La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/03/2023 | FRANCE | N°23/00011

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 13 mars 2023, 23/00011


N° R.G. Cour : N° RG 23/00011 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OXD7

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DE REFERE

DU 13 Mars 2023





























DEMANDERESSE :



S.A.S. LYNX SECURITE agissant poursuites et diligences de son représentant légal

en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



avocat postulant : Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LY

ON (toque 1106)



avocat plaidant : Me Marc BOUYEURE, avocat au barreau de LYON (toque 120)







DEFENDERESSE :



Mme [E] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Yann BARRIER de la SELARL TEYSSIER BA...

N° R.G. Cour : N° RG 23/00011 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OXD7

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE

DU 13 Mars 2023

DEMANDERESSE :

S.A.S. LYNX SECURITE agissant poursuites et diligences de son représentant légal

en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

avocat postulant : Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON (toque 1106)

avocat plaidant : Me Marc BOUYEURE, avocat au barreau de LYON (toque 120)

DEFENDERESSE :

Mme [E] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yann BARRIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON (toque 559)

Audience de plaidoiries du 27 Février 2023

DEBATS : audience publique du 27 Février 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 13 Mars 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

Mme [E] [X] a été embauchée, en qualité d'agent d'exploitation par la S.A.S. Lynx sécurité (Lynx), dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 30 janvier 2017. Le 25 février 2020, à la suite d'un accident de travail, Mme [X] a été placée en arrêt de travail du 25 février 2020 au 28 août 2020. Le 24 septembre 2020, elle est désignée déléguée syndicale. Le contrat de travail de Mme [X] a pris fin par courrier en date du 19 avril 2021.

Par requête du 24 novembre 2020, le conseil des prud'hommes de Lyon a été saisi par Mme [X], qui par jugement contradictoire du 13 mai 2022, a notamment :

- condamné la société Lynx à verser à Mme [X] :

585 € bruts à titre de complément de salaire accident du travail durant les 30 premiers jours d'arrêt,

58 € bruts au titre des congés payés afférents,

13 860 € bruts à titre de rappel de salaire,

1 386 € bruts au titre des congés payés afférents,

4 400 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

440 € bruts au titre des congés payés afférents,

2 927 € nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

13 200 € nets de dommages et intérêts pour licenciement nul,

66 000 € nets à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur d'un salarié protégé étant précisé que la salariée a été désignée déléguée syndicale, elle dispose donc d'une protection de 30 mois,

1 500 € nets au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- constaté l'exécution provisoire de plein droit des rémunérations et indemnités mentionnées au 2 ° de l'article R. 1454-14 du Code du travail et évalué à 2 200 € la moyenne des trois derniers mois de salaires,

- condamné la société Lynx à délivrer et à remettre par tous moyens à Mme [X] les bulletins de salaires, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 21ème jour suivant la notification du jugement du Conseil de prud'hommes.

La société Lynx a interjeté appel de la décision le 8 juin 2022.

Par assignation en référé délivrée le 11 janvier 2023 à Mme [X], la société Lynx a saisi le délégué du premier président afin d'obtenir :

- à titre principal, l'arrêt de l'exécution provisoire de droit,

- à titre subsidiaire, la constitution par Mme [X] d'une garantie réelle ou personnelle,

- à titre infiniment subsidiaire, la consignation des sommes revenant à Mme [X] au titre des chefs du jugement du 13 mai 2022 sur le compte du séquestre du bâtonnier de Bordeaux,

- en tout état de cause, statuer ce que de droit quant aux dépens.

A l'audience du 27 février 2023 devant le délégué du premier président, les parties, régulièrement représentées, s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son assignation, la société Lynx soutient au visa de l'article 514-3 du Code de procédure civile l'existence d'un moyen sérieux de réformation tenant au fait que les condamnations prononcées reposent sur des considérations inexactes et mal fondées.

Elle soutient que le médecin du travail n'a émis aucun avis d'aptitude ou d'inaptitude à la suite de la visite de reprise du 1er octobre 2020, la juridiction a ainsi confondu les notions de 'visite de reprise' et 'd'avis d'inaptitude'.

Elle soutient qu'elle n'était pas tenue de reprendre le versement du salaire car l'examen médical de reprise du travail n'a pas déclaré Mme [X] inapte et qu'en tout état de cause, le paiement des salaires ne pouvait intervenir qu'un mois après à compter de la date de l'examen médical.

Elle estime également que le conseil de prud'hommes n'a pas pris en compte la démission de Mme [X] qui découle du fait qu'elle soit passée au service d'un autre employeur et que l'acte de rupture ne pouvait donc produire les effets d'un licenciement.

Elle prétend qu'il existe des conséquences manifestement excessives tenant au risque de non-restitution des sommes allouées à Mme [X] en cas de réformation du jugement entrepris compte tenu de son probable salaire et ses potentielles charges.

Elle fait état du défaut de communication de Mme [X] quant à sa situation professionnelle et financière.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 30 janvier 2023, Mme [X] s'oppose à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la société Lynx et sollicite la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle affirme que la société Lynx refuse d'exécuter le jugement pourtant exécutoire de droit. Elle prétend que la condamnation est intervenue en raison de la mutation qui a été imposée alors qu'elle était salariée protégée.

Elle relève que l'exécution provisoire de droit concerne une somme de 19 800 € au regard des règles de l'article R. 1545-28 du Code du travail.

Elle estime que la société Lynx ne justifie pas des conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution provisoire. Elle observe qu'elle ne verse aucun bilan comptable et ne démontre pas l'existence de difficultés financières.

Elle soutient que les sommes que la société Lynx demande à consigner ont un caractère alimentaire pour lesquelles l'article 521 du Code de procédure civile n'est pas applicable.

Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 13 février 2023, la société Lynx maintient ses demandes.

Elle observe que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 26 janvier 2023 a réformé l'ordonnance de référé du 17 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Lyon et a jugé mal fondées les demandes en paiement provisionnel de salaires pendant les 30 premiers jours de l'arrêt de travail.

Elle conteste le caractère alimentaire des sommes et affirme à ce titre que l'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés et l'indemnité légale de licenciement ont un caractère indemnitaire.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu qu'il n'est pas discuté que le conseil de prud'hommes de Lyon n'a pas assorti sa décision d'une exécution provisoire facultative et que seule l'exécution provisoire de droit est concernée dans le cadre de ce référé ;

Sur la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de plein droit

Attendu que l'article R. 1454-28 du Code de travail dispose : « A moins que la loi ou le règlement n'en dispose autrement, les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions.

Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :

1° Le jugement qui n'est susceptible d'appel que par suite d'une demande reconventionnelle ;

2° Le jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ;

3° Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement. » ;

Que l'article R. 1454-14 du même code énumère les condamnations qui sont assorties de cette exécution provisoire de droit :

«a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ;

b) Le versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement ;

c) Le versement de l'indemnité compensatrice et de l'indemnité spéciale de licenciement en cas d'inaptitude médicale consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle mentionnées à l'article L. 1226-14 ;

e) Le versement de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 et de l'indemnité de fin de mission mentionnée à l'article L. 1251-32 ;»

Attendu que l'exécution provisoire de droit attachée au jugement rendu le 13 mai 2022 par le conseil de prud'hommes de Lyon, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ne peut être arrêtée, conformément aux dispositions des articles R. 1454-28 du Code de travail et 514-3 du Code de procédure civile que lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives, ces deux conditions étant cumulatives ;

Attendu qu'en l'espèce, cette exécution provisoire de droit correspond à une somme totale de 19 800 € (9 fois le salaire total moyen mentionné dans le dispositif de la décision) et couvre une grande partie les condamnations prononcées au titre des complément et rappel de salaires et de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents ;

Attendu que s'agissant de l'existence de conséquences manifestement excessives, il y a lieu de rappeler qu'il appartient seulement au premier président de prendre en compte les risques générés par la mise à exécution de la décision rendue en fonction des facultés de remboursement du créancier si la décision était infirmée, mais également de la situation personnelle et financière du débiteur ;

Qu'en outre, le caractère manifestement excessif des conséquences de la décision rendue ne saurait exclusivement résulter de celles inhérentes à la mise à exécution d'une condamnation au paiement d'une somme d'argent, mais ces conséquences doivent présenter un caractère disproportionné ou irréversible pour la partie contrainte par l'exécution provisoire ;

Attendu qu'il appartient à la société Lynx de rapporter la preuve de ces risques personnels occasionnés par l'exécution provisoire et elle se limite à faire état de l'absence de garantie de restitution des condamnations par Mme [X] et à reprocher à cette dernière de ne communiquer aucun élément sur sa situation financière de nature à justifier de sa solvabilité ;

Qu'elle est infondée à affirmer que le seul risque d'avoir des difficultés à être remboursée caractérise des conséquences manifestement excessives, sa démonstration devant également porter sur les effets irréversibles et disproportionnés qu'elle subirait alors ;

Attendu que la société Lynx ne tente pas d'affirmer qu'une éventuelle difficulté à obtenir le remboursement de la somme de 19 800 € aurait pour elle des conséquences péjoratives ;

Attendu que sans avoir à apprécier le sérieux des moyens de réformation qu'elle articule, sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit est rejetée ;

Sur la demande subsidiaire de garantie

Attendu qu'aux termes de l'article 514-5 du Code de procédure civile, le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l'exécution provisoire de droit et le rétablissement de l'exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d'une partie ou d'office, à la constitution d'une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations ;

Que le pouvoir prévu par ce texte est laissé à la discrétion du premier président, le demandeur n'ayant comme charge que d'invoquer un motif légitime pour obtenir une telle garantie dont elle n'a pas pris le soin de saisir le conseil de prud'hommes ;

Attendu que le dispositif législatif qui impose une exécution provisoire pour les condamnations portant notamment sur des salaires ou des sommes assimilées à des salaires ne peut conduire à obliger le salarié à devoir constituer une garantie du montant équivalent à ces dernières sans que le débiteur de ces condamnations ne caractérise un risque particulier d'avoir des difficultés à obtenir leur remboursement et des conséquences péjoratives en cas de retard de remboursement ;

Attendu que la société Lynx ne tente pas de l'établir et fait même état d'un remboursement effectué par Mme [X] à hauteur de 7 485 € des condamnations qu'elle avait obtenues en référé et suite à l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de Lyon du 26 janvier 2023 ;

Que la demanderesse défaille à établir le motif légitime exigé par l'article 514-5 du Code de procédure civile et sa demande subsidiaire de garantie est rejetée ;

Sur la demande plus subsidiaire de consignation

Attendu qu'aux termes de l'article 521 du Code de procédure civile, la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation ;

Que le pouvoir prévu par ce texte est également laissé à la discrétion du premier président, le demandeur n'ayant comme charge que d'invoquer un motif légitime pour être autorisé à procéder à cette consignation qui n'a pas pour effet d'arrêter l'exécution provisoire mais d'empêcher sa poursuite ;

Attendu que la société Lynx invoque ses craintes concernant la faculté pour Mme [X] de lui restituer en cas d'infirmation et cette dernière affirme que le caractère alimentaire des condamnations assorties de l'exécution provisoire de droit s'oppose à une mesure de consignation ;

Attendu qu'il a été relevé plus haut le caractère spécifique des condamnations assorties de plein droit de l'exécution provisoire par l'article R. 1454-28 du Code de travail, à raison de la nature alimentaire à tout le moins d'une partie des sommes concernées et constituées de salaires ou de sommes assimilées à des salaires ;

Que la société Lynx est infondée à invoquer un caractère indemnitaire d'une partie des condamnations bénéficiant de cette exécution provisoire car la simple totalisation des sommes allouées au titre des complément et rappel de salaires comme de l'indemnité compensatrice de préavis, en ajoutant les congés payés afférents conduit à un montant de 20 729 €, supérieur au montant de 19 800 € protégé par le texte susvisé ;

Attendu qu'il est constant que l'indemnité de préavis de licenciement a un caractère salarial, car il correspond au salaire intégral que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant le préavis ;

Attendu que la demande subsidiaire de consignation doit dès lors être rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que la société Lynx succombe et doit supporter les dépens de ce référé comme indemniser Mme [X] des frais irrépétibles qu'elle a engagés pour assurer sa défense ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 8 juin 2022,

Rejetons les demandes d'arrêt et d'aménagement de l'exécution provisoire présentées par la S.A.S. Lynx sécurité,

Condamnons la S.A.S. Lynx sécurité aux dépens de ce référé et à verser à Mme [E] [X] une indemnité de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/00011
Date de la décision : 13/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-13;23.00011 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award