AFFAIRE PRUD'HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/07410 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NKB5
[I]
C/
S.A.S. H & L PRESTATION À DOMICILE
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT-ETIENNE
du 30 Novembre 2020
RG :
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE C
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
APPELANTE :
[N] [I]
née le 29 décembre 1986 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Laurène JOSSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/000532 du 11/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉE :
S.A.S. H & L PRESTATION À DOMICILE
N°SIRET 477 93 43 43 00047
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1] / FRANCE
représentée par Me Nicolas SOUBEYRAND de la SELARL GOURION SOUBEYRAND ET PARTENAIRES, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas BOURGEY, avocat au barreau de VIENNE
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Novembre 2022
Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
- Etienne RIGAL, président
- Thierry GAUTHIER, conseiller
- Vincent CASTELLI, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Etienne RIGAL, Président et par Malika CHINOUNE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
La Société H & L PRESTATIONS À DOMICILE a une activité dans le domaine des services d'aide à la personne à domicile.
Cette Société a embauché Madame [N] [I], en qualité d'Aide à domicile, à temps partiel, cela à hauteur de 86 heures mensuelles, à compter du 3 décembre 2008.
Cette salariée a été placée en arrêt maladie à compter du 12 janvier 2018.
Par requête en date du 28 juin 2018, elle a fait convoquer son employeur devant le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne, aux fins, à titre principal, de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts dudit employeur.
Au terme des débats, Madame [N] [I], demandait audit conseil de :
'Requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, à compter du 1er juin 2010,
'Condamner la société défenderesse au paiement de la somme de 29 066,12 euros, à titre de rappel de salaire, outre congés payés,
'Ordonner le paiement du salaire à taux plein pour une durée indéterminée,
'Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,
'Condamner celui-ci au paiement de la somme de 13 000 €, à titre de dommages et intérêts,
'Condamner ce dernier au paiement de la somme de 2996,98 euros brut, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre l'indemnité de licenciement,
'Condamner la société employeur au paiement de la somme de 9100,20 euros net, au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
'Condamner cette société au paiement de l'intérêt légal à compter de la saisine pour les sommes revêtant un caractère salarial et à compter du jugement s'agissant les dommages et intérêts,
'Condamner cette dernière à lui payer la somme de 2000 €, au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991,
'Ordonner l'exécution provisoire du jugement.
La société prestation, comparante, sollicitait que soit rejeté l'ensemble des demandes adverses et, à titre reconventionnel, demandait condamnation de Madame [N] [I], à lui payer la somme de 1500 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 30 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne rendait un jugement dont le dispositif était rédigé comme il suit :
Déboute Madame [N] [I], de l'ensemble de ses prétentions,
Déboute Madame [N] [I], de sa demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
Déboute la société prestation de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse à chacune des parties les dépens qu'elle a engagés,
Dit n'y avoir lieu assortir le présent jugement de l'exécution provisoire.
Le 23 décembre 2020, Madame [N] [I], a formé appel de cette décision.
Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées le 23 mars 2021, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé plus complet de ses moyens et arguments, Madame [N] [I], demande à la présente cour de :
Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de SAINT-ETIENNE, en date du 30 novembre 2020,
Requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein à effet du 1er juin 2010,
Condamner la Société H & L PRESTATIONS À DOMICILE à hauteur de 3 000 euros, à titre d'indemnité de requalification,
Condamner la Société H & L PRESTATIONS À DOMICILE au paiement de la somme de 29066,12 euros à titre de rappel de salaire, outre 2 906,61 euros au titre des congés payés afférents depuis le 1er juin 2015,
Ordonner le paiement du salaire à taux plein pour une durée indéterminée,
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, eu égard à la gravité suffisante des manquements de l'employeur,
Condamner la Société H & L PRESTATIONS À DOMICILE au paiement de la somme de 13000 euros nets de dommages et intérêts,
Condamner également la même Société au paiement de la somme de 2 996,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 299,69 euros au titre des congés payés afférents,
Condamner cette Société au paiement de l'indemnité de licenciement, calculée selon la formule légale, pour une ancienneté remontant du 3 décembre 2008, jusqu'à la date du jugement à intervenir, sur la référence d'un salaire de 1 480,29 euros,
Condamner la Société H & L PRESTATIONS À DOMICILE au paiement de la somme de 9100,20 euros nets, au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Condamner la Société H & L PRESTATIONS À DOMICILE au paiement de la somme de 3000 euros, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au bénéfice de Me JOSSERAND.
Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées le 15 juin 2021, la partie intimée demande à la présente cour de:
Confirmer le jugement querellé,
Débouter Madame [N] [I], de l'ensemble de ses demandes et à titre reconventionnel, la condamner à lui payer la somme de 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur le temps de travail de et la demande en requalification du contrat à temps partiel
Arguments des parties
Madame [N] [I] expose que:
La variation de la durée du travail du salarié à temps partiel selon les besoins de l'employeur peut justifier la requalification en temps plein.
C'est ainsi que la Cour de cassation a reconnu la requalification du contrat à temps partiel à temps plein au motif que dès les premiers mois d'exécution du contrat, la salariée était soumise à des variations d'amplitude de la durée du travail pouvant aller jusqu'à un temps complet.
La répartition de son temps de travail était aléatoire et ses horaires, constatés sur les fiches de présence, étaient irréguliers.
Il en résulte que la salariée ne pouvait prévoir son rythme de travail et devait se tenir en permanence à la disposition de son employeur.
En faisant varier la durée du travail de la salariée selon les besoins de l'employeur en méconnaissance des stipulations contractuelles et des dispositions légales, et en laissant celle-ci dans l'incertitude quant à la répartition hebdomadaire de son horaire de travail, l'employeur a empêché la salariée de prévoir son rythme de travail, l'a maintenue en permanence à sa disposition.
La Cour constatera que les modifications de son temps de travail étaient particulièrement fréquentes, aléatoires et totalement imprévisibles, mais également qu'elle n'était pas prévenue dans un délai raisonnable à l'avance de la modification de son planning, mais mise au contraire en permanence, devant le fait accompli, sa durée du travail augmentant puis s'abaissant sans cesse.
L'intimée répond que :
Elle a toujours recueilli l'accord préalable de Madame [I] après que celle-ci ait vérifié l'adéquation de ces propositions à ses autres activités professionnelles.
Madame [I] n'a jamais travaillé à temps plein.
Elle travaillait pour un autre employeur, ce dont il résulte qu'elle connaissait à l'avance ses rythmes de travail et n'était pas obligée de se tenir constamment à sa disposition.
Madame [I] ne communique pas son avenant signé en 2013 abaissant sa durée du travail à 10 heures mensuelles à sa demande.
Elle a donc volontairement demandé l'abaissement de sa durée du travail et sollicite désormais sa réévaluation à l'équivalent d'un temps plein.
Il est donc parfaitement établi que la volonté de Madame [I] n'a jamais été de travailler à la hauteur d'un temps plein ce, afin de pouvoir travailler par ailleurs.
Pour preuve, alors que le contrat de travail prévoit expressément la possibilité pour le salarié à temps partiel de solliciter un poste à temps plein, la cour ne trouvera aucun écrit de Madame [I] sollicitant une telle réévaluation de sa durée du travail.
Les nombreuses pièces versées aux débats démontrent la réalité d'une relation contractuelle loyale entre les parties.
Madame [I] se trouve en incapacité de remettre en cause les consentements, nombreux, donnés au cours de la relation de travail.
Elle échoue à démontrer une irrégularité emportant une présomption d'emploi à temps complet et quant à elle, elle communique nombres de pièces démontrant au contraire la réalité d'un emploi à temps partiel conforme à la réelle volonté des parties.
La Cour ne sera pas dupe de la réalité des autres activités professionnelles de Madame [I], déclarées ou non, empêchant tout travail à hauteur de celui contractualisé.
En outre, Madame [I] n'hésite pas à indiquer dans ses écritures que son employeur serait le seul à l'origine des modifications du contrat de travail.
Or, tel que cela vient d'être démontré, Madame [I] a su demander et obtenir un abaissement de sa durée du travail mais elle volontairement retenu cette information afin de créer un doute qui lui serait profitable financièrement.
Sur ce,
L'article L3123-6 du code du travail énonce que :
« Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié (,,,) »
Le contrat de travail à temps partiel écrit initial formé entre les parties à l'instance est produit aux débats, ainsi que les avenants formés depuis lors.
Il n'y est pas mentionné la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Il est stipulé au contrat du 3 décembre 2008 que, les horaires de travail de la salariée « lui seront communiqués par écrit chaque mois par des plannings qui seront remis en main propre au siège de la société et qu'en raison des particularités et des urgences inhérentes aux missions de domicile, son planning mensuel pourra être modifié, sous réserve d'un délai de prévenance de 48 heures.
S'agissant d'une entreprise d'aides à domicile, cette stipulation reprend à juste titre les dispositions de l'article L3123-6 3° précité.
La question en débat est celle de savoir si Madame [N] [I] était à disposition constante de la Société H & L PRESTATIONS À DOMICILE et il doit être recherché si cet employeur a unilatéralement imposé à celle-ci des modifications de ces horaires de travail, cette salariée étant alors été mise dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme et selon quels horaires elle serait conduite à travailler.
Elle affirme que la durée de travail était constamment modifiée aux termes d'avenants multiples.
Il résulte des pièces produites aux débats que la durée du travail a effectivement été fréquemment modifiée selon de multiples avenants au contrat, modifiant la durée de travail, lesquels avenants étaient signés par les deux parties au contrat de travail.
À ce stade il sera précisé que, comme l'indique l'employeur, il n'a pas toujours été à l'initiative des avenants modifiant le temps de travail.
Ainsi, l'avenant de réduction du temps de travail, régularisé entre les parties le 21 juin 2013 l'a été à la demande de Madame [N] [I], laquelle demande a été formulée par un courrier produit aux débats au sein duquel elle indiquait souhaiter pour des raisons personnelles abaisser son contrat à 10 heures par mois au lieu de 86 heures.
S'agissant des autres avenants, il ne peut être considéré que la modification par contrat de la durée du travail de Madame [N] [I] est assimilable à une décision unilatérale de l'employeur imposant des modifications du rythme de travail.
Ces modifications ont été acceptées par cette salariée et il ne saurait être fait grief à un employeur de proposer à un de ses salariés des avenants à son contrat travail que celui-ci a, bel et bien, ensuite acceptés.
Enfin, la partie intimée produit aux débats des fiches informatiques invitant Madame [N] [I] à prendre connaissance de ses plannings mensuels, comme le prévoyait le contrat et l'article du code du travail précité.
Madame [N] [I] ne conteste pas avoir bien reçu ces messages informatiques et avoir pu prendre connaissance des plannings y étant joints.
Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de s'intéresser aux autres arguments et moyens présentés par l'intimée de ce chef, il est bien démontré que Madame [N] [I] avait connaissance chaque mois dans ses horaires de travail à temps partiel, selon la durée d'activités contractualisée par avenants et ainsi, il ne sera pas considéré que son employeur lui a unilatéralement imposé de rester en permanence à sa disposition.
Elle succombera en sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, le jugement étant confirmé de ce chef.
Ses demandes en rappel de salaire de ce chef, en paiement d'une indemnité de requalification et d'une indemnité pour travail dissimulé seront ainsi nécessairement rejetées.
Sa demande en résiliation du contrat travail aux torts de l'employeur, en ce qu'elle est exclusivement fondée sur l'affirmation que ce dernier a mis en échec les dispositions du contrat relatives au temps partiel, en la plaçant dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail sera également nécessairement rejetée, ainsi que les demandes en paiement en découlant.
Là encore, le jugement sera confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Madame [N] [I], succombant, supportera les dépens de première instance et d'appel.
Elle succombera en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La Société H & L PRESTATIONS À DOMICILE, en équité, ne sera pas plus accueillie en sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint-Etienne le 30 novembre 2020 en ce qu'il a débouté Madame [N] [I] de l'ensemble de ses demandes principales, en ce qu'il a débouté les parties à l'instance de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Infirme ledit jugement en ce qu'il a ordonné le partage des dépens et statuant de nouveau,
Condamne Madame [N] [I] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT