AFFAIRE PRUD'HOMALE
COLLEGIALE
N° RG 21/03019 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NRNM
[K]
C/
S.A.S. [20]
S.A.S. [17]
S.A.S. [13]
S.A.S. [18]
S.A.S. [19]
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON
du 08 Avril 2021
RG : 17/02866
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023
APPELANTE :
[L] [K]
[Adresse 16]
[Localité 9]
représentée par Me Cédric DE ROMANET DE BEAUNE de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
S.A.S. [20] prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés audit siège
RCS DE LYON N° [N° SIREN/SIRET 11]
[Adresse 12]
[Localité 9]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et Me Elodie BOSSUOT-QUIN, avocat plaidant de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON
S.A.S. [17]
RCS DE LYON N°[N° SIREN/SIRET 7]
[Adresse 14]
[Localité 22]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et Me Elodie BOSSUOT-QUIN, avocat plaidant de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON
S.A.S. [13]
RCS DE VERSAILLES N° [N° SIREN/SIRET 8]
[Adresse 2]
[Localité 10]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et Me Elodie BOSSUOT-QUIN, avocat plaidant de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON
S.A.S. [18]
RCS DE LYON N° [N° SIREN/SIRET 5]
[Adresse 1]
[Localité 22]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et Me Elodie BOSSUOT-QUIN, avocat plaidant de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON
S.A.S. [19]
RCS DE LYON N° [N° SIREN/SIRET 6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et Me Elodie BOSSUOT-QUIN, avocat plaidant de la SELAS CMS FRANCIS LEFEBVRE LYON AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 08 Septembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Nathalie PALLE, Présidente
Thierry GAUTHIER, Conseiller
Vincent CASTELLI, Conseiller
Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Nathalie PALLE, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme [K] (la salariée) a été engagée en 1968 par la société [20] (anciennement dénommée la société [15], puis la société [21]) sur le site de [Localité 22], en qualité de gestionnaire administrative dans le service comptabilité.
La société [20] a procédé à un apport partiel d'actifs de sa branche d'activité de conception, fabrication et commercialisation d'autocars et d'autobus à la société [18], avec une prise d'effet au 31 décembre 1998.
Le 30 octobre 2004, la société [20] a cédé, par un apport partiel d'actifs, sa branche d'activité de fonderie et moulage de fer à la société [17], ainsi que sa branche d'activité de conception et fabrication de ponts et essieux à la société [19].
Le 20 janvier 2009, la salariée et la société [20] ont régularisé une transaction,
Le 1er juin 2011, la société [20] a cédé à la société [13], par un apport partiel d'actifs, la branche d'activité se rapportant à la fabrication de véhicules et de matériels militaires.
Par arrêté du 25 octobre 2016, publié le 1er novembre 2016, pris en application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, l'établissement de [Localité 22] de la société [20] a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période de 1964 à 1996.
Le 2 mai 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir juger qu'elle a été exposée à l'inhalation de fibres d'amiante au sein de la société [20] dans des conditions constitutives d'un manquement à l'obligation contractuelle de sécurité de résultat, et de voir condamner la société [20] à lui verser une certaine somme à titre de réparation du préjudice d'anxiété, subsidiairement de voir condamner in solidum les sociétés [20], [17], [13], [18] et [19] au versement de la même somme.
Par jugement du 8 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon, dans sa formation de départage, a :
- déclaré la salariée irrecevable en ses demandes,
- débouté la salariée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les sociétés [20], [17], [13], [18] et [19] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la salariée aux dépens.
La salariée a interjeté appel de ce jugement le 27 avril 2021.
Dans ses conclusions notifiées le 1er mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, la salariée demande à la cour de :
- confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté les sociétés [20], [17], [13], [18] et [19] de leurs demandes reconventionnelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réformer la décision de première instance pour le surplus,
Et, statuant à nouveau,
- déclarer recevables ses demandes au titre de l'indemnisation de son préjudice d'anxiété,
A titre principal,
- condamner la société [20] à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice d'anxiété (comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence) qu'elle subit,
A titre subsidiaire,
- condamner in solidum les sociétés [20], [17], [13], [18] et [19] à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice d'anxiété (comprenant l'inquiétude permanente et le bouleversement dans les conditions d'existence) qu'elle subit,
En tout état de cause,
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir notamment que le conseil de prud'hommes a déclaré ses demandes irrecevables du fait de l'existence d'une transaction souscrite avec la société [20] au mois de janvier 2009 ; que cependant le protocole transactionnel produit aux débats mentionne exclusivement les parties qui l'ont souscrit, ainsi que quelques 'clauses de style' impropres à caractériser les engagements réciproques des parties ; que cette communication fragmentaire ne permet donc pas d'apprécier la teneur et la portée de la transaction supposée qui, en outre, n'a pas été datée ; qu'en tout état de cause, la transaction souscrite pour la rupture du contrat de travail ne pouvait inclure le préjudice d'anxiété qu'elle subi, a fortiori compte tenu du fait qu'elle aurait été régularisée au mois de janvier 2009, soit largement avant l'arrêté de classement en ACAATA de l'établissement [20] de [Localité 22] du 25 octobre 2016
Dans leurs conclusions notifiées le 18 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, les sociétés demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :
déclaré la salariée irrecevable en ses demandes,
débouté la salariée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la salariée aux dépens de l'instance,
Y ajoutant,
- condamner la salariée à leur verser la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- prononcer la mise hors de cause des sociétés [17], [13], [18] et [19],
- débouter la salariée de sa demande formée au titre d'un prétendu préjudice d'anxiété,
A titre infiniment subsidiaire,
- réduire notablement la demande indemnitaire formulée par le salarié au titre d'un prétendu préjudice d'anxiété,
- réduire notablement la demande formulée par le salarié au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir notamment que la salariée a été embauchée par la société [20] à compter du 7 octobre 1968, qu'elle a occupé successivement les postes d'aide comptable, de comptable et d'agent technique comptabilité, qu'elle a toujours exercé des fonctions au sein du service comptabilité situé dans les bureaux administratifs de la société, que la salariée a quitté la société [20] le 24 avril 2009 dans le cadre d'un licenciement intervenu le 24 décembre 2008, que la salariée a également signé un protocole transactionnel du 20 janvier 2009 aux termes duquel elle s'est déclarée remplie de tous ses droits et a admis que plus aucune contestation ne l'opposait à son employeur, la transaction ayant mis fin à leur différend, la salariée est donc irrecevable en sa demande,
la transaction ayant autorité de la chose jugée.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022.
Par conclusions du 7 septembre 2022, le conseil de la partie appelante a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture afin d'admettre le bordereau de communication de pièces rectifié de l'erreur matérielle y figurant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, le bordereau de communication de pièces de la partie appelante étant affecté d'une erreur matérielle, il y a lieu d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture et de prononcer la clôture au jour de l'audience, afin d'admettre le bordereau de communication de pièces rectifié.
Sur la recevabilité de la demande
Selon l'article 2044 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.
Aux termes l'article 2048 du code civil, les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu.
Et selon l'article 2052 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
La société [20] produit un extrait fragmentaire, mais néanmoins non contesté dans son contenu par la salariée qui n'en produit pas l'exemplaire qu'elle détient, relatif aux points 6 à 10, du protocole transactionnel daté du 20 janvier 2009, signé par la salariée sous la mention manuscrite «sans réserve, ni contrainte, bon pour transaction et renonciation à toutes instances et actions», aux termes duquel sous réserve du versement effectif des sommes visées aux paragraphes 2 à 5 [...], la salariée déclare renoncer irrévocablement à toute instance ou action née ou à naître au titre de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail avec [20] SAS et se déclare remplie de ses droits, admettant que plus aucune contestation ne l'oppose à son employeur et qu'il est mis fin à leur différend.
Alors qu'il est constant que la transaction a été signée à l'occasion de la rupture du contrat de travail et, bien que le fondement de l'action de la salariée se soit révélé postérieurement à la transaction, au jour de l'arrêté du 25 octobre 2016 (JORF n°0255 du 1er novembre 2016) d'inscription de l'établissement de [Localité 22] exploité par la société [20] sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, il demeure que la clause de la transaction, formulée en des termes généraux, par laquelle la salariée se déclare remplie de ses droits et renonce, de façon irrévocable, à toute instance ou action née ou à naître au titre de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail et admet que plus aucune contestation ne l'oppose à son employeur et qu'il est mis fin à leur différend, rend irrecevable sa demande en réparation du préjudice d'anxiété en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à cette transaction, ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
Sur les demandes accessoires
Compte tenu de l'issue du litige, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la charge des dépens et des frais irrépétibles.
La salariée qui succombe en son appel est tenue aux dépens.
Au regard de la situation économique respective des parties, l'équité ne commande pas de faire droit à la demande des sociétés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et dernier ressort,
ORDONNE la révocation de l'ordonnance de clôture et prononce la clôture au 8 septembre 2022,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
REJETTE la demandes des sociétés [20], [13], [17], [18] et [19] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LAISSE les dépens à la charge de Mme [L] [K].
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,