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14/03/2023 | FRANCE | N°23/01875

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 14 mars 2023, 23/01875


COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 14 MARS 2023

statuant en matière de soins psychiatriques





N° RG 23/01875 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O2SO



Appel contre une décision rendue le 24 février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LYON.



APPELANT :



M. [N] [R]

né le 19 Avril 1989 à [Localité 4]

de nationalité Française



Actuellement hospitalisé au Centre Hospitalier [3] [Localité 2]



comparant assi

sté de Me Cyrille CARMANTRAND, avocat au barreau de LYON, commis d'office



INTIMEE :



CENTRE HOSPITALIER [3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



non comparant, régulièrement avisé, non...

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 14 MARS 2023

statuant en matière de soins psychiatriques

N° RG 23/01875 - N° Portalis DBVX-V-B7H-O2SO

Appel contre une décision rendue le 24 février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LYON.

APPELANT :

M. [N] [R]

né le 19 Avril 1989 à [Localité 4]

de nationalité Française

Actuellement hospitalisé au Centre Hospitalier [3] [Localité 2]

comparant assisté de Me Cyrille CARMANTRAND, avocat au barreau de LYON, commis d'office

INTIMEE :

CENTRE HOSPITALIER [3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

non comparant, régulièrement avisé, non représenté

AUTRE PARTIE :

Madame [Z] [R], en qualité de tierce demanderesse à la mesure a été régulièrement avisé. A l'audience, elle est comparante.

Le dossier a été préalablement communiqué au Ministère Public qui a fait valoir ses observations écrites.

* * * * * * * * *

Nous, Géraldine AUVOLAT, Conseillère à la cour d'appel de Lyon, désignée par ordonnance de madame la première présidente de la cour d'appel de Lyon du 1er septembre 2022 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L.3211-12 et suivants du code de la santé publique, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Assistée de Jihan TAHIRI, Greffière placée, pendant les débats tenus en audience publique,

Ordonnance prononcée le 14 Mars 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Géraldine AUVOLAT, Conseillère, et par Jihan TAHIRI, greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

Par décision du 15 février 2023, M. le directeur du Centre [3] de [Localité 2] a prononcé l'admission de M. [N] [R] au sein de son établissement à la demande d'un tiers, en l'occurrence Mme [Z] [R] sa mère et après que son état de santé ait été évalué par les docteurs [V] et [S] en vertu des articles L. 3212-1 , II, 1 du code de la santé publique, l'intéressé présentant une décompensation psychotique d'un trouble psychiatrique connu dans un contexte de rupture thérapeutique depuis plusieurs mois. Il exprime alors des propos délirants persécutoires à l'encontre de ses parents, et n'a pas conscience du caractère pathologiques de ses troubles qu'il ne critique pas, état de santé rendant impossible son consentement et nécessitant des soins immédiats.

Par décision du 18 février 2023, M. le directeur de l'hôpital psychiatrique [3] de [Localité 2] a décidé de la prolongation de l'hospitalisation de M. [N] [R] en hospitalisation complète à la demande d'un tiers s'appropriant les termes et conclusions des certificats dits des 24 heures et 72 heures des docteurs [U] et [M] qui confirmaient la nécessité de poursuivre cette prise en charge au vu des troubles toujours présents qui rendaient impossible le consentement de l'intéressé.

Par ordonnance du 24 février 2023, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a autorisé le maintien de M. [N] [R] en hospitalisation complète sans consentement à la demande d'un tiers au-delà d'une durée de 12 jours au terme d'une audience à laquelle l'intéressé, dûment assisté de Maitre Khatchatrian était présent.

Une copie de l'ordonnance lui a été remise en main propre le jour même.

**

Par courrier non daté reçu le 06 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Lyon, et transféré le jour même au greffe de la cour d'appel, M. [N] [R] relève appel de cette ordonnance expliquant vouloir faire « un résumé suite à l'altercation avec son père (') je ne vais pas à l'encontre des médecins. J'ai cependant décidé de faire appel et d'expliquer le pourquoi de cette altercation. Je trouve ça injuste que depuis que la « poste « suite à une demande de ré-expédition de courrier de l'étranger m'a annoncé clairement (en rigolant au téléphone et enregistré cet appel) que j'étais le gagnant du loto et qu'il me fallait rentrer en France. J'ai été retenu plus d'un an en Italie et ai victime de maltraitance. Je trouve donc ça injuste que par la suite de ces conséquences on me retire mes libertés ».

Les parties ont été convoquées à l'audience du 09 mars 2023 à 13h30.

*

Le 06 mars 2023, le docteur [E] médecin psychiatre au Centre hospitalier [3] de [Localité 2] a établi le certificat médical préalable à l'audience, concluant à la nécessité de poursuivre la prise en charge mise en place, le patient, connu du secteur, suivi pour troubles psychiatrique chronique et en rupture de soins depuis plusieurs mois, hospitalisé pour un tableau de décompensation délirante avec troubles du comportement au domicile. L'évolution clinique de M. [R] est lentement progressive avec la reprise du traitement psychotrope et il persiste ce jour encore un syndrome délirant de persécution, un tableau désorganisation psychique, un grand pragmatisme avec incurie importante. M. [R] reste dans le déni de ses troubles et dans un refus de soins important. L'état de santé de l'intéressé nécessite de poursuivre ses soins sous la forme d'une hospitalisation complète.

Aux termes de ses écritures du 09 mars 2023, Mme l'Avocat général requiert que l'appel soit déclaré recevable et non fondé, que l'ordonnance déférée soit confirmée.

A l'audience, le Centre hospitalier [3] à [Localité 2] régulièrement avisé, n'est pas comparant, ni représenté.

Mme [Z] [R], tiers demandeure, est comparante.

Il a été donné connaissance à M. [R] [N] et Maître CARMANTRAND son conseil, de l'avis du parquet général et du certificat de situation établi par le docteur [E] médecin psychiatre du centre [3] à [Localité 2] du 06 mars 2023 ci-dessus rappelé.

La question de la recevabilité de la déclaration d'appel a été mise dans les débats.

M. [N] [R] présent, rappelle à la Cour le contexte de son hospitalisation après un différend avec son père, ses regrets et sa douleur que les choses se soient passées ainsi. Il précise être à la recherche d'un appartement et vouloir travailler et se dit prêt à suivre un traitement hors hospitalisation, souscrivant aux initiatives prises en ce sens par sa mère auprès de médecins du privé.

Mme [Z] [R] tiers demandeure, mère de l'appelant a souhaité indiquer qu'elle trouvait une amélioration dans l'état de santé de son fils, ne se dit pas d'accord avec une hospitalisation telle que celle en place mais fait état des difficultés et du coût de soins spécialisés dans le secteur privé. Elle précise avoir déjà des rendez-vous avec des médecins et notamment un le 14 avril prochain espérant que son fils pourra l'honorer.

Maître CARMANTRAND conseil de l'appelant, soulève l'insuffisance de la motivation du certificat de SOS médecins, dont les termes génériques ne caractérisent pas le trouble susceptible de fonder la mesure prise. Il est également relevé que la page 3 du formulaire d'information du patient sur la mesure prise n'est pas datée ni signée par son client interrogeant le respect de son droit à l'information. Sur le fond, il s'associe aux observations de son client et de sa mère sur l'amélioration de son état de santé constatée.

M. [N] [R] a eu la parole en dernier.

L'affaire a été mise en délibéré au mardi 14 mars 2023 à 17 heures.

SUR CE

Aux termes des dispositions des articles L3211-12-4 et R 3211-18 du code de la santé publique, l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel dans le délai de dix jours à compter de sa notification.

Le premier alinéa de l'article 641 du code de procédure civile dispose que « Lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas ».

Selon le second alinéa de l'article 642 du code de procédure civile, « Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ».

Si aux termes des dispositions de l'article R3211-25 du code de la santé publique, le premier alinéa de l'article 641 et le second alinéa de l'article 642 du code de procédure civile ne sont pas applicables à la computation des délais dans lesquels le juge doit être saisi et doit statuer, la cour de cassation a, par plusieurs arrêts du 22 juin 2016, retenu que les dispositions de l'article R.3211-25 du code de la santé publique sont applicables au seul juge des libertés et de la détention et non à l'instance d'appel.

En l'espèce, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention déférée rendue le 24 février 2023 a été notifiée à M. [N] [R] le jour même. Le délai d'appel partant du 25 conformément à l'article 641 du code de procédure civile sus-visé expirait donc le dimanche 06 mars 2023. Or le courrier par lequel M. [R] forme appel contre cette décision non daté arrivé au greffe de la cour d'appel le 06 mars 2023 sera déclaré recevable.

Sur la régularité de la procédure

Il ne saurait être fait grief au certificat médical de SOS médecins du 12 février 2023 intervenu dans un contexte d'urgence d'être insuffisamment motivé, le médecin scripteur ayant précisément caractérisé les troubles que présentait alors, au moment de son intervention, M. [R], notant l'existence d'antécédents psychiatriques, d'absence de suivi à l'heure de son intervention, posant un diagnostic et constatant une opposition aux soins.

Quant à la page 3 du formulaire d'information du patient, qui est l'accusé de réception de son admission en soins psychiatriques sans consentement, il n'est pas démontré que cette formalité non accomplie ait causé un grief à M. [R].

Sous le bénéfice de ses observations, il n'est pas en l'état démontré d'irrégularités dans la présente procédure.

Sur le bienfondé de la mesure

Aux termes de l'article L3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sans consentement sur la décision du directeur d'un établissement de soins mentionné à l'article L3222-1 que lorsque deux conditions sont réunies à savoir :

- l'existence de troubles mentaux rendant impossible le consentement de l'intéressé

- un état mental imposant des soins immédiats et une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ou une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L3211-2-1

Il appartient au juge judiciaire, selon les dispositions de l'article L 3211-12-1 du code de la santé publique, de procéder au contrôle de plein droit des mesures d'hospitalisation sans consentement pour s'assurer que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles du patient sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis.

Toutefois, le juge ne doit en aucun cas substituer son avis personnel à l'avis médical.

Les différents avis médicaux produits, confirmés en leur teneur et conclusions, par celui du 06 mars 2023 du docteur [E], médecin psychiatre au centre hospitalier de [3] à [Localité 2], ci-dessus rappelé, restent en faveur du maintien du programme de soins psychiatriques contraints en hospitalisation complète compte tenu des troubles mentaux chroniques de M. [N] [R]. Il est notamment rappelé que suivi pour une schizophrénie, il est hospitalisé depuis plusieurs mois pour un tableau de décompensation délirante avec troubles du comportement au domicile, ayant notamment mordu la main de son père, pouvant errer sur la voie publique, état de santé aggravé par une rupture de traitement et de suivi depuis plusieurs mois. Il s'inscrit dans un discours de persécution à l'encontre de son père, pense que ce dernier est jaloux et cherche à lui nuire, évoque des maltraitances et avoir subi dans sa famille en Italie un empoisonnement lui ayant laissé des séquelles sur son physiques, ses cheveux notamment.

En l'espèce, même s'il est constaté une amélioration dans l'évolution de l'état de santé de son fils par Mme [R], tiers demandeur, il résulte des différentes analyses médicales convergentes que le maintien de M. [R] dans le dispositif d'hospitalisation psychiatrique sans consentement, initié à la demande d'un proche, est à ce jour justifié, au vu de la persistance de troubles mentaux qui nécessitent manifestement des soins auxquels il n'est toujours pas en mesure de consentir pleinement et dans la durée, M. [N] [R], qui dit souscrire aux démarches de soins dans le secteur privé entreprises par sa mère et se dit prêt à respecter un protocole de soins, restant dans le déni des troubles jusque-là médicalement diagnostiqués.

Le maintien de M. [R] dans le dispositif d'hospitalisation psychiatrique sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète à la demande d'un tiers apparaît en conséquence fondée et justifiée afin d'assurer sa santé et sa sécurité ; cette mesure s'avérant en outre proportionnée à son état mental au sens de l'article L3211-3 du code de la santé publique, toute évolution pouvant être réévaluée par les médecins référents.

Il y a lieu de rejeter en l'état son recours et de confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention déférée.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel de M. [N] [R],

Constatons la régularité de la mesure de soins psychiatriques sans consentement ordonnée,

Confirmons l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

La greffière, La conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/01875
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;23.01875 ?
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