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17/02/2023 | FRANCE | N°20/02981

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre sociale b, 17 février 2023, 20/02981


AFFAIRE PRUD'HOMALE



RAPPORTEUR





N° RG 20/02981 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M7Q3





Société. RONSARD

C/

[U]







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 13 Mai 2020

RG : 19/00119











COUR D'APPEL DE LYON



CHAMBRE SOCIALE B



ARRÊT DU 17 FEVRIER 2023







APPELANTE :



Société RONSARD

[Adresse 2]

[Loca

lité 4]



représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Olivier BARRAUT, avocat au barreau de LYON



INTIMÉ :



[O] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]



représenté par Me Marion MECATTI, avocat plaid...

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 20/02981 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M7Q3

Société. RONSARD

C/

[U]

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURG EN BRESSE

du 13 Mai 2020

RG : 19/00119

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 17 FEVRIER 2023

APPELANTE :

Société RONSARD

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Olivier BARRAUT, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

[O] [U]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Marion MECATTI, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON

et représenté par Me Lidwine MEYNET de la SELARL LYTEM AVOCAT, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 11 Janvier 2023

Présidée par Béatrice REGNIER, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Rima AL TAJAR, Greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, président

- Catherine CHANEZ, conseiller

- Régis DEVAUX, conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Février 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Président et par Rima AL TAJAR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

M. [O] [U] a été engagé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée le 6 février 2018 par la SAS Ronsard en qualité de responsable commercial.

Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 15 avril 2019.

Saisi par M. [U] le 13 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Bourg en Bresse a, par jugement du 13 mai 2020 :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS Ronsard à payer au salarié les sommes de :

- 3 600 euros, outre 360 euros de congés payés, au titre du solde de la prime d'objectifs de 2018,

- 1 262,48 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 9 096,60 euros, outre 909,66 euros de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 6 064 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

Par déclaration du 12 juin 2020, M. [U] a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées.

Par conclusions transmises par voie électronique le 31 août 2020, la SAS Ronsard demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ses condamnations à son préjudice, de débouter M. [U] de l'ensemble de ses réclamations et de le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

- c'est en raison de la réorganisation de la stratégie commerciale de l'entreprise en 2018 que les modalités de versement des primes d'objectifs n'ont été déterminées qu'avec retard ; qu'il a été décidé d'attribuer aux commerciaux une prime calculée sur la moyenne de la réalisation des objectifs en 2017, soit 60 % proratisés en fonction du temps de présence des salariés sur l'année 2018 ; que, les modalités de calcul de la prime ayant bien été définies, M. [U] ne peut prétendre au maximum de la prime ;

- aucun manque grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail n'est établi ; que le défaut de paiement de la totalité de la prime 2018 est ancien ; que, s'agissant de la fixation des objectifs 2019, ils ont été présentés lors d'une réunion des 26 et 27 mars 2019 ; qu'à supposer que le changement concernant le montant maximum de la prime - nécessité par un changement de date dans l'exercice comptable en raison du rapprochement du groupe Triskalia avec le groupe D'Aucy - constitue une modification du contrat de travail de M. [U], celle-ci ne saurait constituer un manquement grave de l'employeur dans la mesure où la situation a été régularisée, la fixation des objectifs ayant été opérée dès le mois de mars 2019 ;

- la prise d'acte devant s'analyser comme une démission, M. [U] est redevable d'une indemnité compensatrice de préavis.

Par conclusions transmises par voie électronique le 26 novembre 2020, M. [U], qui a formé appel incident, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SAS Ronsard à lui payer les sommes de :

- 3 600 euros, outre 360 euros de congés payés, au titre du solde de la prime d'objectifs de 2018,

- 1 262,48 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 9 096,60 euros, outre 909,66 euros de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- l'infirmer pour le surplus et :

- condamner la SAS Ronsard à lui régler les sommes de :

- 7 296,41 euros ou subsidiairement 6 696,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte du droit à abondement de son compte personnel formation,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- les intérêts au taux légal,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner sous astreinte la SAS Ronsard à lui remettre une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte rectifiés.

Il fait valoir que :

- la SAS Ronsard a failli à ses obligations contractuelles concernant la prime d'objectifs 2018 dans la mesure où elle n'a pas fixé les objectifs et a fixé arbitrairement et unilatéralement une prime basée sur des éléments étrangers à sa relation contractuelle avec la société en appliquant au surplus un proprata à son temps de présence non prévu au contrat ; qu'il a donc droit à un rappel de prime au titre de l'année 2018 ;

- la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu des manquements graves de la SAS Ronsard : absence de fixation des objectifs et fixation de la prime à 4 400 euros pour l'année 2018, fixation tardive de ses objectifs pour l'année 2019 (le 15 avril, soit juste après sa prise d'acte), modification de son contrat de travail dans la mesure où, pour l'année 2019, le montant maximum de la prime sur objectifs était limité à 4 000 euros ; que, cette modification ayant un motif économique, les partenaires sociaux auraient pu intervenir et il aurait pu bénéficier de dispositifs plus avantageux ;

- il a perdu le droit à abondement de son compte personnel formation auquel il aurait pu prétendre en cas de refus de modification de son contrat de travail résultant de l'application d'un accord de performance collective ;

- la fixation tardive d'objectifs irréalisables et imprécis pour 2019 constitue une exécution déloyale du contrat de travail et lui a causé un préjudice.

SUR CE :

Attendu que la cour observe en premier lieu que, dans le dispositif de ses conclusions, la SAS Ronsard ne demande l'infirmation du jugement qu'en ce qu'il prononce des condamnations à son encontre et ne sollicite pas d'indemnité compensatrice de préavis - cette prétention ne figurant que dans les motifs des écritures ; que,conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l'article 954 du code de procédure civile qui prévoient que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, la cour constate que la société ne maintient pas en cause d'appel la demande d'indemnité compensatrice de préavis qu'elle avait présentée à titre reconventionnel en première instance ;

- Sur le solde de la prime d'objectifs 2018 :

Attendu, d'une part, que, lorsque les objectifs sont fixés par l'employeur en vertu de son pouvoir de direction, ils doivent être fixés en début d'exercice ;

Que, d'autre part, lorsque l'employeur manque à son obligation de fixation des objectifs, aucune diminution de la part variable ne peut être décidée et la rémunération variable doit être versée dans son intégralité ;

Qu'enfin, lorsqu'une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice ;

Attendu qu'en l'espèce l'article 3 du contrat de travail de M. [U] prévoit le versement, au profit du salarié, d'un salaire mensuel de base, d'une prime annuelle ainsi que 'd'une prime sur objectifs d'un montant annuel brut de 8.000 € maximum dont les modalités d'attribution seront fixées en début d'année' ;

Attendu qu'il est constant que, au titre de l'année 2018, aucun objectif n'a été fixé à M. [U] ;

Que, conformément aux principes susvisés, l'intéressé a droit au montant maximal de la prime sur objectifs prévue au prorata de son temps de présence, sans que la SAS Ronsard ne puisse valablement arguer des motifs l'ayant conduite à omettre de fixer des objectifs au début de la relation contratuelle ;

Que, le salarié ayant été présent 329 jours sur 365, il aurait dû percevoir 7 210,95 euros ; qu'ayant touché 4 400 euros, il lui revient 2 810,95 euros, outre 281,09 euros de congés payés ; que ce montant produira intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation ;

- Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail :

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; que cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;

Attendu qu'en l'espèce, par des motifs pertinents que la cour adopte, le conseil de prud'hommes a justement considéré que la SAS Ronsard avait à plusieurs titres gravement failli à ses obligations et que ces manquements avaient empêché la poursuite du contrat de travail ; qu'il a ainsi à bon droit retenu que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la cour ajoute que la décision de ne pas verser de prime d'objectifs sur le premier trimestre 2019 et la fixation d'une prime limitée à 4 000 euros maximum pour le second aboutissaient à modifier le contrat de travail de M. [U] et qu'une telle modification sans son accord est également constitutive d'une violation grave de la SAS Ronsard à ses obligations ;

Attendu que M. [U] a droit à une indemnité compensatrice de préavis de 9 096,60 euros, outre 909,66 euros de congés payés, correspondant, conformément aux dispositions de l'article 11 de l'annexe IV à la convention collective des industries de la transformation des volatiles, à trois mois de salaire ainsi qu'à une indemnité de licenciement de 1 262,48 euros - montants sur lesquels la SAS Ronsard ne formule aucune observation ;

Que, compte tenu de son ancienneté, il peut également prétendre, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 1 et 2 mois de salaire ; que son salaire brut moyen sur les 12 derniers mois s'élevait à 3 348,20 euros, soit 3 582,44 euros avec la réintégration du reliquat de la prime sur objectifs 2018 ; que son préjudice est évalué à la somme de 7 164,89 euros correspondant à deux mois de salaire ; que ce montant produira intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 6 064 euros et du présent arrêt sur le surplus ;

- Sur les dommages et intérêts pour perte de l'abondement sur le compte formation:

Attendu qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que les conditions d'un accord de performance collective étaient remplies, ni que M. [U] aurait refusé une modification de son contrat de travail dans ce cadre ; que, faute pour le salarié d'établir qu'il a perdu le droit à abondement de son compte personnel formation tel que prévu à l'article R. 6323-3-2 du code du travail, sa demande de dommages et intérêts est rejetée ;

- Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Attendu que les objectifs pour l'année 2019 ont été adressés à M. [U] juste après sa prise d'acte ; qu'un tel envoi tardif, caractéristique d'une exécution déloyale du contrat de travail, ne lui a pas permis de mesurer ses objectifs ni de les réaliser au cours de son temps de présence dans l'entreprise en 2019 ; que le préjudice subi de ce chef est évalué à la somme de 2 000 euros ; que ce montant produira intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;

- Sur la remise des documents sociaux rectifiés :

Attendu que, compte tenu de la solution donnée au litige, il est fait droit à cette réclamation dans les conditions fixées au dispositif et sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;

- Sur les frais irrépétibles :

Attendu qu'il convient pour des raisons tenant à l'équité d'allouer à M. [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel, les dispositions du jugement relatives aux frais exposés en première instance étant quant à elles confirmées ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Constate que la SAS Ronsard ne maintient pas en cause d'appel la demande d'indemnité compensatrice de préavis présentée à titre reconventionnel en première instance,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sauf à dire qu'il ne s'agit pas d'une requalification mais que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS Ronsard à payer à M. [O] [U] les sommes de :

- 1 262,48 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 9 096,60 euros, outre 909,66 euros de congés payés, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

sauf à préciser que ces montants produiront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,

- 1 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

sauf à préciser que ce montant produira intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- débouté M. [O] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour perte du droit à abondement de son compte personnel formation,

- condamné la SAS Ronsard aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,

Condamne la SAS Ronsard à payer à M. [O] [U] les sommes de :

- 2 810,95 euros, outre 281,09 euros de congés payés, à titre de solde de la prime sur obejctifs 2018,

ces montants produisant intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

- 7 164,89 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ce montant produisant intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement sur la somme de 6 064 euros et du présent arrêt sur le surplus,

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

ces montants produisant intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Ordonne à la SAS Ronsard de remettre à M. [O] [U] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt,

Condamne la SAS Ronsard aux dépens d'appel,

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre sociale b
Numéro d'arrêt : 20/02981
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;20.02981 ?
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