La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2023 | FRANCE | N°19/08709

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 02 mars 2023, 19/08709


N° RG 19/08709 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYGV









Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond du 26 novembre 2019



RG : 2018j1146





SAS PHILIPPE EMOND FRANCE SAS



C/



SAS ANAVEO

SA AVIVA ASSURANCES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 02 Mars 2023







APPELANTE :



S.A.S. ENVERGURE [Localité 3] (ancienne

ment dénommée PHILIPPE EMOND FRANCE) prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]



Représentée par Me Michaël GUILLE de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque ...

N° RG 19/08709 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MYGV

Décision du Tribunal de Commerce de LYON au fond du 26 novembre 2019

RG : 2018j1146

SAS PHILIPPE EMOND FRANCE SAS

C/

SAS ANAVEO

SA AVIVA ASSURANCES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 02 Mars 2023

APPELANTE :

S.A.S. ENVERGURE [Localité 3] (anciennement dénommée PHILIPPE EMOND FRANCE) prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Michaël GUILLE de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 588, postulant et par Me Isabelle PENAUD de la SELARL OCTAV, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES :

S.A.S. ANAVEO prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470

S.A. AVIVA ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvain THOURET de la SCP D'AVOCATS CHAVRIER-MOUISSET- THOURET-TOURNE, avocat au barreau de LYON, toque : 732

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 19 Février 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 02 Mars 2023

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon bon de commande signé le 4 avril 2016, la SAS Philippe Emond France, devenue la société Envergure [Localité 3], concessionnaire automobile à commandé à la SAS Anaveo, assurée auprès de la SA Aviva Assurances, la livraison et l'installation d'un matériel de télésurveillance pour une durée de 60 mois sur son site de [Localité 6], outre un abonnement de télésurveillance.

Le matériel a été mis en service le 7 juillet 2016. Le procès-verbal de mise en service d'installation mentionnait les réserves suivantes : « connexion à distance et télésurveilleur non raccordés car aucune info pour le branchement sur la base car administrateur réseau absent. Client n'a pas fourni la carte SIM pour le secours GSM ».

Par courrier du 8 juillet 2016, la société Anaveo a demandé à la société Envergure [Localité 3] de lui fournir une ligne ADSL dédiée avec adresse IP Fixe et une carte SIM afin de paramétrer la consultation à distance, la mise en service du Zone Tracker et les remontées d'alarme vers le télésurveilleur. La société Anaveo a précisé qu'elle ne pourrait pas être tenue pour responsable en cas d'incident.

Dans la nuit du 4 au 5 juillet 2017, à 23h33, deux individus se sont introduits dans le parking du site de [Localité 6]. Plusieurs véhicules ont été dégradés.

Par courriel du 13 juillet 2017, la société Envergure [Localité 3] a demandé des explications à la société Anaveo.

Par courrier du 3 août 2017, la société Envergure [Localité 3] a indiqué à la société Anaveo envisager de mettre en cause sa responsabilité civile et l'a mise en demeure de justifier de la déclaration de sinistre faite auprès de son assureur.

Par courrier du 22 novembre 2017, la société Anaveo a indiqué se dégager de toute responsabilité mais a invité la société Philippe Emond France à effectuer une demande chiffrée à son assureur.

Par courrier du 24 janvier 2018, la société Envergure [Localité 3] a mis en demeure la société Anaveo de lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les préjudices subis. Ce courrier a été adressé simultanément à la SA Aviva Assurance, assureur de la société Anaveo.

Par courrier du 13 février 2018, la société Anaveo a estimé que sa responsabilité ne pouvait pas être engagée car il n'existait pas de défaillance de sa part.

Par acte d'huissier du 13 juillet 2018, la société Envergure [Localité 3] a fait délivrer assignation à la société Anaveo et à la société Aviva Assurances devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir la réparation de son préjudice total évalué à la somme de 91.709,52 euros.

Par jugement du 26 novembre 2019, ce tribunal a :

- jugé que la société Envergure [Localité 3] n'apporte pas la preuve que la télésurveillance a été mise en service par la société Anaveo le 22 novembre 2016,

- jugé que la société Envergure [Localité 3] a reconnu qu'elle n'avait pas pu prendre connaissance du message d'alerte car le téléphone portable du responsable du site BMW de [Localité 6] n'avait plus de batterie,

- jugé que la société Anaveo n'a commis aucune faute contractuelle liée au bon de commande du 4 avril 2016 et a jugé que la société Envergure [Localité 3] est seule à l'origine du sinistre qu'elle a subi,

- débouté, par voie de conséquence, la société Envergure [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Anaveo et la société Aviva Assurances,

- rejeté tous autres fins, moyens et conclusions contraires des parties,

- condamné la société Envergure [Localité 3] à payer à la société Anaveo la somme de 2.000 euros et la somme de 700 euros à la société Aviva Assurances au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Envergure [Localité 3] aux entiers dépens de l'instance.

La société Envergure [Localité 3] a interjeté appel par acte du 18 décembre 2019.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 16 mars 2020 fondées sur les articles 1134 et 1147 du code civil, la société Envergure [Localité 3] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,

En conséquence,

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- constater que les obligations contractuelles de la société Anaveo n'ont pas été intégralement remplies,

- juger que l'effraction de la nuit du 4 au 5 juillet 2017 est la conséquence directe de ce manquement,

- condamner la société Anaveo à lui payer la somme globale de 92.018,03 euros TTC à titre de dommages-intérêts résultant du préjudice subi par elle,

- condamner la société Aviva Assurances solidairement avec la société Anaveo au paiement des condamnations prononcées à l'encontre de la société Anaveo à son profit,

- condamner solidairement la société Anaveo et la société Aviva Assurances au paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

Dans tous les cas,

- condamner la société Anaveo à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Anaveo aux entiers dépens, avec pour ceux d'appel la faculté pour Me Guille de les recouvrer directement dans les termes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 mai 2020 fondées sur les articles 1134 et 1147 anciens et 1353 du code civil, la société Anaveo demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire et en cas de réformation,

- condamner la société Aviva Assurances à la relever et garantir en toutes condamnations qui seraient éventuellement prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

- débouter la société Envergure [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes dirigées à son encontre,

- condamner la société Envergure [Localité 3] à lui payer, en cause d'appel, la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Envergure [Localité 3] aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la Selarl Seigle Barrie & Associés sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 juin 2020 fondées sur les articles 1103, 1104 (anciennement 1134), 1231-1 (anciennement 1147) et 1353 du code civil, la société Aviva Assurances demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- débouter la société Envergure [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- juger que la société Envergure [Localité 3] ne rapporte pas la preuve de la réalité des dégradations sur les véhicules,

- juger que la société Envergure [Localité 3] ne justifie pas des préjudices invoqués,

- débouter la société Envergure [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires infondées et injustifiées,

- débouter la société Envergure [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- débouter la société Envergure [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Envergure [Localité 3] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Envergure [Localité 3] aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la société d'avocats Thouret Avocats, sur son affirmation de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 19 février 2021, les débats étant fixés au 12 janvier 2023.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est observé que le contrat ayant été régularisé entre les parties avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, complété par la loi du 20 avril 2018 ratifiant cette ordonnance, il demeure soumis à la loi ancienne, y compris pour ses effets légaux et pour les dispositions d'ordre public, conformément à l'article 9 de cette ordonnance.

Sur la responsabilité de la société Anaveo

La société Envergure [Localité 3] fait grief au jugement déféré d'avoir retenu qu'elle admet avoir refusé le raccordement à un centre de télésurveillance afin de ne pas déranger son personnel, alors que cette affirmation est fausse et qu'aucune pièce du dossier ne vient en démontrer la réalité.

S'agissant du manquement contractuel elle soutient que :

-le contrat régularisé avec la société Anaveo stipule que l'installation est reliée à un centre de télésurveillance, de sorte qu'il appartient à l'intimée de prouver que le contrat a été modifié et que cette modification a été réalisée à la demande du client, laquelle preuve n'est pas rapportée,

-le 22 novembre 2016 son administrateur réseau a confirmé à la société Anaveo qu'elle pouvait brancher la télésurveillance et lui a fourni toutes les informations techniques nécessaires,

-la société Anaveo est donc intervenue le 22 novembre 2016 pour procéder au raccordement au centre de télésurveillance et lui a remis le double de la fiche de consignes télésurveillance intégralement complétée par elle à l'issue de son intervention, datée par ses soins du 22 novembre 2016 date de la mise en service, laquelle fiche mentionne un procès verbal de mise en service portant la mention « totale »,

-par mail du 5 juillet 2017, la société Anaveo a sollicité ses services techniques après le sinistre afin de savoir pourquoi la télésurveillance n'a pas fonctionné,

-la société Anaveo ne démontre pas que l'installation de la télésurveillance aurait été sollicitée seulement postérieurement au sinistre,

-la société Anaveo qui s'est aperçue après le sinistre que la télésurveillance n'était pas opérationnelle a finalisé les branchements le 7 juillet 2017,

-le procès-verbal de mise en service de la télésurveillance du 7 juillet 2017 qu'elle n'a pas signé est un document interne de l'intimée établi pour les besoins de la cause et prouve seulement que l'intimée n'a remplie ses obligations que postérieurement au sinistre,

-il importe peu que le responsable du site n'ait plus eu de batterie sur son téléphone et qu'il n'ait pas pu lever le doute sur les déclenchements d'alarme alors que si le système avait fonctionné une trace des messages vocaux serait apparue sur le smartphone ce qui n'est pas le cas,

-conformément au contrat, si le client ne lève pas le doute suite au déclenchement de l'alarme, le télésurveilleur doit, à l'aide de la vidéo déterminer si un délit est en train d'être commis, et recourir aux forces de l'ordre ce qu'il n'a pas fait, ce qui démontre que le télésurveilleur n'était pas connecté à l'alarme,

S'agissant des dommages subis, elle se prévaut d'un préjudice financier correspondant au montant des réparations des véhicules dégradés, outre les frais d'expertise et les frais de dépréciation des véhicules.

La société Anaeo fait quant à elle valoir que :

-le 7 juillet 2016 un procès-verbal de mise en service de l'installation a été régularisé par les parties portant une réserve tenant à l'absence de fourniture d'une ligne ADSL par la cliente empêchant le raccordement de la télésurveillance,

-le 8 juillet 2016, elle a informé la cliente de l'impossibilité de ce raccordement,

-le 22 novembre 2016 la cliente a fourni une ligne ADSL mais elle n'a pas souhaité que la télésurveillance soit mise en place au motif que le responsable de la concession automobile de [Localité 6] ne souhaitait pas être dérangé constamment par le télésurveilleur et qu'il était prévenu par message vocal sur son téléphone de sorte que la télésurveillance n'a jamais été raccordée à la demande de la cliente,

-aucun procès-verbal de mise en service de la télésurveillance n'a été régularisé, aucune facture n'a été émise et aucun loyer de télésurveillance n'a été payé,

-le système d'alarme a bien détecté une intrusion et a envoyé un message vocal sur le téléphone portable du responsable de site et ce dernier a reconnu qu'il n'avait plus de batterie sur son téléphone portable ce qui l'a empêché d'en prendre connaissance,

-les mails échangés ne justifient pas la mise en service effective de l'installation,

-le document établi par Visioveille le 22 novembre 2016 n'est pas un procès-verbal de mise en service de la télésurveillance mais une simple fiche de consigne et ce document n'est pas régularisé par la société Securitas, télésurveilleur, ni signé par elle,

-la mise en service effective de la télésurveillance date du 7 juillet 2017 comme cela résulte du procès verbal, (pièce 8),

-les conditions générales de vente ne stipulent aucunement que si le client ne lève pas le doute lui-même suite au déclenchement de l'alarme, le télésurveilleur prend le relais et vérifie si un délit est en train de se commettre,

-la société Emond a reconnu qu'elle n'a pas pu prendre connaissance du message d'alerte en raison de l'absence de batterie sur le téléphone portable de responsable du site,

-l'email du 5 juillet 2016 émanant de M. [E], son commercial ne constitue pas une reconnaissance de ce que la télésurveillance n'a pas fonctionné, mais seulement une retransmission des propos de la cliente par ce dernier qui n'a effectué aucune constatation technique, et alors que le technicien a ensuite indiqué dans un mail du 6 juillet 2017 que tout avait fonctionné.

Pour s'opposer à la demande indemnitaire, elle soutient que :

-la preuve des préjudices n'est pas rapportée alors que les rapports d'expertise ne sont pas contradictoires,

-les factures de réparation établies par la société Emond et à son attention sont dépourvues de valeur probante dès lors que ce sont des preuves à soi-même,

-la preuve de la dépréciation des véhicules n'est pas rapportée,

-la preuve qu'elle a payé l'expertise n'est pas rapportée alors que celle-ci semble avoir été diligentée à la demande de son assureur.

La société Aviva Assurances fait valoir que :

-l'installation n'a pu être finalisée en juillet 2016 en raison de la carence de la société Emond qui n'a pas fourni de ligne ADSL et dans l'attente la société Anaveo a mis en place un transmetteur Vocalys permettant l'envoi d'un message vocal au responsable du site,

-le 22 novembre 2016 lors de l'intervention en vue du raccordement le responsable du site a refusé la télésurveillance afin de ne pas être dérangé par le télésurveilleur,

-la société Emond n'a jamais réfuté s'être opposée en novembre 2016 au raccordement du dispositif,

-ni l'email interne de la société appelante ni les échanges de mail d'octobre 2016 et du 22 novembre 2016 qui mentionnent seulement que les ports de branchements étaient prêts pour l'installation, ni le document Visioveille qui n'est pas un procès-verbal de réception, faute de signature du télésurveilleur, ne démontrent la mise en service effective de la télésurveillance, alors que le contrat exige un procès-verbal de réception de l'installation,

Elle affirme que la société Envergure [Localité 3] est responsable de l'intrusion au motif que :

-le transmetteur Vocalys a fonctionné comme l'appelante l'a reconnu dans son assignation mais le responsable du site de la société Envergure [Localité 3] n'a pas pu prendre connaissance du message vocal ni effectuer la levée de doute car son portable n'était pas chargé,

-les articles 2 et 5 du contrat ne prévoient nullement que si le client ne lève pas le doute lui-même suite au déclenchement de l'alarme, le télésurveilleur prend le relais,

-l'appelante reconnaît que faute de raccordement de la télésurveillance, le télésurveilleur ne pouvait effectuer une quelconque levée de doute.

S'agissant des préjudices, elle fait valoir que :

-l'appelante se prévaut de onze véhicules dégradés alors qu'elle ne faisait état que de cinq véhicules endommagés dans sa chronologie des faits et la preuve d'un lien de causalité entre les dégradations et l'intrusion n'est pas rapportée,

-les rapports d'expertise sont dépourvus de valeur probante du fait de l'absence de caractère contradictoire,

-les factures de réparation établies par la société Envergue [Localité 3] et libellées à son intention sont dépourvues de valeur probante dès lors qu'il s'agit de preuves à sois-même,

-la preuve du règlement des frais d'expertise n'est pas rapportée,

-la preuve de la dépréciation des véhicules n'est justifiée par aucune pièce,

-la preuve d'une résistance abusive n'est pas rapportée

En application de l'article 1134 alinéa 1er ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Par ailleurs, conformément à l'article 1147 ancien du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La mise en jeu de la responsabilité contractuelle suppose de démontrer l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le manquement contractuel et le dommage subi.

En outre, aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il en résulte que, hormis le cas où la loi en dispose autrement, le juge ne peut fonder sa décision sur le seul rapport d'expertise amiable non contradictoire que s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

En l'espèce, selon bon de commande signé le 4 avril 2016, la société Envergure [Localité 3], concessionnaire automobile à commandé à la SAS Anaveo, assurée auprès de la SA Aviva Assurances, la livraison et l'installation d'un matériel de télésurveillance pour une durée de 60 mois sur son site de [Localité 6], outre un abonnement de télésurveillance.

Il ressort des pièces du dossier que :

-les parties ont signé le 7 juillet 2016 un procès-verbal de mise en service d'installation assorti des réserves ainsi libellées : « connexion à distance et télésurveilleur non raccordés car aucune information pour le branchement sur la box car administrateur réseau absent. Client n'a pas fourni la carte SIM pour le secours GSM »,

-selon courrier recommandé avec accusé de réception du 8 juillet 2016, la société Anaveo a rappelé à la société Envergure [Localité 3] qu'elle devait lui fournir une ligne ADSL dédiée avec adresse IP Fixe afin de pouvoir paramétrer la consultation à distance et la mise en service du zone tracker ainsi que ses remontées d'alarme vers son télésurveilleur et une carte SIM pour recevoir les remontées d'alarmes en cas de défaillance de sa ligne téléphonique,

-le 22 novembre 2016, la société Envergure [Localité 3] a fourni à la société Anaveo les paramétrages réseaux demandés, nécessaires à la finalisation de l'installation, comme en attestent les échanges de mail avec son administrateur réseau, M. [H] [D], ce que la société Anaveo ne conteste pas.

La société Avaneo déclare expressément qu'elle n'a néanmoins procédé à aucun raccordement du système de télésurveillance le 22 novembre 2016, arguant d'une mise en service du dispositif le 7 juillet 2017, soit postérieurement à l'effraction survenue dans les locaux de la société Envergure [Localité 3] dans la nuit du 4 au 5 juillet 2017, sans que cette installation effective ne soit au demeurant démontrée, le document à en-tête « securitas » du 7 juillet 2017 qu'elle verse aux débats en pièce n° 8 ne constituant pas un procès-verbal de réception de l'installation.

Or, si elle impute ce défaut de finalisation de l'installation le 22 novembre 2016 à la volonté de la société Envergure [Localité 3] de mettre en suspend le raccordement dans l'attente du choix d'un prestataire de gardiennage pour ne pas déranger directement son personnel, la cour observe que cette allégation n'est assortie d'aucune offre de preuve.

En conséquence, la société Anaveo qui reconnaît expressément ne pas avoir procédé au raccordement du système de vidéosurveillance malgré la fourniture par sa cliente des éléments techniques nécessaires à la levée des réserves émises le 8 juillet 2016 et à la mise en fonctionnement de l'installation, a manqué à ses obligations contractuelles.

La cour relève encore que contrairement à ce que soutient l'appelante qui admet que le téléphone portable de son responsable de site était éteint, il ressort du journal des événements du système de détection installé dans les locaux surveillés que des alertes ont bien été envoyées sur le téléphone portable du responsable de site de la société Envergure [Localité 3] comme en atteste les mentions « succès de l'envoi du message push ».

Pour autant, l'absence de réaction du responsable de site du fait de l'inactivation de son téléphone portable, n'est pas de nature à exonérer la société Anaveo de sa responsabilité, alors que contrairement à ce que soutient cette dernière, il ressort des conditions générales de vente que si le client ne lève pas le doute lui-même suite au déclenchement de l'alarme, le télésurveilleur prend le relais et vérifie si un délit est en train de se commettre.

En effet, l'article 2 des conditions générales du contrat stipule que « les prestations consistent dans le traitement à distance par une Station Centrale de Télésurveillance (SCT), via un transmetteur installé sur le site du client, des informations spécifiques définies par le client et répertoriées dans la table d'alarme, à savoir notamment : les informations d'alarme, les informations de service, les informations techniques, les informations de contrôle. En cas de réception par le SCT d'une alarme, les prestations s'achèvent par la mise en application par Visioveille des consignes rédigées et signées par le client, et le cas échéant, par la mise en 'uvre de la procédure de levée de doute vidéo décrite en article 5 ci-après. Les prestations n'incluent ni les opérations de fourniture, entretien, réparation de l'installation locale, ni l'intervention humaine sur les sites télésurveillés en cas d'alarme. L'exécution des prestations est subordonnée à la réalisation par le SCT de tests et essais de fonctionnement dûment validés par un procès-verbal de réception signé par les parties ».

L'article 5 des mêmes conditions générales stipule que « toute demande d'intervention des forces de police ou de gendarmerie est impérativement subordonnée à la mise en 'uvre par Visioveille d'une procédure de levée de doute (audio ou vidéo en fonction de la nature de l'installation locale et/ou par intervention d'un agent de sécurité), visant à collecter les indices apparents pouvant laisser croire qu'un délit est en train ou vient de se commettre. Il est expressément rappelé que l'intervention effective des forces de police ou de gendarmerie ressort de leur pouvoir souverain d'appréciation ».

L'article 6 prévoit enfin que « le client choisi librement les moyens de transmission techniquement compatibles avec les centrales de réception de la SCT permettant à Visioveille d'effectuer la levée de doute prévue en article 5 ci-dessus (') ».

Or, sauf à vider le contrat de son objet et étant rappelé qu'en application des articles 1189 alinéa 1er et 1190 du code civil, toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier et que dans le doute, le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé, il résulte de l'article 2 précité que le terme « le cas échéant » s'entend nécessairement de l'hypothèse dans laquelle le client n'a pas été en mesure de lever le doute lui-même, étant relevé qu'aucune stipulation contractuelle ne met à la charge du client une obligation d'être joignable à tout moment pour procéder à cette levée de doute en cas de déclenchement de l'alarme.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'appelante est bien fondée à rechercher la responsabilité de la société Anaveo, laquelle faute de raccordement du dispositif n' pas permis au télésurveilleur de procéder à la levée de doute et de prendre les mesures qui s'imposaient eu égard à l'effraction en cours dans les locaux de la société appelante. En conséquence, le jugement déféré qui a retenu, en l'absence de tout élément de preuve, que c'est à la demande de la société Envergure [Localité 3] que le système de télésurveillance n'avait pas été raccordé par la société Anaveo le 22 novembre 2016 doit être infirmé sur ce point.

Néanmoins, la cour relève qu'au soutien de l'existence de dégradations des véhicules, qu'elle allègue, la société Envergure [Localité 3] se prévaut d'un rapport d'expertise amiable et non contradictoire établi à sa demande le 14 septembre 2017 par la société Nettelet Expertises ainsi que de factures de réparations de véhicules établies par elle-même et libellées à sa propre attention. Il s'en suit que la société Anaveo est bien fondée à soutenir que ces éléments qui constituent de la part de l'appelante des preuves à sois-même sont dépourvues de toute valeur probante et impuissante à justifier de l'existence des dommages allégués. En conséquence la demande indemnitaire formée par la société Envergure [Localité 3] ne saurait prospérer et le jugement déféré doit être confirmé par substitution de motifs.

Sur la résistance abusive de la société Anaveo

L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de la société Anaveo une faute de nature à faire dégénérer en abus, le droit de se défendre en justice. Il n'est pas fait droit à la demande de dommages et intérêts formée à ce titre. Le jugement déféré doit être confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la société Envergure [Localité 3] qui, en équité est déchargée de l'indemnité de procédure à laquelle elle a été condamnée en première instance au profit de la société Anaveo et de la société Aviva Assurances, aucune autre indemnité n'étant non plus prévue pour celles-ci pour la cause d'appel. Il convient donc d'infirmer le jugement déféré sur ce dernier point.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme par substitution de motifs le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Envergure [Localité 3] à payer à la société Anaveo la somme de 2.000 euros et la somme de 700 euros à la société Aviva Assurances au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute la société Anaveo et la société Aviva Assurances de leur demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel,

Condamne la société Envergure [Localité 3] aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 19/08709
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;19.08709 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award