La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2023 | FRANCE | N°19/08204

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale a, 08 mars 2023, 19/08204


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR



N° RG 19/08204 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MXCA



[Adresse 5]

C/

Société ÉLECTRICITÉ GÉNÉRALE APPLIQUÉE E.G.A.



APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 29 Octobre 2019

RG : F18/02206





COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE A



ARRÊT DU 08 MARS 2023







APPELANT :



[H] [U]

né le 02 Janvier 1974 à [Localité 3]

[Adresse 1]



[Localité 3]



représenté par Me Jean-laurent REBOTIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Valentine GARNIER, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE







INTIMÉE :



Société ÉLECTRICITÉ GÉNÉRALE ...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/08204 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MXCA

[Adresse 5]

C/

Société ÉLECTRICITÉ GÉNÉRALE APPLIQUÉE E.G.A.

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 29 Octobre 2019

RG : F18/02206

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 08 MARS 2023

APPELANT :

[H] [U]

né le 02 Janvier 1974 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-laurent REBOTIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Valentine GARNIER, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIMÉE :

Société ÉLECTRICITÉ GÉNÉRALE APPLIQUÉE E.G.A.

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Olivier GELLER de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 09 Janvier 2023

Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Joëlle DOAT, présidente

- Nathalie ROCCI, conseiller

- Anne BRUNNER, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 08 Mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er avril 1995, M. [H] [U] a été embauché en qualité d'électricien, statut ouvrier, par la SAS Electricité Générale Appliquée (E.G.A), spécialisée dans le secteur de l'activité des travaux d'installation électrique dans tous locaux.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises du bâtiment de plus de dix salariés.

A compter de 2013, M. [U] a occupé les fonctions de Responsable Adjoint Dépannage, statut Etam, niveau E.

Par avenant en date du 25 septembre 2015, M. [U] et la société E.G.A sont convenus qu'à compter du 1er octobre 2015, le salarié bénéficierait du statut Etam, niveau Fet qu'il serait soumis à un forfait en jours.

A compter du 1er octobre 2017, la rémunération mensuelle de base du salarié a été fixée à hauteur de 3 225,60 euros.

A compter du 3 avril 2018, le contrat de M. [U] a été suspendu pour maladie.

Par requête en date du 24 juillet 2018, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins d'obtenir son repositionnement conventionnel, voir prononcer l'inopposabilité de sa convention de forfait en jours et la société EGA condamnée à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires, de rappel d'heures supplémentaires et d'indemnité compensatrice de repos compensateurs.

Le 21 janvier 2019, le médecin du travail a déclaré M. [U] inapte à son poste et a précisé que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Par courrier en date du 8 février 2019, la société E.G.A a notifié à M. [U] l'impossibilité de son reclassement.

Par courrier recommandé en date du 11 février 2019, M. [U] a été convoqué par son employeur à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, fixé le 20 février 2019.

Par courrier recommandé en date du 25 février 2019, la société E.G.A a notifié à M. [U] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par jugement en date du 29 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- dit et jugé que :

M. [U] n'occupait pas un poste relevant de la catégorie F avant la date du 1er octobre 2017,

La convention forfait jours appliquée à M. [U] est légale,

M. [U] n'apporte pas d'éléments probants pour son allégation au titre des heures supplémentaires,

- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société E.G.A de sa demande reconventionnelle formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Laissé les éventuels dépens à la charge de chacune des parties.

M. [U] a interjeté appel de ce jugement, le 28 novembre 2019.

Dans ses dernières conclusions en date du 20 août 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, M. [U] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il :

a dit et jugé qu'il n'occupait pas un poste relevant de la catégorie F avant la date du 1er octobre 2017,

a dit et jugé que la convention de forfait-jours appliquée à M. [U] est légale,

a dit et jugé que M. [U] n'apporte pas d'éléments probants pour son allégation au titre des heures supplémentaires,

l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Statuant à nouveau :

Sur le rattrapage de salaire

- condamner la société EGA à lui payer la somme de 9 126,26 euros à titre de rappel de salaire, outre 912,63 euros de congés payés afférents,

Sur le solde d'indemnité de licenciement

- condamner la société EGA à lui payer la somme de 13 720,41 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,

Sur les demandes au titre de la convention de forfait-jours

- dire et juger invalide la convention de forfait-jours,

A titre principal,

- condamner la société EGA à lui payer à la somme de 41 071,14 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 4 107,11 euros à titre de congés payés afférents,

- condamner la société EGA à lui payer la somme de 20 330,57 euros à titre d'indemnité compensatrice des contreparties en repos,

A titre subsidiaire,

- condamner la société EGA à lui payer la somme de 67 848,08 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Sur le travail dissimulé

- condamner la société EGA à lui payer la somme de 22 884 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé,

En tout état de cause,

- débouter la société EGA de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société EGA au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 6 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé, la société E.G.A demande à la cour de :

- dire et juger que sont nouvelles en cause d'appel et se heurtent à une fin de non-recevoir, les demandes ainsi libellées :

«Condamner la société EGA à payer à M. [U] la somme de 16 798,75 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement»,

«Condamner la société EGA à payer à M. [U] la somme de 67 848,08 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail»,

«Condamner la société EGA à payer à M. [U] la somme de 22 884 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé»,

- les déclarer irrecevables,

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement :

- retenir que le rappel de salaire au titre de la classification conventionnelle ne peut excéder la somme de 8 631,31 euros,

- ordonner que tout rappel de salaire éventuel soit compensé de la somme correspondant aux JRTT pris, soit la somme de 3 647 euros ;

- ordonner que tout rappel de salaire soit compensé des sommes correspondant aux heures supplémentaires déjà rémunérées dans le cadre de la rémunération forfaitaire, soit :

2015 : 24 semaines x 8,5 heures x 18,80 euros = 3 835,20 euros,

2016 : 43,5 semaines x 8,5 heures x 18,79 euros = 6 947,60 euros,

2017 : 47 semaines x 8,5 heures x 18,98 euros = 7 582,51 euros,

2018 : 12 semaines x 8,5 heures x 21,26 euros = 2 168,52 euros,

- retenir a maxima un nombre d'heures supplémentaires de 3h par semaines soit :

2015 : 24 semaines x 3 heures x 18,80 euros = 1 353,6 euros,

2016 : 43,5 semaines x 3 heures x 18,79 euros = 2 452,09 euros,

2017 : 47 semaines x 3 heures x 18,98 euros = 2 676,18 euros,

2018 = 12 semaines x 3 heures x 21,26 euros = 765,36 euros,

- retenir, s'agissant de l'année 2017, une créance à titre infiniment subsidiaire à hauteur de :

47 semaines x 12,5 heures x 18,98 euros = 11 150,75 euros,

- condamner M. [U] à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le même aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.

SUR CE :

- Sur la recevabilité des demandes nouvelles

La société E.G.A soutient que :

- les demandes relatives à un solde d'indemnité de licenciement, au travail dissimulé ainsi qu'à une exécution déloyale du contrat de travail sont nouvelles à hauteur d'appel,

- M. [U] ne peut valablement modifier ses demandes aux fins de contester les conditions d'exécution du contrat de travail et / ou les modalités de la rupture de son contrat de travail, non contestées, dès lors que ses demandes nouvelles ne présentent à l'évidence aucun lien avec les demandes salariales initialement formulées,

- ces demandent ne tendent pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge,

- l'intéressé n'a pas contesté la rupture ni le solde de tout compte qui lui a été présenté.

M. [U] fait valoir que :

- les demandes au titre du solde d'indemnité de licenciement, à raison notamment de l'application erronée de sa classification conventionnelle, constituent la conséquence de la prétention formée en première instance à ce titre,

-la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat formulée à titre subsidiaire ainsi que la demande à titre d'indemnité de travail dissimulé, à raison notamment de l'inopposabilité de la convention de forfait et des heures supplémentaires effectuées, constituent également la conséquence de la prétention formée en première instance.

****

En vertu de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Les demandes relatives à un solde d'indemnité de licenciement, à des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi qu'à une indemnité au titre du travail dissimulé sont la conséquence de la demande de repositionnement conventionnel et de la demande au titre des heures supplémentaires, de sorte qu'il s'agit de demandes recevables en cause d'appel.

- Sur le repositionnement conventionnel :

M. [U] fait valoir que :

- en septembre 2016, il a récupéré le portefeuille client de son manager, parti à la retraite et a accédé, dans les faits, aux fonctions de chargés d'affaires sur l'exercice 2016-2017,

- aucun avenant n'a été signé bien qu'il était présenté comme tel aux clients,

- malgré ses demandes répétées pour obtenir un contrat de travail régularisé, seul un avenant intégrant sa prime d'ancienneté de 12% dans son salaire brut a été régularisé le 1er octobre 2017 ; et le 31 janvier 2018, la société a refusé catégoriquement de régulariser sa situation sous prétexte qu'il ne serait pas assez compétent dans ses fonctions de chargé d'affaires, bien qu'il ait atteint l'objectif financier qui lui avait été fixé, et alors qu'il était considéré comme tel au sein de la société,

- il bénéficiait d'un pouvoir de décision et d'initiative à chaque étape de ses missions, il assurait de manière autonome diverses missions, et il effectuait toutes les démarches nécessaires concernant les marchés publics,

- il engageait régulièrement l'entreprise en signant pour le compte de cette dernière,

- il bénéficiait d'une délégation de pouvoir permanente au sens de la position C de la convention collective,

- il avait des fonctions de direction et de coordination, était actif sur les chantiers et encadrait une équipe de techniciens,

- il a assumé la pleine responsabilité des tâches administratives et commerciales qui lui étaient confiées,

La société E.G.A fait valoir que :

- M. [U] ne démontre pas remplir les critères conventionnels de la classification des Cadres ni même, plus particulièrement, de la position C,

- la présentation fonctionnelle du salarié, commerciale ou interne, via l'organisme du service ou la réparation de la charge de travail au sein du dit service, ne sauraient préjuger des fonctions réellement exercées au sens des critères conventionnels classants,

- M. [U] occupait, contractuellement, le poste de Responsable Adjoint Dépannage au sein de la division maintenance ; ses bulletins de paie font mention de ce poste, selon le statut Etam ; trois autres salariés qui exercent des missions similaires à celles de M. [U] occupent le même poste, selon le statut Etam, niveau F,

- M. [U] n'a aucunement remplacé M. [J],

- le salarié n'établit pas qu'il aurait été amené à diriger ou coordonner les travaux d'autres salariés, des ouvriers aux ingénieurs, placés sous son autorité ;l'éventuelle évaluation des intérimaires ou sous-traitants n'est pas subordonnée à un pouvoir de commandement,

- le fait que M. [U] visait ponctuellement les feuilles d'heures des techniciens ne prouve pas qu'il dirigeait ou coordonnait les travaux d'autres salariés placés sous son autorité dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une 'autorisation' attendue de sa part, et que le tout restait soumis au visa du responsable de service,

-aucune prise d'initiative n'était attendue de M. [U], aucune responsabilité autre que celle relative à l'exécution de ses fonctions n'ayant été assumée,

- aucune délégation permanente du chef d'entreprise dans la gestion courante n'a été versée au bénéfice de M. [U],

- le salarié a exercé ses missions sous l'autorité et la responsabilité de M. [J] puis de M. [C], à qui il référait constamment, sans nulle initiative quant aux procédures et modalités d'organisation,

- en outre, l'allégation selon laquelle le salarié engageait régulièrement l'entreprise dans le cadre de ses fonctions ne peut suffire en tout état de cause à opérer un repositionnement conventionnel, dès lors que le niveau F prévoit la possibilité de représenter l'entreprise dans le cadre d'instructions ou délégations,

- subsidiairement, concernant l'exacte classification de M. [U], la technicité propre et l'expertise qui étaient mises en oeuvre par l'intéressé dans le cadre de ses fonctions sont inhérentes au statut Etam;il réalisait des travaux d'exécution, de contrôle, d'organisation, d'études, de gestion, d'action commerciale portant sur des projets techniques, conformément au niveau F de la classification applicable,

- très subsidiairement, sur les demandes de rappels de salaire et de complément d'indemnité de licenciement, le salaire de 3 814 euros revendiqué par M. [U] n'est pas justifié ; le salarié a été rempli de l'intégralité de ses droits et il n'a pas contesté son indemnité de licenciement.

****

La qualification professionnelle d'un salarié dépend des fonctions réellement exercées. En l'espèce M. [U] revendique son repositionnement dans la catégorie des cadres de niveau C, premier échelon.

Selon l'annexe V 'classification' de la convention collective des ETAM du bâtiment, les positions C et supérieures correspondent aux emplois des cadres qui sont définis comme :

' les ingénieurs ou assimilés possédant une formation technique, administrative, juridique, commerciale ou financière, et qui ( à l'exception des cas visés plus loins, à l'article 7, position C-1er et 2e échelons) exercent, par délégation de l'employeur, un commandement sur des ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs ou assimilés administratifs ou commerciaux.'

La convention collective précise que dans la position C, les cadres de 1er échelon sont les ' cadres techniques, administratifs ou commerciaux placés généralement sous les ordres d'un Cadre supérieur ou, dans les entreprises à structure simple, de l'Employeur et :

- qui ont à diriger ou à coordonner les travaux des ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs ou Assimilés des positions précédentes placés sous leur autorité;

- ou qui ont des responsabilités équivalentes (voir article 3,2°).

Ils doivent assumer la pleine responsabilité de la conception, de l'organisation et du commandement du travail effectué par leur service.

Dans les entreprises à structure simple, ils doivent avoir reçu du chef d'entreprise une délégation permanente pour un ou plusieurs objets spéciaux limités leur permettant d'agir en ses lieu et place dans la gestion courante de l'Entreprise. (...)'

Plusieurs exemples sont donnés pour illustrer cette position, soit :

- l'ingénieur chef de bureau d'études qui groupe sous son autorité l'ensemble du personnel d'un bureau d'études ou d'une section de ce bureau d'études,

- le premier commis, avec au moins quinze ans de métier, exerçant un commandement sur au moins 6 techniciens ou commis

- le chef de bureau de métré, un technicien ayant au moins quinze ans de pratique du métré dans la profession et exerçant un commandement sur au moins 8 métreurs,

- le chef du service de la comptabilité, collaborateur responsable de l'ensemble de la comptabilité d'une entreprise importante dont il établit le bilan, a des connaissances étendues des lois sur les sociétés et de la législation fiscale, et doit avoir au moins 5 comptables ou aides-comptables sous ses ordres au siège de l'entreprise, ou bien 8 comptables ou aides-comptables sous ses ordres dans l'ensemble de l'entreprise.

M. [U] expose qu'à compter de septembre 2016, il a récupéré le portefeuille client de son manager, M. [J], parti à la retraite, et produit en pièces n°19 à 25 la liste des clients qui lui ont été transférés à partir du portefeuille d'[H] [J], ainsi que des courriels relatifs au suivi d'affaires, lesquels rendent compte d'échanges avec des clients.

M. [U] s'appuie par ailleurs sur l'attestation de Mme [M], secrétaire de direction de la société EGA jusqu'au mois de mai 2018 qui indique que les tâches de M. [U] étaient les suivantes :

- établissement de devis client

- gestion du portefeuille clients travaux et maintenance,

- suivi des contrats de maintenance

- établissement des demandes d'approvisionnement en matériel,

- suivi de réalisation de travaux du devis jusqu'à la facturation et relance des règlements clients

- signature des feuilles d'heures des techniciens pour contrôle

- suivi de la gestion de chantiers.

L'exercice par M. [U] de missions relevant d'un chargé d'affaires n'est pas contestable au regard de ces éléments, étant précisé que l'organigramme présente M. [U] comme 'chargé d'affaires tertiaire', qu'il est mentionné dans son entretien professionnel du 14 mars 2017, qu'il souhaite 'obtenir un vrai contrat de chargé d'affaires en rapport avec sa mission actuelle', et que la société EGA n'apporte aucun élément contraire à l'exercice professionnel de M. [U] tel qu'il est décrit pas Mme [M].

Mais, il résulte des termes de la convention collective précitée que les critères déterminants pour classer un poste dans la catégorie C des cadres, 1er échelon, sont d'une part la direction ou la coordination des travaux des ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs ou Assimilés placés sous leur autorité, d'autre part, la pleine responsabilité de la conception, de l'organisation et du commandement du travail effectué par leur service

Les exemples cités dans la convention pour illustrer cette position mettent effectivement l'accent sur le commandement ou l'exercice d'une autorité sur une équipe de techniciens.

Or, M. [U] ne justifie pas avoir exercé une autorité de cette nature sur une équipe, ni d'avoir assumer la pleine responsabilité de la conception, de l'organisation et du commandement du travail effectué, l'élaboration de devis, le suivi des contrats de maintenance ou de la gestion des chantiers ne constituant qu'une partie de cette responsabilité.

Et, le niveau F des emplois ETAM qui lui a été attribué, correspond, suivant la classification des emplois de la convention collective du bâtiment, à :

- en ce qui concerne le contenu de l'activité et la responsabilité dans l'organisation du travail :

* la réalisation des travaux d'exécution, de contrôle, d'organisation, d'études, de gestion, d'action commerciale.... portant sur des projets plus techniques ou :

* l'exercice d'un commandement sur un ensemble de salariés affectés à un projet,

* la résolution des problèmes avec choix de la solution la plus adaptée par référence à des méthodes, procédés ou moyens habituellement mis en oeuvre dan l'entreprise,

*la transmission de ses connaissances ;

- en ce qui concerne l'autonomie, l'initiative, l'adaptation et la capacité à recevoir délégation :

* une action dans le cadre d'instructions permanentes et/ou de délégations

* la prise d'initiatives, de responsabilités

* l'exercice d'un rôle d'animation

* la transmission de l'information et la conduite de relations ponctuelles avec des interlocuteurs externes

* la possibilité de représenter l'entreprise dans le cadre de ces instructions et délégations

* faire respecter l'application des règles de sécurité et participer à leur adaptation ;

- en ce qui concerne la technicité et l'expertise :

* des connaissances structurées des diverses techniques et savoir-faire de sa spécialité professionnelle et de leurs applications

* une haute technicité dans sa spécialité

* se tenir à jour dans sa spécialité ;

- enfin, en ce qui concerne les compétences :

* une expérience acquise en niveau E ou

* une formation générale, technologique ou professionnelle.

Or, qu'il s'agisse de l'élaboration des documents commerciaux dont il se prévaut, de l'encadrement des techniciens sur les chantiers, ou encore de son niveau d'autonomie, M. [U] décrit un exercice professionnel qui relève des critères sus-visés applicables à un emploi d'ETAM de niveau F dont le niveau de responsabilité et de technicité est important.

Il résulte de ce qui précède, que M. [U] ne démontre pas qu'il aurait exercé dés 2016 des fonctions relevant du statut cadre position C/ 1er échelon de la convention collective et que les fonctions qu'il invoque relèvent bien du statut ETAM de niveau F qui était le sien.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de rappel de salaires au titre du repositionnement conventionnel.

M. [U] sera par ailleurs débouté de sa demande subséquente de solde d'indemnité de licenciement.

- Sur la validité de la convention de forfait en jours :

M. [U] fait valoir que :

- il était soumis à un forfait-jours de 216 jours par an dès son passage aux fonctions de Responsable Adjoint Dépannage en 2013, conformément à ses fiches de paie, et que l'avenant à son contrat de travail prévoyant son passage au niveau F à compter du 1er octobre 2015, a maintenu son forfait-jours,

- aucune convention individuelle de forfait n'a été régularisée entre les parties,

- la convention collective applicable ne permet l'établissement d'un forfait-jours qu'à partir de la position F, alors que dès la mise en place de la convention de forfait-jours en 2013, il occupait la position E,

- il bénéficiait de plus de dix ans d'ancienneté et que la convention collective prévoit explicitement que pour les salariés de plus de dix ans de présence au sein de l'entreprise, la durée maximale du forfait-jours ne peut dépasser 215 jours,

- aucun suivi de la charge de travail n'a été prévu dans le cadre de son forfait-jour, et qu'il n'a bénéficié d'aucune garantie pour que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables, et que la protection de sa santé et de sa sécurité soit assurée,

- l'argument selon lequel il n'a jamais sollicité son responsable hiérarchique aux fins d'adapter sa charge de travail est inopérant,

- avant son passage au forfait-jours le 1er octobre 2015, il effectuait déjà de nombreuses heures supplémentaires ; ces heures étaient pour partie payées sous forme de primes exceptionnelles par la société, le privant de ses repos compensateurs obligatoires,

- ses horaires de travail étaient de 7h30 à 18 heures tous les jours, soit 47,5 heures par semaine (soit 12,5 heures supplémentaires) ; et n'ayant plus accès à son planning de l'époque, ni à aucun document, il verse au débat plusieurs emails démontrant les heures de travail effectuées,

- il n'a pas bénéficié de jours de RTT puisqu'il n'existait aucun dispositif de réduction du temps de travail au sein de la société EGA ; le tableau de suivi de ses heures produit par la société n'est pas un document officiel et ses fiches de paie ne comportent aucune RTT,

- à titre principal, il est bien fondé à solliciter le rappel de ses heures supplémentaires pour les périodes non prescrites (pour les années 2015, 2016, 2017 et une partie de l'année 2018) ainsi qu'une indemnité compensatrice de repos compensateurs pour les années 2015, 2016 et 2017,

- à titre subsidiaire, la convention de forfait lui a fait courir un risque pour sa santé et sécurité et caractérise ainsi, de la part de l'employeur, une exécution déloyale du contrat de travail ; il n'a jamais bénéficié de la contrepartie obligatoire en repos et a subi un lourd préjudice du fait de cette situation ; en outre, son mauvais positionnement ne lui a permis de bénéficier ni d'un salaire plus élevé, ni d'un aménagement du temps de travail adéquat pendant plusieurs années, étant précisé que le statut cadre a également un impact sur la retraite, la prévoyance ou encore la mutuelle.

La société E.G.A. fait valoir en réponse que :

- la convention de forfait en jours conclue le 25 septembre 2015 est parfaitement valable et opposable à l'intéressé,

- M. [U] dispose du statut Etam et est classé au niveau F de la classification conventionnelle ; M. [U] soutient qu'il aurait été soumis à une convention de forfait-jours dès l'année 2013, à une période où il disposait du niveau E de la classification conventionnelle, sans que cela ne soit corroboré,

- concernant le suivi du temps de travail, un point service se tenait de manière hebdomadaire, à des fins de planification et de suivi des affaires et M. [U] n'a jamais sollicité son responsable hiérarchique aux fins d'adapter sa charge de travail, s'il l'estimait excessive,

- les dispositions de l'accord collectif et les dispositions légales relatives au temps de travail sont respectées s'agissant des jours travaillés, des congés payés, et des jours de réduction du temps de travail ; le nombre de 216 ou de 215 jours travaillés dans l'année, n'a jamais été dépassé,

- M. [U] a bénéficié d'entretiens annuels d'évaluation, lors desquels étaient évoquées l'organisation et la charge de travail ; il échangeait régulièrement avec son responsable ; il ne prouve ni n'allègue aucune surcharge de travail,

- l'affirmation selon laquelle M. [U] aurait réalisé des heures supplémentaires en 2014 et 2015, soit durant une période prescrite est inopérante ; les éléments produits et antérieurs au 24 juillet 2015, en l'état d'une saisine du 24 juillet 2018, sont irrecevables,

- la rémunération forfaitaire servie inclut le paiement mensuel d'heures supplémentaires (travail effectif) et est donc en rapport avec les sujétions inhérentes au poste,

- il n'est pas caractérisé que les heures alléguées ont été réalisées, en addition de l'horaire collectif ; en l'absence d'élément relatif aux horaires de travail, et en l'absence de décompte horaire, la demande n'est pas étayée,

- les 'relevés feuilles d'heures' utilisés par la société à des fins de compatibilité et de facturation interne, ne peuvent être lus à des fins de gestion du temps de travail,

- le salarié ne peut solliciter le versement de prétendues heures supplémentaires sur l'ensemble de la période non prescrite, sans distinguer les temps de pause, de repos, et de déjeuner ; tout au plus, au visa des horaires collectifs et de l'absence de travail, usuellement, le vendredi après-midi, seules 3 heures par semaine pourraient être recherchées,

- il n'est ni démontré, ni allégué que le salarié eut été sollicité par la société, en sus de l'horaire collectif,

- s'agissant des durées de repos, M. [U] s'est engagé, en souscrivant à la convention de forfait en jours, à respecter les durées de repos et à en informer la société intimée,

- à aucun moment de la relation contractuelle, le salarié n'a soulevé la moindre difficulté, ni sollicité le versement d'heures supplémentaires qui seraient demeurées impayées,

- la demande repose sur des calculs erronés, elle n'est justifiée ni dans son principe, ni dans son quantum.

****

Il résulte de l'avenant n°3 du 11 décembre 2012 relatif à la convention de forfait en jours que l'article 4.2.9, point de la convention collective nationale des ETAM du bâtiment du 12 juillet 2006 est abrogé et remplacé par les dispositions suivantes :

' Conformément aux articles L. 3121-43 et suivants du code du travail, les ETAM, à partir de la position F, dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année.

Le refus de l'ETAM de la convention individuelle ne peut excéder le nombre fixé à l'article L. 3121-44 du code du travail pour une année complète de travail. Les jours d'ancienneté et les jours de fractionnement seront déduits, le cas échéant, du nombre de jours travaillés sur la base duquel est fixé le plafond propre à chaque convention de forfait.

Pour les ETAM ayant plus de 5 et moins de 10 ans de présence dans l'entreprise ou ayant plus de 10 ans, mais moins de 20 ans de présence dans une ou plusieurs entreprises relevant d'une caisse de congés payés du BTP, ce nombre ne peut pas excéder 216 jours, les jours de fractionnement devant être déduits le cas échéant.

Pour les ETAM ayant plus de 10 ans de présence dans l'entreprise ou ayant plus de 20 ans de présence dans ou plusieurs entreprises relevant d'une caisse de congés payés du BTP, ce nombre ne peut excéder 215 jours, les jours de fractionnement devant être déduits le cas échéant.

Pour les ETAM ne bénéficiant pas d'un congé annuel complet, le nombre de jours travaillés est augmenté à concurrence du nombre de jours de congés légaux auxquels ils ne peuvent prétendre.'

A la signature de l'avenant du 25 septembre 2015, M. [U] avait plus de 10 ans de présence dans l'entreprise, de sorte que le nombre de jours travaillés ne pouvait dépasser 215 jours.

En fixant la durée annuelle du travail à 216 jours, la société EGA a fait une mauvaise application des dispositions sus-visées.

En outre l'article 4 de l'avenant n°3 du 11 décembre 2012 sus-visé prévoit que :

' L'employeur veille à ce que la pratique habituelle puisse permettre d'augmenter ces temps de repos minimum.

La charge de travail et l'amplitude des journées d'activité devront rester dans des limites raisonnables et assurer une bonne répartition dans le temps du travail de l'ETAM concerné, en permettant une réelle conciliation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale. (...)

L'organisation du travail des salariés fait l'objet d'un suivi régulier par la hiérarchie qui veille notamment aux éventuelles surcharges de travail et respect des durées minimales de repos.

Un document individuel de suivi des journées et demi-journées travaillées, des jours de repos et jours de congés ( en précisant la qualification du repos: hebdomadaire, congés payés, etc.) Sera tenu par l'employeur ou par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. L'entreprise fournira aux salariés un document permettant de réaliser ce décompte.

Ce document individuel de suivi permet un point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos afin de favoriser la prise de l'ensemble des jours de repos dans le courant de l'exercice.'

La cour observe que la convention collective a prévu , pour les ETAM, un document individuel de suivi destiné à un suivi régulier de la charge de travail, dont la société EGA ne justifie nullement la mise en place en son sein, alors même qu'il s'agit d'un outil particulièrement efficace du suivi du temps de travail des salariés rémunérés suivant une convention de forfait.

Au lieu de cela, la société EGA soutient qu'un point de service se tenait de façon hebdomadaire en se référant à la pièce n°33 de M. [U] qui est un tableau hebdomadaire des commandes, lequel servait à la planification et au suivi des affaires, mais est totalement étranger à un quelconque décompte du temps de travail effectivement réalisé.

La société EGA soutient par ailleurs que M. [U] a bénéficié d'entretiens annuels d'évaluation, lors desquels étaient évoquées l'organisation et la charge de travail et qu'il échangeait constamment avec son responsable; mais le contrôle de la charge de travail, de sa juste répartition dans le temps, de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle ne se présument pas, et il incombe à l'employeur sur qui pèse cette obligation de contrôle, de justifier qu'il a mis en place les outils adaptés.

Force est de constater en l'espèce qu'aucun des entretiens individuels ne comporte de rubrique relative à la charge de travail et que ces entretiens ne traitent en aucune façon de la question de sa répartition dans le temps.

Et l'absence de revendication à ce sujet au cours de la relation contractuelle par le salarié n'implique, ni que l'employeur a rempli ses obligations, ni que le salarié aurait renoncé à faire valoir ses droits.

Il en résulte que la société EGA a été défaillante dans la mise en oeuvre des mécanismes de contrôle et de suivi expressément prévus par la convention collective applicable pour assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, de sorte que la convention de forfait prévue par l'avenant du 25 septembre 2015 est inopposable à M. [U] qui peut dés lors prétendre au paiement d'heures supplémentaires.

- Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

M. [U] expose qu'il a travaillé :

- 216 jours en 2015, soit 43,2 semaines au taux horaire de 18,80 euros, soit 8 heures supplémentaires majorées à 25% par semaine et 4,5 heures supplémentaires majorées à 50% par semaine ;

- 216 jours en 2016, soit 43,2 semaines au taux horaire de 18,80 euros de janvier à août 2016 et au taux horaire de 22,63 euros de septembre à décembre 2016 ;

- 216 jours en 2017, au taux horaire de 22,63 euros en janvier 2017 et au taux de 22,75 euros de février à décembre 2017 ;

- 4 semaines en janvier 2018 au taux de 22,75 euros et 8 semaines de février à mars 2018 au taux de 22,98 euros.

Il demande en conséquence, la somme totale de 41 071,14 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.

La société EGA s'oppose à cette demande en soutenant que :

- les éléments versés ne suffisent pas à étayer la demande, dés lors qu'il n'est pas caractérisé que les heures alléguées ont été réalisées en addition de l'horaire collectif,

- la société n'a jamais demandé à M. [U] d'exécuter des missions en urgence, de sorte que le salarié ne justifie pas les heures supplémentaires effectuées par des tâches qui lui auraient été confiées,

- les 'relevés feuilles d'heures' qu'elle utilise à des fins de comptabilité et de facturation interne ne peuvent être lus à des fins de gestion du temps de travail, faute de mentionner les horaires de l'intéressé,

- la période du 30 décembre 2013 au 24 juillet 2015 est prescrite,

- M. [U] ne distingue ni les temps de pause et de repos ni les déjeuners, de sorte que tout au plus, au visa des horaires collectifs et de l'absence de travail, usuellement le vendredi après-midi, seules trois heures par semaine pourraient être recherchées.

La société EGA soutient pas ailleurs que la rémunération perçue par M. [U] ayant été fixée par référence à la convention de forfait, l'inopposabilité de cette convention doit s'étendre à la clause de rémunération. L'employeur soutient par conséquent, que la fixation du salaire étant libre, sauf à respecter les minima conventionnels, ce sont ces minima conventionnels qu'il convient d'appliquer au calcul du rappel de salaire, soit en l'espèce, un taux horaire pour les ETAM de catégorie F de 15, 07 euros au 1er janvier 2013.

Très subsidiairement, la société EGA demande qu'il soit ordonné compensation de l'équivalent monétisé des JRTT pris, soit 24,5 jours x 7 heures x 21,26 euros = 3 647,32 euros.

****

L'article L. 3245-1 du code du travail énonce que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. (...)

M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes le 24 juillet 2018, de sorte que sa demande de rappel de salaire est prescrite pour la période antérieure au 24 juillet 2015.

M. [U] est par conséquent fondé à solliciter un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires du 24 juillet 2015 au 31 mars 2018, soit 22,6 semaines en 2015, 47 semaines en 2016 et en 2017 et non 52 semaines, afin de tenir compte des semaines de congés, et 12 semaines en 2018.

M. [U] retient 12, 5 heures supplémentaires par semaine en se fondant sur la durée forfaitaire de 216 jours travaillés par an, mais il verse aux débats des relevés d'heures, objet de ses pièces n°42 et 43 qui révèlent, pour une période non prescrite du 27 juillet 2015 au 30 septembre 2015, une moyenne horaire hebdomadaire de 41,7 heures.

La société EGA qui conteste l'affirmation de M. [U] selon laquelle il aurait travaillé de 7h30 à 18 heures tous les jours, soit 47,5 heures par semaine, représentant 12,5 heures supplémentaires, admet, tout au plus, trois heures supplémentaires par semaine au visa des horaires collectifs et de l'absence de travail le vendredi après-midi. Cependant, elle n'établit par aucun élément que le vendredi après-midi n'était pas travaillé.

Compte tenu des éléments apportés par chacune des parties, des responsabilités qui étaient celles de M. [U], des sujétions particulières attachées à la mission d'un chargé d'affaires et de l'autonomie dont le salarié bénéficiait dans l'exercice de son travail, la cour fixe le nombre des heures supplémentaires accomplies à 5 heures par semaine.

Les taux horaires appliqués par M. [U] sont conformes aux mentions de ses bulletins de salaire et il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient la société EGA, d'appliquer le minimum conventionnel, l'inopposabilité de la convention de forfait n'ayant pas pour effet d'abaisser le taux horaire effectivement appliqué au salarié au cours de la relation contractuelle.

La société EGA est par conséquent condamnée à payer à M. [U] la somme totale de 17 000 euros au titre des heures supplémentaires réalisées.

- Sur l'indemnité compensatrice des contreparties obligatoires en repos :

M. [U] expose que la convention collective du bâtiment prévoit un contingent de 145 heures par année civile au delà duquel le salarié bénéficie d'une contrepartie en repos de 100%.

Il demande le paiement de la somme totale de 20 330,57 euros au titre de la compensation des contre parties obligatoires en repos.

La société EGA soutient que M. [U] a bénéficié de JRTT représentant la somme de 3 647,32 euros se décomposant comme suit (24,5 jours x 7 heures x 21,26 euros), mais Mme [M] dont M. [U] produit l'attestation, affirme que les chargés d'affaires n'avaient pas de RTT, ni le chef de département, et la cour observe que les bulletins de salaire ne font pas état de ces jours de réduction du temps de travail.

Il résulte des développements ci-avant que le contingent annuel de 145 heures par année civile a été dépassé et que la société EGA ne justifie pas que M. [U] a effectivement bénéficié des repos compensateurs, ni de jours de réduction du temps de travail.

La société EGA sera par conséquent condamnée à payer à M. [U] la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité compensatrice des contre-parties obligatoires en repos.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé :

M. [U] fait valoir que :

- la société EGA a délibérément versé une partie des heures supplémentaires qu'il a effectuées sous forme de primes, le privant de ses repos compensateurs,

- son passage au forfait-jours avait pour unique but de ne plus payer ses nombreuses heures supplémentaires,

- la société EGA a minimisé l'impact du passage au forfait-jours en intégrant sa prime d'ancienneté de 12% à son salaire de base; que ces diligences démontrent le caractère intentionnel de la société EGA justifiant la somme de 22 884 euros,

La société E.G.A fait valoir que :

- aucune intention de dissimulation n'est rapportée; en outre, la rémunération versée à M. [U] n'encourt aucun grief dès lors qu'elle inclut la prime d'ancienneté et la majoration de 15% applicable au forfait-jours.

****

L'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé, et l'article L 8 221-5 2° du même code dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli.

Au terme de l'article L 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 précité a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes et ouvrant droit à indemnité forfaitaire n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle et l'élément intentionnel ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

La cour rejette par conséquent la demande d'indemnité formée par M. [U] au titre du travail dissimulé.

- Sur les demandes accessoires :

Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par la société EGA, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile et le jugement déféré qui a laissé les dépens à la charge de chacune des parties sera infirmé en ce sens.

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d'appel dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de rappel de salaire au titre de son repositionnement dans la classification conventionnelle

INFIRME le jugement déféré pour le surplus

STATUANT à nouveau et y ajoutant

DIT que la convention de forfait en jours est inopposable à M. [U]

CONDAMNE la société EGA à payer à M. [U] les sommes suivantes :

*17 000 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

* 1 700 euros de congés payés afférents

* 5 000 euros à titre d'indemnité compensatrice des repos compensateurs

DÉBOUTE M. [U] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé

CONDAMNE la société EGA à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

CONDAMNE la société EGA aux dépens de première instance et d'appel d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale a
Numéro d'arrêt : 19/08204
Date de la décision : 08/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-08;19.08204 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award