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23/02/2023 | FRANCE | N°23/01203

France | France, Cour d'appel de Lyon, Jurid. premier président, 23 février 2023, 23/01203


COUR D'APPEL DE LYON



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



ORDONNANCE DU 23 FÉVRIER 2023

statuant en matière de soins psychiatriques





N° RG 23/01203 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OZEH



Appel contre une décision rendue le 06 février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOURG EN BRESSE.





APPELANTE :



Mme [R] [S]

née le 13 Juillet 1965 à [Localité 4]

de nationalité Française



Actuellement hospitalisée au centre psychothérapique de [3] à [L

ocalité 2]



Comparante assistée de Me Fanny CIONCO, avocat au barreau de LYON, commis d'office





INTIME :



CENTRE PSYCHOTHÉRAPIQUE DE [3]

[Adresse 1]

[Localité 2]



No...

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 23 FÉVRIER 2023

statuant en matière de soins psychiatriques

N° RG 23/01203 - N° Portalis DBVX-V-B7H-OZEH

Appel contre une décision rendue le 06 février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOURG EN BRESSE.

APPELANTE :

Mme [R] [S]

née le 13 Juillet 1965 à [Localité 4]

de nationalité Française

Actuellement hospitalisée au centre psychothérapique de [3] à [Localité 2]

Comparante assistée de Me Fanny CIONCO, avocat au barreau de LYON, commis d'office

INTIME :

CENTRE PSYCHOTHÉRAPIQUE DE [3]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Non comparant, régulièrement avisé, non représenté

Monsieur [B] [S] en qualité de tiers demandeur à la mesure a été régulièrement avisé. A l'audience, il est non comparant, non représenté.  

Le dossier a été préalablement communiqué au Ministère Public qui a fait valoir ses observations écrites.

*********

Nous, Géraldine AUVOLAT, Conseiller à la cour d'appel de Lyon, désignée par ordonnance de madame la première présidente de la cour d'appel de Lyon du 02 janvier 2023 pour statuer à l'occasion des procédures ouvertes en application des articles L.3211-12 et suivants du code de la santé publique, statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Assistée de Jihan TAHIRI, Greffière placée, pendant les débats tenus en audience publique,

Ordonnance prononcée le 23 Février 2023 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signée par Géraldine AUVOLAT, Conseiller, et par Jihan TAHIRI, Greffière placée, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********************

Mme [R] [S] née le 13 juillet 1965 à [Localité 4] (Isère) est admise au Centre psychothérapique de [3] le 14 janvier 2023 dans le cadre d'une mesure d'hospitalisation complète selon une décision du 17 janvier 2023 prise sur la base des certificats médicaux dits des 24 et 72 heures du 15 janvier et 17 janvier 2023 établis respectivement par les Docteurs [T] et [G], dont le juge des libertés et de la détention de Bourg en Bresse ordonnera la mainlevée le 26 janvier 2023.

Sur décision du directeur de l'établissement psychothérapique de [3] Mme [R] [S] fait l'objet d'une nouvelle décision d'admission, le 26 janvier 2023 à 17 heures en soins psychiatriques sans consentement en hospitalisation complète au Centre Psychothérapique de [3] à la demande d'un tiers, en l'espèce son père, dans le cadre d'une procédure d'urgence.

Le docteur [X] fait état de l'hospitalisation de l'intéressée depuis le 14 janvier pour troubles du comportement dans un contexte délirant, des idées délirantes de persécution associées à des hallucinations psychosensorielles avec participation affective majeure, une thymie alors non évaluable face à un discours centré sur ces demandes de réparation de préjudice, ayant été relevé ; la patiente étant dans le déni total de ses troubles et n'ayant aucune critique de ces actes. Il est dès lors demandé la mise en place d'une nouvelle hospitalisation sous contrainte, l'urgence étant soulignée au vu d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade. Les troubles présentés rendent impossible son consentement et nécessitent des soins immédiats assortis d'une surveillance constante dans un établissement spécialisé selon les dispositions de l'article L3212-3 du code de la santé publique dans le cadre de soins psychiatriques à la demande d'un tiers.

Aux termes de son certificat du 27 janvier 2023 dit des 24 heures, le docteur [T], psychiatre au centre de Psychothérapique de [3], indique que Mme [S] a été hospitalisée suites à des troubles du comportement au domicile qui s'inscrivent dans un contexte d'envahissement délirant paranoïde échappant aux soins depuis plusieurs années, ses proches ayant exprimé leurs inquiétudes et impuissance. Madame nie massivement le caractère pathologique de ses conduites et conteste le bien-fondé de son hospitalisation. La pensée est inaccessible et hermétique avec des idées délirantes quérulentes appartenant au domaine de la paranoïa sur un mode hallucinatoire franc, ses troubles la conduisant à un isolement et la mettant en danger sur l'extérieur. Il est conclu à la nécessité de son hospitalisation complète pour des soins psychiatriques à la demande d'un tiers et son impossibilité de consentir étant soulignée.

Le Docteur [Y] [Z], scripteur du certificat médical dit des 72 heures, établi le 29 janvier 2023, confirme que l'état clinique de Mme [S] n'est pas alors compatible avec une autre forme de soins qu'en hospitalisation complète exclusive, étant rappelé que l'état de santé de Mme [S] s'inscrit dans un tableau clinique relevant d'une décompensation psychotique de l'ordre paranoïde avec un contact méfiant. La patiente est notamment convaincue que sa maison est visitée par des inconnus lors de son absence, soupçonnant les anciens locataires alors qu'elle a changé la serrure et que les choses durent depuis 14 ans.

Par décision du 29 janvier 2023, M. le directeur du Centre psychothérapique de [3] décide du maintien de Mme [S] en hospitalisation complète à la demande d'un tiers s'appropriant les termes et conclusions des certificats dits des 24 heures et 72 heures qui confirmaient la nécessité de poursuivre cette prise en charge au vu des troubles toujours présents qui rendaient impossible le consentement de l'intéressée.

Le 30 janvier 2023, le directeur du Centre Psychothérapique de [3] saisit le juge des libertés et de la détention de Bourg en Bresse aux fins qu'il soit statué sur la poursuite de la mesure.

C'est en des termes similaires à ceux de ses confrères que le Docteur [E], psychiatre au centre qui prend en charge l'intéressée, rédige le certificat du 02 février 2023 préalable à l'audience devant le juge des libertés et de la détention.

Par ordonnance en date du 06 février 2023, le juge des libertés et de la détention de Bourg en Bresse, considérant réunies les conditions exigées par la loi au regard de l'article L3212-1 du code de la santé publique autorise le maintien en hospitalisation complète de Mme [R] [S] sans son consentement au terme d'une audience à laquelle l'intéressée, dûment assistée de Maitre Ricordeau était présente.

Une copie de l'ordonnance lui a été remise en main propre le jour même.

Par courrier du 10 février 2023 expédié par lettre recommandée en ligne et déposé à cette fin le 11 février 2023 selon l'avis de dépôt émis par la poste, parvenu au greffe de la cour d'appel le 15 février 2023, Mme [R] [S] relève appel de cette ordonnance. Elle exprime son désaccord tant avec la mesure qu'avec les termes des certificats médicaux versés dans le cadre de la première procédure, conteste les diagnostics posés quant à l'existence de troubles mentaux, s'interroge sur l'objectif de ses parents, sa volonté de porter plainte contre certains des médecins, précise ne pas avoir eu accès à son dossier médical, dénonce les effets dévastateurs des traitements administrés, s'interroge sur son droit de ne pas les prendre n'estimant pas en avoir besoin. Elle demande à rentrer chez elle où sa « vie est la meilleure » pour elle et ses « concitoyens », ayant pu leur offrir des compétences professionnelles variées dans le domaine de la décoration, de la couture, de soins de bien-être et cela avec succès.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 23 février 2023 à 13h30.

Le 22 février 2023, le docteur [H] médecin psychiatre au centre psychothérapique établit un certificat de situation préalable à l'audience de ce jour, préconisant la poursuite des soins et ce à temps complets.

Aux termes de ses écritures communiquées le 22 février 2023, Mme l'Avocat général requiert que l'appel soit déclaré recevable et que l'ordonnance déférée soit confirmée ;

A l'audience, le Centre Psychothérapique de [3] et M. [S], père de l'appelante, tiers demandeur régulièrement avisés, ne sont pas comparants, ni ne sont représentés.

Il a été donné connaissance à Mme [S] et son conseil de l'avis du parquet général et du certificat de situation établi par le docteur [H] médecin psychiatre du centre de Centre psychothérapique établi le 22 février 2023.

Mme [S] maintient les termes de son courrier, explique avoir été brulée à plusieurs reprises lorsqu'elle était chez elle vivant dans une maison située dans un quartier de trafic de drogue, envisager un départ vers une autre maison avec son ex-conjoint. Elle dénonce les conditions de son hospitalisation, les violences ressenties, se dit en désaccord avec la prise médicamenteuse prescrite qui lui a fait perdre l'appétit.

Maître CIONCO son conseil est entendue en ses observations, indiquant ne pas avoir relevé d'irrégularités dans la procédure.

Mme [R] [S] a eu la parole en dernier, voulant porter celle d'autres patients hospitalisés avec elle et qui n'estiment n'avoir pas leur place dans ce centre de soins.

L'affaire a été mise en délibéré à la même date.

SUR CE

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes des dispositions des articles L3211-12-4 et R 3211-18 du code de la santé publique, l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel dans le délai de dix jours à compter de sa notification, par une déclaration d'appel qui doit être motivée.

L'appel dûment motivé, interjeté par Mme [S] dans les formes et délais légalement imposés, adressée à la juridiction compétente, est recevable.

Sur la régularité de la mesure de soins psychiatriques sans consentement

Il est observé que devant le juge des libertés et de la détention, aucune irrégularité de procédure n'a été soulevée. Il ressort des pièces versées en procédure que Mme [S] a été régulièrement vue par les médecins et informée des avis ou décisions émanant du centre hospitalier la concernant.

Aucune irrégularité n'est donc constatée en cause d'appel

Sur le bienfondé de la mesure

Aux termes de l'article L3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire faire l'objet de soins psychiatriques sans consentement sur la décision du directeur d'un établissement de soins mentionné à l'article L3222-1 que lorsque deux conditions sont réunies à savoir

- l'existence de troubles mentaux rendant impossible le consentement de l'intéressé

- un état mental imposant des soins immédiats et une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ou une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L3211-2-1.

Il prononce la décision d'admission

- Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade, antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge le malade.

Selon les dispositions de l'article L 3211-12-1 du code de la santé publique, le juge judiciaire doit procéder au contrôle de plein droit des mesures d'hospitalisation sans consentement pour s'assurer que les restrictions à l'exercice des libertés individuelles du patient sont adaptées, nécessaires et proportionnées à son état mental et à la mise en 'uvre du traitement requis.

Toutefois, s'il appartient au juge de contrôler que les certificats médicaux sont motivés de manière précise s'agissant du patient, il ne doit en aucun cas substituer son avis personnel à l'avis médical versé au dossier. De la même façon, l'appréciation du consentement ou du non-consentement aux soins est une évaluation médicale qui ne peut être faite que par le seul médecin. Le juge n'a en effet ni la qualité, ni les compétences requises pour juger des troubles qui affectent le patient, et juger de son consentement ou non aux soins mis en place.

Les différents avis médicaux établis, confirmés en leurs teneur et conclusions, par celui du 22 février 2023 par le docteur [H], médecin psychiatre au centre psychothérapique de [3], restent en faveur du maintien du programme de soins psychiatriques contraints en hospitalisation complète compte tenu des troubles de Mme [S], dont il est également souligné une amélioration du contact, du discours et du comportement. Il est rappelé qu'elle a reconnu le caractère « protecteur » et « sécurisant » de l'hospitalisation ne subissant plus de « persécution », ce qu'elle confirme lors de l'audience. Les soins cliniques devant être stabilisés et un travail sur la conscience des troubles présentés et l'alliance thérapeutique devant se poursuivre, le maintien de la prise en charge est préconisée sauf à vouloir compromettre le travail réalisé et la santé de la patiente, qui reste opposée à la prise de psychotropes.

Selon les analyses et constats communiqués, Mme [S] présente des troubles psychiatriques importants qui rendent nécessaire la poursuite de sa prise en charge dans le cadre d'une d'hospitalisation psychiatrique sans consentement à la demande d'un tiers, en l'occurrence son père, et que la persistance de ses troubles mentaux nécessite manifestement des soins auxquels elle n'est pas en mesure de consentir étant dans le déni des pathologies médicalement diagnostiquées.

En conséquence, il résulte de ces différentes considérations que le maintien de Mme [S] dans le dispositif d'hospitalisation psychiatrique sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète à la demande d'un tiers est en conséquence fondé et justifié ; cette mesure s'avérant en outre proportionnée à son état mental au sens de l'article L3211-3 du code de la santé publique tel que médicalement constaté et rapporté.

Il y a lieu de rejeter en l'état le recours formé par Mme [S] et de confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention déférée.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons recevable l'appel de Madame [R] [S],

Constatons la régularité de la mesure de soins psychiatriques sans consentement critiquée,

Confirmons l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Le greffier Le conseiller délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Jurid. premier président
Numéro d'arrêt : 23/01203
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;23.01203 ?
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