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07/03/2023 | FRANCE | N°22/06269

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 07 mars 2023, 22/06269


N° R.G. Cour : N° RG 22/06269 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OQJN

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT



ORDONNANCE DU 07 Mars 2023

contestations

d'honoraires



























DEMANDEUR :



Me [I] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]



comparant











DEFENDEUR :



M. [M] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]



comparant, assisté de Maître

GILBERT Ugo (toque 1331)





Audience de plaidoiries du 17 Janvier 2023





DEBATS : audience publique du 17 Janvier 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selo...

N° R.G. Cour : N° RG 22/06269 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OQJN

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DU 07 Mars 2023

contestations

d'honoraires

DEMANDEUR :

Me [I] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant

DEFENDEUR :

M. [M] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant, assisté de Maître GILBERT Ugo (toque 1331)

Audience de plaidoiries du 17 Janvier 2023

DEBATS : audience publique du 17 Janvier 2023 tenue par Pierre BARDOUX, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégataire du Premier Président dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées selon ordonnance du 2 janvier 2023, assisté de Sylvie NICOT, Greffier.

ORDONNANCE : contradictoire

prononcée publiquement le 07 Mars 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

signée par Pierre BARDOUX, Conseiller et Sylvie NICOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

''''

EXPOSE DU LITIGE

En janvier 2018, M. [M] [W] a pris attache avec Me [I] [G] dans le cadre d'un litige concernant une servitude de passage.

Par courrier du 29 novembre 2021 reçu le 2 décembre 2021, M. [W] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Villefranche-sur-Saône d'une demande de fixation d'honoraires.

Celui-ci par décision du 29 juillet 2022 a ordonné que M.[W] règle à Me [G] la somme de 855 € TTC, au titre du solde des honoraires dus pour le litige relatif à l'enlèvement des glissières de sécurité outre les intérêts au taux légal à compter de sa décision, ainsi que les dépens.

Cette décision a été notifiée par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception à Me [G] et M.[W] qui en ont accusé réception tous deux le 9 août 2022.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 septembre 2022, Me [G] a formé un recours contre cette décision.

Dans un courrier du 26 septembre 2022, M. [W] indique avoir procédé à l'émission d'un chèque de 855 € à l'ordre de Me [G].

A l'audience du 17 janvier 2023 devant le délégué du premier président, les parties s'en sont remises à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

Dans son mémoire déposé au greffe lors de l'audience, Me [G] sollicite l'infirmation de la décision du bâtonnier et demande au délégué du premier président de :

- débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [W] à s'acquitter du solde de la facture n°2021-09-748, soit la somme de 3 099,60 €, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- condamner M. [W] à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens et les frais d'émolument prévus à l'article 444-32 du code de commerce.

Il relate qu'une convention d'honoraires a été signée par M. [W] prévoyant un forfait de 1 813 € et un honoraire au taux horaire de 150 € HT au delà de 20 heures de travail et en cas de procédure annexe.

Il indique être d'abord intervenu dans le cadre de la saisine d'un conciliateur de justice, ensuite devant le tribunal d'instance et devant le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône.

Il fait valoir que M. [W] a payé ses deux factures de provision pour un montant total de 2 355 € mais s'est refusé à couvrir le solde de sa facture du 11 octobre 2021 d'un montant de 3 099,60 €.

Il soutient au visa de l'article 1103 du Code civil qu'en signant la convention d'honoraires M. [W] lui a confié la défense de ses intérêts pour l'assister ou le représenter devant la juridiction compétente. Il affirme avoir consacré 23 heures de travail au minimum pour effectuer ses diligences et que cette durée dépassait le forfait de 20 heures, en détaillant ses diligences pour chacune de ses interventions.

Il prétend qu'il avait terminé sa mission au moment où il a émis sa facture du 11 octobre 2021, qui a respecté les termes de l'article L. 441-9 du Code de commerce.

Dans son mémoire déposé le 6 décembre 2022, M. [W] demande au délégué du premier président de rejeter l'intégralité des demandes de Me [G] et sur son recours incident d'infirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle lui a ordonné de régler une somme de 855 € et de :

- faire interdiction à Me [G] de porter à l'encaissement le chèque de 855 € émis le 22 août 2022, et si ce chèque était encaissé de condamner Me [G] à lui payer cette somme,

- condamner Me [G] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il fait valoir que la convention d'honoraires signée entre les parties avait prévu un forfait de 1 813 € TTC et que le taux horaire convenu ne pouvait s'appliquer qu'en cas de dépassement d'une durée de 20 heures de travail.

Il considère que Me [G] ne produit pas les pièces nécessaires à établir les diligences facturées et ne justifie pas du temps effectivement consacré à leur accomplissement. Il ajoute qu'une partie des diligences facturées sont d'une durée excessive ou ne sont pas fondées telle la facturation d'une audience sans plaidoirie.

Il estime que Me [G] a initialement saisi une juridiction incompétente, le tribunal d'instance de Villefranche-sur-Saône, et s'est désisté pour saisir le tribunal de grande instance de cette ville. Il affirme que les diligences relatives à la première procédure devant le tribunal d'instance étaient manifestement inutiles et qu'il n'existait aucune raison légitime de facturer deux procédures au fond.

Il déplore la facturation effectuée en dehors du forfait sans qu'il en ait été averti préalablement et considère que Me [G] ne justifie pas des heures qu'il affirme avoir consacrées à la défense de ses intérêts.

Il souligne enfin que le juge de l'honoraire, tels le bâtonnier ou le premier président, sont incompétents pour statuer sur les émoluments et dépens invoqués par Me [G].

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux mémoires et conclusions régulièrement déposés ci-dessus visés.

MOTIFS

Attendu que la recevabilité du recours formé par Me [G] n'est pas discutée et les dates de notification et de recours ne peuvent y conduire ;

Attendu que les parties ne s'opposent pas sur l'existence d'une convention d'honoraires et sur sa nécessaire et impérative application au regard des termes de l'article 1103 du Code civil concernant toutes les diligences engagées par Me [G] ;

Que cette convention non datée a ainsi stipulé :

- une mission générale d'assistance et de représentation «en vue de mener à bien la défense [des intérêts du client] devant la juridiction compétente»,

- des honoraires forfaitaires de 1 813 € TTC hors frais et correspondant aux «dossiers simples, dont le coût prévisionnel est aisément déterminable»,

- «en cas de complication (plus de 20 heures de travail sur le dossier) et de procédures annexes, les honoraires de l'avocat seront revus en fonction de la charge de travail supplémentaire sur la base d'un taux horaire de 150 € HT (la facture fera ressortir une mention 'article 12'» ;

Attendu qu'il ressort des pièces du dossier que les deux factures de provision pour un montant total de 2 355 € ont été couvertes par des versements opérés par l'assurance de protection juridique de M. [W], montant qui dépassait objectivement le forfait convenu ;

Que le courrier de cet assureur, la GMF (COVEA), du 15 septembre 2021 envoyé à M. [W] objective que le versement de 1 695 € couvrait uniquement des honoraires sauf 39 € de droit de plaidoiries, cette somme s'ajoutant au premier versement de 600 € correspondant à la facture du 26 février 2019 ;

Attendu que M. [W] demande dans le cadre de ce recours que cette somme totale de 2 355 € soit considérée comme satisfactoire ;

Attendu que M. [W] ne discute pas la décision du bâtonnier en ce qu'elle a noté que ce dernier «dans son analyse et suggestion estime devoir un solde TTC de  1 269,60 € incluant à la fois les émoluments et dépens et les droits de plaidoirie, soit un solde d'honoraires proprement dit de 855 € TTC» ;

Qu'il n'explique pas plus que, suite à la notification de la décision du bâtonnier, il a envoyé un chèque de 855 € TTC à Me [G] correspondant au montant fixé dans cette décision et n'a pas entendu former un recours en contestation, recours qu'il a entendu présenter de manière incidente à la suite du propre recours de l'avocat ; que ce comportement confirme sans équivoque qu'il avait considéré comme pertinent le montant des honoraires fixé par le bâtonnier ;

Attendu que ce règlement par chèque à la suite d'une décision qui n'était pas assortie de l'exécution provisoire manifeste tout autant que M. [W] avait expressément accepté le principe même du dépassement du forfait contractuel de 20 heures ; qu'il convient d'ailleurs de relever qu'il avait pourtant accepté la proposition de Me [G] de limiter le forfait à 1 500 € TTC pour le début des interventions de l'avocat d'abord dans le cadre d'une conciliation et ensuite pour la saisine avortée du tribunal d'instance de Villefranche-sur-Saône ;

Qu'il ne peut ainsi déplorer une absence d'information de ce dépassement du forfait initial, connu dès l'intervention de son assureur ;

Attendu que M. [W] soutient l'écart des diligences engagées par Me [G] devant le tribunal d'instance de Villefranche-sur-Saône en soutenant qu'elles étaient manifestement inutiles et qu'il n'existait aucune raison légitime de lui facturer deux procédures au fond ;

Attendu qu'il n'appartient pas au juge de l'honoraire d'examiner directement ou indirectement la responsabilité de l'avocat, comme d'apprécier la qualité des prestations fournies ; que peuvent seulement être écartées les diligences manifestement inutiles au regard des règles de droit ou de procédure c'est à dire des actes objectivement insusceptibles de produire le moindre effet juridique ;

Attendu que Me [G] produit une copie de l'assignation ayant saisi le tribunal d'instance de Villefranche-sur-Saône, visant à la fois les articles 701, 702 et 1240 du code civil, et sollicitant notamment une indemnisation du préjudice inhérent aux désordres affectant le chemin sur lequel M. [W] disposait d'une servitude de passage ;

Que suite aux conclusions d'incompétence prises par les adversaires, Me [G] n'a pas entendu laisser le tribunal d'instance statuer sur cette question et a décidé un désistement d'instance, provoquant d'ailleurs la nécessité de délivrer une nouvelle assignation devant le tribunal judiciaire, contenant des prétentions identiques et fondées sur les mêmes moyens ;

Attendu que par cette prise de position, Me [G] a ainsi expressément confirmé qu'il était manifestement inutile de saisir le tribunal d'instance du litige opposant M. [W] aux consorts [O] ;

Attendu que les diligences ayant conduit l'avocat à rédiger une assignation et à suivre la procédure devant la juridiction lors de deux appels de l'affaire à l'audience, en l'état de l'acquiescement non équivoque à l'incompétence de la juridiction saisie qui était manifeste ; que les durées horaires imputées à ces diligences sont écartées et ne sont pas susceptibles d'entrer dans le forfait de 20 heures clairement convenu entre les parties ;

Attendu que comme l'a relevé M. [W], il appartient à Me [G] de justifier de ses diligences, mais la reconnaissance expresse faite par ce dernier d'un montant total d'honoraires et de droits de plaidoirie de 3 210 € (2 355 + 855 €) doit conduire l'avocat à tout le moins à établir des diligences non inhérentes à la saisine du tribunal d'instance et qui excédaient la durée de 27 heures et 30 minutes (forfait de 20 heures à 1 813 € et ensuite les heures au taux horaire contractuel de 180 € TTC) ;

Attendu que dans sa facture définitive, Me [G] a facturé un montant total d'honoraires de 5 040 €, soit après déduction du forfait de 1 800 € (outre 13 € de droit de plaidoirie) une durée supplémentaire de 18 heures à 180 € TTC, ce qui rend peu compréhensible le détail de ses diligences faisant état d'une durée totale de 23 heures en sus du forfait initial de 20 heures, soit 4 heures pour les recherches dites engagées pour choisir entre la saisine du juge des référés ou du tribunal de grande instance, 16 heures pour la procédure devant cette juridiction et 3 heures pour la procédure de rectification d'erreur matérielle ;

Attendu qu'il ressort des pièces du débat que :

- le premier rendez-vous au cabinet de Me [G] le 19 décembre 2018 d'une durée d'une heure n'est pas discuté,

- le temps d'analyse des pièces confiées par le client à l'avocat ne l'est pas plus, ces pièces étant constituées notamment de nombreux documents dont l'acte de vente, de courriers et de photographies, une durée de trois heures étant retenue à ce sujet,

- des échanges de courriers ont été nécessaires pour orienter la procédure devant le tribunal de grande instance et non devant le juge des référés, à la suite d'une recherche de jurisprudence dont l'avocat justifie par la production de deux pièces, une durée de trois heures étant proportionnée pour ces diligences,

- la rédaction de l'assignation devant le tribunal de grande instance a nécessité uniquement une durée de quatre heures, soit une heure en sus de celle facturée pour celle devant le tribunal d'instance, compte tenu de leur étroite similitude,

- l'analyse des premières conclusions adverses est quantifiée avec pertinence à deux heures même si elle ne sont pas produites compte tenu de ce que les écritures adverses suivantes intitulées «conclusions récapitulatives N°2» est fournie,

- rédaction des conclusions N° 1 d'une longueur de 26 pages, visant 3 pièces et incluant de nombreux documents graphiques pour laquelle la durée de trois heures est proportionnée,

- analyse des conclusions adverses N°2 d'une longueur de 13 pages et visant 15 pièces produites, estimée tout aussi justement à une heure,

- rédaction des conclusions N° 2 d'une longueur de 29 pages, visant 9 pièces et comportant des pages nouvelles à compter de la page 15, en particulier à compter de la page 23 commençant par «Réponse à conclusions» pour laquelle la durée de trois heures est proportionnée,

- la gestion du suivi de la procédure, dont la mise au rôle de l'assignation, le suivi de la mise en état estimée avec pertinence à une heure,

- les échanges dont 155 courriels échangés et les rendez-vous physiques ou téléphoniques avec le client, non discutés dans leur existence qui doivent être estimés à quatre heures,

- la préparation du dossier pour la plaidoirie pour laquelle une durée d'une heure était nécessaire,

- la plaidoirie pour laquelle une heure est décomptée avec mesure,

- la gestion de la rectification d'erreur matérielle pour laquelle une durée d'une heure trente telle que reconnue par M. [W] est retenue ;

Attendu que ces pièces permettent de déterminer une durée de 27 heures 30 correspondant au moment des honoraires fixés par le bâtonnier, et dont il vient d'être relevé qu'il a été accepté, les contestations élevées dans le cadre de ce recours étant de pure circonstance pour contrer celles de l'avocat ;

Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter les recours formés par les parties concernant le montant des honoraires déterminés dans la décision déférée ; que l'émission du chèque par M. [W] d'un montant de 855 € couvre l'intégralité des honoraires dus à l'avocat, aucune condamnation ne s'avérant plus nécessaire, Me [G] disposant de la possibilité de porter ce titre de paiement à l'encaissement ; que la prétention formée à cette fin par l'avocat doit être rejetée ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que compte tenu du résultat obtenu par chacune des parties qui ont entendu toutes deux former un recours, elles doivent garder la charge de leurs éventuels dépens inhérents à leur comparution devant le délégué du premier président et leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ne peuvent prospérer ;

Que la demande formulée par Me [G] au titre de l'article A.444-32 du Code de commerce, d'ailleurs insusceptible de prospérer, est devenue sans objet en l'état de ce qu'aucun paiement ne peut nécessiter une procédure de recouvrement forcé ;

PAR CES MOTIFS

Le délégué du premier président, statuant publiquement et par ordonnance contradictoire,

Rejetons les recours formés par Me [I] [G] et par M. [M] [W],

Rejetons les demandes présentées par Me [I] [G],

Disons que les parties gardent la charge de leurs éventuels dépens ici engagés et rejetons les demandes respectives présentées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 22/06269
Date de la décision : 07/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-07;22.06269 ?
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