N° RG 21/04704 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NVBA
décision du
Juge aux affaires familiales de LYON
Au fond
du 12 avril 2021
RG :18/11093
[V]
C/
[P]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre A
ARRET DU 01 Mars 2023
APPELANTE :
Mme [I], [E] [V]
née le 12 Janvier 1959 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Marie-christine PINEL de la SELARL LINK ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
INTIME :
M. [U] [P]
né le 06 Novembre 1951 à [Localité 8]
c/ Mme [N] [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Olivia EMIN de la SELARL LEGAL AVOCATS, avocat au barreau de LYON
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 15 Décembre 2022
Date des plaidoiries tenues publiquement : 18 Janvier 2023
Date de mise à disposition : 01 Mars 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré:
- Isabelle BORDENAVE, présidente
- Georges PEGEON, conseiller
- Géraldine AUVOLAT, conseillère
assistée pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, auquel la minute a été remise par la magistrate signataire.
* * * * *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [I] [V] et M. [U] [P] ont vécu en concubinage de 1995 à 2017, sans avoir conclu de pacte civil de solidarité.
Le 25 mai 2011, ils ont acquis à parts égales une maison d'habitation à [Localité 6] (Rhône), selon acte notarié reçu par Me [T] [Y], notaire à [Localité 7] (Rhône), dans laquelle ils ont fixé leur résidence principale, moyennant un prix de 370 000 euros.
M. [P] en est parti en 2017.
Depuis leur séparation, Mme [V] occupe seule la maison.
Les parties ne sont pas parvenues à liquider amiablement leur indivision.
Par assignation du 22 octobre 2018, Mme [V] a saisi le juge aux affaires familiales afin d'ordonner, avec exécution provisoire, l'ouverture des opérations de liquidation, compte et partage de l'indivision et de juger qu'elle est créancière de la somme de 370 000 euros à l'égard de l'indivision, ce montant correspondant à la valeur de la maison sise à [Localité 6].
Dans ses dernières conclusions, M. [P] demandait notamment au juge, à titre principal, de dire que le prix de vente du bien indivis serait distribué en deux parts égales compte tenu de l'intention libérale de Mme [V] à son égard, ou, à titre subsidiaire, de la condamner à lui verser les sommes de 42 000 euros pour les versements effectués et non-contestés, et de 59 714,47 euros pour les travaux d'amélioration, tout en jugeant qu'il y aura lieu de distribuer le montant de la plus-value du bien indivis en deux parts égales, et en tout état de cause de la condamner à lui verser les sommes de 16 800 euros (à parfaire) au titre de l'indemnité d'occupation, ou faire évaluer par l'expert le montant due au titre de l'indemnité d'occupation, et à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par jugement du 12 avril 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lyon a :
- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation, compte et partage de l'indivision ayant existé entre Mme [V] et M. [P],
- désigné pour y procéder Me [O] [W], notaire à [Localité 4],
- désigné le juge du cabinet 9 aux fins de surveiller les opérations de liquidation partage et faire rapport en cas de difficulté,
- dit qu'il pourra être procédé au remplacement du notaire empêché par simple ordonnance sur requête,
- dit que le notaire commis accomplira sa mission conformément aux dispositions de l'article 1364 et suivants du code de procédure civile,
- autorisé le notaire commis à prendre tous renseignements utiles auprès de la direction générale des finances publiques par l'intermédiaire du fichier national des comptes bancaires et assimilés (FICOBA ' FICOVIE),
- dit que le notaire aura la faculté de se faire communiquer tous les documents qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission et invité les parties à procéder à cette communication dans les délais impartis à peine de condamnation sous astreinte par le juge commis,
- rappelé que le notaire dispose d'un délai d'une année à compter de l'accusé réception de sa désignation par le greffe pour dresser son projet liquidatif, et que si les désaccords persistent, il transmet au tribunal un procès-verbal de dires, ainsi que le projet d'état liquidatif alternatif tenant compte s'il y a lieu des thèses des deux parties, avec la motivation expresse du notaire commis, soumis à la discussion contradictoire des parties sous la forme d'un pré-rapport,
- rappelé que, si les parties parviennent à un accord, le notaire informe le juge aux affaires familiales qui constatera la clôture de la procédure,
- débouté Mme [V] de sa demande aux fins d'une créance sur l'indivision de 370 000 euros ou de sa demande de créance sur M. [P], au titre de son apport, lors de l'acquisition du bien indivis,
- dit que le partage du bien indivis, après évaluation à la date la plus proche possible du partage, s'opérera par moitié, sous réserve des comptes à faire entre les parties à compter de juillet 2017,
- débouté M. [P] de sa demande de créance sur l'indivision de 59 714,47 euros au titre de dépenses sur le bien indivis,
- dit que Mme [V] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation de 640 euros par mois à compter de juillet 2017,
- dit que Mme [V] est créancière sur l'indivision des impenses et taxes payées par elle sur le bien indivis à compter de juillet 2017,
- dit qu'il appartiendra au notaire désigné d'établir le compte d'indivision entre Mme [V] et M. [P] sur cette base, et de former les lots en considération des droits de chaque indivisaire,
- débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Par déclaration du 28 mai 2021, Mme [V] a interjeté appel du jugement en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande aux fins d'une créance sur l'indivision de 370 000 euros ou de sa demande de créance sur M. [P], au titre de son apport, lors de l'acquisition du bien indivis,
- a dit que le partage du bien indivis, après évaluation à la date la plus proche possible du partage, s'opérera par moitié, sous réserve des comptes à faire entre les parties à compter de juillet 2017,
- a dit qu'elle est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation de 640 euros par mois, à compter de juillet 2017,
- a débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure
civile,
- a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
- a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Au terme de conclusions notifiées le 11 juillet 2022, Mme [V] demande à la cour de :
- déclarer recevable l'appel interjeté par elle le 28 mai 2021 à l'encontre du jugement du juge aux affaires familiales de Lyon en date du 12 avril 2021 ;
En conséquence,
- réformer la décision du 12 avril 2021 en ce qu'elle a :
- débouté Mme [V] de sa demande aux fins d'une créance sur l'indivision de 370 000 euros ou de sa demande de créance sur M. [P], au titre de son apport, lors de l'acquisition du bien indivis,
- dit que le partage du bien indivis, après évaluation à la date la plus proche possible du partage, s'opérera par moitié, sous réserve des comptes à faire entre les parties à compter de juillet 2017,
- dit que Mme [V] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation de 640 euros par mois, à compter de juillet 2017,
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage,
- confirmer la décision du 12 avril 2021 en ce qu'elle a débouté M. [P] de sa demande de créance sur l'indivision de 59 714,47 euros au titre de dépenses sur le bien indivis,
Statuant à nouveau :
- juger que M. [P] ne rapporte pas la preuve de l'intention libérale de Mme [V],
- juger qu'elle est créancière à l'égard de l'indivision de la somme de 370 000 euros,
- juger que la liquidation de l'indivision doit s'effectuer selon les modalités suivantes :
Compte d'indivision
1/ Compte de Mme [V]
- créance de Mme [V] contre l'indivision : 370 000 euros
- dette de Mme [V] à l'égard de l'indivision : 0 euro
Soit un solde en sa faveur de 370 000 euros
2/ Compte de M. [P]
- Créance de M. [P] contre l'indivision : 0 euro
- dette de M. [P] à l'égard de l'indivision : 0 euro
Soit un solde en sa faveur de 0 euro
Actif indivis
- maison de [Localité 6] 370 000 euros
Soit un total de 370 000 euros
Passif indivis
- dette de l'indivision à l'égard de Mme [V] 370 000 euros
Soit un total de 370 000 euros
Actif net
- Actif 370 000 euros
- Passif 370 000 euros
Soit un total de 0 euro
Pour fournir à Mme [V] le paiement de la créance qu'elle détient à l'encontre de l'indivision, il lui est alloué la maison d'habitation de [Localité 6] de 370 000 euros.
- débouter M. [P] de sa demande créance à l'encontre de l'indivision pour des dépenses sur le bien indivis dont il ne rapporte pas la preuve,
- condamner M. [P] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire,
- dire et juger que Mme [V] est créancière à l'égard de M. [P] de la somme de 185 000 euros,
- dire et juger qu'il y a lieu de déduire du montant de cette créance la somme remboursée par M. [P] au titre du remboursement du prêt soit 42 200 euros,
Par voie de conséquence,
- condamner M. [P] à lui payer la somme de 142 800 euros,
En tout état de cause,
- dire et juger que la créance correspondant à 50 % du prix d'acquisition du bien devra être réévaluée sur le fondement de l'article 815-13 en fonction de la valeur du bien au moment du partage à intervenir,
- débouter M. [P] de toutes ses demandes,
- condamner M. [P] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
- condamner M. [P] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Mme [V] fait valoir qu'il convient de confirmer l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage en l'absence d'accord des parties.
Elle estime détenir une créance de 370 000 euros à l'encontre de l'indivision au motif qu'elle a payé au comptant la totalité du prix d'acquisition.
Elle expose subsidiairement que les parties sont convenues que M. [P] lui rembourserait les sommes avancées en fonction de ses possibilités financières, notamment à compter de la perception de sa retraite en 2012, et qu'il lui est en conséquence encore redevable de la somme de 142 800 euros, correspondant à la moitié du prix d'acquisition, une fois déduits les remboursements partiels déjà effectués à hauteur de 42 200 euros.
Mme [V] fait valoir que sa créance n'est pas remise en cause pas une quelconque intention libérale de sa part, ni par sa contribution aux charges du ménage, ou celle de M. [P].
Elle précise que c'est à tort que le tribunal a tenu compte de la situation professionnelle de M. [P] pour conforter l'existence d'une donation, alors que ce dernier a déjà été rémunéré et gratifié par elle, lorsqu'elle l'employait.
Mme [V] soutient qu'il convient de lui attribuer le bien indivis, dans lequel elle réside, au titre de sa créance.
Elle s'oppose au principe même d'une indemnité d'occupation due à l'indivision, soutenant que M. [P] n'a jamais été empêché de jouir du bien indivis dont il est parti de sa propre initiative, en conservant les clefs. Mme [V] précise même que ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'elle a donné son accord sur le montant de ladite indemnité en première instance.
Elle estime infondée la demande formée par M. [P] au titre des dépenses qu'il a prétendument exposées lors de travaux dans le bien indivis, faute pour ce dernier d'expliquer le calcul réalisé, de justifier la somme réclamée, de produire la moindre facture et de qualifier juridiquement ces dépenses. Mme [V] précise que M. [P] a conservé l'ensemble des outils dont il demande le remboursement, et elle expose avoir elle-même financé des travaux dans la maison indivise dont elle a également réglé l'ensemble des dépenses indivises depuis le départ de M. [P].
Au terme de conclusions notifiées le 4 avril 2022, M. [P] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en date du 12 avril 2021 en ce qu'il a :
- débouté Mme [V] de sa demande aux fins d'une créance sur l'indivision de 370 000 euros ou de sa demande de créance sur M. [P], au titre de son apport, lors de l'acquisition du bien indivis,
- dit que le partage du bien indivis, après évaluation à la date la plus proche possible du partage, s'opérera par moitié, sous réserve des comptes à faire entre les parties à compter de juillet 2017,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté M. [P] de sa demande de créance sur l'indivision de 59 714,47 euros au titre de dépenses sur le bien indivis,
- dit que Mme [V] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation de 640 euros par mois, à compter de juillet 2017 ;
- débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- juger que Mme [V] est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation de 800 euros par mois à compter de juillet 2017, soit la somme de 41 600 euros,
- dire qu'il est créancier à l'égard de l'indivision de la somme de 40 237,60 euros au titre de dépenses sur le bien indivis,
- débouter Mme [V] de sa demande subsidiaire de demande de créance sur l'indivision de 62 653,59 euros,
- condamner Mme [V] au paiement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [V] aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.
M. [P] fait valoir que l'achat en indivision litigieux recèle manifestement une intention libérale de la part de Mme [V] à son égard, l'acte notarié consacrant des droits égaux, en l'absence de toute rémunération ou indemnisation. Il ajoute n'avoir perçu aucun salaire pendant plusieurs années, alors que son travail valorisait le bien principalement détenu par Mme [V], laquelle en a retiré un profit substantiel lors de la vente.
Il estime qu'il convient de répartir le prix de vente par moitié entre les concubins indépendamment de leurs apports respectifs, et qu'il ne s'est jamais engagé à financer sa part indivise.
Il soutient que les sommes qu'il a régulièrement versées à Mme [V] ne correspondent pas au commencement d'exécution d'une éventuelle obligation de remboursement, mais seulement au paiement des charges courantes, de ménage et d'entretien du domicile. Il indique que c'est à juste titre que le tribunal n'a pas qualifié ces virements d'échéances de remboursement, en tenant compte de la confusion des intérêts des concubins pendant la durée de leur relation.
M. [P] soutient également avoir effectué de nombreux travaux d'amélioration du bien indivis, pour lesquels il estime détenir une créance de 40 237,60 euros contre l'indivision. Il explique rapporter la preuve du paiement grâce à ses relevés de compte mais ne pas être en mesure de produire les factures, qui sont restées en possession de Mme [V].
Il considère que Mme [V] ne démontre pas avoir effectivement réglé la somme de 62 653,59 euros, qu'elle fait valoir au titre des dépenses engagées pour le bien indivis. M. [P] indique aussi qu'il est normal qu'elle prenne en charges les dépenses d'entretien de la maison dès lors qu'il n'habite plus les lieux.
M. [P] fait valoir, à titre subsidiaire, que la somme de 42 000 euros doit lui être allouée au titre de sa créance sur l'indivision, si le tribunal qualifie cette somme versée à Mme [V] comme un remboursement, en déduction de l'avance accordée par celle-ci lors de l'acquisition du bien.
Il soutient que Mme [V] est redevable d'une indemnité d'occupation, dès lors qu'elle occupe privativement le bien depuis leur séparation, et que les parties se sont accordées sur une valeur locative mensuelle du bien estimée à 800 euros. Si le jugement a appliqué une décote de 20 % pour déterminer l'indemnité finalement due, M. [P] maintient néanmoins sa demande d'indemnité au montant ayant fait l'objet d'un accord des parties,
soit 800 euros par mois. Selon lui, c'est la jouissance exclusive du bien qui ouvre le droit à l'indemnité, indépendamment de qui émane la volonté de départ du bien indivis.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2022 et l'affaire a été plaidée le 18 janvier 2023 puis mise en délibéré ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour
L'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que la cour n'est tenue de statuer que sur les demandes figurant dans le dispositif des conclusions des parties.
Par l'effet dévolutif de l'appel la cour connaît des faits survenus au cours de l'instance d'appel, postérieurement à la décision déférée, et statue au vu de tous les éléments justifiés même s'ils n'ont été portés à la connaissance de l'adversaire qu'au cours de l'instance d'appel.
Il convient de relever que les parties sont d'accord sur l'échec du partage amiable et la nécessité d'ordonner l'ouverture des opérations de liquidation, compte et partage.
Le tribunal a par ailleurs jugé que l'indivision sera redevable des taxes et impenses intégralement réglées par Mme [V] pour la période postérieure à la vie commune, soit à compter du mois de juillet 2017, jusqu'au partage, et qu'il lui appartiendra de chiffrer sa demande à ce titre devant le notaire désigné, point non remis en cause par les parties.
Sont soumis à la cour, au regard de l'acte d'appel et des dernières conclusions des parties, les points suivants :
Le compte d'indivision :
- la créance de Mme [V] contre l'indivision au titre de son apport,
- la créance de M. [P] au titre des dépenses de travaux pour le bien indivis,
Le compte d'administration : l'indemnité d'occupation,
Les créances entre les parties : la créance demandée subsidiairement par Mme [V] au titre de son apport,
Les autres demandes :
- l'attribution du bien indivis au profit de Mme [V],
- les frais et dépens.
Il apparaît que les conclusions de l'intimé, déposées dans son dossier, sont distinctes de celles notifiées par Rpva le 4 avril 2022 ; la cour n'examinera le litige que sur la base de ces dernières conclusions, lesquelles ont été régulièrement notifiées, et au vu du bordereau de communication de pièces annexé aux premières conclusions du 8 novembre 2021.
Le compte d'indivision :
Il ressort de l'acte notarié du 25 mai 2011, que les parties, non soumises à un pacte civil de solidarité, ont acquis la propriété du bien indivis situé à [Localité 6], à concurrence de 50 % chacune en pleine propriété, ce moyennant le prix de 370 000 euros payé comptant.
Il n'est pas contesté, ainsi qu'il est par ailleurs justifié par les pièces produites, que cette somme a été intégralement réglée par Mme [V].
- Sur la créance de Mme [V] contre l'indivision au titre de son apport
Mme [V] demande à la cour d'infirmer le jugement, qui l'a déboutée de sa demande visant à la déclarer créancière de la somme de 370 000 à l'égard de l'indivision, au motif qu'elle a payé seule et au comptant la totalité du prix d'acquisition.
Si l'article 815-13 du code civil permet à un indivisaire de prétendre à une indemnité à l'encontre de l'indivision évaluée selon les modalités qu'il prévoit lorsqu'il a, à ses frais, amélioré l'état d'un bien indivis ou fait de ses deniers personnels des dépenses nécessaires à la conservation de ce bien, ce texte n'a cependant pas vocation à s'appliquer aux dépenses d'acquisition.
Il convient dès lors de confirmer le jugement sur ce point.
- Sur la créance de M. [P] au titre des dépenses de travaux pour le bien indivis
M. [P] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à le déclarer créancier de la somme de 59 714,47 euros au titre de ses dépenses sur le bien indivis, et sollicite désormais à la cour de le dire créancier de la somme de 40 237,60 euros à ce titre.
Au soutien de cette demande, M. [P] produit ses relevés de compte bancaire du mois de mars 2011 au mois de février 2017, sur lesquels figurent de multiples dépenses, dans de nombreuses enseignes, telles que Castorama, Darty, Leroy Merlin, ou encore Côté Jardin. M. [P] ne verse cependant aucune facture en lien avec les sommes débitées sur son compte, dont il demande l'indemnisation.
Mme [V] oppose à M. [P] l'absence de toute justification du calcul réalisé alors qu'elle obtient, en additionnant toutes les lignes mises en évidence par l'appelant, le montant total de 39 837,64 euros, raison pour laquelle M. [P] a d'ailleurs ensuite minoré sa demande.
L'absence de toute facture et de toute explication en lien avec les sommes réclamées par M. [P] empêche de qualifier ces dernières de dépenses de conservation ou d'amélioration susceptibles de fonder la créance, dont il estime l'indivision redevable à son égard.
La demande formée par M. [P] concerne au surplus le financement d'outils dédiés à la réalisation des travaux allégués, sans pour autant qu'il ne démontre ne plus être en possession desdits outils.
Mme [V] fait valoir qu'elle a, dans le même temps, financé une partie significative des outils et travaux de la maison pour un montant de 62 653,59 euros. Elle produit à cet effet un ensemble de factures à son nom, toutes antérieures à la séparation de juillet 2017, émanant de différents artisans et enseignes de matériaux, bricolage et d'électroménager. Mme [V] ne formule pas de demande à ce titre, souhaitant démontrer seulement qu'elle a fait réaliser des travaux, et financé des dépenses indivises portant sur le bien pendant la période retenue par M. [P], soit avant la séparation de 2017.
Il ressort de l'ensemble des éléments évoqués que M. [P] ne rapporte pas la preuve de la nature des dépenses dont il demande l'indemnisation au titre de l'article 815-13 du code civil.
C'est dès lors c'est à juste titre que le tribunal a jugé qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte les dépenses faites par chacun, qui participent de leur contribution aux charges du ménage et dépenses de la vie courante.
- Le compte d'administration : l'indemnité d'occupation
Il ressort des éléments ci-avant repris que chaque indivisaire est propriétaire du bien à hauteur de moitié, au regard de l'acte notarié.
Selon l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
Mme [V] demande à la cour de réformer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle était redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation de 640 euros par mois à compter de juillet 2017.
Elle s'oppose au principe même d'une telle indemnité, faisant valoir que M. [P] est parti de son plein gré, qu'il a conservé les clés et qu'elle ne l'a jamais empêché de jouir du bien indivis.
La jouissance privative d'un bien indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les co-indivisaires d'user de la chose. En l'espèce, compte tenu d'une part de la séparation, et d'autre part de la jouissance privative du bien indivis par Mme [V], qui n'est pas contestée par les parties, M. [P] était bien un co-indivisaire dans l'impossibilité de fait d'user de la chose.
Il est par ailleurs constant en jurisprudence que la conservation d'un trousseau de clés par l'un des indivisaires est un élément indifférent à la jouissance privative.
Mme [V] soutient également que les factures qu'elle verse aux débats démontrent qu'elle n'a jamais empêché l'accès au bien à M. [P], celui-ci ayant reçu certaines commandes à l'adresse du bien indivis. Elle mentionne également plusieurs allers-retours réalisés par M. [P].
Le fait que M. ait continué de se rendre occasionnellement dans le bien commun ne caractérise cependant pas un exercice concurrent de l'usage et de la jouissance des lieux, que Mme exerçait privativement, M. ayant quitté le domicile du couple depuis la séparation, en juillet 2017, sans que la vie commune n'ait ensuite repris.
Pour sa part, M. [P] sollicite l'infirmation du jugement et demande l'augmentation du montant de l'indemnité de jouissance privative fixée, faisant valoir que les parties se sont accordées sur une valeur locative du bien estimée à 800 euros par mois.
Il existe bien un accord des parties quant à la valeur locative du bien à hauteur de 800 euros par mois, et le juge aux affaires familiales est justement parti de cette valeur pour fixer l'indemnité d'occupation à 640 euros par mois après l'application d'une décote de 20 %, classique en la matière.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que Mme [V] est redevable d'une indemnité d'occupation de 640 euros par mois à compter du mois de juillet 2017.
Les créances entre indivisaires :
- Sur la créance demandée subsidiairement par Mme [V] au titre de son apport
Il est rappelé que Mme [V] a réglé l'intégralité du prix d'acquisition du bien indivis dont les parties sont propriétaires, à concurrence de 50 % chacun.
Les premiers juges ont rejeté sa demande de remboursement de la somme de 142 800 euros, correspondant à la moitié du prix d'acquisition, déduction faite du paiement partiel réalisé à hauteur de 42 200 euros, en retenant l'intention libérale de sa part.
Pour contester cette intention libérale, et répondre aux moyens soutenus par M. [P], Mme [V] fait valoir :
- qu'elle ne pouvait se procurer d'écrit au regard des relations avec M. [P],
- que ce dernier a, le jour même de l'achat, adressé un mail par lequel il s'engageait à la rembourser, reconnaissant par là même l'absence d'intention libérale,
- qu'il ne peut faire valoir les années de travail auprès d'elle alors qu'il a été rémunéré,
- qu'elle l'avait déja gratifié, en lui cédant des parts sociales.
*Sur l'absence d'écrit
Il n'est pas contesté que l'acte notarié ne comporte aucune mention relative au paiement, sauf à dire que celui-ci est fait comptant, et il est justifié que Mme [V] a intégralement payé le solde, sans que quelconque écrit ne soit rédigé entre les parties pour envisager un remboursement de M. [P] à concurrence de ses droits sur le bien.
Si l'article 1359 du code civil exige une preuve par écrit pour tout engagement portant sur une somme supérieure à 1500 euros, pour autant l'article 1360 du même code porte exception à cette obligation en cas d'impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, texte dont se prévault Mme [V].
Il apparaît en l'espèce, alors que le couple vivait en concubinage depuis 16 années au moment de l'acquisition du bien immobilier, alors que leurs intérêts personnels comme professionnels avaient été communs durant plusieurs années, M. ayant travaillé auprès de Mme [V] dans l'exploitation d'un camping, et alors que la séparation, qui n'est intervenue que six ans plus tard, à l'initiative de M. [P], n'était nullement prévisible lors de l'achat, que Mme [V] justifie suffisamment d'une impossibilité morale de se procurer un écrit.
*Sur le mail adressé par M. [P] le jour de l'achat
Mme [V] produit un mail daté du 25 mai 2011 à 13h12 portant pour objet 'Re Testament' par lequel M. [P] indique : ' De toute façon je paierais ma part de la maison quand je toucherais ma retraite'.
Il n'est pas contesté, ainsi que cela ressort des conclusions de ce dernier en première instance, que celui-ci qui était alors sur le point d'être retraité n'était pas en mesure de régler les parts acquises.
M. [P] ne s'estime pas tenu par ce courriel, dont il reconnaît pourtant être l'expéditeur, considérant avoir seulement exprimé qu'il contribuerait à proportion de ses moyens, ce qui peut, selon lui, s'appliquer à l'entretien courant.
Mme [V] justifie que M. [P] a fait valoir ses droits à la retraite en 2012, ce qui n'est pas contesté, et justifie également que c'est à compter de cette date qu'il a commencé à lui verser une somme régulière, entre le mois d'avril 2012, et celui de janvier 2017, pour un total de 42 200 euros.
Les relevés de compte font ainsi état de versements à hauteur de 8800 euros en 2012, 14 300 euros en 2013, 10 100 euros en 2014, 3000 euros en 2015, 5000 euros en 2016 et 1000 euros l'année de la séparation, essentiellement par versements mensuels de 1000 euros, intervenant dans le première dizaine du mois.
L'examen des relevés de compte permet par ailleurs de relever des versements émanant de la Carsat, caisse de retraite, à compter de mai 2012, (ultérieurement de la caisse d'assurances retraite) versements dans les dix premiers jours du mois, à hauteur de la somme de 1108 euros (ultérieurement de 1122 euros puis de 1039 euros).
Mme [V] démontre également, par la production des relevés de compte de M. [P], que ce dernier ne lui avait pas versé de sommes avec une telle régularité au cours des années 2010 et 2011.
M. [P] fait valoir que les versements litigieux correspondent seulement au paiement des charges de la vie courante, le jugement ayant notamment retenu que les intérêts des parties étaient manifestement confondus pendant les vingt années de leur vie commune.
S'il est effectif que Mme [V] a pu, de son coté, notamment à compter de 2016, soit dans une période assez proche de la séparation, effectuer elle même de manière ponctuelle,
dans une proximité de temps, quelques virements de montants identiques ( notamment 1000 euros en avril 2016, 1500 en août 2016,1000 en septembre 2016, 1000 en janvier 2017),cette situation ne saurait remettre en cause les versements réguliers intervenus à compter de la retraite de M. [P].
Il convient de relever que la formulation employée par M. [P] dans son courriel, daté du jour même de l'achat du bien, ne laisse pas de doute quant à sa volonté exprimée, de financer sa part de la maison, dont il est propriétaire à 50 %.
S'il conteste la nature de remboursement de la somme versée en plusieurs fois à Mme [V], M. [P] reconnaît ces versements réguliers à hauteur d'un montant proche de 42 200 euros.
Le fait que les virements réalisés par lui ne soient pas libellés en tant que remboursements d'échéances de prêt, n'est pas de nature à leur retirer cette qualité.
M. [P] ne démontre par ailleurs pas que les versements, dont il conteste la nature, correspondraient au paiement de charges courantes.
La concomitance de date entre l'achat du bien et la rédaction, le même jour, du courriel par lequel M. [P] s'engage à payer sa part de la maison, lorsqu'il percevra sa retraite, corrélée à la mise en place des remboursements à la date précise de perception de la pension de retraite, permettent de retenir que M. [P] s'était effectivement engagé à participer au financement du bien, et fragilise dès lors la notion d'intention libérale dont il se prévaut.
*Sur l'exercice d'un travail pour le compte de Mme [V]
Il n'est pas contesté qu'entre 1996 et 2017, Mme [V] a exploité un camping, sous forme d'une société anonyme ' Le Castel Rose '.
M. [P] soutient, pour étayer la notion d'intention libérale, avoir travaillé gratuitement pour Mme [V] dans ce camping, pendant dix ans, n'ayant été rémunéré que sur les cinq dernières années, et conclut ainsi que Mme [V] souhaitait le gratifier pour ce travail, à l'occasion de l'acquisition du bien indivis.
Mme [V] verse un certificat de travail, établi le 31 décembre 2005, par lequel elle certifie avoir employé M. [P] entre le 1er août 2000 et le 31 décembre 2005, en qualité de directeur technique, et communique une attestation de salaire, à l'entête du camping ' Le Castel Rose ', datée du 26 septembre 2013, faisant ressortir le versement de salaire entre juillet 2002 et juillet 2003.
Par sommation de communiquer du 7 janvier 2022, elle a enjoint à M. [P] de produire son relevé de carrière, pour les années 1996 à 2007, sans que ce dernier n'y réponde, ce dont la cour doit tirer toutes conséquences en retenant qu'il ne démontre pas qu'il n'aurait pas été rémunéré durant les diverses années d'activité dans le camping.
*Sur la cession de parts par Mme [V]
Mme [V] indique avoir acquis le camping avec ses seules économies, provenant de la vente de divers biens, et de liquidités remises par son père, de même qu'au moyen d'un prêt.
Elle fait valoir, pour contester toute intention libérale lors de l'achat du bien immobilier en 2011, que M. [P] détenait 624 actions de la SA Le Castel Rose, parts entièrement financées par elle, et 10 parts sociales sur 100 dans la SCI Le Castel Rose, également financées par elle, et conclut ainsi qu'elle n'a pas voulu gratifier davantage M. [P] au moment de l'acquisition du bien indivis, soit quatre ans après la vente des sociétés.
Elle indique que ces deux sociétés ont été cédées le 23 novembre 2007, pour un prix de 1 524 000 euros, M. [P] percevant alors la somme totale de 155 548,42 euros sans avoir réalisé d'investissement financier.
Elle produit plusieurs documents, au nombre desquels la liste des associés de la SA le Castel Rose, le 23 novembre 2007, faisant effectivement ressortir que M. [P] détenait une part à la création de la société (décembre 1996), puis 622 parts par cession en
novembre 1997, et une dernière part par cession en mai 2002, document conforté par le registre des mouvements d'actions et par l'acte de cession de la société dressé le 5 décembre 2007.
Elle justifie également que M.[P] détenait 10 parts dans la Sci Le Castel Rose, ce dernier, dans la délibération du 16 mai 2007, actant la vente du bien pour la somme de 865 000 euros, étant désigné comme président de la séance et Mme [V] comme gérante de la Sci.
Est communiqué aux débats l'acte de vente de la SA Le Castel Rose établi le 5 décembre 2007 ; la ventilation du prix de vente de la société Le Castel Rose le 23 novembre 2007 permet de retenir que M. [P] a perçu la somme de 133 286 euros.
Il est à noter que M. [P] reste totalement taisant dans ses écritures sur le financement de ce camping , comme sur le fait qu'il est justifié qu'il détenait un certain nombre de parts tant dans la société que dans la Sci, ou le fait qu'il ait perçu diverses sommes lors de la vente de ce camping.
Il ressort de ces divers éléments, mail de M. [P] établi le jour de l'acte d'achat pour s'engager à participer au financement du bien indivis à compter de sa retraite, versement concommittant à la retraite de sommes régulières à destination de Mme [V] rémunération de M. [P] pour son activité au sein du camping, bénéfice retiré par lui lors de la vente des parts sociales, que la preuve de l'intention libérale de Mme [V] à l'égard de M. [P] qu'elle avait déjà gratifié, lors de l'achat du bien indivis n'est pas rapportée.
Mme [V] fait par ailleurs justement observer que, si le financement intégral de l'acquisition correspondait à une donation, M. [P] aurait dû déclarer cette dernière à l'administration et s'acquitter de droits importants, ce qu'il n'a pas fait.
Dès lors, il convient de retenir que Mme [V] dispose d'une créance à l'encontre de M. [P], à hauteur de la moitié du bien indivis, déduction faite des remboursements déjà opérés.
Les autres demandes :
- Sur l'attribution du bien indivis au profit de Mme [V]
C'est à juste titre que le tribunal a mentionné que l'attribution du bien doit être envisagée dans le cadre des opérations de partage, précisant que Mme [V] souhaite le conserver.
- Sur les frais et dépens
L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes d'indemnité qui ont été présentées en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de créance sur M. [P], au titre de son apport, lors de l'acquisition du bien indivis,
Statuant à nouveau,
Dit que Mme [V] détient une créance sur M. [P] à hauteur de la moitié de la valeur du bien, appréciée à la date la plus proche possible du partage, dont à déduire la somme de 42 200 euros, déjà remboursée par ce dernier,
Dit qu'il appartiendra au notaire commis d'établir le compte entre les parties (dépenses justifiées de Mme [V] sur le bien, et indemnités d'occupation dues par elle) à la date la plus proche possible du partage,
Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente de chambre et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE