AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/08319 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MXKH
Société AUTO ECOLE SAINT ROM'
C/
[Y]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 08 Novembre 2019
RG : 18/01376
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 08 MARS 2023
APPELANTE :
Société AUTO ECOLE SAINT ROM'
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Nicolas SOUBEYRAND de la SELARL GOURION SOUBEYRAND ET PARTENAIRES, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas BOURGEY, avocat au barreau de VIENNE
INTIMÉE :
[E] [Y]
née le 05 Février 1961 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Mélanie CHABANOL de la SELARL CABINET MELANIE CHABANOL, avocat au barreau de LYON ayant pour avocat plaidant Me Lionel THOMASSON, avocat au barreau de VIENNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 69123/2/2019/39791 du 19/12/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Janvier 2023
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Joëlle DOAT, présidente
- Nathalie ROCCI, conseiller
- Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 12 septembre 2012, Mme [Y] [E] a été embauchée en qualité d'enseignante de la conduite automobile, niveau K1, échelon 4, par la société Auto Ecole Saint Rom', entreprise d'enseignement de la conduite disposant de trois agences et d'un effectif inférieur à dix salariés.
La convention collective des services de l'automobile est applicable aux relations contractuelles.
Au dernier état de sa rémunération, la salariée percevait une rémunération brute moyenne de 1 809,71 euros.
Suite à deux visites médicales des 16 mai 2014 et 19 juin 2014, le médecin du travail a déclaré Mme [Y] apte à son emploi, sous réserve de ne pas travailler en voiture plus de quatre heures consécutives et de ne pas rester positionnée debout plus de deux heures.
Par courrier en date du 24 juin 2014, le médecin du travail a précisé que Mme [Y] pouvait travailler six heures consécutives, à condition de ne travailler que six heures dans la journée et a maintenu l'impossibilité de Mme [Y] de rester positionnée plus de deux heures debout. Il a également proposé à l'employeur de remettre à la salariée un dossier afin qu'elle bénéficie d'une reconnaissance de travailleur handicapé et que le Service d'Aide au Maintien dans l'Emploi des Travailleurs Handicapés (SAMETH) puisse intervenir, ce que l'employeur a accepté.
Par lettre recommandée en date du 27 juin 2014, l'employeur a notifié à Mme [Y] un premier avertissement, non contesté. Il lui était reproché d'une part, son attitude autoritaire à l'égard de salariés non subordonnés, et d'autre part, sa volonté de monter l'équipe contre la direction.
Par lettre recommandée en date du 7 juillet 2014, un second avertissement, non contesté, a été notifié à Mme [Y]. Il lui était notamment reproché son comportement distant envers certaines personnes de l'équipe et de la direction, et le fait qu'elle ne rapportait pas les informations sur son activité.
En novembre 2014, la demande de reconnaissance de travailleur handicapé de Mme [Y] a été acceptée.
Dans ses conclusions de mars 2015, le SAMETH estimait, après être intervenu de septembre 2014 à mars 2015 au sein de la société, que les mesures mises en places par celle-ci permettaient le maintien dans l'emploi durable de Mme [Y].
Du 26 mars 2017 jusqu'au 22 avril 2017, puis du 9 mai au 17 juin 2017, Mme [Y] a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle.
Le 12 mai 2017, Mme [Y] a adressé au SAMETH un courriel dénonçant la dégradation de ses conditions de travail et l'absence de respect des aménagements de son poste de travail tels que préconisés en 2014.
Le 30 mai 2017, une visite médicale de pré-reprise s'est déroulée à l'initiative de la salariée. Le médecin du travail l'a déclarée apte à reprendre son travail, avec aménagement de son poste.
Le 6 juin 2017, Mme [Y], en arrêt maladie et indemnisée par son employeur, a partagé sur Facebook une offre commerciale à destination de clients potentiels d'une société d'auto-école concurrente. Elle confirmait au dirigeant de ladite auto-école avoir partagé sa publication par un commentaire ('kikou ptg!!').
Le 4 juillet 2017, dans le cadre de la visite médicale de reprise, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude avec un aménagement identique à celui de 2014.
Par courrier recommandé en date du 4 juillet 2017, Mme [Y] était convoquée par son employeur à un entretien en vue de son éventuel licenciement, fixé le 12 juillet 2017.
A compter du 17 juillet 2017 et jusqu'au 30 août 2017, Mme [Y] a été placée en arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif.
Par courrier recommandé en date du 18 juillet 2017, Mme [Y] a été licenciée pour faute grave en ces termes :
'['] Nous vous indiquons que les raisons qui nous conduisent à envisager la mesure de licenciement sont les suivantes :
Tout d'abord, vous m'avez indiqué lors d'un entretien téléphonique que vous étiez dans l'incapacité de saisir les données sur l'informatique car vous n'aviez jamais été formée sur les ordinateurs et de ne pas être en possession des codes d'accès. Cette affirmation ne se regroupe pas avec celles de vos collègues qui vous ont formés.
De plus, vous m'avez fait part de vos suspicions concernant la coordination du planning qui selon vous ferait exprès de vous mettre des élèves en début de formations voire difficiles. Là non plus vous n'êtes pas sans savoir que l'auto-école a du faire face simultanément à trois personnes en arrêt maladie et il a été très difficile pour votre collègue de gérer ces absences tout en maintenant l'activité de la société pour éviter des problèmes économiques.
Vous m'avez d'ailleurs reprocher faire des heures supplémentaires alors que c'est à votre demande que la coordinatrice du planning vous a mis ces heures.
Enfin et surtout vous avez partagé début juin 2017 une page Facebook relative à une publicité d'auto école du [Localité 4] qui faisait une offre promotionnelle pour son ouverture.
Ce comportement est inadmissible.
Vous n'êtes pas sans savoir qu'actuellement nous avons une baisse des inscriptions dues en partie à une baisse des inscriptions d'élèves domiciliés au sud de [Localité 6].
L'ouverture de plusieurs auto écoles dans ce secteur rendent difficile l'activité de notre société et nous n'avons pas besoin que nos propres collaborateurs fassent de la publicité pour la concurrence.
Je prends cette attitude comme une faute professionnelle grave et un manquement à votre contrat de travail.
Ces fautes professionnelles nous mettent dans l'embarras le plus complet perturbant gravement la bonne image de notre entreprise et son bon fonctionnement.
Malgré plusieurs mises en garde et avertissements, auxquels par ailleurs vous n'avez pas cru bon de nous répondre, vous n'avez pas modifié votre comportement.
Lors de l'entretien du 12 juillet 2017, devant votre conseiller vous avez reconnu les principaux faits reprochés. Votre conseiller était particulièrement surpris et choqué de votre comportement à l'égard de notre société.
Aussi, face à un tel constat et de par le grave préjudice évident que nous subissons, vous comprendrez fort bien que nous ne pouvons nous permettre de poursuivre les relations contractuelles liées à votre contrat de travail sans dommage pour l'entreprise.
Nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat pour faute professionnelle grave, cause réelle et sérieuse de licenciement, compromettant la bonne marche de notre Entreprise et ce sans indemnité de licenciement ni préavis.'.
Par courrier en date du 26 avril 2018, le conseil de Mme [Y] a contesté les griefs allégués et a proposé une résolution amiable du litige, restée sans réponse de la part l'employeur.
Par requête en date du 15 mai 2018, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 8 novembre 2019, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement du 18 juillet 2017 notifié à Mme [E] [Y] par la société Auto Ecole de Saint Rom' est sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Auto Ecole de Saint Rom' à verser à Mme [E] [Y] les sommes suivantes :
3 619,42 euros (bruts) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
361,94 euros (bruts) au titre des congés payés afférents,
2 915,61 euros (nets) à titre d'indemnité de licenciement,
- rappelé que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la demande et ce jusqu'au jour de la remise effective des sommes au créancier, selon les modalités prévues par l'article L.313-2 du Code monétaire et financier mais également en application de l'article L.313-3 du même code, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision,
- constaté que les condamnations ci-dessus prononcées au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14 du Code du travail en application de l'article R. 1454-28 du même code sont de plein droit exécutoires par provision dans la limite maximum de neuf mois de salaire, calculée sur la moyenne des trois derniers mois, que le conseil évalue à la somme de 1 809,71 euros mensuels,
- condamné la société Auto Ecole de Saint Rom' à verser à Madame [E] [Y] également les sommes suivantes :
10 858,26 euros (nets) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 500 euros (nets) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et ce jusqu'au jour de la remise effective des sommes au créancier, selon les modalités prévues par l'article L.313-2 du Code monétaire et financier mais également en application de l'article L.313-3 du même code, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision,
- dit qu'au visa des articles L.136-2 et L242-1 du Code de la sécurité sociale, les condamnations nettes doivent revenir personnellement au salarié et que l'employeur assumera le coût des éventuelles charges sociales dues,
- prononcé l'exécution provisoire de l'intégralité du jugement en application des dispositions de l'article 515 du Code de procédure civile selon les modalités suivantes,
- ordonné dans le cas où la société Auto Ecole de Saint Rom' interjette appel de la présente décision et à cette dernière, en application des articles 515 et 519 du Code de procédure civile et uniquement pour la condamnation à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcées au bénéfice de Madame [E] [Y], de déposer une garantie constituée de l'intégralité desdites sommes d'argent et ce simultanément à la Caisse des dépôts et consignations ainsi que d'en justifier auprès de l'autre partie,
- dit que dans le cas d'un appel partiel, seules les sommes non concernées soit par cette voie de recours soit faisant l'objet de l'exécution provisoire de droit soit faisant l'objet d'une exécution provisoire en application de l'article 515 du Code de procédure civile seront déposées selon les mêmes modalités énumérées ci-avant,
- dit que ces sommes d'argent déposées au titre de la garantie produiront des intérêts au bénéfice de Madame [E] [Y], intérêts qui ne se confondent pas avec les intérêts légaux prévus par les articles 1231-6, 1231-7 et 1344-1 du Code civil ainsi que ceux en applications de l'article L.313-3 du Code monétaire et financier, mais se cumuleront avec,
- débouté la société Auto Ecole de Saint Rom' de toutes ses demandes,
- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations mentionnées dans le présent jugement et selon les modalités qui y sont définies, les éventuelles sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, seront supportées par la société Auto Ecole de Saint Rom' en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société Auto Ecole de Saint Rom' aux entiers dépens de la présente instance, y compris les éventuels frais d'exécution forcée du présent jugement.
La société Auto Ecole Saint Rom' a interjeté appel de ce jugement, le 4 décembre 2019.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 19 juin 2020, la société Auto Ecole Saint Rom demande à la cour de :
- retenir les aveux de Mme [Y] sur les faits constitutifs du licenciement pour faute grave, ce devant le conseiller du salarié qui en témoigne en justice,
- dire et juger fondé le licenciement pour faute grave notifié le 18 juillet 2017 à Mme [Y],
En conséquence,
- réformer le jugement,
- condamner Mme [Y] au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonner le décaissement à son profit de la somme de 12 358,26 euros consignée par la Caisse des dépôts et consignations,
- condamner Mme [Y] aux entiers frais et dépens incluant, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 mars 2020, Mme [Y] demande à la cour de :
- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement du conseil de prud'hommes,
- dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et, a fortiori, sur aucune faute grave,
- condamner, en conséquence, la société Auto Ecole de Saint Rom' à lui verser les sommes suivantes :
' outre intérêts de droit à compter de la demande :
- indemnité compensatrice de préavis : 3 619,42 euros,
- congés payés afférents : 361,94 euros,
- indemnité de licenciement : 2 915,61 euros,
' outre intérêts de droit à compter de la décision à intervenir :
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 858,26 euros
- condamner la société Auto Ecole de Saint Rom', outre aux entiers dépens, à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.
SUR CE
Il résulte des dispositions de l'article L.1231-1 du code du travail que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié; aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.
En l'espèce, il ressort de la lettre de licenciement dont les termes ont été restitués ci-dessus que la société Auto Ecole Saint Rom a licencié Mme [Y] pour faute grave en invoquant les éléments suivants :
- le 6 juin 2017, une société d'auto-école concurrente a publié une offre commerciale à destination de clients potentiels; le message relayait également le nom de l'auto-école, ses coordonnées, sa devanture et sa voiture, permettant une mise en relation rapide des futurs clients; il s'agit d'une démarche commerciale active, le dirigeant sollicitant une promotion maximum,
- Mme [Y] a partagé cette publicité afin d'en augmenter la visibilité et de favoriser le développement commercial de ce concurrent au détriment direct de son employeur, commettant ce faisant un acte de concurrence et de grave déloyauté au cours d'un arrêt maladie,
- Mme [Y] a reconnu les faits concernant la publication sur facebook d'une publication d'un concurrent
- les relations de Mme [Y] avec le personnel étaient objectivement non constructives
- Mme [Y] a fait l'objet de deux avertissements, non contestés en raison d'un comportement contraire à la discipline
- Mme [Y] avait un comportement délibérément contraire aux intérêts de son employeur et deux élèves se sont opposés, par écrit, à la poursuite de son enseignement,
La société Auto Ecole Saint Rom réfute toute discrimination en raison de l'état de santé et des contraintes résultant de l'avis médical rendu par le médecin du travail, à l'origine du licenciement de Mme [Y].
L'employeur souligne d'une part, que l'autorisation d'enseigner la conduite de véhicule délivrée par la préfecture ne porte aucune mention de restriction médicale, ce qui s'oppose à la thèse d'un licenciement discriminatoire, d'autre part que l'aménagement du poste de travail de la salariée, effectif depuis 2014, était confirmé par le médecin du travail, de sorte que sa loyauté dans la mise en oeuvre de son obligation de santé et de sécurité n'est pas prise en défaut.
Mme [Y] fait valoir en réponse que :
- la référence, dans la lettre de licenciement à une conversation téléphonique au cours de laquelle, la salariée aurait indiqué à son employeur qu'elle serait dans l'incapacité de saisir les données informatiques pour ne pas avoir été formée, qu'elle aurait des suspicions quant à la répartition des plannings et lui aurait reproché l'accomplissement d'heures supplémentaires, n'articule aucun grief ;
- son licenciement ne repose finalement que sur un unique grief, en l'espèce, le fait de « (') partager une page Facebook relative à une publicité d'auto-école du [Localité 4] qui faisait une offre promotionnelle pour son ouverture. (') »
- ce grief ne saurait prospérer dés lors qu'il est fait défense à l'employeur d'utiliser des informations extraites du compte Facebook de son salarié,
- l'employeur n'a pas précisé la date à laquelle il prétend avoir pris connaissance de cette publication, de sorte qu'il ne démontre pas que le grief ne serait pas prescrit,
- il appartient à l'employeur de démontrer la réalité du grief qui lui est reproché et qu'elle nie avoir jamais partagé une page faisant la publicité d'une auto-école concurrente,
- sa lettre de licenciement est imprécise, et l'auto-école représentée sur la page Facebook était, l'auto-école Saint-Clairoise alors qu'elle s'est vue notifier son licenciement pour avoir partagé une publication relative à l'auto-école du [Localité 4].
****
La première partie de la lettre de licenciement évoque un entretien téléphonique au cours duquel Mme [Y] aurait adressé des reproches à son employeur comme le défaut de formation, l'attribution d'élèves difficiles car en début de formation, ainsi que la réalisation d'heures supplémentaires. La société Auto Ecole Saint Rom n'expose aucun élément susceptible de caractériser une faute grave dans l'expression de doléances dont il n'est ni soutenu, ni a fortiori établi, qu'elles auraient dépassé l'exercice normal, par la salariée, de son droit à l'expression directe sur les conditions d'exercice de son travail et ce quelque soient les approximations ou les contre vérités que Mme [Y] aurait pu avancer.
Il en résulte que la première partie de la lettre de licenciement n'articule aucun grief relevant de la faute grave.
Le second grief est ainsi libellé :
'Enfin et surtout vous avez partagé début juin 2017 une page Facebook relative à une publicité d'auto-école du [Localité 4] qui faisait une offre promotionnelle pour son ouverture.'
L'employeur produit en pièce n°8, une capture d'écran sur laquelle on peut lire :
- sous le nom de [L] [I]: 'Livre de code offert et 2 places de ciné à [Localité 6] jusqu'à fin octobre.'
- une date partielle :6 juin
- la mention: 'A partager un max merci'
- sous le nom de [E] [Y]: 'Kikou ptg'.
Il résulte par ailleurs de l'attestation d'[G] [S], enseignante de conduite , qu'elle a reçu un partage sur facebook de [E] [Y] concernant une promotion pour l'ouverture d'une auto-école en juin 2017.
Or, il est constant qu'un élément de preuve recueilli par un employeur sur un réseau social est illicite, sauf si l'employeur est autorisé par le salarié à accéder à son compte Facebook en l'espèce, ou si le profil du salarié est ouvert au public.
Ainsi, et sauf preuve contraire, les informations qui figurent sur un compte Facebook sont réservées aux personnes autorisées et un employeur ne peut y accéder sans porter une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de son salarié.
En l'espèce, la société Auto Ecole Saint Rom soutient que la distribution de prospectus concurrentiels, fût-t-elle numérique, est par nature publique et qu'il appartient à l'auteur de la distribution de démontrer le contraire en justifiant des restrictions de diffusion employées. Or, ce n'est pas la nature de la publication qui lui confère un caractère public mais le support. En l'espèce, le support est privé, et en ne précisant pas les circonstances dans lesquelles elle a eu accès à une information extraite d'un compte Facebook, la société Auto Ecole Saint Rom ne démontre pas qu'elle s'est procurée cette information dans des conditions licites.
En tout état de cause, à supposer que le partage sur un réseau social d'une offre promotionnelle diffusée par un professionnel concurrent soit établi, ce fait ne saurait constituer une faute grave qu'à la condition de démontrer une volonté de nuire à l'employeur qui ne peut résulter du partage d'une information promotionnelle dans un cercle restreint.
Enfin, la lettre de licenciement fait état de plusieurs mises en garde et avertissements, auxquels la salariée n'a pas cru bon de répondre, et qui n'auraient pas permis de changer son comportement. La société Auto Ecole Saint Rom produit :
- deux constats d'accidents,
- un avertissement notifié le 27 juin 2014 pour avoir adopté un ton supérieur et agressif à l'égard des derniers enseignants embauchés et avoir voulu liguer l'équipe contre la direction,
- un second avertissement notifié le 7 juillet 2014 pour avoir persisté dans un comportement distant envers certaines personnes de l'équipe, avoir laissé un véhicule avec la vitre ouverte sur un parking et ne pas avoir justifié de son activité pendant 2 heures à l'occasion de l'absence d'un élève le 4 juillet.
La société Auto Ecole Saint Rom qui a sanctionné par les deux avertissements sus-visés, des comportements fautifs et qui ne justifie pas, dans les deux mois qui ont précédé la notification du licenciement, du renouvellement de faits de même nature que ceux déjà sanctionnés, ne peut invoquer ces comportements anciens de plus de trois années pour fonder un licenciement disciplinaire.
Il en résulte que la faute grave n'est pas établie à l'encontre de Mme [Y]. Le licenciement est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement est confirmé.
- Sur les indemnités de rupture :
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, ainsi qu'à une indemnité conventionnelle légale de licenciement.
La société Auto Ecole Saint Rom fait valoir que :
- Mme [Y] ne peut solliciter une indemnité compensatrice de préavis couvrant une période de maladie au cours de laquelle elle percevait des indemnités journalières de sécurité sociale;
- le montant de l'indemnité de licenciement est erroné, les dispositions légales et conventionnelles en vigueur au jour du licenciement conduisant à une somme de 1 749,39 euros pour 4 ans et 10 mois de présence et un salaire de référence de 1 809,71 euros.
****
Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a :
- retenu la somme de 1 809,71 euros comme salaire de référence,
- jugé que Mme [Y] justifiant d'une ancienneté de service continus d'au moins deux ans, a droit à un préavis de deux mois conformément aux dispositions de l'article L 1234-1 du code du travail ;
- constaté que Mme [Y] ne sollicitait pas le doublement de la durée du préavis lié à la qualité de travailleur handicapé prévu par l'article L. 5213-9 du code du travail ;
- jugé que cette indemnité est égale aux salaires et avantages que la salariée aurait reçus si elle avait travaillé pendant cette période et cette indemnité est due même si la salariée était en arrêt maladie pendant le préavis sans qu'il y ait lieu de déduire les indemnités journalières perçues au cours de la même période.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Auto Ecole Saint Rom à payer à Mme [Y] la somme de 3 619,42 euros d'indemnité compensatrice de préavis sur la base d'un salaire moyen brut de 1 809,71 euros.
Mme [Y] ayant été licenciée le 18 juillet 2017, l'indemnité de licenciement doit être calculée par application des modalités résultant de l'article R 1234-2 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n° 2008-715 du 18 juillet 2008, en vigueur jusqu'au 27 septembre 2017.
Il en résulte que : 'L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auxquels s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.'
Mme [Y] ayant une ancienneté de quatre années et dix mois au sein de la société, peut par conséquent prétendre à une indemnité de licenciement de 1 749,39 euros se décomposant comme suit : (1/5 x 1 809,71 x 4) + ( 1/5 x 1 809,71 x 10/12).
Le jugement déféré qui a alloué à Mme [Y] la somme de 2 915,61 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, sera réformé en ce sens.
- Sur les dommages- intérêts :
Mme [Y], qui était employée dans une entreprise occupant habituellement moins de onze salariés peut prétendre, en application de l'article L. 1235-5 ancien du code du travail, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.
Mme [Y] qui était âgée de 56 ans lors de la rupture, qui justifie avoir été indemnisée par Pôle Emploi pour la période du 1er septembre 2017 au 31 mars 2018, avoir été admise au bénéfice de l'allocation de solidarité spécifique du 22 juin 2021 au 31 juillet 2021, puis avoir bénéficié du renouvellement de l'allocation de solidarité spécifique à compter du 1er juillet 2022 pour une nouvelle période de six mois, apporte des éléments illustrant la précarité de sa situation dans les suites immédiates de son licenciement, ainsi que la persistance d'une situation de précarité.
En conséquence, le jugement qui lui a alloué la somme de 10 858,26 euros euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au caractère abusif du licenciement a fait une juste appréciation de ce préjudice et doit être confirmé.
- Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis à la charge de la société Auto Ecole Saint Rom les dépens de première instance et en ce qu'il a alloué à Mme [Y] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Auto Ecole Saint Rom, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d'appel.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré, sauf sur le montant de l'indemnité légale de licenciement
Statuant à nouveau sur ce chef et y ajoutant
CONDAMNE la société Auto Ecole Saint Rom à payer à Mme [Y] la somme de
1 749,39 euros à titre d'indemnité légale de licenciement
CONDAMNE la société Auto Ecole Saint Rom à payer à Mme [Y] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,
CONDAMNE la société Auto Ecole Saint Rom aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE