N° RG 22/03495 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OJOP
Décision du Tribunal de Commerce de LYON
Au fond du 06 avril 2022
RG : 2020j1228
[Z]
C/
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE-ALPES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 09 Mars 2023
APPELANTE :
Mme [V] [Z]
née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 6] (VIÊT-NAM)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et par Me Adrien LEPROUX de la société d'avocats LGMA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE :
S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE RHONE-ALPES représentée par son Président du directoire en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON, toque : 797
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 12 Janvier 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 09 Mars 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, présidente
- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée
- Aurore JULLIEN, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Restaurant les 7 Merveilles exerçait une activité de bar et restaurant. Elle a ouvert un compte courant professionnel dans les livres de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes (la banque).
Par acte sous seing privé du 24 mai 2007, la banque a également consenti à la société Restaurant les 7 Merveilles un prêt d'un montant de 224.550 euros en principal amortissable en 84 mensualités de 2.977,18 euros et moyennant un taux d'intérêts conventionnel révisable de 3,10% l'an.
Par décision prise en assemblée générale extraordinaire le 25 mai 2011, la société Restaurant les 7 Merveilles a fait l'objet d'une dissolution anticipée le 4 juillet 2011, publiée au BODACC le 7 septembre 2011. Mme [V] [Z], gérante, a été nommée en qualité de liquidateur amiable.
Par courriers des 18 et 19 avril 2012, la banque a prononcé l'exigibilité anticipée du crédit suite à une échéance partiellement impayée et a mis en demeure la société Restaurant les 7 Merveilles et Mme [Z] de s'acquitter de la somme de 201.797,18 euros. Elle a également dénoncé l'autorisation de découvert du compte courant.
Par courrier recommandé dont il a été accusé réception le 28 juillet 2012, la banque a mis en demeure Mme [Z], ès-qualité de liquidateur amiable de la société Restaurant les 7 Merveilles de lui régler la somme de 10.168,59 euros au titre du compte courant et 270.002,38 euros au titre du prêt.
Par acte d'huissier du 19 juin 2014, la banque a fait assigner la société Restaurant les 7 Merveilles devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'obtenir le paiement du solde débiteur de son compte courant.
Par jugement du 4 septembre 2014, le tribunal de commerce de Lyon a :
- condamné la société Restaurant les 7 Merveilles à payer à la banque :
' la somme de 10.168,59 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 26/07/2012 au titre du solde débiteur du compte courant de la société,
' la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Ce jugement n'a pas été exécuté par les parties.
Par actes d'huissier des 9 et 22 mai 2014 et 19 juin 2014, la banque a fait assigner la société Restaurant les 7 Merveilles devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins d'obtenir le paiement des sommes restant dues au titre du prêt.
Par jugement du 9 mai 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- condamné la société Restaurant les 7 Merveilles à payer à la banque :
' la somme de 194.738,61 euros outre intérêts au taux de 5,60% l'an à compter du 18 avril 2012 au titre du prêt du 24 mai 2007,
' la somme de 5.842,16 euros au titre de l'indemnité contractuelle de 3%,
- ordonné l'exécution provisoire.
M.[Z] et la société Restaurant les 7 Merveilles ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt partiellement infirmatif du 23 janvier 2020, la cour d'appel de Lyon a :
- condamné M. [Z] à payer à la banque la somme de 182.112,61 euros outre intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2014, date de l'assignation,
- condamné la société Restaurant les 7 Merveilles et M. [Z] à payer à la banque la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Cet arrêt n'a pas été exécuté par les parties.
Parallèlement, par ordonnance du 1er octobre 2012, le président du tribunal de grande instance de Lyon a prononcé la résiliation du bail commercial du fait du non paiement des loyers et a constaté que la décision était opposable aux créanciers inscrits à la date du 8 juin 2012.
La société Restaurant les 7 Merveilles a fait l'objet d'une radiation d'office prononcée par le greffe du tribunal de commerce de Lyon le 24 août 2016.
Par acte d'huissier du 23 octobre 2020, la banque a assigné Mme [Z] devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de la voir condamner à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant des fautes commises par cette dernière dans l'exercice de sa mission de liquidateur amiable de la société Restaurant les 7 Merveilles.
Par jugement contradictoire du 6 avril 2022, le tribunal de commerce de Lyon a :
- condamné Mme [Z] à payer à la banque la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- accordé à Mme [Z] le bénéfice des dispositions de l'article 1345-3 du code civil,
- autorisé Mme [Z] à s'acquitter de la somme mise à sa charge en 23 mensualités de 400 euros, le solde étant exigible le 24ème mois, le premier de ces versements intervenant dans les 30 jours de la signification du présent jugement, étant précisé que le non-paiement d'une seule échéance rendra immédiatement exigible l'intégralité des sommes dues à la banque,
- rejeté l'ensemble des autres demandes de Mme [Z],
- condamné Mme [Z] à payer à la banque la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré que l'exécution provisoire du présent jugement, nonobstant appel et sans caution est incompatible avec la nature de l'affaire,
- condamné Mme [Z] aux entiers dépens de l'instance.
Mme [Z] a interjeté appel par acte du 13 mai 2022, sauf en ce qu'il l'a autorisé à s'acquitter de la somme mise à sa charge en 23 mensualités de 400 euros, le solde étant exigible le 24ème mois, le premier de ces versements intervenant dans les 30 jours de la signification du jugement, étant précisé que le non-paiement d'une seule échéance rendra immédiatement exigible l'intégralité des sommes dues à la banque.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 janvier 2023 fondées sur les articles L.143-2, L.225-254 et L.237-12 du code de commerce, les articles 1240 et 1353 du code civil et l'article 500 du code de procédure civile, Mme [Z] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :
' l'a condamné à payer à la banque la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts,
' a rejeté l'ensemble de ses autres demandes,
' l'a condamné à payer à la banque la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' l'a condamné aux entiers dépens de l'instance,
Y ajoutant,
A titre liminaire,
- déclarer irrecevable comme prescrite la demande en responsabilité introduite par la banque à son encontre ès-qualités de liquidateur amiable de la société Restaurant les 7 Merveilles,
En conséquence,
- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre principal,
- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire,
- réduire les demandes de la banque à la somme symbolique de 1 euro,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il lui accorde le bénéfice des dispositions de l'article 1343-5 du code civil,
En tout état de cause,
- condamner la banque à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la banque aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 21 décembre 2022 fondées sur les articles L.237-12, L.237-24 et L.225-254 du code de commerce, l'article 500 du code de procédure civile et les articles 1240 et 1343-5 du code civil, la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes demande à la cour de :
- juger l'appel de Mme [Z] régulier en la forme,
In limine litis,
- juger recevable son action en responsabilité civile personnelle engagée à l'encontre de Mme [Z], celle-ci n'étant pas prescrite,
Sur le fond,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
' condamné Mme [Z] à lui payer la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts,
' rejeté l'ensemble des autres demandes de Mme [Z],
' condamné Mme [Z] à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné Mme [Z] aux entiers dépens de l'instance,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
' accordé à Mme [Z] le bénéfice des dispositions de l'article 1345-3 du code civil,
' autorisé Mme [Z] à s'acquitter de la somme mise à sa charge en 23 mensualités de 400 euros, le solde étant exigible le 24ème mois, le premier de ces versements intervenant dans les 30 jours de la signification du jugement, étant précisé que le non-paiement d'une seule échéance rendra immédiatement exigible l'intégralité des sommes dues,
Et statuant à nouveau,
- débouter Mme [Z] de sa demande de délais de paiement, faute pour elle de justifier de sa situation active actuelle,
En tout état de cause,
- débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins, prétentions et conclusions contraires,
Ajoutant au jugement,
- condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [Z] aux dépens de première instance et d'appel et admettre la SCP J-C Desseigne et C. Zotta au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 janvier 2023, les débats étant fixés au 19 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription de l'action de la banque
Mme [Z] soutient que l'action de la banque est prescrite aux motifs que :
-la créance de la banque était établie dès le 18 avril 2012, date de la lettre de déchéance du terme de la banque et de la demande de règlement du solde du prêt, donc le délai de trois ans étant expiré à la date de l'assignation le 23 octobre 2020,
-le fait dommageable est celui de la perte du fond de commerce consécutif à la résiliation du bail le 1er octobre 2012, de sorte que l'assignation délivrée contre elle le 23 octobre 2020 est prescrite,
-la notification à la banque de la procédure de résiliation du bail le 8 août 2012 constitue le point de départ de l'action en responsabilité dès lors que la seule faute qui peut légitimement lui être reprochée est de ne pas avoir déposé le bilan avant la résiliation du bail ce qui aurait permis de ne pas perdre ce droit au bail,
-le point de départ du délai de prescription doit être fixé le 2 août 2017, date de la signification du jugement rendu le 9 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Lyon statuant sur la créance de la banque au titre du prêt dès lors que celle-ci, assortie de l'exécution provisoire, n'était susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution et se trouve passée en force de chose jugée,
La banque réplique que la prescription triennale des articles L.237-12 et L.225-254 du code de commerce ne peut courir contre le créancier tant qu'il ne peut agir en dommages et intérêts contre lui faute d'avoir préalablement obtenu une décision de justice reconnaissant de façon définitive sa qualité de créancier, de sorte que :
-la notification de résiliation du bail qui ne lui conférait aucun titre exécutoire ne peut constituer le point de départ du délai de prescription,
-la date de notification du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 9 mai 2017 assorti de l'exécution provisoire condamnant la société Restaurant les 7 Merveilles à rembourser le prêt ne peut constituer le point de départ du délai de prescription dès lors qu'un recours était ouvert devant le premier président de la cour d'appel pour arrêter l'exécution provisoire, lequel recours n'est enfermé dans aucun délai de sorte que le jugement ne peut avoir force de chose jugée,
-l'arrêt du 23 janvier 2020 de la cour d'appel de Lyon confirmant le jugement du 9 mai 2017 qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution constitue donc le point de départ du délai de prescription, lequel n'était pas expiré à la date de l'assignation délivrée contre Mme [Z] le 23 octobre 2020.
En application de l'article L.237-12 alinéa 2 du code de commerce, l'action en responsabilité contre les liquidateurs se prescrit dans les conditions prévues à l'article L.225-254.
Selon l'article L.225-254 du même code, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.
Toutefois, en application de cette dernière disposition, lorsque la créance contre la société liquidée n'est établie que postérieurement à cette date, le délai de prescription de l'action engagée par le créancier contre le liquidateur amiable de cette société au titre des fautes qu'il aurait commises dans l'exercice de ses fonctions commence à courir le jour où les droits du créancier ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée, au sens de l'article 500 du code de procédure civile.
En l'espèce, contrairement à ce que soutient l'appelante, le fait dommageable résulte non pas de la perte du fonds de commerce mais du défaut de remboursement du compte courant et des échéances du prêt, de sorte que Mme [Z] n'est pas fondée à soutenir que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité de la banque a couru à compter de la résiliation du bail commercial de la société débitrice ou de la notification à la banque de cette résiliation.
C'est encore vainement qu'elle se prévaut d'un point de départ du délai de prescription à la date de la demande en paiement de la banque, alors qu'à cette date, cette dernière ne disposait d'aucun titre exécutoire reconnaissant de façon définitive sa qualité de créancier et fixant le montant des sommes dues.
Mme [Z] ne saurait davantage soutenir, sauf à méconnaître le droit applicable, que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 9 mai 2017 la condamnant avec exécution provisoire au paiement du solde du prêt outre une indemnité contractuelle constitue une décision passée en force de chose jugée, alors que si la force de chose jugée implique le caractère exécutoire du jugement, la réciproque n'est pas exacte, le jugement accordant au créancier le bénéfice de l'exécution par provision étant toujours susceptible d'appel.
Il résulte en revanche des éléments de la procédure que la créance de la banque à l'encontre de la société Restaurant les 7 Merveilles d'un montant de 182.112,61 euros a été établie par arrêt du 23 janvier 2020 rendu par la cour d'appel de Lyon confirmant partiellement le jugement du 9 mai 2017, de sorte que le délai de prescription de 3 ans de l'action en responsabilité contre Mme [Z], ès-qualité de liquidateur amiable, qui a commencé à courir à compter de la date de cet arrêt, insusceptible de recours suspensif, et donc passé en force de chose jugée, n'était pas expiré au jour de l'assignation délivrée contre cette dernière le 23 octobre 2020. Il s'ensuit que le moyen de prescription de l'action en responsabilité contre Mme [Z] s'agissant du préjudice tenant au défaut de paiement du solde du prêt ne peut prospérer.
Il ressort également des éléments du débat que la créance de la banque à l'encontre de la société Restaurant les 7 Merveilles d'un montant de 10.168,59 euros au titre du solde débiteur du compte courant a été établie par jugement du 4 septembre 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Lyon, notifié selon procès-verbal de recherche infructueuse du 6 octobre 2017, de sorte que le délai de prescription de trois ans de l'action en responsabilité contre Mme [Z] a commencé à courir le 6 novembre 2017, date à laquelle le jugement, qui n'a fait l'objet d'aucun appel, est passé en force de chose jugée, de sorte qu'à la date de l'assignation délivrée contre Mme [Z], le 23 octobre 2020, cette action était prescrite.
Cette dernière est donc fondée à opposer à la banque la prescription de son action mais uniquement s'agissant de sa demande en réparation du préjudice résultant du non remboursement du solde débiteur de son compte courant.
Sur la responsabilité de Mme [Z]
La banque fait grief à Mme [Z] :
-de ne jamais avoir pris en compte dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire les créances au titre du solde du prêt et du découvert en compte courant, alors que le 28 juillet 2012, elle a accusé réception de la mise en demeure adressée à la société Restaurant les 7 Merveilles d'avoir à lui payer la somme de 10.168,59 euros au titre du découvert en compte courant et la somme de 270.002,38 euros au titre du prêt,
-de ne s'être jamais rapprochée d'elle pour envisager des modes de règlements amiables,
-d'avoir manifestement cédé de manière occulte, en violation des droits des créanciers, le fonds de commerce de la société Restaurant les 7 Merveilles à une société Saigon qui exploite un fonds à la même adresse et qui est gérée par un des associés et co-gérant de la société débitrice,
-de s'être manifestement désintéressée de sa mission de liquidateur amiable sans accomplir aucun des actes afférents à sa mission, conduisant à la radiation d'office par le greffe du tribunal de commerce le 24 août 2016, alors qu'il lui appartenait de demander l'ouverture d'une procédure collective en l'absence d'actif permettant de répondre du montant des condamnations au titre du remboursement du prêt et du découvert en compte courant,
-de s'être abstenue entre le 29 mai 2011 et le 1er octobre 2014, date du prononcé de la résiliation du bail commercial, de procéder à la vente du fonds de commerce,
Elle soutient encore que les fautes commises par Mme [Z] lui ont fait perdre toute chance d'obtenir le règlement même partiel de ses créances à hauteur de 214.281,59 euros. Elle ajoute, que contrairement à ce que soutient l'appelante, il existait bien un actif constitué du fonds de commerce qui a été cédé à un ancien associé. Elle indique que les condamnations prononcées contre M. [Z] en sa qualité de caution solidaire de la société Restaurant les 7 Merveilles n'excluent aucunement qu'elle poursuivre le recouvrement des sommes dues contre la débitrice principale également condamnée et que par ailleurs il appartient à Mme [Z] de démontrer que des paiements ont été effectués au titre des garanties attachées au prêt. Enfin, elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute de négligence en ne procédant pas à la vente du fonds de commerce en qualité de créancier nanti dès lors qu'à la date de la résiliation du bail, elle ne disposait d'aucun titre exécutoire.
Mme [Z] soutient n'avoir commis aucune faute au motif que :
-la société ne disposait plus d'actif lui permettant de constituer une provision, la société Restaurant les 7 Merveilles ayant cessé toute activité depuis le 7 septembre 2011 et la convention en compte courant étant résiliée par la banque depuis le 19 avril 2012,
-compte tenu de la perte du droit au bail, la valeur du seul actif de la société constitué du fonds de commerce était réduite à néant,
-aucune preuve d'une cession occulte du fonds de commerce n'est rapportée alors que la société Saigon a exploité un commerce à la même adresse à compter du 1er juin 2013 et que le fonds de commerce de la société Restaurant les 7 Merveilles a pris fin le 4 juillet 2011 et que les activités sont différentes s'agissant pour l'une d'une activité de brasserie et pour l'autre de buffet à volonté,
-la radiation constitue une mesure administrative qui laisse au liquidateur amiable la possibilité de solliciter la réinscription de la société au Registre du Commerce et des Sociétés de sorte qu'elle n'a commis aucune faute en ne sollicitant pas une liquidation judiciaire,
-elle ne s'est jamais désintéressée de la liquidation amiable alors qu'elle a toujours sollicitée la condamnation de la banque à lui verser d'importantes indemnités pour manquement à son obligation de mise en garde au titre du prêt.
Elle estime également qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les fautes et les préjudices allégués, alors qu'aucun actif n'aurait permis de désintéresser la banque, puisqu'à la date de la constatation de la résiliation du bail commercial le 1er octobre 2012, le fonds de commerce, constitutif de l'assiette du nantissement garantissant la créance n'étant plus exploité depuis le 7 septembre 2011.
Pour contester l'existence de préjudices, elle indique que :
-la banque ne démontre pas que M. [Z], ès qualité de caution, qui a été condamné à rembourser le prêt s'est abstenu de tout paiement, de sorte que le caractère certain du préjudice n'est pas démontré,
-la banque ne démontre pas avoir mis en 'uvre vainement les autres garanties attachées au prêt, à savoir le cautionnement de la société CEGI à hauteur de 116.766 euros et de M. [W] [B] à hauteur de la totalité du prêt,
-le préjudice ne constitue en tout état de cause qu'une perte de chance qui ne peut être supérieure à la valeur du fonds de commerce, ce que ne conteste pas la banque, laquelle ne justifie d'aucun élément de valorisation du fonds à hauteur de 200.000 euros.
Enfin, elle se prévaut d'une cause exonératoire tenant à la faute de la banque qui s'est abstenue d'agir en vente forcée du fonds de commerce, alors que cette action n'est pas subordonnée à l'existence d'un titre exécutoire à l'encontre du débiteur et qui ne s'est pas substituée à la société Restaurant les 7 Merveilles dans le paiement des loyers afin de préserver ses droits, alors qu'elle a reçu notification de la demande de résiliation du bail.
En application de l'article L.237-12 alinéa 1er du code de commerce, le liquidateur est responsable à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions.
La responsabilité du liquidateur à l'égard des tiers est régie par la responsabilité civile délictuelle de l'article 1240 du code civil, aux termes duquel tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, il est constant que par suite d'une assemblée générale extraordinaire du 25 mai 2011, la société Restaurant les 7 Merveilles à fait l'objet d'une dissolution anticipée le 4 juillet 2011, publiée au BODACC le 7 septembre 2011, que la résiliation du bail a été prononcée le 1er octobre 2012 en raison du non paiement des loyers et que la société a fait l'objet d'une radiation d'office prononcée par le greffe du tribunal de commerce de Lyon le 24 août 2016.
La cour relève d'abord que le moyen fondé sur la cession occulte probable du fonds de commerce de la société Restaurant les 7 merveilles, qui est de part la qualification même employée par l'intimée, purement hypothétique, et qui, en tout état de cause, ne saurait résulter de ce que le nouveau restaurant dénommé Saigon exploité à compter du 1er juin 2013, soit deux ans plus tard, dans les mêmes locaux et pour une activité similaire, est dirigé par un ancien associé de la société Restaurant les 7 Merveilles.
En revanche, comme l'ont exactement relevé les premiers juges, Mme [Z], qui a disposé de 16 mois à compter du 25 mai 2011, date de sa nomination en qualité de liquidateur amiable, jusqu'à la résiliation du bail commercial le 1er octobre 2012 pour procéder à la cession du fonds de commerce de la société Restaurant les 7 Merveilles, ne démontre ni avoir engagé la moindre action en ce sens ni avoir échoué dans cette initiative.
La cour observe d'ailleurs que l'appelante n'allègue même pas avoir tentée de procéder à la cession du fonds en vue de dégager des actifs permettant de désintéresser les créanciers de la société débitrice et relève encore que, contrairement à ce qu'elle soutient, le seul fait d'une cessation d'activité le 7 septembre 2011 n'est pas de nature à établir l'absence de valeur du fonds de commerce.
Madame [Z] allègue encore sans offre de preuve avoir sollicité la condamnation de la banque à lui verser d'importantes indemnités pour manquement à son obligation de mise en garde au titre du prêt. Elle ne justifie pas davantage de la moindre démarche, notamment de constitution d'une provision, pour garantir la créance de la banque ou en vue d'obtenir l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société, alors qu'elle était informée de l'existence de cette dette pour avoir accusé réception le 28 juillet 2012, de la mise en demeure adressée à la société Restaurant les 7 Merveilles d'avoir à payer à la banque la somme de 270.002,38 euros au titre du prêt.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que Mme [Z] s'est manifestement désintéressée de sa mission de liquidateur amiable sans accomplir aucun des actes afférents à sa mission, conduisant à la radiation d'office de la société par le greffe du tribunal de commerce le 24 août 2016, et a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle, le moyen tiré de ce que la perte du droit au bail réduisait à néant le seul actif de la société étant inopérant, l'appelante, qui n'allègue, ni a fortiori ne démontre avoir pris la moindre mesure, notamment pour solliciter des délais de paiements des loyers auprès du bailleur afin d'éviter cette résiliation du bail, ne pouvant se prévaloir de sa propre carence.
Mme [Z] a ainsi privé la banque d'une chance d'obtenir le paiement de sa créance ouvrant droit à cette dernière d'obtenir des dommages et intérêts représentant cette perte de chance dont elle a été victime et l'appelante qui se contente d'alléguer qu'aucune actif n'aurait permis de désintéresser la banque, sans justifier du moindre élément permettant de démontrer l'absence de valeur tant des éléments corporels que des éléments incorporels composant le fonds, échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de ce que le créancier n'aurait pu recouvrer les sommes dues par la société et partant, de l'absence de causalité entre ses manquements et les préjudices dont il est demandé réparation.
Enfin, Mme [Z], ne saurait solliciter une exonération partielle de responsabilité en se prévalant de l'abstention fautive de la banque d'agir en vente forcée du fonds de commerce, alors que l'article L.143-5 du code de commerce outre, qu'il n'édicte aucune obligation pour le créancier gagiste inscrit sur le fonds de commerce d'en procéder à la vente, celle-ci est subordonnée à l'obtention d'un titre exécutoire, s'agissant d'une mesure d'exécution forcée.
Le moyen tiré de ce que l'absence de substitution de la banque à la société Restaurant les 7 Merveilles dans le paiement des loyers qui lui aurait permis de maintenir son gage et de conserver la consistance du fonds de commerce a ainsi contribué à aggraver son préjudice, n'est pas davantage opérant, alors d'une part, que l'intimée ne se prévaut pas de la perte de son nantissement, mais d'un préjudice de perte de chance d'obtenir paiement du solde du prêt bancaire et alors d'autre part, qu'il résulte de ses propres déclarations qu'à la date de résiliation du bail le 1er octobre 2012, le fonds de commerce était dépourvue de consistance du fait de l'absence d'exploitation depuis le 7 septembre 2011.
S'agissant du préjudice, la cour observe que Mme [Z], n'est pas fondée à soutenir, sauf à inverser la charge de la preuve, que la banque ne démontre pas avoir été désintéressée du solde du prêt par M [Z], condamné ès qualité de caution de la société Restaurant des 7 Merveilles par arrêt de la cour d'appel de Lyon du 23 janvier 2022, à désintéresser la banque à hauteur de 182.112,61 euros ou par la société CEGI et M. [W] [B], ès-qualité de caution du prêt bancaire respectivement à hauteur de 116.766 euros et 291.915 euros, puisqu'en application de l'article 1315 ancien devenu 1353 alinéa 2 du code civil, il lui appartient, alors qu'elle se prétend libérée, de justifier du paiement qui aurait produit l'extinction de son obligation.
En revanche, comme le soutient justement l'appelante, le préjudice de la banque constitue seulement une perte de chance de pouvoir obtenir remboursement du solde du prêt, laquelle s'analyse comme la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.
Or, la cour observe que la banque ne verse aux débats aucuns éléments relativement à la situation budgétaire et patrimoniale de la société Restaurant les 7 Merveilles au moment de la désignation de Mme [Z], ès-qualité de liquidateur amiable, de sorte que la perte de chance pour elle de pouvoir obtenir remboursement du prêt en présence de diligences de la part de l'appelante est nécessairement limitée et doit être fixée à 10%. En conséquence, il convient de réformer le jugement déféré s'agissant du montant de la condamnation prononcée et de fixer le préjudice de perte de chance de la banque de recouvrer le solde de l'emprunt à la somme de 18.211,26 euros (182.112,61 x 10%) et de condamner Mme [Z] à lui payer cette somme.
Sur les délais de paiements
Mme [Z] se prévaut d'un revenu de 900 euros par mois et fait valoir que les justificatifs de revenus 2021 sont les seuls qu'elle est en mesure de produire, les revenus 2022 ne pouvant être déclarés qu'à compter de 2023. La banque réplique que ces revenus ne sont plus d'actualités et qu'elle n'a réglée aucune somme depuis le jugement du tribunal de commerce lui accordant des délais sur 24 mois.
Conformément à l'article 1434-5 alinéa 1er du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, Mme [Z] qui produit uniquement un avis d'imposition sur les revenus 2020, ne justifie pas de sa situation financière et patrimoniale actuelle. Dans ces conditions, la preuve n'est pas rapportée de ce qu'elle est dans l'incapacité de faire face au paiement des dommages et intérêts à laquelle elle est condamnée. Il y a lieu dès lors d'infirmer le jugement déféré et de la débouter de sa demande de délais de paiements.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Succombant dans l'action et dans l'appel, Mme [Z] doit supporter les dépens et les frais irrépétibles de première instance et d'appel, ce qui conduit à la confirmation du jugement déféré sur ces deux points et à sa condamnation, à hauteur d'appel, à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel.
Il y a enfin lieu de débouter Mme [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Déclare irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité de la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes à l'encontre de Mme [Z] au titre du non paiement du solde du compte courant,
Déclare recevable l'action en responsabilité de la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes à l'encontre de Mme [Z] au titre du non paiement du solde du compte bancaire,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné Mme [Z] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne Mme [Z] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes la somme de 18.211,26 euros en réparation de son préjudice de perte de chance de recouvrer le solde de l'emprunt,
Condamne Mme [Z] à payer à la Caisse d'épargne et de prévoyance Rhône-Alpes la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
Déboute Mme [Z] de sa demande de délais de paiements,
Déboute Mme [Z] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [Z] aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE