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23/02/2023 | FRANCE | N°15/01413

France | France, Cour d'appel de Lyon, 3ème chambre a, 23 février 2023, 15/01413


N° RG 15/01413 - N° Portalis DBVX-V-B67-JPKG









Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE au fond du 08 juin 2011



RG : 2006/02503





[U]

[K]



C/



Société BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES

SA NATIXIS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



3ème chambre A



ARRET DU 23 Février 2023







APPELANTS :



Mme [D] [U] épou

se [K]

née le 19 Mai 1957 à [Localité 3]

[Adresse 5]

[Localité 2]



M. [P] [K]

né le 11 Août 1955 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentés par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106, postulant, et plaidant par Me Mur...

N° RG 15/01413 - N° Portalis DBVX-V-B67-JPKG

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE au fond du 08 juin 2011

RG : 2006/02503

[U]

[K]

C/

Société BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES

SA NATIXIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 23 Février 2023

APPELANTS :

Mme [D] [U] épouse [K]

née le 19 Mai 1957 à [Localité 3]

[Adresse 5]

[Localité 2]

M. [P] [K]

né le 11 Août 1955 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentés par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106, postulant, et plaidant par Me Muriel LINARES de la SELARL TILSITT AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1635

INTIMEES :

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES venant aux droits de la Banque Populaire Loire et Lyonnais, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités de droit audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547, postulant et plaidant par Me Prisca WUIBOUT de la SELARL UNITE DE DROIT DES AFFAIRES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

SA NATEXIS prise en la personne de ses représentants légaux, domicilés ès qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et par Me Janine FRANCESCHI-BARIANI du cabinet STCPARTNERS, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 19 Février 2015

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 23 Février 2023

Audience tenue par Patricia GONZALEZ, présidente, et Aurore JULLIEN, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Marianne LA-MESTA, conseillère

- Aurore JULLIEN, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [D] [U] épouse [K] et M. [P] [K] étaient titulaires depuis 1984 de plusieurs comptes de dépôt, de titres et de placements d'assurances vie et retraite complémentaire auprès de la SA Banque populaire Loire et Lyonnais (ci-après * la société BPLL).

M. [K] réalisait également des opérations de bourse sur le marché des obligations négociables de [Localité 7] à titre personnel et pour le compte de la société Perfextrem dont il était le gérant.

Le traitement de ces opérations était confié à la SA Natexis.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 mars 2006, M. [K] a informé la société BPLL de sa volonté de clôturer son compte personnelle MONEP à la fin du mois de mars 2006. M. [K] considérait qu'il y avait eu de graves dysfonctionnements liés à un défaut d'organisation et à la déficience des procédures de contrôle de la société BPLL et de son mandataire, la société Natexis.

Le 16 juin 2006, la société BPLL a liquidé les avoirs de la société Perfextrem engendrant un découvert de 390.000 euros et a dénoncé les conventions de comptes courants de Mme et M. [K] ainsi que les concours et services qui y étaient associés, de même que les concours et services qui la liaient à d'autres structures commerciales telle que la société BFM Immobilier.

Le 19 juin 2006, Mme et M. [K] ont quitté la BPLL après avoir soldé et clôturé les différents comptes créditeurs, le compte MONEP et les comptes de la société Perfextrem. Ils sont restés titulaires de la somme de 140.000 euros dans les livres de la société BPLL. Cette dernière a refusé de leur restituer cette somme en garantie d'une ligne de découvert consenti à la BPF Immobilier et dénoncée le 10 juillet 2006.

Par acte du 8 novembre 2006, Mme et M. [K] ont fait assigner en paiement solidaire de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice la société BPLL et la société Natexis.

Par jugement en date du 8 juin 2011, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

- débouté Mme et M. [K] de l'ensemble de leurs demandes envers la société BPLL et la société Natexis,

- condamné Mme et M. [K] à régler à la société BPLL la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné Mme et M. [K] à régler à la société Natexis la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamné Mme et M. [K] à régler à la société BPLL la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme et M. [K] à régler à la société Natexis la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme et M. [K] aux entiers dépens de l'instance,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement.

Mme et M. [K] ont interjeté appel de ce jugement par acte du 11 juillet 2011.

Par arrêt du 20 juin 2013, la cour d'appel de Lyon a :

- confirmé, en toutes ses dispositions, le jugement déféré,

Y ajoutant,

- condamné solidairement Mme et M. [K] à verser à la société BPLL et à la société Natexis, à chacune, la somme de 10.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement Mme et M. [K] aux dépens d'appel,

- autorisé les mandataires des parties qui en ont fait la demande à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme et M. [K] ont formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 9 décembre 2014, la cour de cassation a :

- cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état ou elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée,

- condamné la société BPLL et la société Natixis aux dépens,

- condamné la société BPLL et la société Natixis à payer la somme globale de 3.000 euros à M. et Mme [K] et a rejeté leurs demandes,

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Par arrêt contradictoire du 2 mars 2017 statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Lyon a :

- confirmé le jugement entrepris excepté :

- en ce qu'il a débouté les époux [K] de leur demande d'expertise concernant les IFU,

- en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande de remboursement de la somme de 37.408.30 euros,

- en ce qu'il a condamné Mme et M. [K] à verser des dommages-intérêts à la société BPLL et à la société Natexis pour procédure abusive,

- en ce qu'il a condamné les époux [K] à payer à la société Natexis une indemnité de procédure de 20.000 euros,

- en ce qu'il a mis les dépens à la charge des époux [K],

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- débouté les époux [K] de leurs demandes de retrait de propos dans les écritures de la société BPLL, devenue société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes (ci-après * société BPAURA), et de communication de nouvelles pièces sous astreinte,

- condamné la société BPAURA à payer à Mme [K] la somme de 37.408,30 euros outre intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2006,

- déclaré Mme et M. [K] irrecevables en leur demande nouvelle en nullité de toutes les opérations boursières réalisées et les a déboutés de leur demande provisionnelle au titre des IFU et de dommages-intérêts complémentaires à leur demande de remboursement dirigée contre la société BPAURA.

Avant dire droit sur les erreurs affectant ces IFU et sur le préjudice qui en serait résulté, sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, et sur les demandes d'indemnité de procédure des appelants et de la société BPAURA :

- ordonné une expertise confiée à M. [O] [C], expert près la cour d'appel de Lyon, demeurant [Adresse 8], n°07 82 32 47 47 avec mission, après s'être fait remettre tous les documents nécessaires et avoir entendu les parties et leur conseil en leurs explications, d'établir, pour chaque exercice, la concordance entre les IFU établis par la société BPAURA et les gains réels nets ou pertes réelles nettes réalisées sur le compte titres des époux [K] :

- chiffrer, en cas de différentiel, l'incidence en termes d'imposition fiscale de ces erreurs ou omissions,

- chiffrer le préjudice ayant pu résulter de ces erreurs éventuelles au vu des impositions dont les époux justifieront s'être acquittés au titre de leur compte titres ouvert à cette banque,

- dit que l'expert pourra se faire assister, en cas de besoin, d'un sapiteur d'une autre spécialité,

- ordonné à Mme et M. [K] de consigner une somme provisionnelle à valoir sur le coût de l'expertise de 10.000 euros, avant le 1er avril 2017, sous peine de caducité de la mesure

dit que l'expert devra commencer ses opérations d'expertise dès notification par le greffe de cette consignation, et qu'après dépôt d'un pré- rapport communiqué aux parties, il devra déposer son rapport définitif avant le 30 octobre 2017,

- désigné le conseiller de la mise en état de la chambre pour suivre les opérations d'expertise,

- réservé les dépens.

Le 21 avril 2021, l'expert a déposé son rapport après de multiples réunions d'expertise.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 14 décembre 2021 fondées sur les articles 175, 237, 246 et 16 du code de procédure civile, les articles 1153 et 1147 du code civil dans leur ancienne version et l'article 321-24-3 du règlement général de l'AMF, Mme [K] née [U] et M. [K] demandent à la cour, par voie d'infirmation du jugement, de :

- constater que le rapport d'expertise du 21 avril 2021 est inexploitable en ce qu'il est incomplet et ne répond pas de manière fiable aux interrogations de la cour,

- dire et juger que faute de pièces versées par la société BPAURA les extrapolations de l'expert n'ont pas pu faire l'objet d'un débat technique contradictoire documenté et ne sont pas fiables,

- constater que l'expert lui-même admet l'absence de solidité de ses conclusions qui reposent sur les extrapolations empiriques.

En conséquence,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise du 21 avril 2021,

- subsidiairement, s'affranchir des conclusions du rapport d'expertise qui ne sont manifestement pas suffisamment probantes comme l'admet lui- même l'expert.

Sur le fond et les demandes réservées par l'arrêt avant dire droit du 2 mars 2017 rectifié par l'arrêt du 13 avril 2017 :

- juger que la société BPAURA à la charge de la preuve du respect de ses obligations à leur égard,

- juger que la société BPAURA est manifestement défaillante dans la démonstration du respect de ses obligations dans l'établissement des IFU et plus généralement dans ses obligations d'information et de loyauté à leur égard

En conséquence,

- évaluer leur préjudice consécutif à l'absence de document IFU documenté pour l'année 2003 à la somme de 60.000 euros,

- condamner la société BPAURA à leur payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- constater qu'à la demande la société BPAURA ils avaient chiffré leur préjudice en juin 2006 à la somme de 237.323 euros et que son courrier adressé en recommandé à la société BPAURA n'ayant jamais été démenti,

- chiffrer à la somme de 237.323 euros leur préjudice financier outre intérêts à compter du 10 juin 2006,

- condamner la société BPAURA à leur payer la somme de 237.323 euros à titre de dommages-intérêts, outre intérêts à compter du 10 juin 2006,

- condamner la société BPAURA à leur payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de l'indemnisation du préjudice moral qu'ils ont nécessairement subi du fait des agissements déloyaux de la société BPAURA,

- condamner la société BPAURA à leur payer la somme de 50.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société BPAURA à payer l'intégralité des frais d'expertise et à leur rembourser les sommes qu'ils ont avancées à ce titre,

- condamner la société BPAURA aux entiers dépens de la présente instance,

- débouter la société BPAURA de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise, M. et Mme [K] ont fait valoir les éléments suivants :

- le caractère incomplet du rapport qui le rend inexploitable, puisque l'expert n'a pas été en mesure d'exercer sa mission pour les exercices 2001 à 2003 s'agissant du MONEP alors même qu'elles sont centrales dans le contentieux, étant rappelé que les appelants ont répondu à toutes les demandes de pièces présentées par l'expert

- le fait que la demande d'expertise date de 2006 et que la banque se devait en conséquence de conserver les pièces comptables nécessaires au litige

- le fait que les pièces communiquées ne permettaient pas à un débat contradictoire devant l'expert qui a indiqué que les pièces nécessaires ne lui avaient pas été communiquées, sans compter que l'expert, s'agissant de la méthodologie employée, a agi sans support technique ou objectif et a agi par conviction personnelle

- l'absence de recours à un sapiteur expert-comptable qui aurait pu réaliser les calculs nécessaires au rapport et au litige

- la non-prise en compte de l'absence de fiabilité des IFU transmis, élément rappelé dans les dires à l'expert et le peu de sérieux des procédés utilisés

- l'attitude de la banque qui a retenu volontairement les documents nécessaires et l'absence de réponses aux interrogations des appelants, sans compter que la banque a obligation de rapporter la preuve de la régularité des opérations et des documents qu'elle édite

- le défaut de réponse de l'expert aux différents dires, qui en outre, invalide lui-même son rapport en qualifiant ses conclusions d'incertaines

- le fait que l'expert a renversé la charge de la preuve en demandant aux appelants de fournir les pièces à la place de la banque

- le défaut d'impartialité et d'objectivé de l'expert qui, concernant l'IFU 2003, indique que rien ne permet d'indiquer qu'il n'ait jamais été adressé aux appelants, ce qui relève de sa conviction personnelle

- le fait que l'expert n'a pas eu recours à une méthodologie claire et n'a pas entrepris de reconstituer les gains et pertes MONEP alors que cela était nécessaire, sans compter que le régime d'imposition mis en 'uvre par la banque était le mauvais

- le fait que les vices font dès lors grief à M. et Mme [K], qui ont perdu à nouveau trois ans pour faire reconnaître leur préjudice, sans compter que la cour peut s'affranchir des conclusions dudit rapport.

Concernant la responsabilité de la BPAURA dans la génération de leur préjudice, M. et Mme [K] ont mis en avant les éléments suivants :

- la mauvaise foi de l'intimée qui n'a pas conservé les pièces antérieures au 1er mars 2007, prétendant que la demande d'expertise daterait de 2008, alors qu'à cette date, la banque était encore tenue de la conservation des pièces

- la volonté de la banque de ne pas produire les pièces dans le cadre de l'expertise

- l'absence de réponse de la banque qui, dans le cadre de l'expertise n'a pas répondu sur les modalités internes de destruction des pièces

- le fait que la régularité du contenu des IFU repose sur la banque et non sur les clients,

- le fait qu'en 2011, la banque était en possession des documents, sans compter que le litige porte depuis l'origine sur les années 2003, 2004, 2005 et 2006, qui auraient dû être conservées dix ans après les dates, donc pendant le litige en cours

- le fait qu'aucun client n'a été destinataire d'un IFU en 2003, comme en atteste un autre client, M. [V],

- l'impossibilité de déclarer des pertes pour M. [K] qui se chiffrent à plusieurs dizaines de milliers d'euros

- le fait que l'expert n'a pu, du fait de l'attitude de la BPAURA, exercer sa mission, ne pouvant que procéder par extrapolation, et donc de manière non fiable, par rapport aux éléments remis, alors que la charge de la preuve reposait sur la banque

- le fait que la banque a agi de manière fautive en détruisant volontairement les preuves relatives au présent litige et en refusant de faire appel à des salariés qualifiés

- le défaut de communication, en 2003, des éléments nécessaires à leur gestionnaire de comptes.

Concernant leur préjudice, M. et Mme [K] ont mis en avant les éléments suivants :

- le défaut de respect de son obligation d'information et de loyauté par la banque pendant de nombreuses années, étant rappelé qu'ils ont dû engager une procédure lourde pour faire reconnaître leurs droits

- s'agissant du préjudice consécutif à l'irrégularité des IFU, la somme de 60.000 euros, étant rappelé que les erreurs présentes dans les IFU ont empêché la déclaration de pertes

- un préjudice moral pour chacun des époux à hauteur de 100.000 euros, étant rappelé que le litige est en cours depuis 2006

- un préjudice financier à hauteur de 237.323 euros outre intérêts à compter du 10 Juin 2006, préjudice chiffré par M. et Mme [K] sur demande de la BPAURA, qui n'a jamais démenti ce courrier adressé par lettre recommandée avec accusé de réception.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 octobre 2021 fondées sur les articles 1134 et 2224 du code civil, la société Banque populaire Auvergne Rhône-Alpes demande à la cour de :

- juger que toute demande au titre des années 2001 et 2002 est prescrite,

- juger que la demande formée à hauteur d'un préjudice financier est irrecevable pour avoir déjà été tranchée par l'arrêt du 13 avril 2017,

- débouter en tout état de cause Mme et M. [K] de toutes leurs demandes indemnitaires comme étant irrecevables et mal fondées,

- condamner Mme et M. [K] à supporter la totalité des dépens, y compris les frais de l'expertise judiciaire,

- condamner Mme et M. [K] à lui régler une somme complémentaire en cause d'appel de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise, la BPAURA a fait valoir les moyens suivants :

- concernant la collecte de pièces, le fait qu'elle a versé tous les documents en sa possession, ne pouvant remettre les documents antérieurs à 10 ans avant la mesure, étant rappelées les dispositions de l'article L123-22 du Code de Commerce qui fixe cette durée

- le fait que M. et Mme [K] ont indiqué à plusieurs reprises être en possession de tous les documents se plaignant de la tâche de copie leur incombant

- le fait que la demande d'expertise concernant l'IFU est intervenue en 2008 et non en 2006 et que de fait, la banque n'avait pas à conserver des pièces antérieures, étant rappelé que le délai de conservation n'a pas de lien avec le délai de prescription

- le fait qu'elle a participé à la mesure d'expertise en remettant les pièces demandées et en faisant de nombreuses recherches notamment concernant des microfiches et en répondant à chaque fois au courrier au conseiller de la mise en état

- le respect du principe du contradictoire dans le cadre de la mesure, les parties ayant validé la méthodologie à chaque étape, comme confirmé en page 27 du rapport, sans oublier que les conclusions du pré-rapport ont pu être discutées, l'expert ayant répondu à M. et Mme [K] dans son rapport en page 91 notamment concernant les résultats issus des deux méthodologies

- le fait que l'expert n'a pas eu en sa possession une dizaine de compte-rendus d'opérations sur des milliers d'opérations n'a pas d'incidence sur les conclusions et a été discuté.

Concernant les conclusions du rapport d'expertise, la BPAURA a mis en exergue les points suivants :

- l'absence d'erreurs significatives pour les exercices 2004 et 2005

- l'absence d'indices identifiés s'agissant d'erreurs éventuelles pour les exercices 2001 à 2003 s'agissant des montants de gains ou pertes dans les IFU

- le fait que les quelques erreurs relevées par l'expert étaient en faveur de M. et Mme [K]

- concernant l'IFU 2003, le fait que M. et Mme [K] ne se sont jamais manifesté en 2004 ou 2005 pour demander le duplicata de ce formulaire alors qu'ils devaient remplir leur déclaration fiscale de 2003, alors même qu'ils estimaient avoir réalisé des pertes, demande qui n'a pas été réalisée par la société en charge de la déclaration fiscale

- la remise par M. et Mme [K] de l'intégralité des IFU pour la période 2000 à 2006 à l'expert sans signaler l'absence de l'année 2003 comme il l'a fait remarquer

- le fait que M. et Mme [K] ont été en capacité de régulariser leur déclaration fiscale, le courrier de FIDAL établi en 2003 et 2004 ne faisant état d'aucune réserve sur un document qui serait manquant

- le fait que si de fortes pertes avaient été enregistrées, elles auraient été déclarées par le conseil fiscal de la société

- le caractère indifférent des éléments concernant les IFU remises aux frères de M. [K], et des éléments issus d'une autre mesure d'expertise avec une banque différente, éléments rappelés lors des réunions d'expertise sans pour autant que des pièces soient remises à l'expert

- le fait que l'expert a répondu aux questions posées par la cour dans le cadre de sa mission, indiquant l'absence de perte, en faisant usage de deux méthodologies, la critique de M. et Mme [K] concernant le choix du mode de calcul à l'origine étant invalidées.

S'agissant des demandes indemnitaires formées par M. et Mme [K], la BPAURA a sollicité leurs rejet en faisant valoir les éléments suivants :

- concernant les IFU, l'absence de tout préjudice puisque l'expert-comptable des appelants a déclaré une perte, ce qui démontre la possession des éléments nécessaires, sans compter l'existence d'une vérification fiscale

- l'absence de tout préjudice à ce titre concernant une « perte non déclarée » puisque des pertes ont effectivement été déclarées

- concernant la somme au titre d'un préjudice financier à hauteur de 237.323 euros, l'intimée a rappelé que ce point avait été soumis à la cour de cassation et que la cour de renvoi, dans sa décision du 13 avril 2017, a déjà rejeté cette demande qui est réitérée sans aucune explication

- concernant le préjudice moral allégué en raison de la longueur de la procédure, la BPAURA a fait valoir qu'au contraire, M. et Mme [K] ont fait montre d'un acharnement particulier à faire porter leur responsabilité sur la banque alors que les défaillances exposées étaient les leurs, et qu'ils sont à l'origine de leur propre préjudice.

Suivant conclusions notifiées le 18 janvier 2022, la BPAURA a sollicité l'irrecevabilité des conclusions notifiées par M. et Mme [K] les 13 et 14 décembre 2021, soit la veille de la clôture.

À l'appui de sa position, elle a fait fait valoir que M. et Mme [K] ont signifié des conclusions la veille de la clôture à 14h00, ne lui permettant pas d'en prendre connaissance et d'y répondre dans le respect des dispositions de l'article 15 du Code de Procédure Civile.

La société Natixis n'a pas déposé de nouvelles conclusions suite à l'arrêt avant dire droit rendu le 2 mars 2017.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 décembre 2021, les débats étant fixés au 4 janvier 2023.

Par ordonnance du 11 janvier 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Lyon a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 20 décembre 2021 déposée par la société BPAURA.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le demande de rejet des écritures notifiées les 13 et 14 décembre 2021 par M. et Mme [K]

L'article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Par ordonnance du 11 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture sollicitée par le conseil de la BPAURA en raison de la communication tardive des conclusions des appelants avant la date de clôture.

La cour est saisie de la même demande s'agissant des dernières conclusions transmises par les appelants.

Il est relevé que les dernières conclusions des appelants ne comportaient pas de demandes nouvelles ou de nouveaux moyens nécessitant de manière impérative des conclusions de la part de la société intimée.

Dès lors, la demande présentée sera rejetée.

Sur le demande de nullité du rapport d'expertise

L'article 175 du code de procédure civile dispose que la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

Il convient de reprendre les griefs élevés par M. et Mme [K].

Concernant la collecte des pièces, les éléments du rapport permettent de déterminer que l'expert a obtenu les pièces nécessaires de la part des parties, tant par M. et Mme [K] que par la BPAURA, étant rappelé que cette dernière n'était pas tenue à la conservation des pièces de plus de 10 ans, le fait qu'un contentieux soit en cours n'ayant pas valeur supérieure aux dispositions de l'article L123-22 du code de commerce.

En outre, les détails du rapport mènent au constat de ce que la BPAURA a mené des recherches par le biais de ses services via le système de microfiches.

Au surplus, l'expertise étant une mesure à laquelle chaque partie collabore, il n'y a pas lieu d'invoquer une charge supérieure de l'une ou l'autre, cela n'étant pas un critère retenu par les textes régissant les expertises aux articles 232 et suivants du code de procédure civile.

La chronologie de la mesure d'expertise telle que détaillée aux pages 7 à 17 du rapport démontre que les investigations nécessaires, notamment concernant les demandes de pièces, ont été exposées de manière constante et discutées avec les parties quant à leur opportunité et à leur contenu.

De même, les échanges entre les parties et l'expert, sous le couvert du conseiller de la mise en état démontrent le caractère contradictoire des investigations menées dans le cadre de la mesure.

L'expert détaille la méthode employée pour vérifier le contenu des IFU querellés.

S'agissant des années 2004 et 2005, en application de la méthode discutée avec les parties, étant rappelé que pour ces deux années, l'expert disposait de l'intégralité des documents, il est indiqué un écart restreint qui, s'il constituait une erreur de la banque, se faisait en faveur des époux [K] et in fine, une absence de différentiels significatifs réels pour ces exercices, le même raisonnement étant effectué pour les années 2003.

Il indique en outre qu'en l'absence d'erreurs significatives constatées pour les années 2004 et 2005, ou d'indices identifiés concernant les années 2002 et 2003, s'agissant des montants des gains et des pertes dans les IFU, il n'y avait pas lieu d'envisager le calcul d'un éventuel préjudice pour les époux [K], ne lui permettant pas de la sorte de répondre à la question posée par la cour d'appel.

Sur le fait que l'expert indique à plusieurs reprises qu'il ne peut répondre à la question posée par la cour d'appel, il convient d'en revenir à la mission et de manière systématique à l'ensemble de paragraphe de réponse de l'expert qui indique l'absence de préjudice de M. et Mme [K], en l'absence de différentiel réel et d'incidence sur leurs déclarations fiscales.

Dès lors, l'expert a exercé sa mission, indiquant simplement en réponse aux questions qu'il ne pouvait y en avoir.

S'agissant de la réponse aux dires des parties, notamment de M. et Mme [K], la lecture du rapport mène à constater que l'expert a répondu à l'ensemble des dires des parties, notamment du dire numéro 6 du conseil de M. et Mme [K], mais aussi que la méthodologie, critiquée par les appelants, a fait l'objet de discussion quant à sa mise en 'uvre, ce, dès avril 2018, chaque partie étant invitée à faire part de sa position.

En outre, en page 91, un comparatif est mené avec les résultats des trois méthodes, sur la base des documents fournis par le conseil des appelants, soit les relevés bancaires des années litigieuses.

Enfin, les parties ont eu la possibilité de discuter les éléments du rapport dans le cadre de la transmission du pré-rapport, les réponses aux dires étant apportées à partir de la page 82 suite à la diffusion du pré-rapport.

L'intégralité de ces éléments permet de constater que l'expert a accompli sa mission dans le respect du principe du contradictoire et a veillé à associer les parties à sa démarche et à les informer des difficultés mais aussi de l'avancée de la mesure.

Dès lors, c'est à tort que M. et Mme [K] prétendent à la nullité du rapport d'expertise. Les moyens présentés étant de nul effet, il convient de les rejeter.

Sur les demandes au fond présentées par M. et Mme [K]

- Sur la demande d'indemnisation à hauteur de 237.323 euros

Sur ce point, il est relevé que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 2 mars 2017, a confirmé le jugement entrepris sauf concernant la demande d'expertise au titre des IFU, l'indemnisation de Mme [K] pour la somme de 37.408,30 euros et s'agissant des dommages et intérêts à verser à la BPAURA et à Natexis, ainsi que l'indemnité de procédure.

Le jugement du 8 juin 2011 rendu par le Tribunal de Commerce de Saint Étienne avait rejeté l'intégralité des demandes d'indemnisation de M. et Mme [K], parmi lesquelles la demande à hauteur de 237.323 euros.

De fait, la décision du 2 mars 2017 qui a confirmé le jugement critiqué sur ce point a acquis autorité de chose jugée et la cour ne saurait statuer à nouveau à ce titre, étant retenu que les appelants sollicitent à nouveau cette somme au titre de leur préjudice.

En conséquence, la demande irrecevable en application de l'article 122 du code de procédure civile, ne saurait être traitée.

- Sur les demandes au titre des IFU et d'une perte non déclarée pour l'année 2003

La cour relève qu'au terme de l'expertise, aucun préjudice n'a été engendré pour les appelants concernant les mentions relatives aux IFU versés au débat ni concernant l'année 2003 qui a été reconstituée sur la base des documents obtenus dans le cadre de la mesure d'expertise.

De même, M. et Mme [K] ne rapportent pas la preuve de ce qu'ils auraient subi un redressement fiscal en raison du contenu et des mentions des IFU.

Par ailleurs, ils ne peuvent, en raison de la prescription, former une quelconque réclamation au titre des années 2001 et 2002, laissant uniquement la question des années subséquentes jusqu'à 2006.

M. et Mme [K] qui indiquent ne jamais avoir reçu l'IFU pour l'année 2003, n'expliquent toutefois pas de quelle manière ils ont pu faire les déclarations nécessaires au titre de l'année fiscale en question, étant retenu qu'ils ont pu déclarer une perte au titre de l'année en question.

De même, s'ils peuvent invoquer des éléments ayant concerné les frères de M. [K], ils ne démontrent pas avoir pris attache avec la banque concernant le contenu de l'IFU 2003 ou son absence, aucune explication n'ayant été apportée dans le cadre des écritures ou de la mesure d'expertise.

S'ils invoquent dans leurs écritures de nombreux préjudices, il doit toutefois être retenu que lesdits préjudices ne sauraient être qualifiés faute d'être fondés sur une base objective, sans compter que les éléments de l'expertise mènent à identifier une absence de préjudice, ce qui vient au soutien de la position de la société intimée.

La demande de 60.000 euros de dommages et intérêts pour « perte non déclarée », au terme de l'ensemble des débats ne repose que sur les allégations des appelants qui ne peuvent suffire à caractériser un préjudice. Le fait d'avoir réalisé des pertes sur les autres années ne suffisant pas à fixer une somme au titre de l'année 2003, étant rappelé que des pertes ont déjà été déclarées.

Faute de rapporter la preuve du préjudice allégué, il ne saurait être fait droit à la demande d'indemnisation de M. et Mme [K], la décision déférée étant en conséquence conformée.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

S'agissant de Mme [K], et tenant compte du retard pris dans le versement de la somme de 37.408,30 euros, avec un impact sur le montant de sa retraite, il convient de faire droit partiellement à sa demande de dommages et intérêts, étant rappelé que seul le retard sera pris en compte, aucun autre élément ne permettant de faire droit à la demande présentée dans sa totalité.

En conséquence, la BPAURA sera condamnée à verser à Mme [K] la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral.

S'agissant de M. [K], il est relevé que celui-ci ne justifie d'aucun préjudice personnel et particulier, étant retenu qu'il échoue en toutes ses prétentions au terme de l'instance.

Dès lors, sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

M. et Mme [K] qui échouent dans la quasi-totalité de leurs prétentions seront condamnés à supporter les dépens de l'instance, qui comprendront notamment la charge définitive de la mesure d'expertise.

L'équité commande d'accorder à la BPAURA une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. et Mme [K] seront condamnés à leur verser la somme de 10.000 euros à ce titre.

L'équité ne commande pas d'accorder à M. et Mme [K] une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l'appel

Rejette la demande d'irrecevabilité des conclusions de M. et Mme [K] des 13 et 14 décembre 2021,

Rejette la demande de nullité du rapport d'expertise déposé par M. [O] [C],

Déclare irrecevable la demande d'indemnisation pour préjudice financier à hauteur de 237.323 euros au regard de l'autorité de chose jugée,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a refusé la demande de préjudice moral au profit de Mme [U] épouse [K],

Statuant à nouveau

Condamne la Banque Populaire Rhône-Alpes à verser à Mme [D] [U] épouse [K] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Y ajoutant

Condamne M. [P] [K] et Mme [D] [U] épouse [K] à supporter les entiers dépens de l'instance en ce compris la charge définitive de la mesure d'expertise ordonnée par arrêt de la cour d'appel de Lyon en date du 13 avril 2017,

Condamne M. [P] [K] et Mme [D] [U] épouse [K] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes la somme de 10.000 euros à titre d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile formée par M. [P] [K] et Mme [D] [U] épouse [K].

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre a
Numéro d'arrêt : 15/01413
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;15.01413 ?
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