AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/08162 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MW6X
Société GMG BAT
C/
[U]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 19 Novembre 2019
RG : 17/01134
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 08 MARS 2023
APPELANTE :
Société GMG BAT
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Olivier GRET de la SELARL A PRIM, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
[D] [U]
né le 23 Février 1959 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Karine GAYET de la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Isabelle DAVID, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 Mars 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date 13 décembre 2010 à effet du 3 janvier 2011, M. [D] [U] a été embauché par la société GMG BAT en qualité de conducteur de travaux, 2ème échelon, catégorie 1, coefficient 108 de la convention collective nationale des cadres du bâtiment. La société compte moins de dix salariés.
Le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mai 2016.
Il a été licencié pour insuffisance professionnelle et insubordination, le 7 juin 2016.
Par requête du 24 avril 2017, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en lui demandant de condamner la société à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rappels de salaire au titre des heures supplémentaires réalisées entre 2014 et 2016, dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les années 2014 à 2016 et rappels de salaire au titre des commissions.
Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 6 décembre 2018.
Par jugement du 19 novembre 2019, le conseil de prud'hommes en sa formation de départage a:
- dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
- condamné la société SARL GMG BAT à verser à Monsieur [D] [U] les sommes de :
avec intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2017, date de réception de la convocation par l'employeur devant le bureau de conciliation valant mise en demeure,
- 658,81 euros bruts de rappel de salaire au titre de commissions, outre 65,88 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus
- dit que la société SARL GMG BAT devra transmettre à Monsieur [D] [U] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif sans que l'astreinte soit nécessaire
- débouté les parties du surplus de leurs demandes
- condamné la société SARL GMG BAT à verser à Monsieur [D] [U] la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- débouté la société SARL GMG BAT de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 4 679,05 euros
- condamné la société SARL GMG BAT aux dépens de l'instance.
La SARL GMG BAT a interjeté appel de ce jugement, le 27 novembre 2019.
Elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il :
* a dit que le licenciement de Monsieur [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* l'a condamnée à verser à Monsieur [U] :
- 658,81 euros bruts à titre de rappel de commissions outre 65,88 euros au titre des congés payés afférents,
- 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
statuant à nouveau,
- de débouter Monsieur [U] de l'ensemble de ses demandes
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de ses demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents et de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos
- de condamner Monsieur [U] à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner Monsieur [U] aux dépens.
M. [U] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires des années 2014, 2015 et 2016 et de sa demande de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les années 2014 à 2016 et en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
en conséquence,
- de condamner la société GMG BAT à lui verser les sommes suivantes, outre les intérêts légaux :
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 84 300 euros nets
* rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies en 2014 : 10 856,97 euros bruts,
* congés payés afférents : 1 085,70 euros bruts,
* rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies en 2015 : 10 385,34 euros bruts,
* congés payés afférents : 1 038,53 euros bruts,
* rappel de salaire au titre des heures supplémentaires accomplies en 2016 : 7 204,32 euros bruts,
* congés payés afférents 720,43 euros bruts,
* dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos année 2014 : 4 301,55 euros nets,
* dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos année 2015 : 4 168,59 euros nets,
* dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos année 2016 : 1 792,57 euros nets,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil
- d'ordonner la remise, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 'jugement' à intervenir, en application des articles L.3243-2 et D.1234-7 du code du travail, des documents suivants :
* solde de tout compte rectifié définitif.
* reçu pour solde de tout compte rectifié définitif.
* attestation POLE EMPLOI rectifiée.
* certificats délivrés à la caisse des congés payés du Bâtiment pour les condamnations au titre des indemnités compensatrices de congés payés ;
- de confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions
- de condamner la société GMG BAT à lui verser la somme de 3 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société GMG BAT aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.
SUR CE :
Sur le licenciement
Aux termes de la lettre de licenciement dont les termes sont repris dans le jugement dont appel, la société GMG reproche au salarié les faits suivants :
* devis non réalisés dans les délais malgré les directives et les rappels à l'ordre (1)
* défaillance dans la relance des clients (2)
* pertes de temps à l'extérieur de l'entreprise (3)
* défaillances dans les suivis de chantier (4)
* défaut de remplissage du tableau de planification des interventions (5)
* mauvaise tenue des dossiers clients (6)
* manque de communication portant préjudice à l'entreprise (7)
* absence de recours à la sous-traitance (8)
* absence de développement de nouveaux canaux d'apporteurs d'affaires (9)
* insubordination (10).
Elle fait valoir que ces nombreux griefs démontrent l'insuffisance professionnelle patente dont a fait preuve le salarié, laquelle a entraîné une perte importante de chiffre d'affaires, empêché la réalisation de chantiers et créé une profonde insatisfaction auprès de certains de ses clients.
M. [U] fait valoir que :
- un seul client est nommément désigné dans la lettre de licenciement en ce qui concerne le retard dans l'établissement des devis qui lui est reproché
- si la quasi-totalité des devis visés par la société n'ont pas été réalisés dans les 15 jours suivant la visite sur les lieux, c'est parce qu'il était en attente d'éléments essentiels à leur établissement, et s'il reconnaît une défaillance concernant le devis de M. [V], dont il a égaré la fiche client, celle-ci doit être mise en rapport avec le nombre de devis qu'il réalisait chaque année
- il avait une charge de travail importante, contrairement à ce que prétend l'entreprise
- il avait été définitivement déchargé de la mission de relance des clients
- il a toujours été transparent sur l'organisation de son temps de travail, son agenda était consultable sur le réseau informatique de l'entreprise et ses déplacements ont toujours été effectués dans l'intérêt de l'entreprise
- le grief de non-tenue à jours des dossiers clients est mal fondé, tant pour les travaux en attente d'accord que pour les travaux acceptés, et il était possible de consulter toutes les informations relatives aux fournisseurs sur le serveur informatique de l'entreprise
- il planifiait bien la réalisation de ses chantiers
- s'il a parfois omis d'inscrire le temps de travail sur les fiches de chantiers, cela n'a pas eu d'incidence sur la rentabilité des chantiers qui lui étaient confiés
- le reproche d'un manque de communication préjudiciable à l'entreprise est injustifié
- il a créé des contacts avec plusieurs apporteurs d'affaires, contrairement à ce qu'affirme la société
- il ne reconnaît pas avoir refusé de remplir et de tenir à jour le planning des chantiers lors de la réunion du 7 avril 2016, ni avoir manqué de respect à Mmes [F] et [J]
- la société tente aujourd'hui de lui imputer la stagnation puis la baisse de son chiffre d'affaires à compter de l'année 2015, alors qu'il n'est pas responsable de cette situation.
****
L'insuffisance professionnelle, sans présenter un caractère fautif, traduit l'inaptitude du salarié à exercer de façon satisfaisante, conformément aux prévisions contractuelles, les fonctions qui lui ont été confiées et les objectifs qui lui ont été fixés ; si l'employeur est juge des aptitudes professionnelles de son salarié et de son adaptation à l'emploi et si l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, elle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables.
1) L'employeur donne dix-sept exemples de devis tardivement réalisés ou non réalisés, lesquels ont été examinés un par un par le conseil de prud'hommes qui a considéré que les quelques retards non justifiés devaient être mis en parallèle avec la charge de travail importante de M. [U].
Devant la cour, l'employeur conteste la réalité de l'importance de la charge de travail du salarié et du grand nombre de devis réalisés par ce dernier.
Il verse aux débats de nouvelles pièces, à savoir, pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016, la liste des devis réalisés par le salarié, la fourchette de chiffrage pour chacun de ces devis, le journal des ventes des devis réalisés par le salarié et les factures établies par tranche de facturation, ce qui lui permet de calculer le temps passé par le salarié pour réaliser les devis, suivant le montant des chantiers.
Il récapitule également le nombre de clients au profit desquels les devis ont été réalisés, le nombre de ceux qui ont donné lieu à facturation, c'est à dire à la suite desquels des travaux ont été commandés, et le nombre de chantiers suivis par M. [U].
Les chiffres résultant de cette étude sont énoncés aux pages 20 à 24 des conclusions de l'employeur, ce dernier écrivant par exemple qu'en 2013, 153 devis ont été réalisés, ' seulement 77 clients ont été facturés' et 35 chantiers de taille moyenne ont été suivis par le salarié mais aucun élément n'est fourni permettant d'apprécier en quoi ces chiffres révéleraient une charge de travail 'peu importante', d'autant plus que ces tâches ne constituaient qu'une partie des fonctions attribuées au salarié par son contrat de travail.
Il ressort des fiches clients et des devis tels qu'analysés par les premiers juges que, pour l'établissement de certains des devis litigieux, plusieurs visites sur les lieux ont été nécessaires et qu'en tout état de cause, les devis ont tous été transmis aux clients au plus tard deux mois après le premier rendez-vous.
L'employeur affirme que le client Horn, pour lequel un devis a été établi le 20 avril 2016 après un premier rendez-vous du 18 mars 2016, a été perdu, mais il n'en justifie pas.
Il ne démontre pas que les autres clients dont il produit les fiches auraient renoncé à commander leurs travaux au motif de la tardiveté de la réception du devis.
Les nouveaux éléments produits en cause d'appel ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation des premiers juges qui ont estimé que ce grief n'était pas caractérisé.
2) L'employeur se fonde sur les fiches clients produites en pièces 7-1 à 7-17 pour demander à la cour de constater que les relances clients sous huitaine après l'envoi du devis ne sont jamais réalisées par M. [U].
Aucun élément n'étant produit sur la forme que doivent prendre les relances, ces fiches en elles-mêmes ne signifient rien.
Il résulte en outre du 'point du 12/11/15" au chapître organisation globale, process depuis le rendez-vous client aux devis /travaux réalisés que : 8 jours après le devis, devis sans retour = relance par LG ([G] [J])', mais non que face à l'inaction de M. [U], Mme [G] [J], responsable administrative, s'est chargée temporairement pendant une semaine d'effectuer cette relance à la suite de la réunion du 12 novembre 2015.
L'employeur reproche en outre dans ses conclusions à M. [U] de s'être abstenu de répondre aux demandes de certains clients, 'entraînant la perte du chantier concerné', sur la base du courriel d'un client daté du 5 juin 2016 qui critique le coût du devis et écrit que si la société GMG n'est pas capable de réduire significativement son devis, il n'aura pas l'occasion de travailler avec elle, alors que le salarié a été licencié le 7 juin 2016 et placé en arrêt-maladie en suite de la notification de la mesure de licenciement.
Le grief n'est pas établi, comme l'a justement retenu le conseil de prud'hommes.
3) La société reproche au salarié d'effectuer des déplacements sur certains chantiers, alors que ceux-ci n'étaient pas nécessaires.
Elle s'appuie sur le compte-rendu de la réunion du 10 décembre 2015 'gestion du temps: globalement moins de chantier, moins de CA, moins de RV pris, toujours autant de devis en attente et moins de temps au bureau ' Justification du temps passé à l'extérieur'' et sur deux attestations rédigées par MM. [J], fondateur de l'entreprise, et M. [B], sous-traitant, pour déclarer qu'elle a regretté, par exemple, que M. [U] soit passé à plusieurs reprises en avril 2016 sur les chantiers [W] et [C] alors que ces deux chantiers étaient supervisés par les deux témoins.
Ces éléments ne permettent pas d'établir que les déplacements de M. [U] sur les chantiers n'étaient pas nécessaires, alors que parmi les tâches incombant au salarié en vertu de son contrat de travail figurent les tâches suivantes : 's'assurer du respect des délais sur les chantiers, faire le suivi du chantier, réunion de chantier'.
Dès lors, ce grief est non seulement imprécis, mais encore non justifié.
4) Ce grief vient en contradiction avec le précédent.
Les premiers juges ont retenu à juste titre, au vu des éléments qu'ils ont analysés, que le manque de suivi et de contrôle des chantiers par le salarié n'était pas établi.
5) L'employeur soutient qu'il avait demandé au salarié de remplir un tableau Excel indiquant sur chaque chantier les dates d'intervention des différents intervenants mais que M. [U] a refusé de remplir le tableau ou ne l'a rempli que partiellement.
Le compte-rendu de la réunion du 10 mars 2016 : planning, voir quel est l'outil le mieux adapté pour le suivi, la mise à jour et l'utilisation au plus simple, Excel sera le seul à permettre l'utilisation des codes couleurs par corps de métier et le compte-rendu de la réunion du 7 avril 2016 : point planning, pour une meilleure anticipation et une meilleure gestion des équipes, la planification de tous les chantiers apparaît comme indispensable font ressortir qu'il a été envisagé la création d'un nouvel outil de planification, puis demandé au salarié, en avril 2016, de l'utiliser.
Mais l'employeur ne démontre pas que le salarié ne planifiait pas ses chantiers, si bien que le non-remplissage du tableau à la date de l'engagement de la procédure de licenciement n'apparaît ni fautif, ni caractéristique d'une insuffisance professionnelle.
6) L'employeur reproche au salarié la mauvaise tenue des dossiers clients en se fondant sur les compte-rendus des réunions du 2 novembre 2015 et 10 décembre 2015.
Il affirme que les 17 fiches clients communiquées ne contiennent aucun renseignement sur les débours, que les commandes faites aux fournisseurs ne sont pas formalisées, ni devisées préalablement à la commande, qu'à de nombreuses reprises, les travaux ont été effectués sans avoir obtenu le devis du client signé et accepté, ce qui a entraîné de nombreux impayés pour la société et des situations conflictuelles portant gravement atteinte à l'image de l'entreprise, que des travaux supplémentaires ont été réalisés sous la supervision du salarié sans devis accepté et signé par M. [Z], que, contrairement aux directives données, le salarié établissait des devis comportant des parties sous-traitées sans mise en concurrence des sous-traitants et que, malgré de multiples demandes, le salarié n'inscrivait pas le temps de travail sur les fiches de chantier rendant ainsi la planification et le suivi de la bonne réalisation du chantier impossible ou hasardeux.
Les pièces versées aux débats par la société (fiches clients, factures des chantiers Rivaz, [T] [U] et SCI Quai Saint-Antoine, factures des chantiers [Y] et [H], échanges de courriels avec M. [Z] de juillet 2016 auxquels sont annexés un devis et une facture, courriel de Mme [J] à M. [S] le 1er juillet 2016, lettre de M. [Z] du 18 octobre 2016, courriel d'une cliente du 24 mai 2016 demandant à la société si les travaux commandés peuvent être exécutés pour le 3 juin 2016) ne permettent pas d'établir que des travaux ont été exécutés sans que les devis correspondants aient été acceptés, ni que des travaux supplémentaires ont été exécutés sans devis chez M. [Z].
Rien ne démontre le grief d'absence d'établissement de devis comparatifs avec différents fournisseurs, si ce n'est les propres annotations de l'employeur portées au crayon sur certains devis.
Les exigences relatives à la tenue des dossiers des clients par le salarié, à supposer que cette tâche relève de ses attributions, ne figurent pas dans le contrat de travail, ni dans une instruction écrite adressée au salarié.
Seul le 'point du 2 novembre 2015", rédigé sur papier libre, dont on ignore s'il a été porté à la connaissance du salarié, y fait référence, ainsi qu'il suit : 'modification de la fiche contact client avec au verso le déboursé qui comportera entre autres le nom des fournisseurs comme ça à tout moment, on peut savoir où on en est, qui va intervenir et à quel prix'.
L'insuffisance ou le refus d'appliquer les directives en ce qui concerne la tenue des fiches clients ne sont pas démontrés.
Enfin, la lettre de licenciement ne vise pas l'existence de nombreux impayés et de situations conflictuelles imputables à des erreurs ou négligences du salarié, ainsi que la société en fait état dans ses conclusions d'appel, sans en établir, en tout état de cause, la matérialité.
7) L'employeur reproche au salarié, aux termes de la lettre de licenciement, de l'informer à la dernière minute de la liste des chantiers, ce manque d'anticipation et de communication 'ayant contraint les clients à le relancer pour la réalisation de leurs travaux'.
Le grief est peu clair et non développé dans les conclusions d'appel. Il ne s'appuie sur aucun document.
8) 'nous vous avions demandé de recourir à la sous-traitance dès lors que nos équipes en interne étaient surchargées, ce que vous n'avez pas fait; dès lors, nombre de chantiers ont été décalés dans le temps voire même d'un exercice à un autre et ce malgré les engagements que vous avez pris nous imposant de reprendre en direct la gestion de certains chantiers afin d'honorer les engagements que vous aviez pris au nom de l'entreprise.'
Ce grief imprécis et invérifiable n'est pas développé dans les conclusions d'appel.
9) Le contrat de travail de M. [U] lui attribue entre autres missions une mission de prospection de nouveaux clients (architectes, régies, entreprises, particuliers) et 'les nouveaux canaux d'apport'.
Dans ses conclusions d'appel, l'employeur explique que M. [U] n'a 'apporté aucun nouvel apporteur d'affaires' en plus de six ans de travail et que la prime apporteur d'affaires concernait les affaires apportées de son portefeuille de clients personnels directement à l'entreprise, ce qui n'a aucun lien avec la mission qui lui était donnée de développer de nouveaux canaux d'apporteur d'affaires, alors qu'il s'agissait d'une mission essentielle qui lui était confiée et rappelée notamment dans les réunions du 3 août 2015, du 9 septembre 2015 et du 10 septembre 2015.
Or, compte-tenu de la description générale de la mission de prospection, de l'absence d'objectifs fixés sur ce point au salarié et de la perception d'une prime d'apporteur d'affaires versée au salarié jusqu'en mai 2016, telles que relevées par le conseil de prud'hommes, c'est à juste titre que ce dernier a estimé que la faute ou l'insuffisance professionnelle alléguées de ce chef n'étaient pas caractérisées.
10) L'employeur reproche au salarié d'avoir fait preuve le 7 avril 2016 d'un comportement inacceptable avec les dirigeants et d'avoir volontairement refusé d'appliquer les directives de son employeur.
Il est mentionné au compte-rendu de la réunion du 7 avril 2016 :
'Le planning n'a pas été finalisé. JS ([D] [U]) a tout dans sa tête. Impossible de gérer comme ça. VG demande à ce qu'impérativement ce planning soit fait et tenu à jour. JS après ça quitte la réunion demandant à ce que les prochaines réunions se fassent sans lui.'
Mme [F], gérante de la société, atteste qu'elle a sommé M. [U] de faire le planning de chantier 'qui leur était nécessaire pour l'organisation et la visibilité sur la charge des équipes et que, face à l'incapacité de M. [U] de répondre à sa demande, il lui a répondu que la prochaine fois, ils pourraient faire ces réunions entre eux sans lui en quittant subitement la réunion.'
M. [U] explique dans ses conclusions que, lors de cette réunion, il a fait remarquer aux dirigeants que le nouveau planning qu'il lui était demandé d'établir s'ajouterait aux deux autres tableaux qu'il réalisait par ailleurs et ferait doublon avec le précédent.
Le salarié a le droit d'exprimer un désaccord sans qu'il s'analyse en une insubordination.
C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a estimé que ce grief n'était pas établi.
Le jugement a en outre justement relevé que la qualité du travail du salarié n'avait jamais été remise en cause pendant plus de quatre ans et que des clients importants attestaient du professionnalisme de celui-ci.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a dit que le licenciement de M. [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur le fondement de l'article L1235-5 ancien du code du travail, au regard des circonstances du licenciement, de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (5 ans et 6 mois), de son âge à la date du licenciement (57 ans) et de ce qu'il a été indemnisé par Pôle emploi jusqu'au 31 juillet 2019 et déclare n'avoir pu retrouver d'emploi salarié, le préjudice subi par M. [U] en raison de la perte injustifiée de son emploi a été exactement apprécié par les premiers juges dont le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires
L'article L 3171-1 du code du travail énonce que l'employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des dispositions de l'article précité et de celles des articles L. 3171-2, alinéa 1er, et L. 3171-3 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Le contrat de travail stipule que la durée du travail de M. [U] correspond à l'horaire collectif fixé par l'entreprise, soit 39 heures par semaine.
L'horaire mensuel contractuel de travail du salarié était donc de 169 heures, incluant 17, 33 heures supplémentaires payées au taux horaire de base majoré de 25%.
L'horaire collectif de travail de l'entreprise est défini par la note de service du 26 mai 2011 : 'nous vous rappelons que chacun doit être opérationnel sur le chantier à 8 heures au plus tard, ce jusqu'à 17 heures au plus tôt et à 16 heures le vendredi' et affiché : 8 heures-12 heures ; 13 heures-17 heures du lundi au jeudi et 8 heures-12 heures ; 13heures-16 heures le vendredi.
Le salarié indique que ses horaires de travail étaient les suivants, chaque jour de la semaine : 7 heures 30 à 18 heures 30, dont à déduire une heure de pause déjeuner, soit 10 heures de travail par jour et 50 heures par semaine. Il présente un tableau pour chacune des années 2014 à 2016 dans lequel il reprend jour par jour et semaine par semaine le nombre d'heures de travail accomplies, dont il ressort qu'à de nombreuses reprises, il effectuait entre 10 et 12 heures supplémentaires en sus des 4 heures supplémentaires contractuelles et qu'il accomplissait fréquemment 49 heures, 49 heures 30 ou 50 heures par semaine, parfois 52 heures, 53 heures ou 56 heures 30 (en 2016).
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant ses propres éléments.
La société GMG répond d'une part que le salarié était soumis à l'horaire collectif de travail, de sorte qu'elle n'était pas tenue d'établir pour lui les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, d'autre part que les horaires revendiqués sont contredits par les agendas versés aux débats.
Elle donne pour exemples les trois jours des 6, 9 et 13 janvier 2014 : aucun rendez-vous n'est mentionné sur l'agenda le 6 janvier, le premier rendez-vous du 9 janvier débute à 9 heures 30, l'agenda mentionne deux rendez-vous à 11 heures et à 15 heures le 13 janvier, et huit heures de travail figurent pour la journée du 1er mai 2014, alors que l'agenda mentionne que les 1er et 2 mai n'ont pas été travaillés.
Il ressort du tableau du salarié qu'aucune heure n'a été effectuée le 1er mai 2014.
L'agenda de M. [U] ne contient que les rendez-vous et ne reflète dès lors qu'une partie de l'activité du salarié.
M. [U] étant contractuellement soumis à l'horaire collectif de travail mais l'employeur admettant que le salarié pouvait organiser librement son travail, il apparaît que les tâches qui étaient confiées à ce dernier en vertu de son contrat de travail rendaient nécessaires l'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà des 39 heures de travail contractuelles.
Il convient d'évaluer le nombre d'heures supplémentaires non rémunérées accomplies au-delà de 39 heures par semaine à 188 heures en 2014, 188 heures en 2015 et 90 heures en 2016.
La créance s'y rapportant doit être fixée à 11 250 euros pour les années 2014 à 2016, à laquelle il convient d'ajouter l'indemnité de congés payés afférents.
Il y a lieu, infirmant le jugement, de condamner la société GMG BAT à payer à M. [U] la somme ci-dessus, augmentée de l'indemnité de congés payés afférente.
Le salarié se fonde sur l'article 12 étendu de l'accord national du 9 septembre 1998 relatif à l'aménagement du temps de travail pour indiquer que le contingent d'heures supplémentaires s'élève à 180 heures par an.
Il convient de condamner l'employeur à payer au salarié, à titre d'indemnité de contrepartie en repos, les sommes de 2 325 euros pour 2014 et 2 325 euros pour 2015.
Sur la demande en paiement de la prime
La société n'apporte pas en cause d'appel d'élément permettant de remettre en cause les motifs pertinents par lesquels le conseil de prud'hommes a accueilli la demande en paiement d'un solde de prime, si bien que le jugement doit être confirmé de ce chef.
Il y a lieu d'ordonner à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat rectifiés et un bulletin de salaire récapitulatif tenant compte des dispositions du présent arrêt.
Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation du prononcé d'une astreinte.
La société GMG BAT, dont le recours est rejeté, est condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [U] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'heures supplémentaires et la demande en paiement d'une indemnité de contrepartie en repos
STATUANT à nouveau sur ces chefs,
CONDAMNE la société GMG BAT à payer à M. [D] [U] les sommes suivantes :
- 11 250 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2014 à 2016 et 1 125 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents
- 4 650 euros à titre d'indemnité de contrepartie en repos pour les années 2014 et 2015
Y AJOUTANT,
ORDONNE à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat rectifiés et un bulletin de salaire récapitulatif tenant compte des dispositions du présent arrêt
REJETTE la demande d'astreinte
CONDAMNE la société GMG BAT aux dépens d'appel
CONDAMNE la société GMG BAT à payer à M. [D] [U] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE