerce de Roanne afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme principale de 17.905,37 euros, outre celle de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 5 février 2020, le tribunal de commerce de Roanne a :

- condamné la société Valmy à payer à la société Huber France la somme de 17.905,37 euros outre intérêts de retard à compter de l'échéance de chaque facture au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement le plus récente majoré de 10 points de pourcentage, conformément aux dispositions de l'article L.441-6 du code de commerce résultant de la loi de modernisation de l'économie entrée en vigueur le 1er janvier 2009,

- dit que les intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 11 juillet 2019, pourvu que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière,

- dit n'y avoir lieu à dommages-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement nonobstant appel et sans caution,

- condamné la société Valmy à payer à la société Huber France la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le défendeur aux entiers dépens,

- liquidé les frais de greffe compris dans les dépens (article 701 du code de procédure civile) à la somme de 73,22 euros TTC (TVA = 20%),

- rejeté comme inutiles et non fondés tous autres demandes, moyens et conclusions contraires des parties.

La société Valmy a interjeté appel par acte du 21 juillet 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 avril 2021 fondées sur les articles 1101, 1103, 1104, 1217 et 1641 du code civil, la société Valmy demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

et, statuant à nouveau :

- de débouter la société Huber France de l'intégralité de ses demandes,

- de juger que le matériel est affecté d'un vice et qu'elle est bien fondée à refuser d'exécuter le contrat,

- de prononcer la résiliation du contrat aux torts de la société Huber France,

- de condamner la société Huber France à lui rembourser les sommes versées par elle, soit la somme de 25.150,63 euros,

- de condamner la société Huber France à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- de condamner la société Huber France à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La société Valmy expose en substance :

- que la machine litigieuse est affectée d'un vice qui la rend impropre à l'usage auquel elle est destinée, ce qu'elle a signalé dès le 4 mars 2016 à la société Huber France suite au contrôle opéré le 2 mars 2016 par les services de l'Apave,

- que contrairement à ce qui est soutenu par la société Huber France, il n'est aucunement question d'une usure normale du matériel qui est chroniquement défectueux et n'a jamais pu être utilisé normalement compte tenu de sa dangerosité,

- qu'en effet, à deux reprises, la pompe à huile s'est désolidarisée de son support et des vis se sont desserrées, mais également parfois cassées, ces incidents d'une particulière gravité étant de nature à attenter à la sécurité de ses équipes,

- que les différentes interventions effectuées par la société Huber France ou ses techniciens se sont toujours révélées vaines à faire fonctionner le matériel conformément à sa destination ou, à tout le moins, de façon sécurisée pour ses équipes, ainsi qu'il ressort du constat dressé par Me [S], huissier de justice,

- que ce constat effectué suite à une nouvelle panne survenue dans la nuit du 2 au 3 août 2018, soit le soir même du jour où elle avait accepté de convenir d'un échéancier de paiement pour le solde du prix, ne pouvait que conduire à la remise en cause de cet accord,

- que l'huissier a notamment relevé que 4 vis ont cédé de manière brutale et inexpliquée, alors qu'un employé travaillait sur ce matériel,

- qu'il convient de rappeler qu'il s'agit d'un retourneur de palettes et que la rupture des vis peut provoquer la chute de lourdes charges, ce qui est évocateur d'un vice de conception et présente une dangerosité extrême pour les salariés qui l'utilisent,

- que plusieurs de ses salariés ont d'ailleurs établi des attestations faisant état de la dangerosité du matériel et de l'impossibilité d'utilisation qui en découle,

- qu'au regard des dysfonctionnements de la machine la rendant impropre à l'usage auquel elle est destinée, ou à tout le moins, qui diminuent tellement cet usage qu'elle ne l'aurait pas acquise si elle les avait connus, elle est bien fondée à refuser l'exécution du contrat, en solliciter la résolution et demander la réparation des conséquences de l'inexécution.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2021, fondées sur les articles 1101 et suivants, 1604 et suivants, 1641 et 1383-2 du code civil, la société Huber France demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- de débouter la société Valmy de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions dans lesquels elle sera déclarée non fondée,

y ajoutant,

- de condamner la société Valmy à lui payer la somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés devant la cour d'appel,

- de la condamner aux entiers dépens d'appel que Me [I] sera autorisé à recouvrer directement à son encontre, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société Huber France fait valoir :

- qu'il résulte des pièces versées aux débats, et notamment des courriels échangés entre les parties de mars à juin 2016 que suite au rapport émis le 2 mars 2016 par l'Apave lors de la mise en service du matériel, les réglages nécessaires ont été effectués, un avoir ayant d'ailleurs été établi le 22 novembre 2016 à titre de 'geste commercial sur facture capot',

- que la société Valmy a payé 3 des 4 factures émises par ses soins à hauteur de 4.010,77 euros, de sorte qu'elle reste à devoir le solde de la facture du 16 février 2016 à hauteur de 17.905,37 euros,

- que le 2 août 2018, la société Valmy a expressément consenti au paiement de ce solde, qui s'élevait alors à 22.336, 71 euros, par le biais d'un échéancier de 12 mensualités, cette reconnaissance de dette constituant un aveu extra-judiciaire conforme aux dispositions de l'article 1383-2 du code civil,

- que pour tenter d'échapper au règlement de cette somme, la société Valmy a prétendu que la machine présentait des dysfonctionnements et fait établir un procès-verbal de constat par un huissier de justice le 3 août 2018,

- que les constatations de l'huissier ne mettent toutefois pas en exergue un dysfonctionnement, mais simplement une usure normale du matériel, puisqu'il s'agissait uniquement de procéder au remplacement de 4 vis ayant cédé, comme l'a noté l'huissier en page 4 de son constat, étant précisé que la société Valmy était en possession d'un sac de vis à cette fin, ainsi que l'a également relevé l'huissier en page 3,

- que la machine, livrée début 2016 et mise au point dans la foulée avec l'intervention de l'Apave, fonctionne depuis cette date, ce qui n'est pas discuté par la société Valmy,

- qu'après 2 ans et demi d'utilisation, le fait que 4 vis aient cédé ne constitue pas un dysfonctionnement, mais une usure normale du matériel à laquelle il a été remédié par leur remplacement immédiat,

- qu'il ne résulte d'aucune pièce du dossier que des charges en cours de retournement aient chuté ou encore que la machine ait été tellement déstabilisée que les employés auraient pu être blessés,

- qu'en réalité, la rupture des vis n'a eu aucune conséquence, ce qui est d'ailleurs confirmé par les deux attestations des salariés de la société Valmy lesquelles font uniquement état du poids trop important des palettes ayant entraîné la casse des vis,

- que tout en exigeant le remboursement de la somme versée pour la machine, la société Valmy ne propose pas de la restituer pour la bonne raison qu'elle l'utilise et qu'elle souhaiterait pouvoir continuer à le faire gratuitement,

- qu'elle ne démontre pas la réalité et le montant du préjudice qu'elle allègue avoir subi ensuite de la rupture des vis et de leur remplacement immédiat.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2021, les débats étant fixés au 26 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, les contrats ayant été conclus avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance.

Sur la demande en paiement du solde du prix du matériel

En vertu de l'article 1134 ancien du code civil applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1315 ancien du code civil prévoit quant à lui que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

L'article 1641 du code civil énonce par ailleurs que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il appartient à l'acheteur de démontrer l'existence du vice caché et de ses caractéristiques.

L'article 1644 du même code prévoit qu'en cas de vice caché, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et se faire rendre une partie du prix.

En l'espèce, il convient d'abord de relever que la société Valmy ne conteste nullement qu'elle ne s'est que partiellement acquittée de la facture émise le 16 février 2016 par la société Huber France suite à l'achat de la machine litigieuse et qu'à la date à laquelle elle a signé l'échéancier de paiement 2 août 2018, elle restait à devoir les sommes qui y sont mentionnées.

Dans la mesure où il est n'est pas discuté par la société Valmy qu'elle n'a pas réglé la somme de 17.905, 37 euros réclamée par la société Huber France au titre du solde du prix du matériel acheté par ses soins le 7 octobre 2015, il n'est point besoin d'examiner le moyen soulevé par la société Huber France selon lequel cette reconnaissance de dette du 2 août 2018 constitue un aveu extra-judiciaire.

Pour justifier du non paiement de ces 17.905,37 euros et solliciter à titre reconventionnel la résolution pure et simple du contrat, ainsi que l'octroi de dommages et intérêts, la société Valmy excipe en revanche de l'existence d'un vice caché qui affecte le matériel vendu et le rendrait impropre à sa destination.

Il y dès lors lieu d'examiner les éléments de preuve dont se prévaut la société Valmy en vue de caractériser la présence de défauts graves faisant obstacle à l'usage normal de la machine qui a pour fonction de retourner des palettes.

Faisant en premier lieu valoir que la machine était affectée d'un vice dès sa livraison, la société Valmy produit un rapport provisoire rédigé le 2 mars 2016 par l'Apave, organisme notamment chargé de vérifier la conformité des installations techniques et équipements lors de leur mise en service et/ou de leur exploitation au regard de la règlementation en vigueur (pièce n°3 de l'appelante).

La lecture de ce rapport fait apparaître que sur les 12 observations formulées par l'Apave après examen de la machine, seules deux d'entre elles concernent le matériel lui-même, l'Apave estimant nécessaire de mettre en place, d'une part un protecteur fixe démontable à l'aide d'un outil afin de protéger le mécanisme d'entraînement du chariot de soufflage, d'autre part un protecteur destiné à capoter des chevilles dépassant sur la zone d'accès. Les autres remarques de l'Apave portent soit sur des dispositifs à installer par l'usager pour sécuriser l'utilisation de la machine dans l'environnement de travail (fixation de l'appareil au sol, balisage, miroir, signalisation au sol, modification du passage des canalisations électriques à l'arrière de l'équipement), soit sur de la documentation technique à réclamer auprès du constructeur.

Il est à noter que la société Valmy a elle-même immédiatement constaté l'absence de ces capots de protection lors de l'installation du matériel, ainsi qu'elle l'a écrit dans un courriel adressé le 4 mars 2016 à la société Huber France : 'pour faire suite à la mise en place de votre matériel dans nos locaux, nous vous avons informé oralement qu'il ne correspondait pas au métariel présenté et aux photos sur vos documents contractuels. Nous souhaitons une explication de votre part sur le manque d'éléments de sécurité 5(...) La mise en conformité par votre société doit être rapidement programmée' (pièce n°5 de l'appelante).

Il ressort par conséquent de ces pièces :

- d'une part, que les éléments de sécurité manquants relevés par l'Apave constituaient des défauts apparents,

- d'autre part, que l'absence de ces capots de protection relèce d'une non-conformité de la machine par rapport aux spécifications techniques auxquelles elle doit répondre en termes de sécurité.

Les anomalies signalées par l'Apave et la société Valmy lors de la livraison et de l'installation ne s'analysent donc pas en des vices caché tels que définis par l'article 1641 du code civil précité, mais en un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme au sens de l'article 1604 du même code.

Il résulte au demeurant des pièces n°6 et 7 versées aux débats par la société Valmy que la société Huber France a remédié à ces difficultés, en intervenant courant juin 2016 pour procéder à l'installation d'un capot de protection. Elle n'a d'ailleurs pas facturé cette prestation et a même émis un avoir de 1.000 euros au profit de la société Valmy le 22 novembre 2016 à titre de geste commercial.

En second lieu, la société Valmy invoque le fait qu'à l'usage, la machine s'est avérée chroniquement défectueuse et n'a jamais pu être utilisée normalement compte tenu de sa dangerosité.

Force est d'abord de constater que les affirmations figurant dans ses écritures selon lesquelles la pompe à huile s'est désolidarisée à deux reprises de son support entre la date d'installation du matériel début mars 2016 et le constat d'huissier opéré le 3 août 2018 ne sont corroborées par aucun document justificatif. La société Valmy ne fournit en tout état de cause aucune explication sur l'origine de cette prétendue défectuosité, ni sur ses conséquences quant aux conditions d'utilisation du matériel.

Faisant ensuite état d'un incident survenu dans la nuit du 2 au 3 août 2018 qui se serait produit à plusieurs reprises auparavant et serait révélateur, selon elle, d'un manque de fiabilité récurrent du matériel, la société Valmy communique, à l'appui de ses dires, un procès-verbal de constat établi le 3 août 2018 par Me [Y] [S], huissier de justice, ainsi que des attestations rédigées le 21 avril 2021 par deux de ses employés.

Lors de sa venue dans les locaux de la société Valmy le 3 août 2018, l'huissier a constaté que 4 vis/boulons sont sectionnés sur la machine. A leur ancien emplacement, il reste 4 trous. Il relate également que des sachets de vis/boulons sont présents au pied de la machine qui auraient été laissés à cet endroit par un technicien de la société Huber France lors d'une précédente intervention.

En annexe de ce constat figure effectivement un échange de courriels du mois de février 2018 entre la société Valmy et la société Huber France au sujet d'un problème similaire de boulons cassés. Celui-ci avait été signalé le 12 février 2018 par la société Valmy à la société Huber France qui, en réponse, avait émis un devis le 15 février 2018 pour une intervention sur place.

Ce procès-verbal permet uniquement d'établir qu'à deux reprises en février et en août 2018, des vis et/ou boulons ont cédé. L'huissier n'est en revanche pas en mesure de porter une appréciation sur les circonstances dans lesquelles est intervenue la rupture observée le 3 août 2018, ou encore de se prononcer sur les causes de celle-ci, une telle évaluation relevant de la compétence d'un expert, ou à tout le moins d'un technicien averti.

Il ne peut donc en aucun cas s'inférer de cette pièce que la cassure des vis et/ou boulons provient d'un défaut de conception du matériel, d'autres raisons pouvant tout aussi bien être mises en avant pour expliquer la survenance d'incidents de cette nature, comme l'usure normale de ce type d'éléments, lesquels doivent être très régulièrement remplacés en cas d'utilisation intensive de la machine, ou encore un usage du matériel non conforme aux préconisatons du constructeur, notamment en termes de poids, ainsi que l'observe à juste titre la société Huber France.

De part leur caractère laconique et imprécis, les attestations des salariés de la société Valmy, qui exercent tous deux la profession de conducteur offset, ne viennent pas non plus corroborer les déclarations de la société Valmy quant à l'existence d'un vice de construction affectant la machine et la rendant impropre à sa destination.

Il résulte au contraire des propos des deux employés que les vis et roulements cassent en raison du poids trop important des palettes. Ainsi, M.[W] mentionne que 'plusieurs vis, ainsi que plusieurs roulements ont cassé à cause du poids trop important' (pièce n°15 de l'appelant), tandis que M.[D] relate que le retourneur est 'devenu très dangereux pour l'utilité faite dans l'entreprise, les vis de plateau cassant régulièrement, le poids des palettes étant trop élevé' (pièce n°16 de l'appelant)

Or, il n'est pas possible de déterminer, au vu de ces seules indications, si les vis et boulons ne sont pas suffisamment résistants par rapport à l'usage censé pouvoir être fait de la machine ou si celle-ci a été utilisée sans respecter ses spécifications techniques quant à la charge maximale susceptible d'être supportée.

Il doit enfin être noté qu'entre le mois de juin 2016, date à laquelle la société Huber France a mis en place le carter de protection, et le mois de février 2018, première date certaine de venue d'un technicien de la société Huber France pour remplacer des vis/boulons cassés, soit pendant plus de 18 mois, la société Valmy a visiblement pu utiliser le matériel à sa convenance, puisqu'elle ne verse aucune pièce aux débats faisant état de doléances de sa part auprès de la société Huber France au cours de cette période au sujet de dysfonctionnements récurrents de la machine.

Il sera de même observé qu'elle n'a jamais proposé à la société Huber France de venir reprendre possession du matériel prétendûment inutilisable, y compris dans le cadre de la présente instance.

Il découle de l'ensemble des observations qui précèdent que la société Valmy échoue à démontrer que les conditions posées par l'article 1641 du code civil pour l'application de la garantie des vices cachés sont réunies.

Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de résolution du contrat de vente formulée sur ce fondement, ce qui conduit au rejet corrélatif de ses demandes tendant au remboursement des sommes déjà versées pour l'acquisition du matériel et à l'octroi de dommages et intérêts, mais également, en l'absence d'autre moyen soulevé, à la confirmation du jugement entrepris, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Huber France le solde non réglé du prix de la machine à hauteur de 17.905,37 euros.

La décision sera également confirmée:

- sur les modalités de calcul des intérêts de retard, les dispositions de l'article L.441-6 ancien du code de commerce étant en effet applicables au présent litige,

- sur la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, puisqu'en vertu de l'article 1343-2 du code civil, celle-ci est de droit lorsqu'elle est demandée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Valmy, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande par ailleurs d'allouer à la société Huber France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, en sus de l'indemnité de procédure déjà octroyée en première instance et justement évaluée par le tribunal à la somme de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées et y ajoutant,

Condamne la SASU Valmy aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement,

Condamne la SASU Valmy à payer à la SAS Huber France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/03902
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;20.03902 ?
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