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23/02/2023 | FRANCE | N°19/00567

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale c, 23 février 2023, 19/00567


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 19/00567 - N° Portalis DBVX-V-B7D-ME57





E.U.R.L. [N] [E]

C/

[D]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 02 Janvier 2019

RG : R 18/00585











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE C



ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023





APPELANTE :



E.U.R.L. [N] [E] prise en la personne de son représentant léga

l, domicilié es qualités audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 8]



représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON





INTIMÉ :



[W] [D]

né le 11 Septembre 1955 à [Localité 10] (ESPAGNE)

[Adresse 1...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 19/00567 - N° Portalis DBVX-V-B7D-ME57

E.U.R.L. [N] [E]

C/

[D]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 02 Janvier 2019

RG : R 18/00585

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE C

ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023

APPELANTE :

E.U.R.L. [N] [E] prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualités audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[W] [D]

né le 11 Septembre 1955 à [Localité 10] (ESPAGNE)

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 4]

représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat postulant inscrit au barreau de LYON

et représenté par Me Murielle MAHUSSIER de la SCP REVEL MAHUSSIER & ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

PARTIE INTERVENANTEES :

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 9] Association déclarée, représentée par sa directrice nationale Madame [U] [R]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée par Me Cécile ZOTTA de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON

S.E.L.A.R.L. AJ UP représentée par Me [L] [G] es qualité de commissaire à l'exécution du plan

[Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Thierry CARRON de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat au barreau de LYON

SELARL ALLIANCE MJ représentée par Maitre [J] [B] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de l'EURL [N] [E]

[Adresse 3]

[Localité 7]

non représentée

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 10 Novembre 2022

Présidée par Etienne RIGAL, Président magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Etienne RIGAL, président

- Thierry GAUTHIER, conseiller

- Vincent CASTELLI, conseiller

ARRÊT : REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 23 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Etienne RIGAL, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DES FAITS

L'EURL [N] [E] est une entreprise spécialisée de tuyauterie industrielle; son gérant était Monsieur [N] [E] jusqu'en 2016.

Monsieur [W] [D] a été embauché par cette entreprise, suivant contrat à durée déterminée à compter du 9 mai 2006, en qualité de soudeur; cette relation salariale s'est poursuivie au-delà du terme de ce contrat, sans formation d'un écrit et cela moyennant un salaire mensuel de 1993,33 euros, outre une prime mensuelle et une prime d'ancienneté, pour un horaire de 39 heures hebdomadaires.

Cette relation était régie par la convention collective de la métallurgie du Rhône.

Le 5 décembre 2016, Monsieur [W] [D] a été victime d'un accident de travail; en suite de ce sinistre, il a été placé en arrêt de travail à compter du 23 janvier 2018.

Après deux visites médicales auprès de la médecine du travail, les 7 et 11 juin 2018, l'EURL [N] [E] a mis en 'uvre une procédure de licenciement pour inaptitude et par courrier recommandé du 3 juillet 2018 a notifié à Monsieur [W] [D] son licenciement pour ce motif.

Reprochant à son employeur de lui avoir remis des documents de contrat et un solde de tout compte, non conformes à la réalité du contrat et de son exécution, Monsieur [W] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon en sa formation de référé.

Par ordonnance de référé, réputée contradictoire, en date du 2 janvier 2019, le dit conseil a condamné l'EURL [N] [E] à payer à Monsieur [W] [D] les sommes provisionnelles suivantes :

- 868,63 euros bruts, à titre de rappel de la prime d'ancienneté,

- 1 531,92 euros bruts, à titre de rappel de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 12 332,78 euros, au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4 000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation de la réticence de l'EURL [N] [E] dans la mise à disposition des documents de fin de contrat de travail et de sa résistance abusive dans leur modification,

- 800 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,.

Il a également condamné l'EURL [N] [E] à remettre à Monsieur [W] [D] des bulletins de paie rectifiés pour la période de juillet 2015 à juillet 2018 et la remise du bulletin de salaire de juillet 2018, ainsi que des documents de rupture du contrat de travail, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte sur saisine de l'intéressé et d'en fixer une nouvelle si besoin.

L'EURL [N] [E] a interjeté appel de cette ordonnance le 23 janvier 2019.

Par arrêt en date du 5 septembre 2019, la chambre commerciale de la présente cour d'appel a infirmé le jugement ayant placé l'EURL [N] [E] en liquidation judiciaire et a prononcé son redressement judiciaire.

Par jugement du 7 janvier 2000, le tribunal de commerce de Lyon a désigné la SELARL ALLIANCE MJ en qualité d'administrateur judiciaire de celle-ci.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 5 octobre 2022, la dite société, prise en la personne de cet administrateur, demande à la cour la réformation de cette ordonnance en toutes ses dispositions, le rejet de toute demande de Monsieur [W] [D] et sa condamnation à lui payer la somme de 3000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 6 octobre 2022, Monsieur [W] [D] demande à la cour de:

- juger recevables et bien fondées ses demandes ;

A titre principal:

- confirmer l'ordonnance entreprise par le conseil de prud'hommes de Lyon en date

du 2 janvier 2019 en ce qu'elle a condamné l'EURL [N] [E] au paiement des sommes suivantes :

- 868,63 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté ;

- 1 531,92 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 12 332,78 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;

- confirmer l'ordonnance du 2 janvier 2019 en ce qu'elle a condamné l'EURL [N] [E] aux dépens.

- infirmer l'ordonnance entreprise par le conseil de prud'hommes de Lyon en date en ce qu'elle a ordonné :

- la rectification des bulletins de salaire pour la période allant du mois de juillet 2015 à juillet 2018,

- la remise du bulletin de salaire du mois de juillet 2011,

- la remise de l'attestation POLE EMPLOI, du certificat de travail, et du reçu pour solde

de tout compte, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de l'ordonnance,

Et statuant à nouveau:

- condamner l'EURL [N] [E] à procéder à la rectification des bulletins de salaire de Monsieur [W] [D] pour la période allant du mois de juillet 2015 à juillet 2018,

- la remise du bulletin de salaire du mois de juillet 2011,

- la remise de l'attestation POLE EMPLOI, du certificat de travail, et du reçu pour solde

de tout compte, le tout sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de l'ordonnance,

- infirmer l'ordonnance entreprise par le conseil de prud'hommes de Lyon en date du

2 janvier 2019 en ce qu'elle a condamné l'EURL [N] [E] au versement de la somme de 4 000 euros nets à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour réticence dans la mise à disposition des documents de fin de contrat de travail et de la résistance abusive dans leur modification,

Et statuant à nouveau:

- condamner l'EURL [N] [E] au versement de la somme de 6 000 euros nets à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la réticence dans la mise à disposition des documents de fin de contrat de travail et de la résistance abusive dans leur modification ;

A titre subsidiaire:

- confirmer l'ordonnance entreprise par le conseil de prud'hommes de Lyon en date

du 2 janvier 2019 en ce qu'elle a condamné l'EURL [N] [E] au paiement des sommes suivantes :

- 868,63 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,

- 1 531,92 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

- 12 332,78 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;

En toutes hypothèses:

- condamner l'EURL [N] [E] au paiement de la somme de 2 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger opposable à l'UNEDIC la décision à intervenir.

L'UNEDIC, prise en sa délégation du CGEA DE [Localité 9], au terme de ses écritures notifiées le 22 octobre 2019 demande à la cour de:

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a alloué des dommages-intérêts à titre de provision pour préjudice subi et dire et juger qu'il existe une contestation sérieuse de ce chef,

Subsidiairement,

- débouter Monsieur [W] [D] de ce chef de demande comme étant infondée en son principe et en son quantum,

En tout état de cause,

- dire et juger que l'article 700 du code de procédure civile n'est pas garanti par l'AGS.

- dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail, que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-15 du code du travail et L. 3253-17 du code du travail,

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Il sera renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions susvisées, qu'elles ont déposées et, ce, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

'

MOTIFS

L'article R1455-7 du code du travail énonce que :

« Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.»

Sur l'ancienneté du salarié

La défense opposée par l'EURL [N] [E] aux demandes en paiement formées au titre des primes d'ancienneté, de l'indemnité spéciale de licenciement et de l'indemnité de préavis repose exclusivement sur la contestation de l'ancienneté en son sein revendiquée par celui-ci.

Arguments des parties

De ce chef, Monsieur [W] [D] expose que :

L'article L. 1243-11 du code du travail dispose que :

« Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée. Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.»

L'article 36 de la convention collective de la métallurgie du Rhône stipule :

« Les mensuels bénéficient d'une prime d'ancienneté calculée dans les conditions ci-

après sur la rémunération minimale hiérarchique :

- 5 p. 100 après 3 ans d'ancienneté,

- 10 p. 100 après 6 ans d'ancienneté,

- 11 p. 100 après 11 ans d'ancienneté,

- 15 p. 100 après 12 ans d'ancienneté.

Le montant de la prime d'ancienneté est adapté à l'horaire de travail et supporte,

de ce fait, les rémunérations pour heures supplémentaires.

La prime d'ancienneté doit figurer à part sur le bulletin de paye. »

- Niveau I, Coefficient 140 O1 : 612,52

L'article 3 de la convention collective de la métallurgie stipule que:

« Pour la détermination de l'ancienneté ouvrant droit aux garanties prévues par l'accord national du 10 juillet 1970 modifié, il sera tenu compte de la présence continue, c'est-à-dire du temps écoulé depuis la date d'entrée en fonctions en vertu du contrat

de travail en cours, sans que soient exclues les périodes de suspension de ce contrat

ni l'ancienneté dont bénéficiait le salarié en cas de mutation concertée à l'initiative de l'employeur même dans une autre société. Il sera également tenu compte, le cas échéant, de la durée des contrats de travail antérieurs. »

Or, il a initialement été embauché par contrat de travail à durée déterminée du 9 mai 2006. Ce contrat devait prendre fin le 31 octobre 2007. (Pièces n°2 et 3)

Le contrat de travail s'est en réalité poursuivi au-delà du terme initial, devenant, conformément à l'article L. 1243-11 du code du travail, un contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d'ancienneté.

Monsieur [N] [E], dirigeant de le société jusqu'en 2016, a d'ailleurs établi une attestation formalisant les relations de travail à durée indéterminée, le 9 septembre 2010 indiquant :« Monsieur [W] [D] est employé en CDI, par notre Société, en qualité de SOUDEUR depuis le 09 Mai 2006' ».

Au-delà, il verse aux débats l'intégralité de ses bulletins de salaire, entre le mois de mai 2006 et le mois de juin 2011.

La cour constatera que les bulletins de salaire établis par l'employeur postérieurement à la date du 31 octobre 2007 renseignent une date d'entrée dans les effectifs au 9 mai 2006.

En cause d'appel, la société ose affirmer de manière fallacieuse qu'il n'aurait jamais travaillé entre le terme de son contrat de travail à durée déterminée et le 16 août 2011.

Dans ses conclusions n°4, la partie adverse précise que les bulletins de salaire de Monsieur [D] mentionnant une indemnité de précarité, ce fait suffirait à prouver l'absence de continuité de la relation de travail.

Or, une simple lecture desdits bulletins de salaire permet de comprendre que cette prime est versée tous les mois depuis 2006 et jusqu'en janvier 2016.

Ainsi cette prime qui se prétend « de précarité » n'a aucunement pour but de pallier à la prétendue précarité du salarié, du fait de la fin de la relation contractuelle, puisque versée de façon régulière, sans que le contrat de travail ait pris fin.

Par ailleurs, la cour relèvera qu'aucun autre contrat que celui du 9 mai 2006 n'a été signé.

Il verse également l'ensemble de ses bulletins de salaire pour la période du mois de juillet 2011 au mois de juin 2018.

L'EURL [N] [E] répond que :

Comme indiqué en amont, s'il est exact que Monsieur [W] [D] a été engagé par contrat a durée déterminée du 9 mai 2006 jusqu'au 31 octobre 2007, ce dernier ne peut revendiquer le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée qui aurait pris naissance au terme de ce contrat à durée déterminée.

Pour preuve les bulletins de salaire enfin versés aux débats par Monsieur [W] [D] font mention de la perception d'une indemnité de précarité, élément mis a la charge de tout employeur lors de l'embauche de CDD ou d'intérimaires.

Dans un premier temps, d'ailleurs, le seul élément de preuve avancé au soutien de ses demandes par celui-ci résidait dans sa pièce n°3, à savoir un document signé de Monsieur [N] [E] daté du 9 septembre 2010 et indiquant qu'il était salarié de I'EURL [N] [E] depuis le 9 mai 2006, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée.

Or, ce document est sans effet sur le litige en cours même s'il permet de déceler la collusion Monsieur [W] [D] et de son ancien employeur, qui étaient des amis.

C'est d'ailleurs pour cette raison que Monsieur [W] [D] n'a jamais formulé la moindre demande du temps de sa gouvernance.

Dans le cadre de ses premières écritures, elle a relevé, quant à elle, qu'il était pour le moins surprenant de constater que pour la période écoulée entre le 31 octobre 2007, terme du contrat de travail à durée déterminée signé par Monsieur [W] [D] et le 16 août 2011, ce dernier ne soit pas en mesure de justifier de sa prétendue relation de travail avec I'EURL [N] [E] autrement que par sa pièce n°3, déjà citée.

Il ne versait pas aux débats de bulletin de salaire pour ces quatre années de prétendu travail.

Dans le cadre de ses conclusions d'appel, il communique enfin l'ensemble de ses bulletins de paies pour la période concernée.

Ses bulletins de salaire confirment en effet une interruption de sa relation contractuelle au sein de l'EURL [N] [E].

Ainsi, il ne pourra qu'être constaté que Ie bulletin de salaire du mois de juillet 2011 concerne la seule période du 1er au 22 juillet 2011 et qu'il y est indiqué une date de sortie des effectifs salariés pour Monsieur [W] [D] au 22 juillet 2011.

Or, le bulletin de salaire du mois d'août 2011 concerne la période du 16 août 2011 au 31 août 2011.

Il est donc évident que le contrat de travail de Monsieur [W] [D] a été rompu entre le 22 juillet 2011 et Ie 16 août 2011, d'où la prise en considération de cette dernière date pour l'ancienneté de ce dernier, ancienneté servant au calcul des indemnités de fin de contrat, objet de la contestation litigieuse.

La Cour constatera que la position qui est la sienne est confirmée outre par les bulletins de salaire mentionnant la date d'ancienneté au 16 août 2011, par I'acte de cession de parts sociales signé par Monsieur [N] [E] indiquant en son article 9 ayant traits aux salariés présents dans ses effectifs:

' Monsieur [W] [D] domicilié [Adresse 11], né le 11 septembre 1955, en qualité de soudeur -sans contrat - date d'entrée : 16.08.2011».

Elle a donc, en toute régularité, établi Ies documents de fin de contrat en mentionnant une ancienneté pour Monsieur [W] [D] prenant effet à cette dernière date et a régulièrement calculé Ies droits de celui-ci sur la base d'une ancienneté prenant effet au dit 16 août 2011.

Monsieur [W] [D] ne démontre pas l'existence d'une relation de travail pour une période ininterrompue entre le 16 août 2011 et le 3 juillet 2018 et, en conséquence, il sera débouté de ses entières demandes.

Les accords nationaux de la convention collective nationale de la métallurgie exclue en effet Ies contrats de travail antérieurs pour le calcul de l'indemnité de licenciement.

Le texte est clair:

"Ancienneté appréciée à Ia date de fin de préavis en excluant les contrats antérieurs avec la même entreprise". ( Pièce n°13 : Extrait convention collective nationale de Ia métallurgie).

Or, il y a bien eu 24 jours d'interruption.

Sur ce

Il incombe à Monsieur [W] [D] de démontrer l'ancienneté qu'il revendique.

A ce stade, il sera précisé qu'il est acquis que celui-ci a initialement été embauché par contrat de travail à durée déterminée du 9 mai 2006. Ce contrat devait prendre fin le 31 octobre 2007.

Le dit contrat temporaire est d'ailleurs produit aux débats.

Il n'est pas plus débattu qu'à l'expiration de ce contrat temporaire, la relation salariale entre ces parties s'est poursuivie.

En effet, l'EURL [N] [E] soutient exclusivement qu'elle s'est interrompue entre le 22 juillet 2011 et le 16 août 2011.

Il sera ajouté que Monsieur [W] [D] produit aux débats un bulletin de salaire pour les mois suivants l'expiration du contrat à durée déterminée jusqu' à tout le moins celui de juillet 2011.

Il n'est pas justifié de ce qu'un contrat de travail écrit à durée déterminée aurait été signé à l'échéance du contrat s'étant achevé le 31 octobre 2007.

Or, comme le rappelle justement Monsieur [W] [D], l'article L1243-11 du code du travail dispose que :

'Lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.

Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.'

Dans ces conditions, il sera retenu que Monsieur [W] [D] démontre incontestablement qu'il a été salarié de l'EURL [N] [E], suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2007 , avec une ancienne remontant au 9 mai 2006.

Cette preuve d'un lien salarial à durée indéterminée étant faite, il incombe à l'employeur de produire aux débats des éléments sérieux au soutien de son affirmation de ce que, nonobstant l'existence de ce contrat, le lien salarial a été rompu à compter du 22 juillet 2011.

Pour étayer cette affirmation, il produit le bulletin de salaire de ce mois de juillet 2011, portant les indications suivantes : 'Date d'entrée 09/05/2006, sortie 22/07/2011

Cependant, ce bulletin rapporte également être établi sur la base de 151,67 heures mensuelles de travail, soit un mois d'activité et non 21 jours seulement ce qui aurait correspondu à une rupture du contrat effectivement intervenue le 22 juillet, tout en retranchant après cela 35 heures d'absence.

Par ailleurs, il n'y est mentionné aucun versement d'une quelconque somme liée à la rupture d'un contrat de travail.

Par ailleurs l'EURL [N] [E] n'explique pas quelle aurait été la cause de cette rupture du contrat de travail et qui en serait l'auteur.

Enfin, elle ne produit pas à la procédure le registre unique du personnel qu'elle doit détenir et qui, nécessairement mentionne l'éventuelle rupture contractuelle et sa cause.

Certes, elle dépose aux débats l'acte notarié de cession de parts sociales du 29 février 2016, par lequel M. [N] [E] énonce avoir engagé l'intimé le 16 août 2011, mais cette pièce est contredite par une attestation écrite de ce même auteur lequel y 'certifie que Monsieur [W] [D] est employé en CDI par notre société depuis le 9 mai 2006".

Il suit de ces motifs qu'au regard de ces éléments, notamment de l'absence de production du registre du personnel, ainsi que de toute pièce justifiant d'une cause de rupture du contrat de travail à durée indéterminée et, enfin de lecture complète et analytique du bulletin de paie de juillet 2011, l'EURL [N] [E] ne dépose pas d'éléments constituant une contestation sérieuse de l'existence d'une relation salariale continue depuis le 9 mai 2006.

Dans ces conditions, l'ancienneté évoquée par Monsieur [W] [D] sera jugée lui être incontestablement acquise et l'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a ordonné, à titre provisionnel, que lui soit payées les sommes suivantes, non contestées par ailleurs en leur calcul, même à titre subsidiaire :

- 868,63 euros à titre de rappel de la prime d'ancienneté ;

- 1 531,92 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 12 332,78 euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement.

Sur la demande en dommages et intérêts provisionnels

Arguments des parties

Monsieur [W] [D], de ce chef, énonce que:

L'attestation Pôle emploi et le certificat de travail le concernant et qui ont été délivrés par cet employeur mentionnent une date d'entrée en fonction erronée, puisque ils indiquent une période d'emploi allant du 16 août 2011 au 3 juillet 2018. (Pièce n°17)

Or, il a été embauché à compter du 9 mai 2006.

Il a relancé l'entreprise à plusieurs reprises afin que celle-ci régularise la situation et qu'elle lui délivre des documents rectifiés de fin de contrat.

Le 3 août 2018, il s'est violemment vu refuser la délivrance de ces documents par Monsieur [F].

Au sein de ses écritures, l'employeur prétend avoir tenu à disposition les documents de fin de contrat de Monsieur [D] en toute régularité au siège de l'entreprise.

La Cour constatera qu'en réalité l'EURL [N] [E] a opportunément écrit le 3 août 2018 au salarié, au sujet de la mise à disposition de documents non régularisés, tout en lui imputant un prétendu « comportement violent » qu'il conteste, que l'EURL [N] [E] ne démontre pas et qu'au contraire, l'attestation de Monsieur [Z] dément.

Au surplus, cette lettre n'a été déposée aux services postaux, par l'entreprise, que le 11 août 2018, soit 2 jours avant les périodes de fermeture de l'entreprise qu'elle a communiquées à Monsieur [D] : « L'EURL [N] [E] est fermée du 13 août au 30 août ».

Ces éléments témoignent de l'entière mauvaise foi de l'employeur, qui n'a entendu ni régulariser ses droits, ni lui délivrer ses documents de fin de contrat dans des délais raisonnables.

Ce n'est que le 14 septembre 2018 que Monsieur [D] a pu récupérer ses documents de fin de contrat, mais l'employeur a persisté dans son refus de les rectifier et de lui verser l'intégralité des sommes dues au titre de la rupture.

Ce retard dans la délivrance de ces pièces l'a conduit à une situation financière délicate.

De plus, le refus délibéré de l'EURL [N] [E] d'établir des documents de fin de contrat rectifiés lui cause un préjudice important dans ses démarches administratives vis-à-vis des organismes sociaux.

En effet, lui qui souhaitait partir à la retraite, n'a pu avoir de retour sur son dossier qu'en janvier 2019, du fait du retard dans la transmission de ses derniers documents par l'EURL [N] [E].

Le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande de dommages-intérêts du demandeur, en condamnant l'EURL [N] [E] à une indemnisation à hauteur de 4 000 euros, au regard du retard dans la remise des documents, le paiement du solde de tout compte et la résistance abusive dans leur modification par l'employeur.

La Cour confirmera ce point, et portera le quantum de la condamnation à hauteur de 6000 euros.

L'EURL [N] [E] répond que:

Les documents de fin de contrat ont été mis à la disposition de ce salarié.

Celui-ci a fait preuve de violence lorsqu'il s'est agi d'en prendre possession.

Dès lors, aucune faute n'a été commise et, en toutes hypothèses, Monsieur [W] [D] ne justifie d'aucun préjudice né du prétendu retard qu'il invoque.

Sur ce

Il sera rappelé que le licenciement de Monsieur [W] [D] est intervenu à la date du 3 juillet 2018.

Il revient à tout employeur à l'occasion de la rupture de contrat travail d'établir et de tenir à la disposition de son ancien salarié les documents de fin de contrat et cela sans délai.

Il est produit aux débats le reçu pour solde de tout compte établi par l'employeur le 2 août 2018.

Il est également déposé à la procédure le certificat de travail établi quant à lui, dès le 6 juillet 2018.

Par un courrier du 13 juillet 2018, également déposé au dossier, Monsieur [W] [D] a écrit à son ancien employeur en lui demandant que lui soit adressé son solde de tout compte et son attestation Pôle emploi.

Par courrier en réponse par lettre recommandée du 3 août suivant, l'EURL [N] [E] lui a indiqué tenir à sa disposition les documents de fin de contrat, indiquant au-delà que sa date d'entrée dans l'EURL [N] [E] était celle du 16 août 2011.

Quant à la date de remise des documents de fin de contrat il sera rappelé que ceux-ci sont quérables et qu'ainsi Monsieur [W] [D] ne pouvait exiger qu'ils lui soient adressés.

Cependant, dès lors que le solde de tout compte a été établi le 2 août 2018, l'EURL [N] [E] ne peut prétendre que l'ensemble des documents de fin de contrat étaient disponibles antérieurement à cette date.

Dès lors, il sera retenu que cet employeur a manqué à son obligation de délivrance immédiate des dits documents.

Cependant, Monsieur [W] [D] ne dépose pas à la procédure d'éléments de preuve d'un préjudice non contestable né de ce retard.

Dans ces conditions il ne peut être fait droit à sa demande en dommages-intérêts provisionnels, de ce chef.

Quant à sa prétention relative à un abus de droit imputable à l'EURL [N] [E], en ce que celle-ci a refusé de rectifier ces documents, notamment quant à l'indication de sa date d'entrée dans les effectifs de celle-ci, il sera rappelé qu'il lui revient de démontrer la faute incontestable qu'il invoque.

Or l'EURL [N] [E] rappelle à juste titre que l'acte de cession de parts sociales signé par Monsieur [N] [E] portait la mention de ce que Monsieur [W] [D] avait été embauché le 16 août 2011.

Dans ces conditions, celle-ci apporte aux débats des éléments de preuve sérieux quant à sa bonne foi et, dans ces conditions, il est sérieusement contestable qu'elle ait commis un tel abus.

La demande indemnitaire du chef de cet abus ne sera pas plus accueillie.

Sur la remise de documents rectifiés

Il suit des motifs précédents que Monsieur [W] [D] est fondé à recevoir des bulletins de paie rectifiés en ce qu'il mentionneront le versement de la prime d'ancienneté liquidée plus avant et cela pour la période sollicitée.

S'agissant du bulletin de paie du mois de juillet 2011, il sera observé que celui-ci est intervenu dans le cadre de l'échange de pièces intervenu en cours de procédure et cette demande, devenue sans objet, sera rejetée.

À ce stade, rien ne justifie que soit prononcée une mesure d'astreinte et l'ordonnance querellée sera infirmée de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

L'EURL [N] [E] succombant, au moins partiellement, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Elle succombera en sa demande reconventionnelle en remboursement de ses frais irrépétibles.

En équité, et par application de l'article 700 du code de procédure civile, elle versera à Monsieur [W] [D] la somme de 800 euros, en sus de la condamnation déjà prononcée à ce titre par la juridiction de premier degré.

Sur la garantie de L'UNEDIC, prise en sa délégation du CGEA DE [Localité 9]

L'EURL [N] [E] a été placée en redressement.

Dès lors en application des dispositions des articles L.3253-8 et suivants du code du travail la garantie de L'UNEDIC, prise en sa délégation du CGEA DE [Localité 9] est due s'agissant des condamnations prononcées à son endroit, exceptée celle fondée sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, mais celle-ci n'interviendra qu'à titre subsidiaire et en l'absence de fonds disponibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en référé, prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme l'ordonnance de référé, rendu par le conseil de prud'hommes de Lyon le 2 janvier 2019, en ce qu'elle a mis à la charge de l'EURL [N] [E] à titre de provision, outre intérêts de droit les sommes suivantes :

- 868,63 euros bruts, à titre de rappel sur d'ancienneté,

- 1 531,92 euros bruts, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 12'332,78 euros, au titre du solde d'indemnité spéciale de licenciement.

En conséquence, fixe lesdites créances au passif du redressement judiciaire de l'EURL [N] [E],

Confirme ladite ordonnance en ce qu'elle a condamné la même société à remettre à Monsieur [W] [D] des bulletins de salaire de juillet 2015 à juillet 2018 rectifiés en ce qu'ils mentionneront le versement de la prime d'ancienneté, telle que liquidés plus avant et des documents de fin de contrat rectifiés en ce qu'il prendront en considération une ancienneté remontant au 9 mai 2006,

Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a donné la remise du bulletin de salaire du mois de juillet 2011, l'infirme également en ce qu'elle a ordonné une mesure d'astreinte provisoire,

Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a condamné l'EURL [N] [E] au paiement de la somme de 4000 euros à titre de provision sur dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour réticence dans la mise à disposition de documents de fin de contrat de travail et de la résistance abusive dans leur modification,

Confirme l'ordonnance ce qu'elle a condamné l'EURL [N] [E] à payer la somme de 800 euros, à Monsieur [W] [D] au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile et y ajoutant fixe au passif du redressement judiciaire de l'EURL [N] [E] la somme additionnelle 700 euros au titre des frais irrépétibles engagés par Monsieur [W] [D] du chef de la procédure d'appel,

En conséquence, fixe au passif du redressement judiciaire de l'EURL [N] [E] la somme totale de 1500 euros au titre des sommes dues à Monsieur [W] [D], en application de l'article 700 du code de procédure civile,

rejette les autres ou plus amples demandes,

Dit que l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 9] devra sa garantie en paiement des sommes liquidées plus avant, à l'exception de celles dues en application de l'article 700 du code de procédure civile, dans les limites et conditions prévues par la loi,

Condamne l'EURL [N] [E] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale c
Numéro d'arrêt : 19/00567
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;19.00567 ?
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