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23/03/2023 | FRANCE | N°19/03989

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 23 mars 2023, 19/03989


N° RG 19/03989 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MNCX









Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE

Au fond du 15 mai 2019



RG : 2018j00214





SASU WEBQAM DEVELOPPEMENT



C/



EURL FOXES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 23 Mars 2023







APPELANTE :



SASU WEBQAM DEVELOPPEMENT prise en la personne de son reprÃ

©sentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée et plaidant par Me Thierry COUTURIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE





INTIMEE :



SAS FOXES (anciennement dénommée B3R CONSEILS VISIORETRAITE) prise en la personne de son...

N° RG 19/03989 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MNCX

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE

Au fond du 15 mai 2019

RG : 2018j00214

SASU WEBQAM DEVELOPPEMENT

C/

EURL FOXES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 23 Mars 2023

APPELANTE :

SASU WEBQAM DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et plaidant par Me Thierry COUTURIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMEE :

SAS FOXES (anciennement dénommée B3R CONSEILS VISIORETRAITE) prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et plaidant par Me Laure CAVROIS de la SELARL CJA PUBLIC CHAVENT-MOUSEGHIAN- CAVROIS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 10 Juin 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 23 Mars 2023

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Marianne LA-MESTA, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS Foxes, anciennement dénommée société B3R Conseils Visioretraite (ci-après la société Foxes), qui exerce notamment une activité de conseil en optimisation de retraite et en gestion de fin de carrière, a souhaité développer en 2016 une nouvelle plate-forme intitulée 'quelle sera ma retraite' permettant aux utilisateurs la réalisation automatique et gratuite, par le biais d'un chatbot, d'un diagnostic individuel de leur situation.

Dans cet objectif, elle s'est rapprochée, en fin d'année 2016, de la SASU Webqam Développement (ci-après  la société Webqam), qui est un studio de production digitale ayant pour objet la création de sites internet, les solutions 'social media', le design digital et l'amélioration du référencement par les moteurs de recherche.

Le 24 mars 2017, après plusieurs échanges de mails et rendez-vous, la société Foxes a signé un devis pour un montant total de 17.060 euros HT, soit 20.472 euros TTC, pour la création du site web avec insertion d'un chatbot via la plateforme Webqam.

Le 31 août 2017, un devis supplémentaire de 5.200 euros HT (6.240 euros TTC) a été régularisé entre les parties.

Par mail du 3 novembre 2017, la société Webqam a indiqué avoir connu des difficultés dans la réalisation de sa mission imputable pour partie à des difficultés de gestion et pour partie à une sous-estimation du projet. Elle a sollicité le versement d'une somme complémentaire de 16.000 euros que la société Foxes a refusé de régler.

Après plusieurs rencontres entre les parties qui n'ont pas permis de trouver un accord amiable, la société Foxes a adressé un courrier recommandé à la société Webqam le 1er décembre 2017 pour la mettre en demeure d'exécuter les prestations figurant aux devis dans un délai de huit jours sous peine de résolution du contrat.

Par acte d'huissier en date du 7 février 2018, la société Foxes a fait assigner la société Webqam devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne afin d'obtenir notamment la résolution du contrat et sa condamnation à lui rembourser les sommes payées, ainsi qu'à lui verser des dommages-intérêts.

Par jugement contradictoire du 15 mai 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :

- prononcé la résolution du contrat conclu entre la société Foxes et la société Webqam,

- condamné la société Webqam à restituer à la société Foxes la somme de 9.349,20 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 01/12/2017,

- rejeté toutes les demandes de dommages-intérêts formées par la société Foxes,

- rejeté toutes les demandes reconventionnelles formées par la société Webqam,

- débouté la société Webqam de toutes ses demandes,

- condamné la société Webqam à verser à la société Foxes une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Webqam aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe taxés et liquidés à 67,80 euros, les frais du constat d'huissier de justice établi par Me [A] le 1er décembre 2017 soit une somme de 384,09 euros TTC, ainsi que les frais de l'expert judiciaire M. [K] de la société ibou.fr,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,

- débouté la société Foxes du surplus de ses demandes.

La société Webqam a interjeté appel par acte du 10 juin 2019.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 12 octobre 2020 et fondées sur les articles 1111-1, 1217, 1219, 1220, 1224, 1229 et 1352-8 du code civil, la société Webqam demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

- a prononcé la résolution de son contrat avec la société B3R,

- l'a condamnée à restituer à la société Foxes la somme de 9.349,20 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2017,

- l'a déboutée de ses demandes,

- l'a condamnée à verser 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais de greffe, les frais du constat d'huissier de justice établi par Me [A] le 1er décembre 2017 soit une somme de 384,09 euros TTC, ainsi que les frais de l'expert judiciaire M. [K] de la société ibou.fr,

Et statuant à nouveau,

- de constater que le contrat en cause est à exécution successive et qu'en conséquence seule une résiliation peut être sollicitée, sans rétroactivité, ni restitutions réciproques,

- de constater qu'elle n'a commis aucun manquement grave dans l'exécution du contrat la liant à la société Foxes,

En conséquence,

- de débouter la société Foxes de toute demande en résolution de ce contrat, en restitution des sommes versées et en réparation du prétendu préjudice causé, qui n'est soutenue par aucune pièce justificative,

- de constater qu'elle n'a eu aucun comportement déloyal envers la société Foxes,

En conséquence,

- de débouter la société Foxes de sa demande en responsabilité contractuelle et en réparation du prétendu préjudice causé, qui n'est soutenue par aucune pièce justificative,

- de constater n'y avoir lieu à application du mécanisme de l'exception d'inexécution, en l'absence d'inexécution grave de sa part,

- de constater que la société Foxes a pris l'initiative de rompre, à ses risques et périls, le contrat à compter de novembre 2017 en cessant toute collaboration avec elle, alors qu'elle entendait clairement mener ses prestations jusqu'à leur terme,

En conséquence,

- de condamner la société Foxes à lui verser la somme totale de 38.300 euros HT (45.960 euros TTC) telle que détaillée ci-dessus, sous déduction des 9.349,20 euros HT (11.219,04 euros TTC) d'acomptes réglés, soit 28.950,08 euros HT (34.740,96 euros TTC) correspondant à la valeur du travail accompli au bénéfice de l'intimée,

- de débouter la société Foxes de l'intégralité de ses demandes et prétentions,

- de condamner la société Foxes à lui verser 6.000 euros en réparation du préjudice causé par la présente procédure abusive,

- de condamner la société Foxes à lui verser 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont droit de recouvrement direct au profit de Me Couturier.

Au soutien de ses prétentions, la société Webqam expose:

- que le contrat conclu avec la société Foxes prévoyant la réalisation de plusieurs prestations échelonnées dans le temps, il s'analyse en un contrat à exécution successive tel que défini par l'article 1111-1 du code civil,

- que par exemple, la société Foxes a pu bénéficier sur le champ de la création graphique de son logo, tandis que le constat d'huissier révèle qu'elle a pu entrer en possession du site internet et qu'elle pouvait accéder au chatbot,

- qu'il est impossible pour la société Foxes de lui restituer le temps de travail passé à son profit, de sorte que seule une résiliation, sans effet rétroactif ni restitutions réciproques, pouvait être sollicitée par cette dernière,

- que l'absence de finalisation du projet est uniquement due à la rupture brutale des relations commerciales à l'initiative de la société Foxes en novembre 2017, laquelle a fait obstacle à l'achèvement du paramétrage de l'outil de discussion,

- qu'au demeurant, les griefs formulés par la société Foxes ne concernent pas l'existence d'un chatbot fonctionnel, mais les résultats fournis par cet outil en comparaison de ceux issus du fichier Excel qu'elle utilisait précédemment,

- qu'il doit être rappelé que ce fichier Excel ne permettait pas une conversion directe en chatbot et qu'il a dû être largement retraité par les professionnels de l'informatique, ce qui a nécessité un travail supplémentaire de 450 heures,

- que le paramétrage n'a pu être mené à son terme car la société Foxes a opposé un refus catégorique à sa demande de prise en charge, à hauteur de 50%, du temps supplémentaire de travail de retraitement du fichier Excel,

- qu'aucun planning d'exécution impératif n'ayant été formalisé entre les parties lors de la signature des devis, il ne peut lui être reproché une quelconque inexécution contractuelle sur ce point au sens de l'article 1224 du code civil,

- qu'en tout état de cause, elle a parfaitement respecté l'estimation de planning formalisée dans un mail du 30 août 2017, puisque la livraison a débuté le 4 octobre 2017 ouvrant la phase test du site internet,

- que la durée d'exécution a été largement affectée par le comportement de la société Foxes qui a tardé à prendre position sur les projets de maquette communiqués et sollicité de nombreuses modifications de graphisme et de structure du site en juin 2017 et juillet 2017, ainsi que le passage du site internet en version 'multi-clients' en août/septembre 2017,

- qu'aucune pièce versée aux débats par la société Foxes ne vient soutenir les allégations de la société Foxes selon lesquelles le chef de projet, M.[Z], était incompétent,

- que de même, les affirmations de la société Foxes selon lesquelles le fichier Excel lui a été remis dès le 2 décembre 2016 sont mensongères, puisqu'il ne lui a, en réalité, été transmis que le 29 mars 2017, soit postérieurement à la signature du devis intervenue le 24 mars 2017, la pièce adverse n°54, qui est un 'audit retraite' établi par un cabinet d'expertise comptable, ne constituant pas une preuve de la remise de l'outil développé sous Excel,

- que pour parvenir à la version initiale du chatbot livrée le 4 octobre 2017, elle a nécessairement travaillé sur le fichier Excel avant cette date, contrairement à ce que prétend la société Foxes,

- que les anomalies apparues au cours des tests du chatbot pendant la phase de recette ont alors mis en évidence l'impossibilité d'une conversion directe du fichier Excel trouvant son origine dans la conception artisanale et non-académique de ce fichier, ce qui a conduit à engager un retraitement complet de celui-ci,

- qu'il ne saurait être retenu qu'elle a fait preuve de mauvaise foi ou de déloyauté, alors que le temps de travail supplémentaire pour procéder au retraitement et donc à l'achèvement du chatbot n'a pu être chiffré qu'en novembre 2017, sachant qu'elle a toujours souhaité mener le projet à son terme, car elle a même accepté de minorer de 50% le surcoût engendré par la situation,

- qu'aucune faute grave ne pouvant lui être imputée, la société Foxes n'est pas fondée à invoquer une exception d'inexécution,

- que la demande de dommages et intérêts de la société Foxes au titre de la perte de rémunération de Mme [U] et M.[T] en raison du temps passé à traiter les difficultés avec elle-même, de même que celle au titre du préjudice d'image ne reposent sur aucune pièce justificative,

- que la société Foxes doit supporter les conséquences de la rupture unilatérale du contrat ne reposant sur aucune faute grave, et par suite être condamnée à lui régler, en application de l'article 1217 du code civil, la totalité des sommes qui correspondant aux devis acceptés et aux prestations complémentaires effectuées, soit 38.300 euros HT ou 45.960 euros TTC, dont à déduire les 11.219,04 euros TTC d'acomptes réglés par la société Foxes, soit un solde résiduel de 28.950,08 euros HT ou 34.740,96 euros TTC,

- qu'une somme de 6.000 euros doit également lui être allouée en réparation du préjudice causé par la présente procédure abusive.

           

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 7 janvier 2021 et fondées sur les articles 1217 et suivants, 1352 et suivants, 1104 du code civil, ainsi que sur les articles 908 et suivants du code de procédure civile, la société Foxes, anciennement dénommée B3R, demande à la cour de :

- rejeter l'appel principal formé par la société Webqam contre le jugement déféré,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, excepté en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts à l'encontre de la société Webqam,

- infirmer le jugement déféré sur ce point précis,

en conséquence, y ajoutant,

- condamner la société Webqam à lui verser la somme de 53.200 euros (cinquante-trois mille deux cent euros) à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 01/12/2017,

à titre subsidiaire, si la cour faisait droit à l'appel principal et rejetait sa demande de résolution du contrat,

- juger que la société Webqam a commis une faute qui engage sa responsabilité contractuelle compte tenu de son impossibilité d'exécuter le contrat dans les conditions initialement fixées, du retard dans l'exécution du contrat, et en subordonnant la poursuite de son exécution au versement d'une somme complémentaire correspondant à une augmentation de 100% du prix contractuellement fixé par les parties,

- juger que la société Webqam a cruellement manqué à son obligation de loyauté contractuelle,

en conséquence,

- condamner la société Webqam à lui verser une indemnité de 9.349,20 euros (neuf mille trois cent quarante-neuf euros et vingt centimes) correspondant aux sommes qu'elle a versées en pure perte, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 01/12/2017,

- condamner la société Webqam à lui verser une somme de 53.200 euros (cinquante-trois mille deux cent euros) à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 01/12/2017,

dans tous les cas,

- rejeter l'intégralité des demandes indemnitaires formées par la société Webqam,

- condamner la société Webqam à lui verser une somme de 5.000 euros (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Webqam aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais du constat d'huissier établi par Me [A] le 1er décembre 2017, soit une somme de 384,09 euros TTC, les frais de l'assignation initiale de 69,35 euros TTC, ainsi que les frais de l'expert, M. [K] de la société ibou.fr, soit une somme de 999 euros TTC.

La société Foxes fait valoir en substance:

- que le contrat conclu avec la société Webqam avait pour objet la livraison d'une seule et même prestation décrite dans le devis régularisé entre les parties le 24 mars 2017, à savoir la 'création du site web Quelle sera ma retraite avec insertion d'un chatbot via la plate-forme Webqam',

- que les différentes étapes de conception pour obtenir le produit final commandé par ses soins n'ont aucun intérêt prises isolément, de sorte qu'il est impossible de diviser le contrat en périodes d'exécution successives,

- qu'en effet, soit le chatbot fonctionne intégralement et permet l'établissement d'un diagnostic retraite individualisé, soit il ne fonctionne pas,

- que si elle ne conteste pas que des prestations ont été effectuées, le chatbot n'a jamais été finalisé, nonobstant la mise en demeure adressée à la société Webqam, au point qu'elle a été contrainte de repartir à zéro avec une autre société,

- que les prestations réalisées par la société Webqam ne lui ont donc été d'aucune utilité, ce d'autant qu'elle avait fait le choix d'installer son projet sur la plate-forme de bot appartenant à la société Webqam à laquelle elle n'avait pas accès, faute de disposer des codes,

- que le caractère non opérationnel du chatbot n'a d'ailleurs jamais été contesté par la société Webqam et dûment constaté le 1er décembre 2017 par Me [A], huissier de justice, accompagné de M.[K], spécialiste en recherche de traces numériques du cabinet ibou.fr, consultant en informatique et expert près la cour d'appel de céans,

- que ceux-ci ont notamment fait une simulation sur le chatbot et sur l'outil de gestion Excel laquelle fait apparaître qu'en rentrant des données identiques, le résultat du diagnostic individualisé n'est pas le même,

- que ce fichier Excel, constituait la base pour le développement du nouvel outil, en ce qu'il comporte la liste des questions à poser aux clients afin d'établir l'étude individualisée, le travail de la société Webqam consistant à convertir ce fichier en site web afin que les utilisateurs du site 'quelle sera ma retraite' puissent directement obtenir leur étude individualisée,

- que lorsque Me [A] s'est connecté à l'espace Redmine, mis à disposition par la société Webqam pour le suivi et la réalisation du projet, il a constaté qu'il était indiqué sur la roadmap un retard de 4 mois, à savoir 31 juillet 2017,

- que plus encore, alors que le planning initial prévoyait une livraison en août 2017 puis une livraison le 3 octobre 2017 suite à la validation de la V2 selon devis du 31 août 2017, le chatbot n'était toujours pas livré au 3 novembre 2017,

- que la société Webqam savait parfaitement qu'elle était engagée en termes de délais, comme elle l'a d'ailleurs indiqué dans son mail du 30 août 2017 aux termes duquel elle indique 'pour ce qui est du planning de prod, nous estimons une livraison en semaine 40 (2-6 octobre)',

- que compte tenu des inexécutions particulièrement graves de la société Webqam, il y a lieu, conformément à l'article 1229 alinéa 3 du code civil, de prononcer la résolution du contrat et de condamner cette dernière à lui restituer la somme de 9.349,20 euros correspondant aux acomptes versés en pure perte, outre intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 2017,

- que non seulement la société Webqam n'a pas rempli ses obligations contractuelles, mais elle a fait preuve de déloyauté et de mauvaise foi à son égard en subordonnant la poursuite de sa mission au versement d'une somme complémentaire de 16.000 euros, ce qui représente une augmentation de près de 100 % du prix initial,

- que la complexité du projet, invoquée pour la première fois par la société Webqam plus de 7 mois après la régularisation du devis, est un argument visant uniquement à pallier sa propre incompétence, étant précisé que le projet a été confié à un chef de projet 'junior', M.[Z], qui ne disposait pas des compétences nécessaires pour le mener à bien seul, ainsiq ue l'a reconnu la société Webqam elle-même dans son mail du 3 novembre 2017,

- qu'au demeurant, entre le 2 décembre 2016, date des premiers échanges avec la société Webqam, et le 24 mars 2017, date de signature du devis, la société Webqam a pu appréhender l'outil de calcul et de simulation avec lequel elle travaillait jusqu'alors et a donc eu tout le temps d'identifier précisément la consistance des prestations à réaliser,

- que le devis stipule expressément la 'mise en place des règles de gestion et de comportement de l'outil sur la base d'un fichier Excel fourni par le client', 'l'intégration HTML/CSS/Javascript de votre outil dans le site web selon la norme Responsive Web Design', ainsi que le passge de maquettes graphiques à la version web',

- que la société Webqam ne peut donc valablement prétendre qu'elle aurait été trompée sur la consistance du fichier Excel qu'elle n'aurait découvert que postérieurement à la signature du devis, alors qu'il lui a été transmis le 29 mars 2017, ce qui n'est pas contesté,

- que les écrits de première instance de la société Webqam révèlent qu'en réalité, le fichier Excel a été ouvert pour la première fois en octobre 2017,

- que la lecture du spécimen de bilan réalisé via l'outil développé sous Excel montre la grande maîtrise interne de cet outil qui n'est pas artisanal, mais le fruit d'un travail de plus de 4 ans mené par M.[L] [P], conjointement avec l'une de ses employées, Mme [U],

- que la mauvaise évaluation, par la société Webqam, du temps passé pour la mise en place de la plate-forme, lui est exclusivement imputable, puisqu'en tant que professionnelle, il lui appartenait d'identifier en amont l'éventuelle complexité du projet,

- qu'il est faux de dire que le périmètre et la consistance des prestations confiées auraient évolué, car le devis complémentaire du 31 août 2017 ne portait pas sur le fichier Excel mais sur une nouvelle fonctionnalité du site visant à permettre la duplication de la plate-forme pour qu'elle soit personnalisée à la charte graphique des futurs partenaires,

- que nonobstant ces nouvelles spécifications, la société Webqam a confirmé une date de livraison au 6 octobre 2017,

- qu'au fil de l'avancée du projet, notamment sur le texte des questions, une seconde version du fichier Excel a été communiquée par mail du 26 juin 2017, sans changement dans les prestations confiées à la société Webqam,

- que les autres évolutions mineures ultérieures n'ont en rien modifié le projet de départ, comme ont pu l'observer Me [A] et M. [K] lorsqu'ils ont procédé à une comparaison du fichier Excel du 28 juin 2017 avec celui daté du 9 octobre 2017, envoyé à la société Webqam avec de légers correctifs à sa demande,

- qu'en tout état de cause, s'il s'était agi de modifications et non de correctifs, la société Webqam n'aurait pas manqué de faire régulariser un devis pour prestations complémentaires, ce qu'elle n'a pas fait,

- que la société Webqam a attendu le 4 octobre 2017 pour solliciter des explications auprès de Mme [U], ce qui témoigne de son incompétence,

- que le mail du 9 octobre 2017 par lequel M.[Y] a demandé à M.[T] de prendre la main sur la recette pour tester et faire remonter ses tickets ne signifie pas la livraison du chatbot, mais démontre au contraire que des modifications sont à effectuer au vu des essais qui seront réalisés,

- que la société Webqam a pris en compte ces tickets sans jamais évoquer un quelconque dépassement du nombre d'heures avant le 3 novembre 2017, date à laquelle elle subitement fait état de 450 heures supplémentaires en tentant de lui imposer d'en prendre en charge la moitié pour voir le projet aboutir,

- que la société Webqam a alors reconnu qu'elle n'avait pas su appréhender correctement le dossier, malgré son expérience et que le dépassement lui est imputable,

- que le retard pris dans la mise en place de la plate-forme 'quelle sera ma retraite' lui a été particulièrement préjudiciable, notamment en termes d'image vis-à-vis de ses partenaires auprès desquels elle a vanté le projet lors du salon BPI France qui s'est tenu à [Localité 3] le 12 octobre 2017,

- qu'elle a dû commencer à rembourser le prêt BPI à compter du début de l'année 2019, alors qu'à cette date, le chatbot n'était toujours pas en fonctionnement,

- qu'en outre, elle a travaillé en pure perte avec la société Webqam, ce qui a mobilisé 20 jours de travail pour M.[T] et le même temps pour Mme [U], ce qui correspond à une somme totale de 36.000 euros HT,

- qu'à défaut de prononcer la résolution du contrat, la cour jugera à tout le moins que la société Webqam a commis des fautes contractuelles graves engageant sa responsabilité, à savoir l'inexécution du contrat dans les conditions initialement fixées, le retard extrêmement important dans l'exécution et des manoeuvres qui portent atteinte au principe de loyauté contractuelle,

- que la société Webqam ne pourra qu'être déboutée de ses demandes indemnitaires, car du fait de l'inexécution des prestations par cette dernière, elle est bien fondée à ne pas exécuter sa propre obligation de paiement en vertu des articles 1219 et 1220 du code civil,

- que la somme supplémentaire de 16.000 euros ne repose au demeurant sur aucun devis,

- que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive n'est justifiée ni en droit ni en fait, puisque c'est elle-même qui a été trompée par la société Webqam.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 février 2021, les débats étant fixés au 25 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire d'observer que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n'en étant pas saisie.

Il est également précisé que le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est postérieur au 1er octobre 2016.

Sur la résolution du contrat

Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Par ailleurs, en vertu de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

L'article 1226 du même code prévoit quant à lui que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

L'article 1228 dispose encore que le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts;

L'article 1229 énonce de son côté que la résolution met fin au contrat.

La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.

Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

Enfin, selon l'article 1111-1, le contrat à exécution instantanée est celui dont les obligations peuvent s'exécuter en une prestation unique.

Le contrat à exécution successive est celui dont les obligations d'au moins une partie s'exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps.

En l'espèce, la lecture du devis émis le 16 février 2017 par la société Webqam et accepté le 24 mars 2017 par la société B3R devenue Foxes (pièce n°13 de l'appelante et n°8 de l'intimée), dont l'objet est la création du site web Quelleseramaretraite avec insertion d'un chatbot via la platforme Webqam pour un prix total de 17.060 euros HT (20.472 euros TTC), révèle que pour parvenir à ce résultat final, la société Webqam devait passer par différentes phases de conception, dont chacune a donné lieu à une estimation financière, à savoir:

- la création graphique du logo (2.000 euros),

- la création graphique du site et de l'outil (2.000 euros)

- l'intégration graphique du site internet (2.000 euros)

- le développement du site (3.000 euros),

- le paramétrage de la plate-forme de bot avec la 'mise en place des règles de gestion et de comportement de l'outil sur la base d'un fichier Excel fourni par le client (1.000 euros),

- l'intégration graphique de l'outil pédagogique (2.000 euros),

- une phase de recette (1.500 euros),

- la formation (600 euros),

- la gestion de projet (2.000 euros),

- l'hébergement du site internet (960 euros).

Il ressort par ailleurs des documents versés aux débats par les parties:

- que ce devis a été établi sur la base d'un cahier des charges préalablement transmis les 2 décembre 2016 et 11 janvier 2017 par la société Foxes lequel décrit précisément les objectifs à atteindre dans le cadre de la création de la plateforme web, en l'occurrence donner la possibilité au client de réaliser un diagnostic retraite individuel rapide et gratuit au moyen d'un questionnaire (pièces n°1 à 3 de l'intimée),

- qu'avant la rédaction de ce devis définitif, la société Webqam et la société Foxes ont échangé des courriels en vue d'affiner les attentes de la société Foxes, notamment quant à l'intégration ou non d'un chatbot, mais aussi de permettre à la société Webqam d'ajuster en conséquence son offre tarifaire (pièces n°4 à 7 de l'intimée), un planning prévisionnel ayant même été joint au projet adressé le 20 février 2017 par la société Webqam (pièces n°5 et 6), toutefois non repris dans le devis effectivement signé,

- que pour l'élaboration du chatbot, la société Foxes a communiqué le 29 mars 2017 à la société Webqam un fichier de travail sous le format Excel (pièce n°12 de l'intimée) qui comportait l'ensemble des informations devant être retranscrites dans le nouveau logiciel élaboré par la société Webqam,

- que d'autres versions de ce fichier Excel ont par la suite été transmises à la société Webqam par la société Foxes, d'abord en mai 2017 (pièce n°17 de l'intimée), puis en juin 2017 (pièces n°20 à 22 de l'intimée), juillet 2017 (pièces n°24 et 25 de l'intimée) et enfin entre les 6 et 26 octobre 2017, les dernières modifications apportées au cours du mois d'octobre 2017 visant à ajouter des blocs d'adresse dans la partie 'mes organismes de retraite' et à tirer les conséquences premiers retours sur le bot (pièces n°18 à 22 de l'appelante),

- que début août 2017, la société Foxes a sollicité que la plateforme puisse être déclinée en mode 'multi-clients' avec des éléments de personnalisation pour chaque partenaire concerné, ce qui a donné lieu à l'établissement de nouveaux devis, dont le dernier a été accepté le 31 août 2017 par la société Foxes pour un montant total arrêté à 5.200 euros HT, soit 6.240 euros TTC (pièces n°28 à 33 de l'intimée),

- que ce second devis comporte lui-aussi un découpage en différentes sous-prestations dont chacune a fait l'objet d'une évaluation financière: passage en mode 'multi-clients' par un développeur senior (1.500 euros), création de 2 variantes 'client' dans la structure du bot initial par un développeur senior (200 euros), une phase de recette (1.500 euros), un directeur de projet chargé de la coordination (1.000 euros), l'hébergement (0 euros), et le développpement d'un socle commun de duplication par un développeur senior (2x500 euros),

- que lors de l'émission de la dernière mouture de ce deuxième devis le 30 août 2017, la société Webqam a fait part d'un planning de production avec une livraison estimée en semaine 40 (2-6 octobre) prenant en compte les échéances suivantes: validation de la part de la société Foxes d'ici le 1er septembre, échanges, mise en place et validation de nouvelles spécifications techniques avant le 11 septembre, développement du projet V1+V2 à partir du 14 septembre et livraison en semaine 40 - semaine du 6 octobre (pièce n °33 de l'intimée).

S'il est indéniable que les étapes nécessaires à la réalisation de la prestation globale de création du site internet et du chatbot intégré à ce site, telles que décrites dans les devis ci-dessus, peuvent être individualisées, il n'en reste pas moins, comme le relève à juste titre la société Foxes, qu'elles n'ont de réelle utilité pour cette dernière que pour autant que l'exécution de chacune d'entre elles permette d'arriver au résultat final escompté, en l'occurrence une plateforme web et un chatbot associé à ce site internet utilisables par les clients pour l'établissement d'un diagnostic retraite individualisé conformément au cahier des charges et au fichier Excel transmis par la société Webqam.

Il s'ensuit que le défaut de livraison d'une plateforme et d'un chatbot complètement opérationnels est susceptible de constituer un manquement suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat aux torts de la société Webqam, ce quand bien même elle aurait exécuté une partie conséquente des étapes préalables prévues par les devis.

A cet égard, la société Foxes ne conteste pas qu'avant la mise en demeure adressée le 1er décembre 2017 par l'intermédaire de son conseil, la société Webqam a accompli un certain nombre des sous-prestations listées supra, ce qui est d'ailleurs confirmé par les nombreux échanges de courriers électroniques intervenus entre les deux sociétés entre fin mars et fin octobre 2017.

Elle lui reproche cependant, d'une part d'avoir pris du retard dans la mise en oeuvre du contrat, d'autre part de ne pas lui avoir fourni un produit totalement fonctionnel, tout en subordonnant la finalisation de sa mission au versement d'une somme complémentaire correspondant à près de 100% du prix initialement fixé en mars 2017 et à plus de 70 % du montant incluant le second devis, ce sans motif légitime, comme elle l'a signifié dans le courrier de mise en demeure précité (pièce n°43 de l'intimée).

Concernant le premier grief invoqué par la société Foxes, il sera rappelé, comme déjà indiqué dans les précédents paragraphes, que le 'rétroplanning' communiqué par la société Webqam à l'appui d'un projet de devis envoyé le 20 février 2017 n'a pas été repris dans le devis final du 23 mars 2017, accepté le 24 mars 2017 par la société Foxes.

Il s'en déduit qu'aucun délai contractuel de livraison n'avait été convenu entre les parties, seule la notion de délai raisonnable pouvant dès lors être retenue pour apprécier une éventuelle défaillance de la société Webqam sur ce point.

Il est à noter qu'entre le 24 mars 2017 et le 30 août 2017, date d'émission du second devis, soit pendant plus de 5 mois, aucune difficulté n'a été mise en exergue par la société Foxes concernant les délais de mise en oeuvre des étapes de création du site et du chatbot, ainsi qu'il résulte de l'analyse des échanges entre les parties au cours de cette période.

Certes, dans un mail du 30 août 2017 accompagnant la version finalisée du second devis, la société Webqam a fait état d'un planning de production mentionnant une livraison du produit dans la semaine du 2 au 6 octobre 2017.

Mais, il ne peut qu'être constaté que cet engagement n'a pas formellement été contractualisé dans le cadre du devis accepté le 31 août 2017 par la société Foxes. La société Webqam avait d'ailleurs précisé dans le message du 30 août 2017 qu'il s'agissait d'un planning estimatif.

Il est encore à noter que la première doléance de la société Foxes au sujet de la date prévue pour la livraison du chatbot a été exprimée dans un courriel du 21 septembre 2017 (pièce n°37 de l'intimée), soit près de 6 mois après le début des relations contractuelles.

Surtout, il n'est pas contesté par cette dernière, et au demeurant confirmé par les éléments du dossier, dont en particulier les échanges de courriels entre les parties durant le mois d'octobre 2017 (pièce n°39 de l'intimée) et le procès-verbal de constat d'huissier établi le 1er décembre 2017 par Me [X] [A], huissier de justice, avec l'assistance de M.[D] [K], représentant de la société ibou.fr (pièce n°47 de l'intimée), qu'une première version de la plate-forme et du chatbot a bien été livrée le 4 octobre 2017, ce qui a permis l'ouverture de la phase de recette consacrée aux correctifs, ce à compter de cette date et jusqu'à la rupture des relations contractuelles après l'envoi du courrier de mise en demeure précité le 1er décembre 2017 par la société Foxes.

Il doit enfin être souligné que dans un message du 5 octobre 2017 (pièce n°17 de l'appelante), le directeur de la société Foxes a lui-même indiqué à la société Webqam 'partez du principe que le temps n'est plus un problème (on s'en débrouille!!!)' .

Il découle de l'ensemble de ces observations que la société Foxes n'était pas fondée à se prévaloir d'un retard dans l'exécution du contrat pour procéder à sa résolution aux torts exclusifs de la société Webqam, aucun manquement manquement contractuel ne pouvant être reproché à la société Webqam sur ce point avant les désaccords survenus entre les parties à partir du 3 novembre 2017 pour les raisons qui seront développées infra.

S'agissant du second grief dont excipe la société Foxes dans son courrier de mise en demeure du 1er décembre 2017, il convient en revanche de retenir que celle-ci démontre, par la production du procès-verbal de constat d'huissier établi le 1er décembre 2017, qu'à la date à laquelle elle a enjoint à la société Webqam de se conformer à ses obligations contractuelles, le chatbot ne fournissait pas les mêmes résultats que ceux résultant du fichier Excel que la société Foxes lui avait remis en vue de sa conversion en ce nouvel applicatif.

Ainsi, en réalisant des tests comparatifs entre les deux outils, l'huissier a notamment constaté:

- que lors de la saisine du formulaire dans l'application conçue par la société Webqam, il manque des questions qui figurent dans le formulaire du fichier Excel concernant le cumul d'activités et les périodes de travail à l'étranger,

- qu'une fois le formulaire rempli, des divergences apparaissent dans les résultats au niveau des points d'optimisation possibles, au nombre de 4 dans l'application Webqam contre 2 pour le fichier Excel,

- que dans l'application Webqam, le compte pénibilité est systématiquement inclus, quand bien même l'onglet n'a pas été rempli,

- que dans les résultats, il est proposé des caisses 'salariés' dans le PDF client du chatbot, alors même que le dossier saisi est celui d'un artisan dépendant du RSI,

- que les commentaires de l'outil Excel et de l'application Webqam ne sont pas concordants sur le rachat des trimestres, le compte pénibilité et l'anticipation de la retraite.

Il est donc établi qu'au 1er décembre 2017, les résultats donnés par le chatbot créé par la société Webqam n'étaient pas en corrélation avec ceux issus de l'outil de gestion précédemment développé par la société Foxes qui l'avait confié pour conversion à la société Webqam.

Compte tenu de l'objet de l'application conçue par la société Webqam , à savoir l'établissement d'un diagnostic retraite personnalisé, il sera retenu qu'au moment où elle s'est vu délivrer la mise en demeure par la société Foxes, l'outil qu'elle avait développé ne pouvait être considéré comme pleinement opérationnel au regard du défaut de conformité des réponses par rapport au logiciel de référence fourni par la société Foxes, ce qui est d'ailleurs reconnu par la société Webqam dans ses écritures, aux termes desquelles elle indique avoir été confrontée à des difficultés de paramétrage du chatbot.

Surtout, la société Webqam avait d'ores et déjà admis l'existence de cette problématique de paramétrage dans un message adressé par ses soins le 3 novembre 2017 à la société Foxes (pièce n°32 de l'appelante et n°40 de l'intimée).

Dans ce courriel, la société Webqam concède ainsi avoir 'connu des difficultés de gestion du projet qui, selon moi sont directement dues à une sous-estimation de la complexité du projet, dont nous portons tous une part de responsabilité (....) Au delà des difficultés que nous avons connues, je crois aussi que concernant l'estimation du projet (sa complexité, son chiffrage, le staffing qui en découle), nous n'avons pas disposé de suffisamment de matière lors de nos premières discussions pour bien la mesurer: le projet QSMR n'est au final pas simple, il est même plutôt complexe. Le degré de complexité et de spécificité du chatbot (au départ un fil de discussion simple type questionnaire linéaire) et du PDF (au départ un document type résumé avec un scoring) ne pouvait pas être correctement estimé.'

A la fin du mail, la société Webqam, évaluant le surcroît de travail à 450 heures à ce stade, demande à la société Foxes de supporter la moitié de ce surcoût évalué à 16.000 euros.

Après avoir envisagé de régler une partie de cette somme (pièce n°23 de l'appelante), la société Foxes va totalement refuser de débourser ces 16.000 euros supplémentaires, avant d'adresser la mise en demeure précitée du 1er décembre 2017 qui ne sera pas suivie d'effet, puisqu'il n'est pas discuté par la société Webqam qu'en raison du non-paiement des 16.000 euros réclamés le 3 novembre 2017, elle a interrompu les opérations de paramétrage du chatbot.

Or, il sera à ce stade rappelé que le comportement du cocontractant qui cherche à modifier unilatéralement une clause substantielle du contrat est susceptible de constituer un motif légitime de rupture des relations contractuelles par l'autre partie.

Dans le cas présent, il y a lieu de retenir que l'attitude adoptée par la société Webqam, consistant à vouloir imposer très tardivement dans la mise en oeuvre du contrat, une hausse significative du prix initialement convenu et à conditionner la finalisation du chatbot au règlement de cette somme, porte une atteinte grave au principe de l'exécution de bonne foi de la convention.

La société Webqam ne pouvait en effet valablement invoquer la nécessité d'une renégociation en raison d'un changement imprévu de circonstances ayant porté atteinte à l'équilibre contractuel, dès lors:

- que le fichier Excel à convertir en chatbot lui avait été remis dès le 29 mars 2017, de sorte qu'elle n'est pas fondée à soutenir n'avoir découvert qu'en novembre 2017 que ce fichier nécessitait en fait un important travail de retraitement qu'elle n'avait pas été en mesure d'appréhender auparavant, sachant qu'elle ne conteste pas que les différentes versions de ce logiciel qui lui ont communiquées au fil des mois par la société Foxes ne comportaient que des changements mineurs par rapport au fichier initial, dont le fonctionnement restait le même,

- qu'avant ce courriel du 3 novembre 2017, qui intervient plus de 7 mois après la signature du devis initial, elle n'a jamais fait part à la société Foxes d'un problème de sous-évaluation de la complexité du projet impliquant un temps de travail supplémentaire très important par rapport à celui initialement prévu.

La société Webqam a par conséquent manqué à son devoir de loyauté en cherchant à conditionner la poursuite du contrat à une augmentation très conséquente du prix fixé, alors même que cette mauvaise estimation du coût de sa prestation lui est imputable. Et au final, elle n'a jamais livré un produit totalement fonctionnel.

Ces éléments caractérisent des fautes graves de la société Webqam qui autorisaient la société Foxes à mettre fin au contrat de façon unilatérale.

Le jugement entrepris sera donc confirmé, en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Webqam.

Eu égard aux effets de la résolution, la société Webqam sera évidemment déboutée de sa demande reconventionnelle tendant au paiement de la somme de 28.950,08 euros HT (34.740, 96 euros TTC) correspondant, d'une part au solde du prix non réglé par la société Foxes dans le cadre du contrat (13'850,08 euros), d'autre part aux 16.000 euros sollicités le 3 novembre 2017 au titre du 'travail supplémentaire'.

Il convient néanmoins de relever que si la résolution du contrat entraîne en principe, du fait de son anéantissement rétroactif, la restitution des fournitures réciproques, celle-ci n'est toutefois obligatoire que dans la mesure où l'exécution partielle du contrat ne l'a pas rendue impossible.

Dans le cas présent, il ressort des pièces du dossier, dont l'analyse a déjà précédemment été opérée, que la convention a été exécutée sans difficulté particulière pendant plus 7 de mois, la rupture étant intervenue à un stade très avancé dans la réalisation de la prestation par la société Webqam, puisque le chatbot était en phase de paramétrage depuis quelques semaines.

Dans la mesure où il est impossible, sur le plan pratique, d'ordonner la restitution, à la société Webqam, du temps de travail qu'elle a consacré à la conception de la plateforme web et du chatbot au cours de ces 7 mois, il y a lieu de dire que les acomptes versés par la société Foxes à hauteur d'une somme totale de 9.349, 20 euros HT, soit 11.219,94 euros TTC, lui resteront acquis, ce qui conduit à l'infirmation du jugement querellé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Foxes

L'article 1217 du code civil dispose que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

En l'espèce, force est de constater, à l'instar de ce qu'a fait le tribunal de commerce, que la société Foxes ne fournit aucun document justificatif de nature à établir l'existence et l'étendue des préjudices qu'elle prétend avoir subis à raison des fautes contractuelles de la société Webqam.

D'une part, il ne peut en aucun cas cas se déduire des seuls échanges de courriels entre la société Webqman et la société Foxes figurant au dossier que le Directeur associé et l'une des salariées de la société Foxes auraient passé chacun 20 jours pour participer à l'élaboration du logiciel de la société Webqam. Et il sera en tout état de cause observé que le temps qui pu être dédié à cette tâche ne peut être considéré comme totalement perdu, dans la mesure où un travail similaire de conversion du fichier Excel en chatbot a ultérieurement été effectué en collaboration avec un autre prestataire.

D'autre part, les allégations de la société Foxes selon lesquelles l'absence de livraison d'un chatbot fonctionnel en octobre 2017 a considérablement nui à son image auprès de ses partenaires commerciaux, notamment lors d'un salon organisé par le BPI le 12 octobre 2017 ne sont assorties d'aucune offre de preuve.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Foxes.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Webqam

L'article 1240 du code civil, dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.

En l'occurrence, dès lors que les prétentions de la société Foxes ont été partiellement accueillies, la société Webqam échoue à démontrer une quelconque intention de nuire de sa part.

Sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ne sera dès lors pas favorablement accueillie, ce qui conduit également à la confirmation du jugement du 15 mai 2019 sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Webqam, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, la décision de première instance étant confirmée de ce chef.

L'équité commande par ailleurs d'allouer à la société Foxes la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, en sus de l'indemnité de procédure déjà octroyée en première instance et justement évaluée par le tribunal à la somme de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la SASU Webqam Développement à restituer à la SAS Foxes la somme de 9.349, 20 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 01/12/2017,

          

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute la SAS Foxes de sa demande en restitution de la somme de 9.349, 20 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 01/12/2017,

                                                                      

Condamne SASU Webqam Développement aux dépens d'appel,

Condamne la SASU Webqam Développement à payer à la SAS Foxes la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/03989
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;19.03989 ?
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