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23/03/2023 | FRANCE | N°20/03030

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 23 mars 2023, 20/03030


N° RG 20/03030 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M7VA









Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 11 mai 2020



RG : 2018j01349





[W]



C/



S.A. LA LYONNAISE DE BANQUE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 23 Mars 2023







APPELANTE :



Mme [P] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]
>

Représentée et plaidant par Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 350





INTIMEE :



S.A. LA LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adres...

N° RG 20/03030 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M7VA

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 11 mai 2020

RG : 2018j01349

[W]

C/

S.A. LA LYONNAISE DE BANQUE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 23 Mars 2023

APPELANTE :

Mme [P] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et plaidant par Me Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 350

INTIMEE :

S.A. LA LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Antoine ROUSSEAU de la SELARL B2R & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 781 substitué et plaidant par Me FRADIN, avocat au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 16 Juin 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 26 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 23 Mars 2023

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Marianne LA-MESTA, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL Koto Parfums (ci-après la société Koto Parfums), fondée en 2005 par Mme [P] [W], était une société spécialisée dans la création, la fabrication et la distribution de parfums et produits cosmétiques en France et à l'étranger.

Le 6 août 2014, la société Koto Parfums a ouvert un compte courant entreprise n°26501 auprès de la SA Lyonnaise de Banque (ci-après la société Lyonnaise de Banque).

Le 10 août 2014, la société Koto Parfums a souscrit auprès de la société Lyonnaise de Banque un emprunt n°26502 d'un montant de 100.000 euros remboursable en 60 mensualités de 1.802, 24 euros assurance incluse.

Le 6 juin 2016, la société Lyonnaise de Banque a consenti à la société Koto Parfums un prêt de restructuration n°26505 d'un montant 115.000 euros remboursable en 60 mensualités de 2.020,93 euros assurance comprise.

Par acte sous seing privé du 20 juin 2016, Mme [W] s'est portée caution solidaire des engagements de la société Koto Parfums auprès de la société Lyonnaise de Banque dans la limite de 35.000 euros et pour une durée de 5 ans à compter de la signature.

Le 12 décembre 2016, la société Koto Parfums a ouvert un compte courant n°26504 en dollars US auprès de la société Lyonnaise de Banque.

A la suite d'impayés au titre des deux prêts précités et d'un montant de découvert excédant les autorisations octroyées sur les comptes courants, la société Lyonnaise de Banque a, par courrier du 8 août 2017, demandé à la société Koto Parfums de régulariser sa situation dans un délai de 60 jours, faute de quoi elle me maintiendrait plus ses concours.

Après une seconde mise en demeure de la société Lyonnaise de Banque du 2 novembre 2017, la société Koto Parfums a, suivant courrier du 9 novembre 2017, proposé un plan d'apurement de ses dettes qui a été accepté le 20 novembre 2017 par le créancier.

Le plan d'apurement n'ayant pas été respecté, la société Lyonnaise de Banque a adressé un courrier le 4 janvier 2018 à la société Koto Parfums pour l'informer de la déchéance du terme des deux prêts et la mettre en demeure de lui payer la totalité des sommes dues.

Le même jour, elle a mis Mme [W] en demeure de lui régler la somme de 35.000 euros au titre de son engagement de caution.

Par jugement du 25 janvier 2018, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Koto Parfums.

Par courrier du 26 février 2018, la société Lyonnaise de Banque a déclaré une créance d'un montant total de 229.696,63 euros au passif de la société Koto Parfums, se décomposant comme suit :

- 31.679,16 euros au titre du compte n°26501,

- 39.533,31 euros au titre du compte en dollars n°26504

- 53.019,18 euros au titre du prêt n°26502 du 10 août 2014,

- 105.464,98 euros au titre du prêt n°26505 du 6 juin 2016.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 30 mai 2018, la société Koto Parfums a fait l'objet d'un plan de cession et d'une liquidation judiciaire.

Par exploit d'huissier du 28 août 2018, la société Lyonnaise de Banque a assigné Mme [W] devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 35.000 euros.

Par jugement contradictoire du 11 mai 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

- condamné Mme [W] à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 35.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 janvier 2018,

- ordonné la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1342-2 du code civil,

- condamné Mme [W] à payer à la société Lyonnaise de Banque la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [W] aux entiers dépens de l'instance.

Mme [W] a interjeté appel par acte du 16 juin 2020.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 23 avril 2021 fondées sur les articles 1131 ancien du code civil applicable au 26 juin 2016 et l'article L.341-4 du code de la consommation, Mme [W] demande à la cour de :

- dire recevable et bien fondé son appel à l'encontre du jugement déféré,

- réformer ledit jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

à titre principal, prononcer la nullité du cautionnement du 20 juin 2016 pour défaut de cause,

à titre subsidiaire, prononcer la déchéance de la société Lyonnaise de Banque de son droit de se prévaloir du cautionnement du 20 juin 2016 du fait de son caractère manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine,

à titre infiniment subsidiaire,

- lui allouer des délais de paiement de 24 mois, sur la base de versements mensuels de 150 euros sur 23 mois, et le solde au terme de cette durée,

- ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées portent intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal, et que les paiements s'imputent d'abord sur le capital,

en toute hypothèse :

- débouter la société Lyonnaise de Banque de l'ensemble de ses demandes, prétentions, fins et moyens,

- condamner la société Lyonnaise de Banque à lui verser la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et de première instance.

Au soutien de ses prétentions, Mme [W] fait valoir :

- qu'au jour de la régularisation du cautionnement, soit le 20 juin 2016, son engagement ne reposait sur aucune contrepartie de la banque, puisqu'il a été souscrit postérieurement à l'octroi du crédit et de l'ensemble des concours courts termes de la société Koto Parfums, tous deux intervenus le 4 mai 2016, de sorte qu'il doit être déclaré nul pour absence de cause,

- que l'affirmation de la société Lyonnaise de Banque selon laquelle son engagement de caution aurait été pris pour poursuivre ses concours est mensongère, dès lors que cette dernière lui a fait part de son accord de financement sans aucune demande de cautionnement par courriel du 4 mai 2016 à 14h28,

- que ce n'est que deux heures plus tard que le chargé de clientèle, visiblement à la demande de sa hiérarchie, a envoyé un second courriel strictement identique, mais en y ajoutant subrepticement une condition supplémentaire relative au cautionnement qui n'y figurait pas auparavant, comme l'a reconnu l'intimée dans ses écritures,

- que d'ailleurs, ni la convention de compte courant, ni l'emprunt ne font état de cet engagement de caution à titre de contrepartie,

- que l'absence de garantie personnelle était même la condition essentielle de l'opération bancaire négociée concomitamment avec la société Lyonnaise de Banque, la Société Générale et le Crédit Agricole, ces deux organismes bancaires n'ayant pas exigé d'engagement de caution de sa part après l'octroi des concours,

- qu'il sera rappelé que l'existence d'une contrepartie s'apprécie à la date de formation du contrat et non postérieurement comme tente vainement de le faire croire la société Lyonnaise de Banque,

- qu'à titre subsidiaire, si la cour devait considérer que l'engagement de caution est valable, il devra être retenu que la société Lyonnaise de Banque est déchue du droit de s'en prévaloir en raison de son caractère manifestement disproportionné en application des dispositions de l'article L.341-4 du code de la consommation,

- qu'en effet, à la date de souscription de son engagement, son salaire annuel net était de 60.000 euros, la somme de 78.000 euros mentionnée sur la fiche de renseignements du 26 mai 2016 correspondant à son salaire brut, ce qui est confirmé par la lecture de son avis d'imposition 2016 dont il résulte que son revenu annuel net s'établissait à 51.686 euros pour l'année 2016,

- que la Banque ne pouvait ignorer qu'il s'agissait d'un salaire brut pour avoir accès aux bilans de la société Koto Parfums,

- qu'il convenait par ailleurs de déduire de ce revenu annuel ses charges s'élevant à 35.903 euros par an, dont un prêt étudiant de 5.400 euros (spécifié sur la fiche de renseignement), 6.170 euros de pension alimentaire, un loyer mensuel de 1.350 euros et 8.133 euros d'impôts sur le revenu,

- que le fait qu'elle n'ait pas reporté cette dernière charge sur la fiche de renseignements constituait une anomalie apparente qui aurait dû conduire l'intimée à solliciter des renseignements complémentaires, dont son avis d'imposition sur lequel apparaissait également la pension alimentaire,

- que de même, il est tout à fait surprenant que la Banque n'ait pas jugé anormal qu'elle ne précise pas le montant de son loyer, alors même qu'elle a indiqué être locataire,

- que son revenu annuel net de charges est donc de 24.097 euros (60.000-35.903), sans même tenir compte des dépenses de la vie courante,

- qu'en outre, ayant rempli dans l'urgence la fiche de renseignements du 26 mai 2016, elle a omis de mentionner l'existence d'un emprunt de 53.000 euros souscrit le 28 mars 2016 auprès de la Banque Populaire portant rachat de 3 crédits à la consommation au moyen de 48 échéances mensuelles de 1.184 euros, soit plus de 14.000 euros par an,

- qu'en dépit de revenus confortables, elle se trouvait donc en réalité dans une situation financière extrêmement préoccupante, proche du surendettement,

- qu'elle ne disposait par ailleurs d'aucun patrimoine, étant précisé qu'au 20 juin 2016, la valeur des 489 parts sociales qu'elle détenait dans la société Koto Parfums n'excédait pas 11.593 euros, car les capitaux propres de la société étaient quasiment nuls (15.411 euros),

- que la situation comptable de l'entreprise s'est ainsi considérablement dégradée entre la clôture du dernier bilan le 31 décembre 2015 et la date de souscription de l'engagement de caution,

- qu'au moment de l'introduction de la présente procédure, et à la suite de la liquidation judiciaire de la société Koto Parfums, sa situation patrimoniale était encore plus détériorée, de sorte qu'elle était toujours dans l'impossibilité de faire face à son engagement de caution,

- qu'après une courte période de salariat auprès du repreneur de la société Koto Parfums, elle a été contrainte d'accepter un autre poste dans un magasin à [Localité 3] pour un salaire net d'environ 2.000 euros par mois,

- qu'elle a perçu un revenu de 13.5885 euros en 2018, puis de 22.539 euros en 2019 et de 24.493 euros en 2020,

- que par jugement du 25 juin 2019, elle a en outre été condamnée à payer la somme de 33.502 euros à la Banque Populaire au titre du prêt du 28 mars 2016, somme qu'elle est dans l'incapacité de payer, ce qui a justifié le report de son exigibilité au 25 juin 2021,

- que si par extraordinaire, la cour estimait que l'engagement de caution est valable et opposable, sa situation financière actuelle imposerait que lui soient accordés les plus larges délais de paiement, à savoir 23 échéances de 150 euros et le solde à la 24ème.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 avril 2021, fondées sur les articles 2288 et suivants du code civil, la société Lyonnaise de Banque demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

- de condamner Mme [W] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses demandes, la société Lyonnaise de Banque observe :

- qu'il est fréquent qu'une banque qui octroie des concours bancaires à une entreprise sollicite une caution de son dirigeant, étant rappelé qu'à la suite de la procédure collective de la société Koto Parfums, elle a déclaré une créance globale de 229.696,63 euros,

- que l'engagement de caution demandé à l'appelante était destiné à garantir l'ensemble des engagements du débiteur principal,

- qu'après le premier mail du 4 mai 2016 à 14h28 dont se prévaut Mme [W], elle en a ainsi envoyé un second le même jour à 16h28 dans lequel elle ajoute la condition d'une caution tous engagements de 35.000 euros, ce sans aucune malhonnêteté de sa part,

- qu'un échange de courriels entre le directeur d'agence et la direction Alpes Dauphiné vient à cet égard confirmer que l'accord sur l'octroi du prêt sollicité par la société Koto Parfums était subordonné par la direction Alpes Dauphiné au cautionnement à hauteur de 30 % par la dirigeante et à une contre-garantie de la BPI pour 50%, ladite direction ayant finalement accepté que soit prise une caution tous engagements pour éviter à Mme [W] de se porter caution auprès des deux autres banques parties à l'opération de restructuration,

- que dans le mail du 4 mai 2016 à 16h28, le chargé de clientèle ne vise d'ailleurs pas le prêt du 6 juin 2016, mais les lignes court terme,

- qu'en l'absence de caution, elle aurait pu mettre fin à ses concours à durée indéterminée en respectant le délai de préavis de 60 jours prévu par l'article L.313-12 du code monétaire et financier, étant observé que les deux découverts en compte dont bénéficiait la société Koto Parfums (en euros et en dollars) justifiaient à eux-seuls la mise en oeuvre d'un cautionnement à hauteur de 35.000 euros,

- que s'agissant de la prétendue disproportion invoquée par Mme [W], il convient de rappeler que la relation entre une banque et son client est gouvernée par les principes de bonne foi et de confiance, ce qui implique qu'en l'absence d'anomalie apparente sur la fiche de renseignements, elle n'a pas à vérifier l'exactitude des déclarations de ses clients,

- que la seule charge mentionnée par Mme [W] sur cette fiche était un prêt étudiant d'un montant annuel de 5.400 euros,

- que cette dernière n'ayant pas fait état de charges salariales, d'un loyer ou des échéances d'un autre prêt, il n'y a pas lieu de les déduire, étant souligné que l'absence de mention d'un loyer ou de charges salariales ne constituent pas des anomalies apparentes, dès lors que Mme [W] pouvait tout à fait être hébergée à titre gratuit et avoir mentionné un revenu net,

- que seul le montant déclaré par Mme [W], certifié sincère et exact, doit donc être retenu pour apprécier une éventuelle disproportion,

- qu'il doit également être tenu compte des 489 parts sociales dont elle était titulaire sur un total de 650 parts, soit 75,23% du capital de la société fixé à 65.000 euros, ce qui donne une valeur de 48.900 euros,

- que son compte courant d'associé sera également pris en considération pour un montant de 23.746,40 euros au 31 décembre 2015,

- qu'au regard de ce patrimoine de 72.645,90 euros et de ses revenus, son engagement de caution n'était donc pas disproportionné,

- que les capitaux propres de la société Koto Parfums invoqués par Mme [W] sont ceux de l'exercice clos au 31 mars 2017, soit 9 mois après l'engagement de caution du 20 juin 2016, date à laquelle lesdits capitaux étaient évalués à 309.065 euros selon le dernier bilan établi au 31 décembre 2015, ce qui porte le patrimoine de Mme [W] au titre de sa participation dans le capital à la somme de 233.044 euros (75,23% des parts sociales),

- qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de délais de paiement formulée par Mme [W], tout en observant que les versements mensuels proposés sur les 23 premiers mois apparaissent insuffisants.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 mai 2021, les débats étant fixés au 26 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire d'observer que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé :

- d'une part, qu'en vertu des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, les contrats ayant été conclus avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance,

- d'autre part, que le litige n'est pas soumis au droit du cautionnement issu de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, puisque le contrat de cautionnement litigieux est antérieur au 1er janvier 2022.

Sur la nullité du contrat pour absence de cause

L'article 1131 ancien du code civil énonce que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

La cause de l'engagement de caution réside dans l'avantage ou le crédit octroyé au débiteur principal par le créancier bénéficiaire du cautionnement ou dans le maintien de ce crédit.

Il appartient à celui qui se prévaut de l'absence de cause d'en apporter la preuve, étant précisé que l'existence de la cause d'une obligation doit s'apprécier à la date où elle est souscrite.

En l'espèce, l'acte de cautionnement régularisé le 20 juin 2016 par Mme [W] (pièce n° 5 de l'intimée) stipule que 'la Caution garantit le paiement de toutes sommes que le Cautionné peut ou pourra devoir à la Banque au titre de l'ensemble de ses engagements sous quelque forme que ce soit (...)'.

Mme [W] s'est donc engagée, à cette date, à garantir l'ensemble des sommes que la société Koto Parfums doit ou devra à la société Lyonnaise de Banque dans la limite de la somme de 35.000 euros et pour une durée de 5 années.

Or, il n'est pas discuté qu'au moment de la signature de l'acte de cautionnement, la banque avait d'ores et déjà accordé au moins trois concours à la société Koto Parfums, à savoir une autorisation de découvert sur le compte courant ouvert le 6 août 2014, un prêt n°26502 d'un montant de 100.000 euros souscrit le 10 août 2014 et un prêt de restructuration n° 26505 d'un montant 115.000 euros contracté le 6 juin 2016.

Dans ces circonstances, l'engagement de caution de Mme [W], qui avait une contrepartie lorsqu'il a été régularisé, ne saurait être regardé comme étant dépourvu de cause, ce qui conduit à la débouter de sa demande de nullité de l'acte, sans qu'il soit besoin d'examiner plus avant l'argumentaire de chacune des parties sur le contenu des échanges intervenus préalablement à la signature du second contrat de prêt.

Sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution

L'article L.341-4 du code de la consommation (dans sa version antérieure au 1er juillet 2016 applicable au cautionnement litigieux signé le 20 juin 2016), dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution qui prétend que son engagement était disproportionné au jour de la souscription, de le prouver.

En revanche, si l'engagement était disproportionné au jour de la souscription, il incombe au créancier, qui entend se prévaloir du cautionnement, de démontrer que le patrimoine de la caution lui permet d'y faire face au moment où elle est appelée, soit au jour de l'assignation.

La disproportion s'apprécie au jour de la conclusion de l'engagement au regard du montant de celui-ci et des biens et revenus de la caution en prenant en compte son endettement global.

Si le créancier a recueilli ces éléments auprès de la caution, la disproportion s'apprécie au vu des déclarations de la caution dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude. A défaut de fiche mentionnant les déclarations de la caution sur ces éléments, celle-ci est autorisée à rapporter librement la preuve de la disproportion.

En l'occurrence, la société Lyonnaise de Banque verse aux débats (pièce n°5-1 de l'intimée) un document intitulé 'fiche patrimoniale caution' rempli par Mme [W] le 26 mai 2016, soit seulement 3 semaines avant l'engagement de caution litigieux, et signé par elle avec la mention 'lu et approuvé'.

Il ressort des renseignements contenus dans cette fiche et que Mme [W] a certifiés exacts et sincères :

- qu'elle est divorcée, sans personne à charge,

- qu'elle est locataire de son logement situé [Adresse 1] depuis mai 2013,

- qu'elle perçoit un salaire mensuel de 6.500 euros, soit un total annuel de 78.000 euros,

- qu'elle a un prêt étudiant en cours auprès auprès de la Banque Populaire dont les échéances s'élèvent à 5.400 euros par an, le remboursement prenant fin dans 12 mois,

- qu'elle ne supporte pas d'autres crédits ou charges,

- qu'elle n'a pas déjà consenti de cautionnement,

- qu'elle ne dispose pas de patrimoine immobilier, mobilier ou financier.

Il est de principe que lorsque la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune incohérence, de sorte que la banque est en droit de se fier aux éléments ainsi recueillis sans effectuer des investigations complémentaires, la caution n'est pas fondée à invoquer, en vue de caractériser la disproportion, l'omission de charges ou d'éléments de passif.

Dans le cas présent, il convient d'abord de relever que dans la mesure où elle s'est abstenue d'en faire état dans les cases prévues à cet effet, Mme [W] ne saurait valablement exciper de l'existence d'une pension alimentaire de 6.170 euros par an et d'un emprunt de 53.000 euros souscrit le 28 mars 2016 auprès de la Banque Populaire, dont les échéances mensuelles étaient de 1.124 euros, étant souligné qu'elle n'avait déclaré aucune personne à charge et qu'il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir eu connaissance d'un prêt qu'elle avait contracté auprès d'un autre établissement.

De même, lui appartenait-il de spécifier, dans l'onglet 'charges en cours autres que crédits' le fait qu'elle réglait une somme de 8.300 euros par an au titre de l'impôt sur le revenu, si elle entendait que la Banque prenne en considération cette charge fiscale dans l'appréciation de ses facultés contributives. L'établissement ne pouvait en effet supputer qu'elle supportait ce montant au seul vu des indications fournies sur sa situation familiale et ses ressources, car d'autres facteurs sont susceptibles d'influer sur le taux d'imposition.

Il sera en revanche retenu que dès lors que la société Lyonnaise de Banque n'a pas expressément demandé à Mme [W] d'indiquer si les salaires perçus correspondaient à des revenus nets ou bruts, celle-ci est en droit de se prévaloir de cette imprécision en vue de démontrer la disproportion, ce qui l'autorise à fournir tous justificatifs utiles de nature à établir que le salaire mentionné dans la fiche correspondait en réalité à sa rémunération brute.

A cet égard, Mme [W] produit son avis d'imposition 2017 faisant apparaître que pour l'année 2016, son revenu annuel net imposable, hors charges déductibles, était de 57.427 euros, ce qui correspond à un salaire mensuel net de 4.785,58 euros.

Il doit par ailleurs être noté que le fait pour Mme [W] d'avoir indiqué qu'elle est locataire d'un logement situé [Adresse 1] depuis mai 2013 sans mentionner corrélativement le montant de son loyer dans l'onglet 'charges en cours autres que crédits' constitue une anomalie apparente qui aurait dû conduire la banque à lui demander des renseignements sur ses dépenses locatives.

Il s'ensuit que Mme [W] est bien fondée à solliciter qu'il soit tenu compte de cette charge de loyer, étant observé que le montant allégué de 1.350 euros par mois en mai 2016 apparaît cohérent, puisqu'elle rapporte la preuve qu'en août 2020, le loyer afférent à ce même logement était de 1.391 euros par mois charges comprises (pièce n°11 de l'appelante).

En conséquence, après déduction des échéances du prêt étudiant et des charges locatives, Mme [W] avait un revenu annuel disponible de 57.427 - (5.400 +16.200) = 35.827 euros lors de la souscription de son engagement de caution.

Compte tenu des dépenses incompressibles de la vie courante, il ne peut qu'être constaté que les seuls revenus de Mme [W] ne lui permettaient pas de faire face à un engagement de caution à hauteur de 35.000 euros.

S'agissant du patrimoine de Mme [W], il sera rappelé que les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement. La valeur des parts de la société débitrice que détient la caution prise en compte pour apprécier la proportionnalité de son engagement est la valeur réelle et non la valeur nominale, laquelle se détermine en tenant compte tant de l'actif que du passif de la société.

En l'occurrence, il n'est pas contesté par Mme [W] qu'elle détenait 489 parts sociales dans la société Koto Parfums, ainsi qu'elle le mentionne elle-même aux termes de ses écritures. Ces 489 parts sociales représentent 75,23% du capital de la société composé de 650 parts selon les statuts (pièce n°1 de l'intimée), ce qui n'est pas non plus discuté par Mme [W].

Sur la valeur de ces parts sociales, il résulte des dernières informations sur la situation économique de l'entreprise avant la souscription de l'engagement de caution en juin 2016, à savoir le bilan détaillé au 31 décembre 2015 (pièce n°9 de l'appelante) qu'à cette date, les capitaux propres de la société, lesquels correspondent à la somme des éléments de l'actif diminuée des éléments du passif réel (dettes à long, moyen et court terme), étaient évalués à la somme de 309.065,81 euros. La valeur des parts sociales dont Mme [W] était titulaire pouvait par conséquent être estimée à 232'510,21 euros, comme le relève la société Lyonnaise de Banque aux termes de ses conclusions.

En effet, faute de fournir des informations sur la date à laquelle la valeur des capitaux propres a chuté au point de ne plus ressortir qu'à la somme de 15.410, 70 euros au 31 mars 2017 (pièce n°9 de l'appelante), Mme [W] ne peut soutenir que ses parts sociales étaient déjà dépourvues de toute valeur lorsqu'elle s'est portée caution en juin 2016.

La lecture de ce bilan détaillé au 31 décembre 2015 fait en outre apparaître que la créance inscrite en compte courant d'associé de Mme [W] s'élevait à 23.746, 40 euros au 31 décembre 2015.

Il découle de ces observations qu'avec un patrimoine global de 23.746, 40 + 232'510,21 = 256'256,61 euros, Mme [W] était en capacité de s'acquitter de la somme de 35.000 euros due au titre du cautionnement, aucun autre passif n'ayant à être pris en considération pour les motifs déjà exposés supra.

Elle échoue dès lors à démontrer que l'engagement de caution contracté le 20 juin 2016 était manifestement disproportionné à ses revenus et biens, ce qui conduit, par ces motifs substitués, à la confirmation du jugement querellé sur cette question.

Mme [W] ne discutant par ailleurs pas le montant de la créance revendiquée par la société Lyonnaise de Banque au titre du cautionnement, la décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a :

- condamné Mme [W] à verser à la société Lyonnaise de Banque la somme de 35.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 janvier 2018, ce conformément aux dispositions de l'article 1153 ancien du code civil,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière, puisqu'en vertu de l'article 1154 ancien, devenu 1343-2 du code civil, celle-ci est de droit lorsqu'elle est demandée

.

Sur les délais de paiement

L'article 1244-1 ancien du code civil, applicable aux présent litige, dispose que compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

En l'espèce, Mme [W] justifie que depuis le mois de juin 2019, elle occupe un emploi salarié dans un magasin à [Localité 3], lequel lui procure des revenus mensuels de l'ordre de 2.000 euros (pièces n°15 et 16 de l'appelante). Elle rapporte en outre la preuve que par jugement du 25 juin 2019, le tribunal d'instance de Lyon l'a condamnée à payer à la SA Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme principale de 33.502,89 euros au titre du crédit souscrit le 28 mars 2016 et que le report de 24 mois du règlement de cette condamnation ordonné par le tribunal ayant pris fin, la banque a engagé des procédure d'exécution forcée à son encontre (pièces n° 17 et18 de l'appelante).

Au regard de la situation financière obérée de Mme [W], telle que décrite ci-dessus, il convient de lui accorder des délais de paiement dans les termes sollicités, à savoir 23 échéances de 150 euros et le solde à la 24ème.

Afin de ne pas aggraver plus avant ses difficultés budgétaires, il y a par ailleurs lieu d'accueillir favorablement sa demande visant à ce que les paiements ainsi opérés s'imputent d'abord sur le capital. Sa demande relative à la minoration du taux d'intérêt sera en revancherejetée, l'article 1244-1 précité interdisant l'application simultanée des deux dispositifs.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Partie succombante, Mme [W] doit supporter les dépens d'appel comme ceux de première instance, le jugement étant par conséquent confirmé sur ce point.

Il l'est également s'agissant de la condamnation de Mme [W] à verser à la société Lyonnaise de Banque une somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance.

L'équité commande en revanche de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Lyonnaise de Banque en cause d'appel. Compte tenu de la solution donnée au litige, la demande formée à ce titre par Mme [W] sera évidemment rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Dit que Mme [P] [W] s'acquittera des sommes dues à la SA Lyonnaise de Banque en 23 mensualités de 150 euros et du solde à la 24ème,

Dit que le règlement de chaque échéance interviendra le 10 de chaque mois et ce à compter du mois suivant la signification du présent arrêt,

Dit que faute pour Mme [P] [W] de payer au terme exact une seule des mensualités prévues, la totalité des sommes restant dues deviendra de plein droit immédiatement exigible,

Dit que les paiements ainsi opérés s'imputeront d'abord sur le capital,

Condamne Mme [P] [W] aux dépens d'appel,

Déboute la SA Lyonnaise de Banque et Mme [P] [W] de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 20/03030
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;20.03030 ?
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